Suzy Solidor

Suzy Solidor, de son vrai nom Suzanne Marion, est une chanteuse, actrice et romancière française, née le à Saint-Servan (Ille-et-Vilaine) et morte le à Cagnes-sur-Mer.

Suzy Solidor
Suzy Solidor en 1938.
Informations générales
Nom de naissance Suzanne-Louise-Marie Marion
Naissance
Saint-Servan
Décès
Cagnes-sur-Mer
Genre musical Chanson

Celle que l'on nomma « la Madone des matelots » [1], fut une figure emblématique des années 1930. Symbole de la garçonne des « Années folles », elle a contribué à populariser auprès du grand public le milieu lesbien parisien, célébrant par l'interprétation de plusieurs chansons les amours saphiques (par exemple : Ouvre, ou Obsession)[2].

Biographie

Suzy Solidor naît de père inconnu à Saint-Servan-sur-Mer (commune aujourd'hui rattachée à Saint-Malo) dans le quartier de la Pie. Sa mère, Louise Marie Adeline Marion, âgée de près de trente ans, est alors domestique de Robert Henri Surcouf, avocat, député de Saint-Malo et armateur, descendant de la famille du célèbre corsaire (selon Suzy Solidor, le député serait son père biologique).

Pour échapper à sa condition de fille-mère, Louise Marion épouse le Eugène Prudent Rocher qui reconnaît la petite Suzanne, alors âgée de sept ans. Celle-ci prend dès lors le nom de Suzanne Rocher. La famille s'installe dans le quartier de Solidor à Saint-Servan, qui inspirera plus tard son nom de scène à Suzy. Elle est alors la voisine de Louis Duchesne, chemin de la Corderie, sur la cité d'Aleth.

Une « garçonne »

Suzy Solidor sur la plage de Deauville en 1929.

Elle apprend à conduire en 1916 et passe son permis l'année suivante, ce qui à l'époque était exceptionnel pour une femme. Peu avant l'armistice de 1918, promue chauffeur des états-majors, elle conduit des ambulances sur le front de l'Oise, puis de l'Aisne[3],[4].

Après la guerre, elle s'installe à Paris. C'est à cette époque qu'elle rencontre Yvonne de Bremond d'Ars, la célèbre et très mondaine antiquaire, qui sera sa compagne pendant onze ans. « Ce fut Bremond d'Ars qui la première lança Solidor en tant qu’œuvre d'art et qui la présenta au public comme image / icône (...) Elle m'a sculptée , déclara Solidor » [5].

Après leur séparation en 1931, Suzy Solidor aura plusieurs liaisons avec des femmes. On lui prête une aventure amoureuse avec l'aviateur Jean Mermoz[4] qui fera réaliser d'elle un portrait par Paul Colin[6]...

Elle se tourne vers la chanson en 1929, et prendra peu après le pseudonyme sous lequel elle est connue. Elle fait ses débuts à Deauville, au cabaret Le Brummel[7]. Son répertoire se compose essentiellement de chansons de marins et d’œuvres plus sensuelles, équivoques et audacieuses. Sa voix grave, quasi masculine (« une voix qui part du sexe » selon Jean Cocteau[8]), son physique androgyne, ses cheveux blonds et sa frange au carré marquent les esprits. Surnommée « l'Amiral », icône de la chanson maritime, elle se produit en 1933 avec succès à L'Européen puis ouvre rue Sainte-Anne « La Vie parisienne », un cabaret « chic et cher », lieu de rencontres homosexuelles, où chante entre autres le jeune Charles Trenet.

Sa réputation lui vaut d'apparaître en 1936 dans l'adaptation cinématographique du roman sulfureux de Victor Margueritte, La Garçonne. Elle devient parallèlement l'égérie des photographes des magazines de mode et des peintres, sa silhouette sculpturale inspirant plus de 200 d'entre eux[9], parmi lesquels Jean-Denis Maillart, Raoul Dufy, Maurice de Vlaminck, Yves Brayer, Francis Picabia, Man Ray, Jean-Gabriel Domergue, Jean-Dominique Van Caulaert, Kees van Dongen, Arthur Greuell, Foujita, Suzanne Van Damme, Marie Laurencin, Francis Bacon et Jean Cocteau. Son portrait le plus célèbre est réalisé par Tamara de Lempicka en 1935.

Celle qui fut la chanteuse la plus croquée du siècle disait d'elle-même avec humour : « Je suis plus à peindre qu'à blâmer » [1].

