Sergueï Taboritski

Sergueï Vladimirovitch Taboritski (russe : Сергей Владимирович Таборицкий, ) est un nationaliste et monarchiste russe. Il est adjoint du dirigeant du Bureau pour les Réfugiés Russes en Allemagne de 1936 à 1945. Après 1942, Taboritski est membre du Parti nazi et travaille avec la Gestapo.

Biographie

Premières années

Sergueï et son plus jeune frère, Nikolaï Taboritski, sont les enfants illégitimes de la tailleur juive, propriétaire d'un magasin de mode, Anna Vladimirovna et de son compagnon, Sergueï Alexandrovich Zapevalov (qui se sépara d'elle en 1901). Les deux frères furent élevés dans la foi orthodoxe. Le parrain de Taboritski était Vladimir Sabler. Les frères prirent le nom de famille du premier mari d'Anna Vladimirovna, également juif, Wulf Aizikovitch Taboritski, un marchant d'Achmiany, qui avait quitté le pays bien avant que les deux ne naissent, en 1887. Selon les documents, ils étaient vus comme les enfants de Wulf Taboritski puisque le premier divorce de leur mère n'avait eu lieu qu'en 1899. Leur mère épousa ensuite un noble nommé Marasanov, adoptant son nom de famille. Anna Marasanova mourut en mars 1914 en France. En 1915, après la mort de leur mère, Sergueï et Nikolaï essayèrent sans succès de se rendre au Consistoire Spirituel de Petrograd avec un plaidoyer afin d'être reconnus comme enfants de la "foi Orthodoxe russe" et ainsi se débarrasser (selon leurs mots) du "sceau de Caïn" (leur appartenance au judaïsme), citant leurs sentiments religieux et monarchistes.[1]

Taboritski fut diplômé du Realschule de Gurevich en 1915. Il y eut plus tard des rumeurs comme quoi il participa à la Première Guerre mondiale sous le commandement du Grand Duc Michel Alexandrovitch de Russie au sein de la division sauvage, mais ceci semble peu probable, puisqu'aucune information documentée sur ses activités de 1915 à 1919 n'a été retrouvée. Selon certaines sources, il fut l'assistant du commissaire de la Douma d'État de l'Empire russe et député Georgy Deriouguine pendant cette période[2].

Après la Révolution de Février, il émigre en Ukraine, d'où il fuit vers l'Allemagne. A Kiev, dans une prison petlourite, il se rapproche du monarchiste Piotr Chabelski-Bork, avec qui il continue ensuite de communiquer durant tout son exil.

Émigration

Taboritski vécut dans un premier temps à Berlin, puis à Mecklembourg et de janvier à mars 1922 à Munich. A Berlin, il fut co-éditeur du journal antisémite Luch Sveta ("Rayon de Lumière"), qui fut publié à partir d'avril 1919. Lucha Sveta avait notamment republié la célèbre falsification, les Protocoles des Sages de Sion[3].

En 1921, Taboritski rencontra accidentellement l'ancien politicien de la Douma d'Etat Alexandre Goutchkov dans une rue à Berlin, il l'attaqua et le frappa à l'aide d'un parapluie, ce qui lui valu quelques jours de détentions dans une prison locale[4].

Tentative d'Assassinat contre Pavel Milioukov

Taboritski participa avec Shabelsky-Bork à la préparation d'une tentative d'assassinat contre Pavel Milioukov. Afin de l'accomplir, ils se rendirent à Berlin depuis Munich. Alors que Milioukov était en train de lire un discours, Taboritski ouvrit le feu sur lui. Lorsque Vladimir Dmitrievitch Nabokov se rua sur Shabelsky, le frappant au bras avec lequel il tenait le revolver, Taboritski tira trois fois à bout-portant sur Nabokov. Ce dernier mourut sur le coup, ayant reçu une balle en plein coeur[5]. Après ça, alors que Taboritski, ayant récupéré ses habits dans la garde-robe, s'apprêtait à en sortir, une femme s’exclama : "Le tueur est ici !", et Taboritski fut attrapé par la foule. En plus de Nabokov qui était mort lors de l'attentat, 9 personnes ont été blessées, dont le président du groupe de Berlin du Parti constitutionnel démocratique, L. E. Eliachev, ainsi que l'un des éditeurs du journal "Rul", Auguste Kaminka.

