Sonderkommando (centres d'extermination)

Les Sonderkommandos ou Arbeitsjuden  pour privilégier le terme utilisé par l'historienne Sila Cehreli  étaient des unités de travail dans les centres d'extermination nazis, composées de prisonniers, juifs dans leur très grande majorité, forcés à participer au processus de la solution finale. Le mot vient de l'allemand et signifie "unité spéciale". Ce terme est aussi utilisé dans une autre acception désignant des détachements des Einsatzgruppen, composés d'allemands et d'auxiliaires locaux qui participèrent à ce qu'on appelle aussi la « Shoah par balles » sur le front de l'Est.

Pour les articles homonymes, voir Sonderkommando.

Un sursis au prix de l'horreur

Sélection et affectation

Les membres des Sonderkommandos étaient des déportés choisis par les SS à la descente des trains, lors de la sélection faite immédiatement sur le quai d'arrivée des déportés ou après la période de quarantaine. Ils étaient choisis sur des critères physiques (jeunes et en bonne santé apparente) et en fonction des besoins en main d'œuvre. Ils vivaient ensuite définitivement séparés des autres prisonniers jusqu'à leur mort. À Treblinka, par exemple, ils étaient dans le Todeslager (camp de la mort), partie du camp isolée qui comprenait les chambres à gaz et les fosses de crémation. À Auschwitz 1 (camp souche), ils furent d'abord regroupés au Block 11 (prison du camp), puis dans un Block séparé, entouré de murs et gardé (le Block 13 du camp de Birkenau), et dans un troisième temps, ils vécurent entièrement au Krematorium (complexe comprenant la salle de déshabillage, la (ou les) chambre(s) à gaz, la salle des fours et les éventuelles fosses de crémation) auquel ils étaient rattachés. Tout contact avec les autres prisonniers du camp était théoriquement interdit afin que ce qui s'y passait ne soit jamais connu. Même l'équipe de gardes SS était spécifiquement affectée.

Le travail des membres du Sonderkommando consistait à accompagner les victimes dans les chambres à gaz. Ils étaient chargés ensuite d'en sortir les corps. Ils devaient raser les cheveux des femmes (dans les camps d'extermination de l'Aktion Reinhard, on le leur faisait faire avant la chambre à gaz), prendre les bijoux et dents en or. Dans un premier temps, ils devaient jeter les corps dans des fosses communes puis, à partir de la fin de l'été 1942, les brûler sur des bûchers ou dans des fours crématoires[1].

Quand les nazis décident d'exhumer les corps enterrés dans les fosses communes dans le cadre de l'Aktion 1005, ce sont encore des Sonderkommandos qui sont affectés à cette tâche.

Le « renouvellement » des équipes

Cette vie terrifiante dans l'enfer de l'enfer ne durait pas longtemps en règle générale parce que, toujours par souci de ne pas laisser de témoins, les membres des Sonderkommandos étaient régulièrement « renouvelés », envoyés à leur tour dans la chambre à gaz. Une nouvelle équipe leur succédait alors, choisie parmi des déportés arrivés par un nouveau convoi. Contrairement à ce qui est souvent affirmé, il ne s'agissait pas de renouvellement à date régulière, mais en fonction de ce qu'on leur avait fait faire, donc de ce dont ils avaient été témoins. Par exemple, l'ensemble des membres du Sonderkommando ayant participé au vidage des fosses communes à l'automne 1942 dans le cadre de l'Aktion 1005 a été exterminé à l'issue de l'opération de crémation des corps.

Bełżec

Comme à Chełmno, durant les premières semaines d'activité du centre d'extermination de Bełżec, la tâche d'extraire les corps des victimes des chambres à gaz, n'est pas, dans un premier temps, confiée à des déportés, mais effectuée par des Wachmänner. Vu la dureté de ces tâches, il est décidé, après quelques semaines, de confier les travaux les plus durs à des déportés sélectionnés dès leur arrivée au camp, les Arbeitsjuden[alpha 1]. La date de la création des Arbeitsjuden n'est pas connue avec précision[2],[alpha 2].