L'Occupation

Durant l’Occupation, son cabaret La Vie Parisienne, rouvre en [10], et est fréquenté par de nombreux officiers allemands. Suzy Solidor ajoute à son répertoire une adaptation française de Lili Marleen, une chanson allemande adoptée par les soldats de la Wehrmacht (avant de l'être par les armées alliées), qu'elle interprète de façon régulière à la radio. Ses activités (selon André Halimi, « elle mériterait un brevet d'endurance pour l'inlassable activité qu'elle mena pendant l'Occupation, car elle passe d'un cabaret à l'autre, d'une radio à l'autre, d'un music-hall à l'autre »[11]) lui valent d'être traduite à la Libération devant la commission d'épuration des milieux artistiques, qui lui inflige un simple blâme mais lui impose une interdiction de 5 ans d’exercer[12]. Elle cède alors la direction de son cabaret à la chanteuse Colette Mars, qui y avait fait ses débuts, et part chanter aux États-Unis.

L'Après-guerre

De retour à Paris, elle ouvre en le cabaret « Chez Suzy Solidor », rue Balzac (près des Champs-Élysées) qu'elle dirige jusqu'au début de 1960 avant de se retirer sur la Côte d'Azur. Elle s'installe à Cagnes-sur-Mer où elle inaugure la même année un nouveau cabaret, « Chez Suzy », décoré de 224 de ses portraits. Elle s'y produit jusqu’en 1967 avant de prendre la direction d'un magasin d'antiquités, place du château du Haut de Cagnes.

En , elle offre à la ville de Cagnes-sur-Mer une quarantaine de ses portraits, qui figurent aujourd'hui parmi les œuvres remarquables du musée-château Grimaldi dans le Haut de Cagnes[13]. Elle meurt le et est enterrée à Cagnes-sur-Mer.

Postérité

Elle est l'objet de la chanson Sad Songs du groupe The Christians et de la pièce All I Want is One Night écrite par Jessica Walker[14].

Répertoire

  • Dans un port (Suzy Solidor)
  • C'est à Hambourg
  • Je t'espère
  • La Fille des bars
  • Ohé capitaine
  • La Brume sur le quai
  • Le Matelot de Bordeaux
  • Une fille dans chaque port
  • Le Bateau espagnol (Léo Ferré)
  • Tout comme un homme
  • Comme une feuille au vent
  • Obsession, 1933 (Edmond Haraucourt - Laurent Rualten)
  • La Belle Croisière, 1934
  • Une femme, 1934
  • Ouvre, 1934 (Edmond Haraucourt - Laurent Rualten)
  • La Maison des marins, 1934
  • Les Filles de Saint-Malo, 1934
  • La Fille des bars, 1934
  • La Belle Escale, 1935
  • Le Doux Caboulot, 1935
  • Si l'on gardait, 1935
  • La Belle d'Ouessant, 1935
  • Mon légionnaire, 1936
  • Sous tes doigts, 1936
  • La Tonnelle des amoureux, 1936
  • Hawaï nous appelle, 1936
  • La Java du clair de lune, 1936
  • La Chanson de la belle pirate, 1936
  • Nuit tropicale, 1937
  • Mon secret, 1938
  • Johnny Palmer, 1938
  • Si j'étais une cigarette, 1938
  • Escale, 1938
  • La danseuse est créole, 1938 (Jacques Plante - Louiguy)
  • On danse sur le port, 1939
  • J'écrirai, 1939 (Suzy Solidor)
  • Mon cœur est triste sans amour, 1940
  • Je ne veux qu'une nuit, 1941
  • Lily Marlène, 1942
  • La Jolie Julie, 1942
  • À quoi songes-tu ?, 1943
  • Le Soldat de marine, 1943
  • Trois lettres de toi, 1943
  • Le Petit Rat, 1947
  • Un air d'accordéon, 1947
  • Un refrain chantait, 1947
  • Amours banales, 1947
  • L'amour commande, 1948
  • Saïgon, 1948
  • Congo, 1948
  • Nature boy, 1948
  • L'Inconnue de Londres, 1948 (Léo Ferré)
  • Soir de septembre, 1948
  • J'aime l'accordéon, 1949
  • Casablanca, 1949
  • Valsez, Laurence, 1950
  • La Foule, 1951
  • Brasileira, 1951
  • Judas, 1952
  • La Brume, 1952
  • Danse de la corde, 1952
  • La Dame qui chante, 1952
  • Si le Rhône rencontrait la Seine, 1952
  • Amor y mas amor, 1952

Romans

  • Térésine, éditions de France, Paris, 1939 (220 p.)
  • Fil d'or, éditions de France, Paris, 1940 (217 p.) - roman dédié « à ceux du large et à ceux du bled, à tous ceux des avant-postes, à ceux qui tiennent les portes de l'Empire... »
  • Le Fortuné de l'Amphitrite, éditions de France, Paris, 1941 (213 p.)
  • La vie commence au large, éditions du Sablon, Bruxelles-Paris, 1944 (242 p.)