Un examen médical de Shabelsky-Bork et Taboritski permit d'établir que les deux consommaient des drogues depuis longtemps, et en avaient notamment pris une dose très importante le jour de l'assassinat[6].

Le procès de la tentative d'assassinat contre Milioukov eut lieu du 3 au 7 juin 1922 au Tribunal Criminel de Berlin (à Berlin-Moabit). Le tribunal condamna Taboritski à 14 ans de travaux forcés pour complicité dans la tentative d'assassinat et pour avoir intentionnellement blessé mortellement Nabokov. Il fut cependant libéré au printemps 1927.

Activités sous le Régime Nazi

A partir de mai 1936, Taboritski est l'adjoint du Général Vassili Biskoupski au sein du Bureau pour les Réfugiés russes en Allemagne ("Vertrauensstelle für russische Flüchtlinge in Deutschland"), créé par les nazis. Le rôle de Taboritski était notamment de tenir un registre de l'émigration russe et surveiller les opinions politiques des émigrés russes.[7] Après la déclaration de guerre contre l'URSS, il dirigea le recrutement de traducteurs pour la Wehrmacht au sein des émigrés russes. Les activités de Taboritski étaient effectuées en contact direct avec la Gestapo[1].

En avril 1937, Taboritski épouse Elisabeth von Knorre, petite-fille de l'astronome Karl Friedrich Knorre, qui était membre du parti nazi depuis 1931. Après de nombreuses requêtes (incluant une de Goebbels) et plusieurs refus, il reçu finalement la citoyenneté allemande en 1938 et rejoignit le NSDAP. Il cacha l'origine juive de sa mère tout en lui inventant des origines allemandes et inventa des origines nobles à un père fictif, "Vladimir Vasilievitch Taboritski". Prétendant être d'origine noble, il utilisa son nom de famille germanisé précédé de "von" (von Taboritzki). Il prétendit également que sa tentative d'assassinat contre Milioukov, qui était selon lui le "chef de la démocratie juive" et un "détestateur de l'Allemagne", était un exploit fait au nom de sa nouvelle patrie[1]. Il était heureux d'avoir été le premier à diffuser les "Protocoles des Sages de Sion" en Allemagne et à aider à la persécutions des militants de gauche[1].

Il fonda en 1939 l'Organisation Nationale de la Jeunesse Russe[8]. L'organisation était sous le contrôle direct de la SS. Il s'agissait d'une organisation semblable aux Jeunesses hitlériennes, auxquelles la nouvelle organisation était d'ailleurs subordonnée.

Dans les derniers jours de la guerre, Taboritski fuit Berlin et alla vivre à Limbourg-sur-la-Lahn. Il continua de publier occasionnellement dans le journal monarchiste brésilien "Vladimirsky Vestnik". Il mourut le 16 octobre 1980.

Notes et références

  1. (ru) Igor Petrov, « "Все самочинцы произвола...": подлинная биография Сергея Таборицкого », New Literary Observer, vol. 6, no 122, , p. 162–189 (ISSN 1815-7912, lire en ligne, consulté le )
  2. (ru) Mikhail Sokolov, « "Незамеченное поколение" писателя Владимира Варшавского. О судьбе мужа и своей жизни рассказывает в Женеве переводчик Татьяна Варшавская », sur Радио Свобода,
  3. Robert Chadwell Williams, Culture in Exile: Russian Emigrés in Germany, 1881-1941 (Ithaca, N.Y.: Cornell University Press, 1972), 86.
  4. (ru) Dmitry Zubarev, « Слово и дело: письма Е.А. Шабельской из архива Департамента полиции // Дмитрий Зубарев », sur Scepsis
  5. Покушение П Н Шабельского-Борк и С Таборицкого на П Н Милюкова в Берлине
  6. (ru) K.A. Chistyakov, « Антибольшевистская Россия », sur Antibr
  7. I.K. Trubina, « Русская эмиграция и Великая Отечественная война | Научная Библиотека Пермского Государственного Национального Исследовательского Университета », sur Perm University Scientific Library
  8. (ru) « История НОРМ на сайте РПЦЗ », sur RPCZ Moskva
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