Dans un premier temps, et de manière arbitraire, les SS sélectionnent, lors de l'arrivée de convois, des hommes qui semblent en bonne santé et en état de travailler, pour extraire les corps des wagons et transporter les effets des victimes vers le point de rassemblement des bagages et effets personnels ; dès leur tâche effectuée, ils sont tous conduits aux fosses pour y être fusillés et enterrés[2],[alpha 3].

Après cette première période d'improvisation, les Arbeitsjuden sont répartis en groupes spécialisés, hiérarchisés, avec un effectif global relativement stable, compte tenu de l’extrême mortalité qui y règne[3]. En pleine période d'activité, l'effectif des Arbeitsjuden s'élève à 1 000 personnes, à peu près également distribué entre le camp I et le camp II[2], tout contact entre les deux groupes étant interdit. Très rapidement, les Arbeitsjuden sont divisés en groupes permanents, compte non tenu de leur importante mortalité, et affectés à des tâches précises et spécialisées[3]. Dans l'enceinte du camp I, un détachement, le Bahnhofskommando (commando de la gare) est chargé d'aider ou de forcer les déportés à descendre des wagons, de ramasser les bagages restés dans le convoi, de porter les effets personnels à l'endroit du triage et, en l'absence de convois, de nettoyer l'ensemble du site, à l'exception du camp II[3]. En ordre d'importance numérique, un deuxième groupe est chargé de la tonte des cheveux des déportées, juste avant leur envoi vers le « boyau » et les chambres à gaz[3]. Belzec dispose également d'un petit groupe d'artisans, aux compétences diverses, auquel les Allemands peuvent faire appel à titre privé, notamment pour des travaux dans leur cantonnement, à l'extérieur du périmètre du camp ; dans ce cas, ils sont accompagnés et surveillés par des Wachmänner[3]. Le camp I comporte également de nombreux autres détachements spécialisés[3], les Goldjuden (Juifs de l'or) affectés au rassemblement, au tri et à l'emballage de l'or, y compris celui provenant des dents arrachées aux cadavres, de l'argent et d'autres objets de valeur[3]. D'autres Arbeitsjuden effectuent des activités diverses à l'intérieur du camp, comme des travaux de réparation, l'entretien des baraques, ou la lessive, la cuisine ou le nettoyage des bâtiments, ces trois dernière tâches étant également effectuées par des Arbeitsjuden affectés au camp II.

Dans l'enceinte du camp II, le Leichenkommando (commando des cadavres) est chargé d'extraire les corps des chambres à gaz, d'arracher les dents en or des victimes et d'enterrer les corps dans des fosses communes[4]. De à , ses membres sont également affectés à l'exhumation des cadavres des fosses communes et à leur incinération sur des bûchers[5].

Auschwitz-Birkenau

Un Sonderkommando important

En tout, plus de 2 000 personnes ont fait partie du Sonderkommando d'Auschwitz. Une dizaine d'entre elles seulement a survécu à la guerre. Certains ont témoigné dans le procès de Rudolf Höss dans l'après-guerre. Au début de son histoire, le Sonderkommando d'Auschwitz ne compte qu'une vingtaine de personnes affectée à la crémation des prisonniers décédés. Avec le développement du camp, la taille du Sonderkommando s'accroît. Un Sonderkommando est notamment créé dans le camp de Birkenau. Il permet de faire fonctionner les quatre grands crématoriums munis de chambres à gaz à partir de 1943[6]. Durant le mois de , les effectifs sont considérablement augmentés afin de brûler les 100 000 corps des prisonniers Juifs, Polonais et Soviétiques auparavant entassés dans les fosses communes. À la fin de l'opération, les membres du Sonderkommando sont assassinés. Un nouveau Sonderkommando est constitué avec 200 Juifs provenant des ghettos polonais[6]. En , il est renforcé par 100 Juifs venant du camp de Drancy.

En , certains membres du Sonderkommando tentent de s'évader. Cette tentative a pour conséquence une « sélection drastique » qui fait passer l'unité de 400 à 200 membres[7]. En , alors que la déportation des Juifs de Hongrie commence, les effectifs augmentent à nouveau. Une centaine de Juifs de Grèce rejoignent le Sonderkommando portant l'effectif à 308 membres. Au mois d'août, alors que les chambres à gaz tournent à plein, les effectifs sont portés à plus de 900 personnes[7]. Réparties en deux équipes, elles travaillent alors 24 heures sur 24. En septembre, les déportations de Juifs hongrois ralentissant, les effectifs du Sonderkommando diminuent de 200 membres.

