Thé à la menthe

Le thé à la menthe (en arabe standard moderne شاي بالنعناع (chāï binna‘nā‘) ou, plus communément, en arabe maghrébin أتاي (atāy), لأتاي (latāy) et en berbère ⴰⵜⴰⵢ, atay) est une boisson chaude réalisée à partir de feuilles de thé et de feuilles de menthe, originaire du Maroc. La consommation du thé s'est étendue par la suite dans le reste du Maghreb, mais également en Afrique subsaharienne et en Afrique de l'Ouest du fait de la colonisation et des flux de population. On prête à ce breuvage un grand nombre de vertus, notamment toniques et digestives.

Pour la musique ou le film intitulés « Thé à la menthe », voir La Caution et Le Thé à la menthe.

Thé à la menthe

Thé à la menthe traditionnel marocain

Pays d’origine Maroc
Date de création XIXe siècle
Principaux ingrédients Thé, menthe, sucre
Couleur Ambre
Parfum(s) Thé, menthe
Variante(s) Thé, café arabe, maté

Depuis l’Antiquité, la menthe a été utilisée dans tout le pourtour méditerranéen comme infusion, décoction ou en phytothérapie. Cette herbe aromatique a été fortement consommée en Algérie comme traitement et prévention contre le choléra[1] qui avait touché le pays de 1835 à 1865[2].

Histoire

Dans un compte-rendu commercial du IXe siècle, Soliman, un marchand arabe, raconte ses expéditions en Chine et fait mention du thé comme une herbe presque sacrée, dont l’importance est essentielle dans la société chinoise : c’est la trace écrite la plus ancienne, en dehors de textes chinois, que l’on ait sur le thé.

Bien qu’il soit aujourd’hui devenu une boisson traditionnelle au Maghreb, le thé à la menthe est, en fait, historiquement assez récent. Passant par le Pakistan, l’Iran, la péninsule arabique et la Turquie, le thé arriva en Égypte vers le XVIe siècle. Mais sa progression s’arrêta là, et la plante chinoise ne traversa pas le désert de Libye. Les Britanniques introduisent le thé en poudre en Afrique du Nord aux XVIIIe et XIXe siècles par deux voies, le Maroc et l'Algérie[3].

Au XVIIIe siècle, le thé vert de Chine fut introduit au Maroc à la cour du sultan Moulay Ismail [4],[5] grâce aux cadeaux que lui font les ambassadeurs européens. Grâce aux cargaisons de thé vert acheminées par les navires de la Compagnie britannique des Indes orientales vers les ports maghrébins, l'usage de cette plante commença à se répandre dans les cuisines.

Au milieu du XIXe siècle, les Anglais étaient confrontés à la perte des marchés slaves, à la suite de la guerre de Crimée. Ils cherchaient de nouveaux débouchés[6],[7]et c’était vers le Maroc, plus précisément les ports de Mogador et de Tanger[8], qu’ils se tournèrent pour écouler leurs stocks en thé vert. Les marocains y ajoutent de la menthe pour adoucir l'amertume et se l'approprient immédiatement[8], créant ainsi le thé à la menthe.

Les puissances coloniales vont étendre et moderniser la production de thé dans leurs colonies asiatiques. Les Britanniques avaient introduit la culture du thé en Inde, les Français la développèrent en Indochine et les Néerlandais en Indonésie. Cette mutation augmenta considérablement la production du thé, cette plante n'était alors plus une denrée rare, son prix baissa et devint accessible à toutes les couches sociales[9]. Grâce aux populations nomades, le thé se diffusa rapidement dans tout le Maghreb, puis dans toute l’Afrique de l’Ouest. Petit à petit, un cérémonial destiné à la consommation du thé se mit en place[10], et tout un folklore, ainsi qu’un artisanat, se développa autour de cette boisson.

Aujourd’hui, le thé vert à la menthe apparaît, à première vue, comme une tradition immuable. Offrir du thé à la menthe en signe d'hospitalité, fait désormais partie des règles du savoir-vivre, non seulement au Maroc, mais aussi dans tout le Maghreb.

Préparation

Au Maghreb, le thé à la menthe est très souvent une affaire d'homme : généralement préparé par le chef de famille[6].

