Sylvain Salnave

Sylvain Salnave, né le au Cap-Haïtien et mort le à Port-au-Prince, est un militaire et homme d'État haïtien, qui dirigea Haïti du au , en tant que « protecteur de la Nation »[1].

Sylvain Salnave

Sylvain Salnave (gravure de 1892).
Fonctions
Protecteur de la Nation d'Haïti[1]

(2 ans, 7 mois et 15 jours)
Prédécesseur Nissage Saget (intérim)
Fabre Geffrard (président de la république)
Successeur Nissage Saget (président de la république)
Biographie
Date de naissance
Lieu de naissance Cap-Haïtien (Haïti)
Date de décès
Lieu de décès Port-au-Prince (Haïti)
Nationalité Haitien
Conjoint Wilmina Delacourse
Profession Militaire
Religion Catholicisme
Liste des chefs d'État d'Haïti

Arrivé au pouvoir par un coup d'État contre le président Fabre Geffrard, il prend les pleins pouvoirs, dissout le Sénat et se maintient en place grâce au soutien de l'armée. Son régime dut néanmoins faire face à plusieurs guerres civiles constantes entre les différentes factions républicaines qui contestent son pouvoir[2].

Décrit comme anti-bourgeois, Salnave mène une politique sévère à l'égard des possédants, leur imposant des taxes destinées à améliorer le sort de la population et demandant aux commerçants de baisser les prix des produits de première nécessité. La bourgeoisie se révolte. Salnave ordonne alors de construire des magasins d'État, qui existent encore de nos jours. Il engagea aussi de grandes dépenses pour moderniser la flotte militaire, ce qui contribua à affaiblir l'économie du pays et à appauvrir la population. Menée par les rivaux de Salnave, parmi lesquels Nissage Saget, la rébellion républicaine se poursuit contre la dictature salnaviste. En 1868, elle s'étend au Nord et au Sud de l'île. Salnave tente d'écraser l'insurrection mais doit reculer avant de se retrancher à Port-au-Prince. Les rebelles assiègent la ville puis la bombardent, notamment à l'aide de « La Terreur », un navire de la marine de guerre haïtienne tombé entre leurs mains. Lors de ce bombardement le palais présidentiel fut détruit[3]. Le , Salnave réussit à s'échapper avec un bataillon de mille hommes en direction de Pétionville. Il décide ensuite de gagner la République Dominicaine pour obtenir l'aide du président Buenaventura Báez. Mais il est capturé par le général Cabral le et livré à Saget qui le fait juger puis exécuter.

Carrière militaire

Fils de Sylvestre Salnave et de Fillette Ragonse, un couple mulâtre et métis[4], il reçut une instruction bourgeoise. Il s'engage dans l'armée en 1850[5]. Capitaine de cavalerie, il se rallie dans un premier temps à Fabre Geffrard qui vient de renverser Faustin Soulouque et de rétablir la République.

Geffrard, dont la popularité a commencé à décliner, était impuissant à punir Salnave, qui s'imposa bientôt comme le principal opposant au régime républicain. Salnave a promu et encouragé les insurrections fréquentes aux frontières. En 1864, il encouragea une insurrection dans le nord d'Haïti, mais le mouvement fut stoppé avec l'aide des Espagnols. En , Salnave dirigea un nouveau soulèvement aux Gonaïves. Bien qu'il ait été vaincu à nouveau, la révolte a continué à augmenter. Geffrard a démissionné de la présidence le et est parti pour la Jamaïque, où il a passé le reste de sa vie[6].

Le coup d'État

Après le départ de Geffrard, le Conseil des secrétaires d'État est devenu l'autorité suprême pendant un certain temps. Mais en , Salnave arriva à Port-au-Prince, où il reçut un accueil chaleureux de la part de ses partisans. Le , il rejoint le gouvernement provisoire présidé par Nissage Saget. Ce dernier voit en Salnave une menace pour la République. Les partisans étaient mécontents de cette répartition du pouvoir et, sous leur pression, Salnave prit, le , le commandement des troupes dans la capitale, renversa la présidence provisoire, et prit le titre de "Protecteur de la Nation". L'attitude des masses et la popularité croissante de Salnave ont commencé à inquiéter les libéraux, qui se sont retrouvés une fois de plus obligés de se soumettre à un militaire. Cette défiance à l'égard de leur nouveau chef était de mauvais augure pour le pays. Soutenu par d'anciens impérialistes, Salnave met en place son régime.

Au pouvoir

Le , Salnave signe une nouvelle constitution et rétablit la présidence à vie[6]. Il a gagné la sympathie du peuple par son courage et ses goûts simples. Mais il est loin d'être un libéral, à tel point qu'il s'oppose bientôt au corps législatif qui pensait que le moment était venu de mettre en place le système parlementaire. Le , la rupture avec le Congrès était totale, à la suite d'une interpellation du Cabinet par la Chambre des représentants concernant l'arrestation et l'emprisonnement du général Leon Montas. À cette époque, les paysans avaient pris les armes à Vallières contre Salnave et le général était accusé d'être l'instigateur, sinon le chef du soulèvement. Les membres du Cabinet ont ouvertement accusé la Chambre des représentants de connivence avec les rebelles. Le , la foule envahit le bâtiment et chassa les membres du Congrès. Cet acte de violence inconsidéré a eu de graves conséquences.

En expulsant de force les membres de la Chambre des représentants, Salnave avait suspendu la Constitution ; conséquence, le , il a commis une autre erreur en permettant aux officiers et aux sous-officiers de son armée, dont le quartier général se trouvait à Trou-du-Nord, de former une pétition demandant la suspension de la Constitution et une dictature pour le pouvoir exécutif. Ainsi, Salnave s'octroie un pouvoir illimité[6].

