Simon XXIII Ishaya

Mar[1] Simon XXIII Ishaya (ou Ishaï), né le à Qotchanès et mort assassiné le à San José (Californie), fut catholicos-patriarche de l'Église apostolique assyrienne de l'Orient de 1920 à sa mort en 1975. C'est le dernier patriarche à avoir été désigné selon une procédure héréditaire.

Biographie

Orient

Il appartient à l'illustre famille Shimun (ou Shimunaya, c'est-à-dire Simon) qui donna pendant plusieurs siècles des patriarches à l'Église apostolique assyrienne de l'Orient, héritière de l'Église de l'Orient autrefois florissante dans l'Empire perse et qui s'était développée jusqu'en Inde et le long de la route de la soie. Au début du XXe siècle, elle n'avait plus au Moyen Orient que plusieurs dizaines de milliers de fidèles, organisés selon un mode tribal, et durablement et fréquemment persécutés. Le pouvoir du patriarche n'est pas seulement spirituel, mais il est aussi temporel sur son peuple. Le génocide assyrien perpétré par les Turco-Kurdes en 1915-1918 les disperse encore plus. Il est le fils d'un général assyrien, David d'Mar Shimun[2] (1889-1974, frère de Simon XXI Benjamin et de Simon XXII Paul) et de son épouse Esther d'Beth Matran[3]. C'est lui qui est désigné comme héritier au patriarcat après la mort en exil de son oncle Simon XXII en 1920.

C'est à l'âge de douze ans qu'il est consacré catholicos-patriarche par son oncle maternel[4] Joseph Khnanicho (1893-1977). La cérémonie a lieu le dans le camp de réfugiés de Bakouba50 kilomètres au nord de Bagdad) que les autorités britanniques ont ouvert pour les Assyriens ayant fui le génocide perpétré par les Ottomans. Joseph Khnanicho, métropolite de Rustaqa (il est évêque depuis l'âge de vingt ans), a vingt-sept ans, il est assisté dans la cérémonie de consécration par Mar Zaya Sargis, évêque de Djelou depuis qu'il a l'âge de treize ans et le jeune patriarche consacré a douze ans[5]...

En fait pendant la minorité de Simon XXIII, c'est Joseph Khnanicho qui donne les priorités, de même que les avis de l'évêque de la Métropole du Malabar et de toute l'Inde Mar Abimalek Timothée († ), sont pris en compte au début. Du point de vue politique en revanche, ce sont d'autres membres directs de la famille du jeune patriarche qui donnent les directives, notamment sa tante Surma d'Mar Shimun (1883-1975) et son père (qui est général), David d'Mar Shimun. La question se pose alors dans certains milieux de la nécessité d'un « homeland », c'est-à-dire d'un territoire national, pour tous ces Assyriens chrétiens déplacés, dont la majorité se trouve désormais au nord de la Syrie (sous mandat français) et surtout au nord de l'actuel Irak (sous mandat britannique), qui faisait partie de la Mésopotamie administrée par les Britanniques. La question est donc soulevée par ces milieux jusqu'à la Société des Nations et nourrie par la famille du patriarche, alors que l'émir Fayçal, poussé par les Britanniques, devient roi en 1921.

Le jeune patriarche poursuit quatre années d'études en Angleterre de 1924 à 1927. Il étudie au Saint Augustine's College de Canterbury[6], puis à Wescott House qui est un collège (c'est-à-dire une faculté pour premières années) anglican de l'université de Cambridge. Il se spécialise en histoire et en science politique. Ce collège est considéré par les Anglais comme donnant une orientation de l'enseignement plutôt libéral. Il est de retour en Mésopotamie en 1927 et se lance activement dans la politique. Par l'entremise de la puissance mandataire, il adresse en 1931 et 1932 quatre pétitions à la Société des Nations concernant son peuple. Il exige au nom de la minorité assyrienne la constitution d'un territoire pour former une nation indépendante dans la région des montagnes de Hakkiari (aujourd'hui en Turquie dans le Kurdistan), berceau d'où les Assyriens furent chassés en 1915, et aussi de former une région autonome dans le nord de la Mésopotamie britannique. Les exigences du patriarche sont en grande partie refusées à Genève, mais la SDN préconise tout de même l'établissement des Assyriens « en unités homogènes » dans le nord de l'Irak actuel, c'est-à-dire en fait en unités séparées.