La révolte du crématorium IV de Birkenau

Le , les autorités du camp prévoient de réduire encore le nombre de déportés travaillant au Sonderkommando. Ceci déclenche une révolte à Auschwitz-Birkenau. Elle n'est pas suivie d'un soulèvement de l'ensemble du camp et se termine dans un bain de sang. En quelques heures, 400 membres du Sonderkommando sont assassinés. Le crématorium IV est incendié et hors d'usage. 200 survivants sont affectés dans les trois crématoriums restant en fonction[7].

La fin du Sonderkommando

Les chambres à gaz restent en fonction jusqu'en . Le , l'équipe est réduite de moitié. Le nombre restant est affecté principalement au démontage des installations pour effacer les traces de l'activité meurtrière. Le , lors de l'évacuation du camp, quelques dizaines de membres du Sonderkommando encore vivants parviennent à se mêler aux autres déportés[8].

De rares témoignages

Dès les premiers jours suivant la libération du camp, une commission d'enquête soviétique entend les témoignages de deux membres du Sonderkommando, Shlomo Dragon et Henryk Tauber. Ils déposent aussi avec Alter Fajnzylberg (Feinsjbler autre orthographe de son nom ) auprès de la Commission d'enquête sur les crimes nazis en Pologne en 1945[8]. Lors du second procès d'Auschwitz qui a lieu à Francfort en 1965, Milton Buki (de), Filip Müller, Alter Fajnzylberg et Dow Paisikovic témoignent. Certains membres des Sonderkommandos ont enterré des textes destinés à témoigner. Entre 1945 et 1980, huit cachettes ont été retrouvées par hasard, près des fours crématoires et cinq des auteurs ont pu être identifiés[9]. Ils ont été réédités sous le titre Des Voix sous la cendre. On y trouve notamment les textes de Zalmen Gradowski et de Zalmen Lewental (qui serait mort en [10]) ainsi que des témoignages de trois membres de Sonderkommando. Filip Müller a également écrit un livre très précieux pour témoigner de tout ce qu'il a vu. L'artiste David Olère, Juif déporté au camp d'Auschwitz et intégré au Sonderkommando, survécut également. Il peignit plusieurs toiles représentant l'horreur des camps de la mort en guise de témoignage de son vécu. Shlomo Venezia livra aussi un témoignage poignant (recueilli à Rome en 2006 par Béatrice Prasquier, publié dans le livre Sonderkommando - Dans l'enfer des chambres à gaz, (ISBN 978-2-253-12891-5)) sur le Sonderkommando et sa révolte.

Les photographies du Sonderkommando

Cliché 280 (détail). Pris depuis l'intérieur de la chambre à gaz du Krematorium V.
Cliché 281 (détail)
Cliché 282 (détail) dans le bois de bouleaux entre le Krematorium V et le Krematorium IV.

