Sténio Vincent

Sténio Joseph Vincent (né le - mort le )[1] fut président de Haïti du au . Ancien maire de la capitale Port-au-Prince, il mena une campagne populaire pour la présidentielle en insistant sur son opposition à l'occupation américaine de l'île. Une fois au pouvoir, cependant, il adopta une attitude intransigeante, culminant par un conflit avec le Sénat haïtien en 1935. Il institua une nouvelle constitution haïtienne lui donnant de vastes pouvoirs.

Sténio Vincent

Portrait officiel du président Vincent.
Fonctions
28e président de la République d'Haïti

(10 ans, 5 mois et 27 jours)
Élection
Réélection
Prédécesseur Louis Eugène Roy
Successeur Elie Lescot
Sénateur de l'Ouest

(13 ans et 7 mois)
Secrétaire d'État de l'Intérieur et des Travaux publics

(8 mois et 9 jours)
Président Sudre Dartiguenave
Prédécesseur Constant Vieux
Successeur Osmin Cham (Intérieur)
Etienne Magloire (Travaux publics)
Maire de Port-au-Prince

(2 ans, 9 mois et 24 jours)
Successeur Commission intérimaire
Biographie
Nom de naissance Sténio Joseph Vincent
Date de naissance
Lieu de naissance Port-au-Prince (Haïti)
Date de décès
Lieu de décès New York (États-Unis)
Parti politique Parti conservateur
Profession Avocat

Présidents de la République d'Haïti

Sa popularité diminua en 1937, lors de son échec diplomatique face au massacre de quinze mille travailleurs haïtiens invités en République dominicaine, ordonné par le président dominicain Rafael Trujillo. Élie Lescot lui succéda à la présidence en 1941

Biographie

Carrière politique

Sténio Vincent est né en 1875 à Port-au-Prince[2]. D'abord avocat dans la capitale, il entre rapidement en politique, d'abord sous l'étiquette du parti national. C'est ainsi qu'il est élu maire de Port-au-Prince en 1907, grâce au soutien du futur président Cincinnatus Leconte. En 1909, il est contraint de démissionner sous ordre de la présidence, exercée par le parti libéral, et est remplacé par une commission intérimaire.

Déçu par les nationalistes, il quitte le parti national peu de temps avant la Première Guerre mondiale. Opposé aux Cacos (miliciens qui mettent en place une dictature de à ), il soutient l'action de l'ancien président Oreste Zamor et rejoint la ligue des zamoristes, qui s'oppose à la dictature des Cacos[3].

Après la terrible révolution de 1915, qui oppose zamoristes et Cacos, il s'exile à La Paz ne soutenant pas l'idéologie révolutionnaire défendue par Rosalvo Bobo.

Le choc révolutionnaire provoque la guerre des Bananes qui aboutit à une intervention américaine, voulue par le président américain Woodrow Wilson afin de mettre fin à la révolution.

L'élection du conservateur Philippe Sudre Dartiguenave à la présidence, deux mois après le début de l'occupation, rassure les américains qui souhaitent nouer des alliances solides en Amérique centrale. Vincent revient au pays et soutient le président Dartiguenave qui le nomme secrétaire d'État de l'Intérieur et des travaux publics en 1916.

En 1917, lorsque Dartiguenave rejoint les américains et déclare la guerre à l'Allemagne, Vincent quitte le gouvernement et se fait élire sénateur de l'Ouest en avril.

D'abord favorable à l'occupation comme une grande partie des conservateurs, il devient après 1920 l'un de ses plus farouches opposants. Plaidant pour la souveraineté d'Haïti, il s'oppose à son ami le président conservateur Louis Borno, successeur de Dartiguenave, en tentant de prendre la tête du parti conservateur en 1926 mais sans succès.

Après le départ de Louis Borno, il soutient le nouveau président Louis-Eugène Roy qu'il considère comme un anti-américain. Mais il est rapidement déçu par ce dernier, prend la tête du parti conservateur et demande la démission de Roy qui accepte.

Déclaré candidat au nom du parti conservateur, Vincent fait une campagne très populaire insistant sur son côté anti-américain et surtout sur sa promesse de mettre fin à l'occupation américaine.

Très populaire, il est élu avec plus de 70 % des voix face à son rival libéral.