Après la fin du mandat britannique en Mésopotamie en , l'Irak devient indépendant et la minorité assyrienne, accusée de collusion avec l'ancienne puissance mandataire, est soumise à des vagues de meurtres sous prétexte de ses tentatives d'autonomie, inspirée du modèle ottoman de la suzeraineté religieuse et temporelle du catholicos assyrien (système du millet). Seule une minorité d'ecclésiastiques et de notables plaidait pour l'intégration des Assyriens dans la nouvelle nation irakienne et préconisait une limitation des pouvoirs du catholicos-patriarche. Le , le gouvernement irakien propose à Simon XXIII une reconnaissance plus élargie de son pouvoir spirituel en échange de la renonciation à son pouvoir temporel. Le patriarche refuse par une déclaration du . Il est mis en état d'arrestation le à Bagdad. Un mois plus tard, un millier de partisans assyriens venus de Syrie voisine (sous mandat français) viennent soutenir le patriarche et s'affronter le avec des troupes irakiennes, tandis qu'en représailles des Kurdes et des milices arabes incendient et pillent des villages assyriens. Plusieurs milliers d'Assyriens trouvent la mort qui culmine au massacre de Simele, dans toute la région du nord de Mossoul. Quelques jours plus tard, à la mi-, Simon XXIII et toute sa famille sont exilés sous l'autorité du British Foreign Office en Palestine mandataire, puis directement à Chypre, également sous mandat britannique, afin d'isoler le patriarche de son peuple de Syrie et d'Irak. Le roi Fayçal meurt le .

Exil américain

Le , Simon XXIII s'installe aux États-Unis (qui n'étaient pas encore entrés en guerre), d'abord à Chicago, puis en 1954 à San Francisco, où se trouve l'église patriarcale Mar Narsaï. Il prend la nationalité américaine. Sa famille, qui était installée en Angleterre depuis 1951, émigre aussi aux États-Unis en 1961.

Simon XXIII continue ses activités politiques jusqu'en 1948; puis il finit par se concentrer sur le soutien des paroisses de la diaspora assyrienne aux États-Unis et agit comme un simple évêque diocésain. Il ordonne pour la première fois depuis son entrée en fonction un évêque en 1952, Mar Thomas Darmo, pour la Métropole du Malabar et de toute l'Inde. Il profite aussi pendant ces années de son exil pour traduire des livres de théologie et d'histoire de l'Église de l'Orient de l'araméen ou du syriaque en anglais. Il passe aussi une grande partie de son temps à visiter les communautés assyriennes de l'étranger, le territoire d'Irak lui étant interdit. En 1961, il voyage en Inde, en Iran, au Liban et en Syrie (sans avoir le droit de se rendre dans la vallée du Khabour où se trouvent la plupart des Assyriens). Le , il consacre à Téhéran, pour la première fois depuis la Première Guerre mondiale, un évêque pour la communauté assyrienne et une nouvelle église. Cet évêque sera son successeur Dinkha IV.

En 1964, il abolit avec l'assentiment de son oncle Joseph Khnanicho (qui faisait office de chef spirituel assyrien en Irak en l'absence de son neveu, interdit de territoire) le calendrier julien en vigueur pour le remplacer par le calendrier grégorien. Cela provoque une opposition minoritaire au sein de l'Église de quelques paroisses en Irak et en Inde qui aboutit en 1968 à un schisme dirigé par Mar Thoma Darmo et à la formation de l'Ancienne Église de l'Orient sur fond de rivalités politico-religieuses.