Les photographies du Sonderkommando sont quatre photos floues prises clandestinement par un détenu, membre du Sonderkommando, en août 1944 dans le camp de concentration d’Auschwitz II-Birkenau. Elles sont, avec quelques photos de l’Album d'Auschwitz, les seuls documents photographiques autour des chambres à gaz. Elles sont numérotées de 280 à 283 par le musée national Auschwitz-Birkenau[11]. Les photos 280 et 281 montrent la crémation de cadavres dans une fosse d’incinération, vue à travers le cadre noir de la porte de la chambre à gaz. La photo 282 montre des groupes de femmes, dont certaines, nues, se dirigent vraisemblablement vers la chambre à gaz du Krematorium V. On aperçoit en arrière-plan, l'une des cheminées du Krematorium IV. Dans le haut du cliché 283, on ne voit que la cime des bouleaux en silhouette et le bas de l’image est bouché par le contre-jour. Dans le cliché 281, on aperçoit, à gauche, un fragment du cliché 282, ce qui signifie que l'ordre dans lequel ont été prises les images contredit la numérotation du Musée d'État : les images de déshabillage dans le bois de bouleaux précèdent les images des fosses d'incinération.
Hormis les photos des déportés prises à l’entrée du camp à des fins de propagande par les SS Ernst Hoffmann et Bernhard Walter, il était strictement interdit de prendre des photos dans l’enceinte du camp, y compris pour les SS[12].
Début , Erich Kulka et Ota Kraus trouvent un petit appareil photo dans un landau, parmi les biens confisqués aux déportés et triés dans l’entrepôt du Kanada (l’entrepôt où sont triés ces biens). Une autre version[13] désigne un travailleur civil polonais, Mordarski, qui aurait introduit l’appareil en fraude. Les hommes du Sonderkommando ont intentionnellement endommagé le toit bitumé du Krematorium V. David Szmulewski[14], qui fait partie du Kommando volant, chargé de le réparer et qui est membre de la résistance, a caché l’appareil photo dans une gamelle à double-fond. Une fois sur le toit, il le fait parvenir à un Juif grec, surnommé Alex, posté contre le mur Nord sous la saillie du toit. Pendant que trois autres membres du Sonderkommando, Shlomo Dragon, son frère et Alter Fajnzylberg, font le guet, Alex, depuis l’intérieur du bâtiment, fait des photos du bois de bouleaux et des fosses d’incinération. Selon le réalisateur Christophe Cognet, les ombres plus courtes des déportées dans le bois de bouleaux situées au Sud-Est par rapport à la prise de vue, et la lumière du mois d'août, indiquent que les photos 283 et 282 ont été prises entre 10 heures et 11h30. La direction des ombres dans les clichés 280 et 281 des fosses de crémation, pris à l'Ouest-Sud-Ouest par rapport à la prise de vue, et la lumière du mois d'août, indiquent que ces photos ont été prises entre 15 et 16 heures[15]. Tout porte à croire qu'il s'agit d'un même transport photographié avant et après un même gazage[16]. L’appareil est ramené au camp par Fajnzylberg qui le transmettra à Szmulewski. Le bout de pellicule est extrait de l’appareil, ramené au camp central et sorti d’Auschwitz dans un tube de dentifrice où l’a caché Helena Dantón, employée à la cantine SS[17]. Il parviendra le à la résistance polonaise de Cracovie, accompagné d’une note écrite par deux détenus politiques, Józef Cyrankiewicz et Stanisław Kłodziński (de). Cette note décrivait le contenu des photos et enjoignait d’envoyer les photos à Tell, à savoir Teresa Lasocka-Estreicher, membre de la résistance à Cracovie. Cette dernière confie le développement des photos à Stanisław Mucha (de) qui prendra l’initiative de recadrer les images[18]. Alex enterrera l’appareil photo dans le sol du camp, de même qu’Alter Fajnzylberg enterrera des restes de Zyklon B dans une boîte en métal et des notes en yiddish sur le nombre de personnes destinées au gazage. Certaines de ces images recadrées ont été publiées en 1945 et attribuées à David Szmulewski, dans un rapport sur Auschwitz-Birkenau rédigé par juge polonais Jan Sehn[19]. L’une d’entre elles fut exposée à Auschwitz en 1947, et d'autres ont été publiées en 1958 à Varsovie dans un livre de Stanislaw Wrzos-Glinka, Tadeusz Mazur et Jerzy Tomaszewski, Cierpienie i walka narodu polskiego. Certains personnages avaient été retouchés pour les rendre plus évidents. En 1960, Wladyslaw Pytlik du mouvement de résistance de Brzeszcze a offert un témoignage de ses propres expériences de guerre au musée national d'Auschwitz-Birkenau, et apporté trois exemplaires des photographies recadrées[20]. Ce n’est qu’en 1985, après le décès de Pytlik, que sa femme fait don au musée des photos, et que le musée découvre les versions non recadrées. Les exégètes font valoir que ces recadrages offrent une version biaisée des événements, oblitérant le danger auquel s’exposaient les cinq détenus, ainsi que l’acte de résistance qu’ils accomplissaient, comme le souligne le philosophe Georges Didi-Huberman :