Premier mandat

De gauche à droite : Elie Lescot, secrétaire d'Etat, Sténio Vincent président de la république, et Rafael Trujillo, président de République dominicaine, en 1935.

Dès son arrivée au pouvoir, il met en place un gouvernement dit de « fer » et demande à recevoir les représentants américains. Son homologue américain Herbert Hoover, sentant que l'occupation n'était plus dans les intérêts des États-Unis, institue une commission de réflexion dirigée par William Cameron Forbes. Hoover ne prend aucune décision formelle, ce qui provoque la colère des partisans de Vincent qui avaient voté pour lui. Mais le retrait des troupes avait commencé dans les faits quand lui succéda en 1933, Franklin Roosevelt qui se mit d'accord avec Vincent et signa la fin de l'occupation américaine officiellement le .

En , il s'opposa ouvertement au coup d'État du général Rafael Trujillo en République dominicaine et apporta son soutien au président renversé, Horacio Vásquez.

En 1934, il met fin, par décret, à la loi d'exil frappant les membres de l'ex-famille impériale.

En 1935, ayant un bilan confortable, il se déclare candidat à sa succession et ne rencontre aucune opposition.

Second mandat

Réélu le , il jouit toujours d'une importante popularité due à son action dans la fin de l'occupation.

Malgré cela, il ne peut empêcher la montée du communisme et d'autres mouvements de gauche radicale.

Vincent organise un plébiscite sur la prolongation de son mandat. Il obtient un vote favorable jusqu'en 1941. Le plébiscite approuve également un amendement à la constitution afin que les futurs présidents soient élus au suffrage populaire.[4]

Sténio Vincent (à droite) et Elie Lescot (au centre), à Washington D.C. en 1939.

Ce changement de constitution fut bénéfique pour Vincent qui put ainsi en 1936 dissoudre le parti communiste. La Gauche radicale ne reviendra en politique qu'après le début des années 40.

En octobre 1937, fut perpétré le massacre du persil, un ensemble de meurtres perpétrés après la décision du dictateur dominicain Trujillo, d'éliminer physiquement les haïtiens travaillant dans les plantations du pays. Le scandale provoqua plusieurs manifestations à Port-au-Prince, contre l'incapacité du président à réagir face aux crimes du régime trujilliste.

Après avoir demandé plusieurs sanctions, Vincent fut enfin entendu et Trujillo accepta de négocier. La République dominicaine fut, à l'issue de cette rencontre entre les deux chefs d'États, contrainte d'accorder un soutien financier au gouvernement haïtien.

Mais très vite, les relations entre les deux pays furent à nouveau rompues et Vincent fit voter de nouvelles lois afin de protéger les frontières en cas d'attaque dominicaine.

Proche du président américain Franklin Roosevelt, il refuse, au début de la Seconde Guerre mondiale, de déclarer la guerre aux côtés des alliés. Vers la fin de son mandat, il s'éloigne de la ligne politique de Roosevelt.

Refusant de briguer un troisième mandat, il laisse son principal conseiller, Elie Lescot, représenter le parti conservateur à l'élection présidentielle de 1941.

Le , Lescot est élu président dès le premier tour.

La passation de pouvoir a lieu un mois plus-tard, le . Vincent quitte le Palais national après 10 ans de présidence.

Après la présidence

Après avoir quitté le pouvoir, Vincent, loin des intrigues politiques, conserve le poste de président d'honneur du parti conservateur. Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, il continue de soutenir la politique de Lescot, jusqu'à la démission de ce dernier en .

Lors de l'élection présidentielle de 1950, il ne soutient pas le candidat de son propre parti, Nemours Pierre-Louis, et lui préfère le colonel Paul Magloire, qui remporte le scrutin dès le premier tour.

En 1957, après la prise de pouvoir de François Duvalier et l'avènement de la dictature, il quitte le pays et appelle à la résistance. Il meurt en exil à New York en 1959. Son corps est rapatrié à Haïti en 1990.

Notes et références

  1. Profil de Sténio Vincent
  2. Africana : The Encyclopedia of the African and African American Experience (lire en ligne)
  3. HAITI: Five More Years for Stenio – TIME Magazine
  4. « Haiti », dans Encyclopædia Britannica, vol. Online, (lire en ligne) (consulté le )
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