À l'automne 1964, il accepte l'invitation du pape Paul VI de se rendre à Rome en tant qu'observateur aux dernières sessions du concile de Vatican II avec George Lamsa (1892-1975). L'interdiction de se rendre en Irak est levée en 1970, ce qui lui permet d'aller à Bagdad visiter ses communautés, cependant il refuse l'invitation du gouvernement à y résider et d'y installer le siège de son Église. En représailles, le gouvernement reconnaît en 1972 la consécration d'Addaï II, comme patriarche dissident. Entre-temps le patriarche favorise l'usage des langues vernaculaires pour les paroisses de l'étranger. Ainsi la première paroisse assyrienne de langue anglaise est formée à Seattle[7].

Fin de règne et meurtre

Le , contre toute attente et alors que le célibat est une obligation pour les évêques et les moines et a fortiori pour les patriarches de l'Église de l'Orient, Simon XXIII épouse à l'âge de soixante-cinq ans Emama Yokhanan à Seattle. Elle est de plus de trente ans sa cadette et lui donnera deux enfants. Moins d'un mois plus tard devant un tel scandale, un synode des six évêques assyriens en fonction (Mar Dinkha de Téhéran, Mar Narsaï de Baz, Mar Aprim Khamis, Mar Youkhanna Philippos Aziz, Mar Youkhana Oraham et Mar Daniel Yaqou), réunis en l'église maronite du Christ-Roi de Beyrouth, le destitue et le réduit à l'état laïc. Mais Simon XXIII refuse cette décision qui selon lui est inopérante et non fondée en droit. Au début de l'année 1975, il ordonne même deux Italiens (auparavant prêtres selon le rite orthodoxe russe) à l'épiscopat: Mar Claudio Vettorazzo (pour Aquileia) et Mar Giovanni Basciu (pour la Sardaigne). La crise est à son comble dans la communauté à tel point que le un Assyrien de l'étranger, David Malek Ismaïl (né en 1935)[8], le tue d'un coup de revolver devant sa maison de San José[9], mais d'autres motifs semblent aussi compter dans cet assassinat. Il est condamné à la prison à vie, mais il est finalement libéré au bout de douze ans.

L'ancien patriarche est enterré[10] au Turlock Memorial Park. Avec lui se termine le système héréditaire de transmission du patriarcat dans l'Église assyrienne. Son successeur, Dinkha IV, est élu par les évêques.

Notes et références

  1. Titre équivalent à Monseigneur
  2. Nom de famille signifiant du Seigneur Simon
  3. Nom de famille signifiant de la maison du métropolite
  4. Frère de sa mère Esther, né Joseph (Yossip) d'Beth Matran ordonné prêtre par son oncle en 1912 et évêque en 1914 par Simon XXI à Qotchanès. Il est canonisé par l'Église assyrienne.
  5. (en) Theodore d'Mar Shimun, op. cité
  6. (en) Notice hagiographique
  7. Notice hagiographique
  8. Fils de Malek Yaqob Ismaël de la tribu des Tyari
  9. (en) Archives du procès
  10. https://www.findagrave.com/cgi-bin/fg.cgi?page=gr&GRid=55789850

Bibliographie

  • Jean-Maurice Fiey, Pour un Oriens Christianus Novus. Répertoire des diocèses syriaques orientaux et occidentaux. Steiner, Stuttgart, 1993, 87f. 126. (ISBN 3-515-05718-8)
  • (en) J. F. Coakley, « The Church of the East since 1914 », in Bulletin of the John Rylands Library of Manchester, no 78, 3 (1996), p. 179–198.
  • (en) Theodore d'Mar Shimun, The History of the Patriarchal Succession of the d'Mar Shimun Family, Modesto, 2008. (ISBN 978-1-4363-1219-6).

Liens externes

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