« La masse noire qui entoure la vision des cadavres et des fosses, cette masse où rien n’est visible donne, en réalité, une marque visuelle aussi précieuse que tout le reste de la surface imprimée. Cette masse où rien n’est visible, c’est l’espace de la chambre à gaz : la chambre obscure où il a fallu se retirer pour mettre en lumière le travail du Sonderkommando, dehors, au-dessus des fosses d’incinération. Cette masse noire nous donne donc la situation même, l’espace de possibilité, la condition d’existence des photographies mêmes. Supprimer une « zone d’ombre » (la masse visuelle) au profit d’une lumineuse « information » (l’attestation visible) c’est, de plus, faire comme si Alex avait pu tranquillement prendre des photos à l’air libre. C’est presque insulter le danger qu’il courait et sa ruse de résistant[21]. »

Pendant longtemps, l’auteur de ces photos n’a pas été identifié, elles étaient créditées comme anonymes ou, par défaut, attribuées à Dawid Szmulewski, même si ce dernier mentionnait un certain Juif grec nommé Alex[22],[23]. Le récit de ces photos fut consigné par Alter Fajnzylberg dans ses écrits où il évoque la figure de ce Juif grec prénommé Alex dont il a oublié le nom[24]. En , Fajnzylberg répond à un courrier du musée national d’Auschwitz-Birkenau dans une lettre où il reviendra sur les photographies. Il écrit :

« C’est Alex de Grèce, mais je ne me souviens pas de son nom, qui a pris les photographies. Il est mort au cours d’une évasion qu’il avait organisée pendant le transport des cendres des personnes incinérées. Ces cendres étaient déversées régulièrement dans la Sole ou dans la Vistule. Alex a désarmé les deux SS de l’escorte et a jeté leurs carabines dans la Vistule. Il est mort pendant la poursuite. Je ne me souviens pas où l’appareil photographique et d’autres documents ont été enterrés parce que c’est Alex qui a effectué ce travail[25]. »

Or, dans ses carnets écrits immédiatement après la guerre[24], il mentionne la tentative d’évasion d’un Juif grec, nommé Aleko Errera. Son nom véritable est en fait Alberto Errera. Sa tentative d’évasion a marqué les esprits et sera racontée par plusieurs témoins survivants : Errikos Sevillias[26], Schlomo Venezia[27], Leon Cohen (en)[28], Marcel Nadjari[29], le dr. Miklos Nyiszli[30], Alter Fajnzylberg[31], Henryk Mandelbaum[32], Albert Menasche[33] et Daniel Bennahmias[34].

Photographie d'Alberto Errera, tirée de la collection du musée juif de Grèce.

Alberto Errera (en)[35] est né le à Larissa, sous le nom d'Alberto Israel Errera. Il devient, avant guerre, officier de la marine grecque. Il rejoint les partisans pendant l’occupation allemande en Grèce. Il prend le nom chrétien d’Alex (Alekos) Michaelides. La nuit du 24 au , il est arrêté à Larissa par les Allemands, parmi 225 Juifs[36]. Il se retrouve emprisonné au camp de concentration de Chaïdári. Il est déporté le depuis Athènes et arrive le à Auschwitz. Il fait partie des 320 hommes grecs sélectionnés pour le travail (matricules allant de 182.440 à 182.759). Son matricule est le 182.552. Il est affecté comme “chauffeur” (c’est-à-dire, un membre du Sonderkommando affecté aux fours crématoires) au Krematorium V de Birkenau. Fajnzylberg évoque sa carrure d’athlète. Selon Filip Müller[37], Leon Cohen[38] et l'historien Hermann Langbein[39], il prendra activement part à la préparation de l’insurrection du Sonderkommando aux côtés, entre autres, de Yaacov Kaminski, Jankiel Handelsman, Jukl Wrobel, Josef Warszawski, Wladek, Giuseppe Baruch et Zalmen Gradowski[40]. Le [41], lors d’un transport de cendre du Krematorium, destinée à être déversée dans la Vistule, Errera tente de convaincre ses trois co-détenus (dont Hugo Baruch Venezia et Henri Nechama Capon) de s’échapper, mais ces derniers refusent. Une fois arrivé sur place, Errera assomme à coups de pelle, les deux Schupos qui les accompagnent et plonge dans la Vistule. Il est rattrapé dans les deux ou trois jours qui suivent, torturé et abattu. Comme il est de coutume lorsqu’un évadé est rattrapé, son corps est exposé en exemple à la vue des autres détenus à l’entrée du camp.