La boisson est faite à partir de thé vert et d'une botte de menthe verte fraîche, avec quelques morceaux de sucre en lingots. La théière est tout d'abord ébouillantée. On y ajoute ensuite le thé que l'on « nettoie » en y mettant une petite quantité d'eau bouillante que l'on jette après l'avoir laissé une minute dans la théière. Après y avoir mis le sucre et la menthe, on remplit la théière d'eau bouillante et on laisse infuser deux à trois minutes. On remplit alors deux à trois fois un verre que l'on reverse aussitôt dans la théière, de façon à oxygéner l'eau et donner plus de goût à l'infusion. Il s'agit ensuite, en goûtant périodiquement le thé dans un verre, de déterminer le moment où l'infusion est parfaitement réalisée. On rajoute éventuellement du sucre et de la menthe, si le thé en manque.

Une fois la préparation terminée, on soulève la théière par l'anse, tout en levant le bras vers le haut et on verse lentement la boisson chaude dans un verre vide. Ce mouvement précis du bras a pour but d'oxygéner et d'accroître le goût du thé. Une fois le verre rempli, une épaisse mousse se forme au-dessus de la boisson, c'est un signe qui confirme la réussite de l'infusion.

La recette varie selon les goûts : on peut y ajoute quelques pignons de pin, de la sauge, de la verveine, du miel, de la cannelle, du galanga. En hiver, quand la menthe se fait rare, il arrive qu'on la remplace par des feuilles d'absinthe (chiba ou ch'hiba en dialecte maghrébin)[6]. Ces derniers donnent au thé une amertume très prononcée[11]. En Tunisie, on rajoute une feuille de menthe dans le verre thé.

Traditionnellement, le thé est servi trois fois par jour. La particularité de son service est due au fait que l'on conserve les feuilles de thé et de menthe verte dans la théière, qui continuent à infuser. Au fur et à mesure des services, la boisson obtenue change de saveur et d'aspect (léger au premier, équilibré au second, très astringent et amer au dernier)[4].

« Le premier verre est aussi doux que la vie. Le deuxième est aussi fort que l'amour. Le troisième est aussi amer que la mort. »

 Proverbe touareg à propos du thé.

Notes et références

  1. Jean-Bruno Cayol, Instruction pratique sur le régime et le traitement du choléra-morbus épidémique au printemps de 1832, Librairie Gabon, 1832, 52 p.
  2. Docteur Vincent Marie Antoine et Victor Collardot, Le Choléra, d'après les neuf épidémies qui ont régné à Alger, depuis 1835 jusqu'en 1865, Victor Rozier éditeur, Librairie de la médecine, de la chirurgie et de la pharmacie militaire, 1867.
  3. (en) Ken Albala, Food Cultures of the World Encyclopedia [4 volumes]: [Four Volumes], ABC-CLIO, (ISBN 978-0-313-37627-6, lire en ligne)
  4. « Saveurs et cuisine du Maroc. Le thé au Maroc, Un nectar couleur ambre », sur www.saveursetcuisinedumaroc.com (consulté le ).
  5. Alain Huetz de Lemps, Boissons et civilisations en Afrique, Presses Universitaires de Bordeaux, , 658 p. (ISBN 978-2-86781-282-8, lire en ligne).
  6. « Maroc : thé à la menthe », sur www.confrerieduthe.org, (consulté le ).
  7. Christian Grataloup, Le monde dans nos tasses : Trois siècles de petit déjeuner, Armand Colin, , 240 p. (ISBN 978-2-200-61924-4, lire en ligne).
  8. Jean-Luc Toula-Breysse, Les nouilles coréennes se coupent aux ciseaux. Miscellanées gourmandes et voyageuses, Arthaud, , 187 p. (ISBN 978-2-08-135474-6, lire en ligne).
  9. Manger au Maghreb. Approche pluridisciplinaire des pratiques de table en Méditerranée du Moyen Âge à nos jours, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, , 200 p. (ISBN 978-2-85816-836-1, lire en ligne).
  10. Daniel Rivet, Histoire du Maroc, Fayard, , 456 p. (ISBN 978-2-213-67465-0, lire en ligne).
  11. (en) Almaany Team, « تعريف و معنى نعناع بالعربي في معجم المعاني الجامع، المعجم الوسيط ،اللغة العربية المعاصر - معجم عربي عربي - صفحة 1 », sur www.almaany.com (consulté le ).

Bibliographie

  • Noufissa Kessar-Raji, L'Art du thé au Maroc, ACR Édition, 2003, 312 p. (ISBN 2867701635 et 9782867701634).
  • Théodore Monod, Méharées, exploration au vrai Sahara, Paris, Éditions Je sers, 1937 ; réédition Actes Sud, coll. « Babel », 1989.

Voir aussi

Articles connexes

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