Théâtre

Filmographie

Notes et références

  1. Jacqueline Strahm, Montmartre, Beaux jours... et belles de nuit, Cheminements, Paris, 2001, p. 215.
  2. « Ces deux poèmes d’Edmond Haraucourt (publiés pour la première fois en 1882) n’étaient pas destinés à être dits par une femme. Mais Suzy Solidor, qui a demandé à Laurent Rualten d’en composer la musique, y met une telle flamme sensuelle, avec sa belle voix grave, que l’on pourrait croire qu’ils ont été écrits pour elle » Cf. Martin Pénet, « L'expression homosexuelle dans les chansons françaises de l'entre-deux-guerres : entre dérision et ambiguïté », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 4/2006 (n° 53-4), p. 106-127.
  3. Jean Forget, Louis Libert, Édouard Menguy, Un demi-siècle à Saint-Servan, Dinard, Danclau, 1998.
  4. Alain Gallet, Suzy Solidor, un étrange destin, documentaire.
  5. (en) Tirza True Latimer, Women Together / Women Apart, Portraits of Lesbian Paris, Rutgers University Press, 2005, p. 108.
  6. Coutau-Bégarie et Associés, « Portrait de Suzy Solidor par Paul Colin », catalogue Chanson française et internationale, Hôtel Drouot, 25 mars 2017.
  7. « Isadora, Cécile et Suzy, stars de la Côte fleurie », Le Calvados, no 117, automne 2014.
  8. Cité dans Pascal Sevran, Dictionnaire de la chanson française, Carrère, Paris, 1986.
  9. Suzy Solidor et ses portraitistes : Deux cents peintres, un modèle, éd. La Nef de Paris, Paris, 1940. Le « modèle » est évidemment Suzy Solidor.
  10. « Nuits de Paris : Chez Suzy Solidor »Paris-Soir, 27 septembre 1940 lire en ligne sur Gallica.
  11. André Halimi, Chantons sous l'Occupation, L'Harmattan, 2003, p. 101.
  12. Arrêtée en septembre 1944, elle fut placée en détention au camp de Drancy. Cf. « La vie dans Paris libéré : Cortot, Ginette Leclerc et Suzy Solidor sont arrêtés », Ce soir, 9 septembre 1944 lire en ligne sur Gallica.
  13. 43 portraits de la Donation Suzy Solidor au Château-musée Grimaldi, Peintures des Musées de France, 29 novembre 2010.
  14. https://wiltons.org.uk/whatson/305-all-i-want-is-one-night

Voir aussi

Bibliographie

  • Véronique Mortaigne, « Solidor, furieux baisers », Le Monde no 19552 du mardi
  • Marie-Hélène Carbonel, Suzy Solidor : Une vie d'amours. Aubagne : Autres Temps, coll. "Temps mémoire", 09/2007, 352 p. (ISBN 978-2-84521-295-4)
  • Marc Tardieu, Le corsaire de Rio : et autres histoires malouines. Saint-Malo : Grand West éditions, coll. "Grand West poche : récits historiques", 06/2013, 106 p. (ISBN 978-2-35593-259-5)
  • Didier Eribon (dir.), Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes, Larousse, 2003.

Discographie

  • Martin Pénet (éd.), Chansons interlopes, 1906-1966, Labelchanson, 2006 (2CD)
  • Martin Pénet (éd.), Suzy Solidor au cabaret, enregistrements rares et inédits (1933-1963), Labelchanson, 2007

Documentaires

  • Alain Gallet, Suzy Solidor, un étrange destin, documentaire de 52 minutes, Aligal Production et France 3 Ouest (DVD).
  • Interview à la radio de Suzy Solidor, vers 1980 , Archives Départementales des Alpes-Maritimes, Documents sonores isolés, 1AV62/1. Mis en ligne le 18/06/2012. Consulté le 19/03/2017

Articles connexes

Liens externes

  • Portail LGBT
  • Portail de la musique
  • Portail du cinéma français
  • Portail de la littérature française
  • Portail du monde maritime
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.