En tenant compte de la position des arbres de la photo 282 comparée aux photos aériennes, du témoignage d'Alter Fajnzylberg qui rapporte que cette photo, ainsi que la 283, a été prise de l'intérieur, l'historien Igor Bartosik avance l'hypothèse que ces photos ont été prises à travers l'ouverture de déversement du Zyklon B dans la chambre à gaz, située à deux mètres, compte tenu de la grande taille d'Errera[42].

Notes

  1. Le terme de Sonderkommando recouvre plusieurs acceptions ; sous la dénomination SS-Sonderkommando, il désigne l'équipe des exécuteurs ; il désigne également des unités faisant partie des Einsatzgruppen. Dans un sens antinomique, il est aussi utilisé dans la littérature consacrée à la Shoah, pour désigner les déportés juifs forcés de participer à certaines étapes du processus d'extermination, également connus sous l'appellation d’Arbeitsjuden, notamment utilisée par Sila Cehreli. Afin d'éviter toute ambiguïté dans le présent article, le terme Sonderkommando ou Kommando sera utilisé pour qualifier les bourreaux et celui d'Arbeitsjuden pour les déportés forcés de participer aux opérations annexes au processus d'extermination, suivant Cehreli sur ce point.
  2. Il en va de même pour la motivation de cette décision attribuée par certains témoins polonais à la volonté de maintenir l'illusion d'un camp de transit[2].
  3. Cehreli déduit ce premier mode de fonctionnement de l'abondante documentation disponible pour les camps d'extermination Sobibor et de Treblinka, les documents relatifs au fonctionnement de Belzec ayant été détruits.