Nissage Saget, qui était alors commandant de l'arrondissement de Saint-Marc, a pris les armes contre cette usurpation. Une fois de plus frustré dans l’espoir d’un gouvernement fondé sur la légalité et la liberté, le pays a atteint l’une des périodes les plus critiques de son existence, l’insurrection devenant bientôt générale. Les insurgés du Sud avaient leur siège à Carrefour, à trois lieues de la capitale.

Salnave essaya de les accepter ; mais, échouant dans sa tentative, il résolut de compter désormais sur son énergie et sa valeur pour maintenir son autorité. Il avait l'avantage de l'unité de commandement sur ses adversaires, car les rebelles du Sud avaient de nombreux chefs. À la suite d'une contre-révolution survenue à Léogâne et dans les montagnes de Jacmel, les insurgés ont été contraints de lever le siège de Port-au-Prince le . Ils ont ressenti la nécessité d'organiser leur gouvernement : le , Nissage Saget est proclamé président provisoire à Saint-Marc.

Guerre civile et chute

L'intrépidité de Salnave lui donna pendant un moment toutes les chances d'écraser ses ennemis[6]. Il avait acheté un paquebot aux États-Unis pour remplacer les deux navires de guerre, le et le Geffrard , qui avaient été livrés aux insurgés[6]. Le nouveau bateau à vapeur, baptisé Alexandre Pétion, est arrivé à Port-au-Prince le [6]. Le lendemain, Salnave monta à bord et se dirigea vers Petit-Goâve, où les deux bateaux à vapeur appartenant aux rebelles ont été ancrés. L’Alexandre Pétion a ouvert le feu sur le , qui a été coulé ; le commandant du Geffrard a sabordé son navire pour l'empêcher d'être capturé[6].

Ce succès fit de Salnave le maître de Petit-Goâve, que les insurgés furent obligés d'évacuer. En , tout le département du Sud est de nouveau sous son autorité, à l'exception de Jérémie et des Cayes, qui sont étroitement encerclés[6]. Depuis Camp-Boudet, où il avait établi son quartier général, il a personnellement dirigé le siège des Cayes, dont il aurait éventuellement pris possession si la fortune de la guerre ne lui avait pas été contraire dans l'Artibonite. Son principal lieutenant, le général Victorin Chevallier, avait été obligé d'évacuer Les Gonaïves, occupés par les troupes de Saget. À leur arrivée à Port-au-Prince, les soldats de Chevallier créent de telles perturbations que Salnave doit regagner en toute hâte la capitale, où il arrive en . Il doit également combattre à cette époque l'opposition du clergé catholique : le , il avait sommairement congédié Testar du Cosquer , archevêque de Port-au-Prince ; et avait pris la même mesure contre Alexis Jean-Marie Guilloux, le vicaire général, le [6].

Le Palais national incendié par Salnave en 1868.

La position de Salnave empirait. L'un de ses plus fidèles partisans, le général Victorin Chevallier, secrétaire à la Guerre, qui commandait l'armée entourant Jacmel, abandonna sa cause en novembre et rejoignit l'insurrection[6]. Salnave commençait maintenant à penser qu'il pourrait peut-être encore apaiser le mécontentement régnant dans tout le pays en renonçant au pouvoir absolu. En , il nomma un conseil législatif. Cet organe s'est réuni en novembre et, rétablissant la présidence à vie assumée par Salnave, a reconstitué la Constitution de 1846. Mais il était trop tard pour en profiter et l'abolition de la dictature était impuissante à sauver le gouvernement, car Cap-Haïtien et tout le département du Nord-Ouest avaient déjà rejoint la cause de l'insurrection. Une attaque audacieuse contre Port-au-Prince a finalement mis fin à cette guerre civile. Le , les généraux Georges Brice et Boisrond-Canal ont atterri dans la capitale à la tête de 1 200 soldats. Dans la nuit, ils avaient surpris le navire de guerre La Terreur. Pendant le combat qui a suivi, ce navire a commencé à bombarder le manoir exécutif ; un boulet a frappé la poudrière, qui a explosé juste après le départ de Salnave. Celui-ci a réussi à atteindre le territoire dominicain ; mais le général José María Cabral, qui sympathisait avec ses adversaires, le livra aux Haïtiens[6].

Le , Salnave est arrivé à Port-au-Prince, où il a comparu devant une cour martiale[6]. Il a été condamné à mort et abattu le même jour à six heures du soir, attaché à un poteau installé sur les ruines fumantes du manoir exécutif[6].

Notes et références

  1. Protecteur de la République du 4 mai au 14 juin 1867, puis président de la République.
  2. Jan Rogozinski, A Brief History of the Caribbean : from the Arawak and the Carib to the present, New York, Facts on File, Inc., , Revised éd., 220 p. (ISBN 0-8160-3811-2, lire en ligne)
  3. Candelon Rigaud, « Le dynamisme de Sylvain Salnave 1867 - 1869 », sur mhaiti.org, (consulté le )
  4. (en) Richard A. Haggerty et Library of Congress Federal Research Division, Dominican Republic and Haiti : country studies, The Division, , 221 p. (ISBN 978-0-8444-0728-9, lire en ligne)
  5. (en) James Grant Wilson et John Fiske, Appletons' Cyclopaedia of American Biography : Pickering-Sumter, D. Appleton, , 378 p. (lire en ligne).
  6. (en) Jacques Nicolas Léger, Haiti, Her History and Her Detractors, Neale Publishing Company, , 211–216 p. (lire en ligne).

Liens externes

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