Références

  1. Georges Bensoussan (dir.), Jean-Marc Dreyfus (dir.), Édouard Husson (dir.) et al., Dictionnaire de la Shoah, Paris, Larousse, coll. « À présent », , 638 p. (ISBN 978-2-03-583781-3), p. 511
  2. Cehreli, p. 115.
  3. Cehreli, p. 126–129.
  4. Cehreli, p. 130-132.
  5. Kuwalek, p. 131.
  6. Dictionnaire de la Shoah, p 512.
  7. Dictionnaire de la Shoah, p 513.
  8. Dictionnaire de la Shoah, p 514.
  9. Nicholas Chare et Dominic Williams, « Ce que racontent les «rouleaux d’Auschwitz» », sur slate.fr,
  10. Shlomo Venezia (trad. de l'italien), SONDERKOMMANDO : Dans l'enfer des chambres à gaz, Paris, Editions Albin Michel, , 256 p. (ISBN 978-2-253-12891-5), page 9
  11. Cfr Dan Stone, "The Sonderkommando Photographs", Jewish Social Studies, 7(3), Spring/Summer 2001, (p. 132–148), p. 143, n. 3.
  12. Cfr la circulaire de Rudolf Höss du 2 février 1943 : « J’indique une fois encore qu’il est interdit de photographier dans les environs du camp. Je punirai très sévèrement ceux qui ne se conforment pas à cette ordonnance » in R. Boguslawska-Swiebocka et T. Ceglowska, « KL Auschwitz Fotografie dokumentalne », p. 17
  13. Cfr le témoignage de Stanislaw Klodzinski in Hermann Langbein, Hommes et femmes à Auschwitz, p. 253.
  14. Cfr le témoignage de Szmulewski in Jean-Claude Pressac, Technique and operation of the gas chambers, Beate Klarfeld Foundation, 1989. En ligne ici : http://phdn.org/archives/holocaust-history.org/auschwitz/pressac/technique-and-operation/pressac0424.shtml
  15. Christophe Cognet, Éclats : prises de vue clandestines des camps nazis, Paris, Seuil, , 423 p. (ISBN 978-2-02-137792-7), p. 313-314
  16. En ce début du mois d'août, deux convois arrivent à Birkenau : le convoi 26 parti de Malines le 31 juillet 1944 (28ème et dernier convoi venu de Belgique) arrive le 2 août; le convoi 77 parti de Drancy le 31 juillet (dernier grand convoi venu de France) arrive le 3 août (Auschwitz Chronicles 1939-1945, Danuta Czech, p. 678-679).
  17. Cfr Hermann Langbein, Hommes et femmes à Auschwitz, p. 263. Ainsi que Hermann Langbein, La Résistance dans les camps de concentration nationaux-socialistes : 1938-1945, Fayard, 1981.
  18. Cfr Janina Struk, Photographing the Holocaust: Interpretations of the Evidence, I. B. Tauris, 2004, p. 118.
  19. Cfr Jean-Claude Pressac, Technique and operation of the gas chambers, Beate Klarfeld Foundation, 1989. En ligne ici : http://phdn.org/archives/holocaust-history.org/auschwitz/pressac/technique-and-operation/pressac0422.shtml
  20. Cfr Janina Struk, Photographing the Holocaust: Interpretations of the Evidence, I. B. Tauris, 2004, p. 117.
  21. Georges Didi-Huberman, Images malgré tout, Les Éditions de Minuit, 2003, p. 52.
  22. Cfr conférence de Philippe Mesnard, Bruxelles, 2013 : https://www.youtube.com/watch?v=4zEZk8-CUYw
  23. Sur le sujet aussi : Gary Spicer, The Sonderkommando photographs : https://www.academia.edu/2552802/THE_SONDERKOMMANDO_PHOTOGRAPHS
  24. Cfr Alter Fajnzylberg, Les cahiers d'Alter Fajnzylberg : ce que j'ai vu à Auschwitz, les Éditions des Rosiers, 2014.
  25. Cfr Alban Perrin, Écrits au cœur de la catastrophe : http://www.akadem.org/sommaire/colloques/ecrire-la-destruction-du-monde-judeo-polonais-1945-1960-/ecrits-au-coeur-de-la-catastrophe-2-2-09-07-2014-60879_4534.php
  26. Cfr Errikos Sevillias, Athens-Auschwitz, Lycabettus Press, 1983.
  27. Cfr Shlomo Venezia & Béatrice Prasquier, Sonderkommando : dans l'enfer des chambres à gaz, Albin Michel, 2006.
  28. Cfr Leon Cohen, From Greece to Birkenau : the crematoria workers'uprising, Salonika Jewry Research Center, 1996.
  29. Cfr Marcel Nadjary, Χρονικό 1941–1945 [Chronicle], Ιδρυμα Ετσ - Αχα'ι'μ, Thessaloniki, 1991.
  30. Cfr Miklos Nyiszli, Médecin à Auschwitz, J’ai lu, 1971.
  31. Cfr Alter Fajnzylberg, Les cahiers d'Alter Fajnzylberg : ce que j'ai vu à Auschwitz, Éditions Rosiers, 2014.
  32. (fr) Igor Bartosik et Adam Willma, Dans les crématoires d'Auschwitz – Entretien avec Henryk Mandelbaum, Auschwitz-Birkenau State Museum, 2012.
  33. Albert Menasche, Birkenau (Auschwitz II): Memories of an eyewitness : how 72,000 Greek Jews perished, 1947
  34. Cfr Rebecca Camhi-Frome, The Holocaust odyssey of Daniel Bennahmias, Sonderkommando, University of Alabama Press, 1993.
  35. Cfr photo d’Alberto Errera conservée au Musée juif de Grèce : http://www.jewishmuseum.gr/dyncontent/repository/repository/15990/web_E5K_00129.jpg
  36. Gideon Greif, We wept without tears, Yale University Press, 2005, p. 375.
  37. Cfr Filip Müller, Trois ans dans une chambre à gaz d’Auschwitz, p. 75.
  38. Leon Cohen, From Greece to Birkenau : the crematoria workers'uprising, Salonika Jewry Research Center, 1996.
  39. Hermann Langbein, Hommes et femmes à Auschwitz, p. 217 : Kaminski et deux grecs, dont l'un, nommé Errera ou Hereirra, connu pour son talent de chanteur, décidèrent d'organiser une mutinerie. Le second Greec est probablement Giuseppe Baruch, surnommé Pepo.
  40. Cfr Zalmen Gradowski, Au cœur de l’enfer, Tallandier, 2009.
  41. D’après le registre du poste de police allemand à Auschwitz du 9 août 1944. Cfr conférence d’Igor Bartosik à Bruxelles, 2013 : https://www.youtube.com/watch?v=mx9QflSlCSE
  42. Chistophe Cognet, Éclats : prises de vue clandestines des camps nazis, Paris, Seuil, , 423 p. (ISBN 978-2-02-137792-7), p. 377-378

Voir aussi

Articles connexes

Témoignages

  • Des voix sous la cendre : manuscrits des Sonderkommandos d'Auschwitz-Birkenau, Librairie générale française, , 601 p. (ISBN 978-2-253-11525-0).
  • (en) Gideon Greif, We Wept Without Tears: Testimonies Of The Jewish Sonderkommando From Auschwitz, Yale University Press, , 400 p. (ISBN 978-9633689776).
  • Filip Müller, Trois ans dans une chambre à gaz d'Auschwitz, Pygmalion, 1980 (ISBN 2-85704078-4).
  • Shlomo Venezia (trad. de l'italien), Sonderkommando – Dans l'enfer des chambres à gaz, Paris, Albin Michel, , 264 p. (ISBN 978-2-226-17593-9).
  • Zalmen Gradowski (trad. de l'hébreu), Au cœur de l’enfer, Paris, Tallandier, , 240 p. (ISBN 978-2-84734-580-3).
  • Alter Fajnzylberg, Les cahiers d'Alter Fajnzylberg : ce que j'ai vu à Auschwitz, Éditions des Rosiers, (ISBN 979-10-90108-20-2).
  • Hermann Langbein (trad. de l'anglais par Denise Meunier), Hommes et femmes à Auschwitz, Paris, Tallandier, coll. « Texto », , 532 p. (ISBN 978-2-84734-815-6)
  • Miklos Nyiszli, Médecin à Auschwitz. Souvenirs d'un médecin déporté, Julliard, 1961
  • (en) Leon Cohen, From Greece to Birkenau : the crematoria workers'uprising (traduit du français par Jose-Maurice Gormezano), Salonika Jewry Research Center, 1996
  • (en) Rebecca Camhi-Frome, The Holocaust odyssey of Daniel Bennahmias, Sonderkommando, University of Alabama Press, 1993
  • (grc) Marcel Nadjari, Χρονικό 1941–1945 (Chroniques 1941-1945), Ιδρυμα Ετσ - Αχα'ι'μ, Thessaloniki, 1991
  • Igor Bartosik et Adam Willma, Dans les crématoires d'Auschwitz – Entretien avec Henryk Mandelbaum, Auschwitz-Birkenau State Museum, , 96 p. (ISBN 978-83-7704-040-9).
  • (en) Jan Południak, Sonder. An Interview with Sonderkommando Member Henryk Mandelbaum, Oświęcim, 2008, (ISBN 978-83-921567-3-4).
  • (en) Errikos Sevillias, Athens-Auschwitz, Lycabettus Press, 1983
  • David Olère, L'Œil du témoin/The eyes of a witness - a painter in the Sonderkommando at Ausschwitz, The Beate Klarsfeld Foundation, , 111 p..

Travaux

  • Cila Cehreli, Témoignages du Khurbn : la résistance juive dans les centres de mise à mort - Chelmno, Belzec, Sobibor, Treblinka, Bruxelles, Éditions Kimé, coll. « Entre Histoire et Mémoire, Fondation Auschwitz », , 354 p. (ISBN 978-2-84174-638-5)
  • Georges Didi-Huberman, Images malgré tout, Éditions de minuit, 2003 (ISBN 9782707318589).
  • (de) Eric Friedler, Andreas Kilian et Barbara Siebert, Zeugen aus der Todeszone : Das jüdische Sonderkommando in Auschwitz, Deutscher Taschenbuch, , 416 p. (ISBN 978-3423341585).
  • Robert Kuwalek (trad. du polonais), Belzec, premier centre de mise à mort, Paris, Calmann-Levy, , 360 p. (ISBN 978-2-7021-4431-2)
  • (de) Werner Renz, Der Aufstand des Sonderkommandos in Auschwitz-Birkenau, Fritz Bauer Institut, , 68 p. (lire en ligne).

Filmographie

Liens externes

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