Sauvegarde de justice
En droit français, la sauvegarde de justice est une mesure judiciaire ayant vocation à assurer la protection des biens ou de la personne des majeurs ou des mineurs émancipés. Cette mesure est conditionnée à une altération des facultés mentales ou physiques de nature à altérer l'expression de la volonté de la personne à protéger[1]. Typiquement, cette mesure est plus rapide à mettre en œuvre qu'une curatelle ou qu'une tutelle mais est provisoire ; elle est donc adaptée aux situations transitoires, comme une altération du jugement ou de l'expression de la volonté due à un problème médical (coma, traumatisme crânien…), ou bien comme une première étape avant une mise sous curatelle (le juge des tutelles pouvant le cas échéant requalifier la demande).
Ne doit pas être confondu avec Procédure de sauvegarde (droit français).
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Protection des mineurs Protection des majeurs
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Droit ... |
Cette mesure de protection est dite « de surveillance » : la personne demeure détentrice de sa pleine capacité juridique ; la protection est assurée a posteriori, soit par la demande de droit commun en annulation pour trouble mental[2], soit en rescision pour lésion ou réduction pour excès[3]. L'article 433 du Code civil[4] précise également que cette protection est nécessairement temporaire, d'un maximum de 12 mois renouvelable une fois. Comme toutes les mesures de protection juridique, la sauvegarde de justice a été réformée par la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs[5], entrée en vigueur le .
Loi du 3 janvier 1968
Sous l'empire de la loi no 68-5 du [6], la sauvegarde de justice était une mesure légale destinée à protéger les personnes dont les facultés mentales, altérées par une maladie, une infirmité ou un affaiblissement dû à l’âge, ou dont les facultés corporelles étaient altérées au point d’empêcher l’expression de la volonté. Contrairement à la curatelle ou la tutelle, ce régime de protection laissait au majeur sa capacité juridique et la faculté d’organiser la gestion de ses intérêts. Par conséquent, la protection s'opérait dans les faits par un contrôle a posteriori des actes accomplis par le majeur seul. La gestion des biens de la personne placée sous sauvegarde pouvait être assurée de trois manières différentes :
- le majeur pouvait, antérieurement ou lors de sa mise sous sauvegarde, désigner un mandataire chargé d’administrer ses biens : on parlait alors de mandat conventionnel ; la régularité et l'exécution de ce mandat étaient soumises au contrôle du juge des tutelles ;
- en l’absence de désignation d'un mandataire, le responsable de l’établissement de soins qui accueillait le majeur à protéger, ou le conjoint du majeur, ses ascendants, ses descendants, ses frères ou sœurs, le ministère public ou encore le juge des tutelles étaient tenus d’effectuer les actes conservatoires que nécessite la gestion de son patrimoine ; on parlait de « gestion d’affaires » ;
- enfin, si la situation présentait un caractère urgent ne pouvant être réglée ni par un mandat conventionnel, ni par une gestion d’affaires, le juge des tutelles pouvait désigner un mandataire spécial en précisant limitativement les éléments du patrimoine qu’il aurait à gérer et le type d’actes d’administration qu’il serait autorisé à faire (percevoir des ressources, assurer les dépenses courantes, dresser un inventaire des biens meubles et immeubles, etc.).
La sauvegarde de justice, mesure provisoire, prenait fin dès que l’intéressé retrouvait ses facultés. Dans le cas contraire, le majeur sous sauvegarde de Justice pouvait voir sa mesure aggravée et transformée en un régime plus protecteur, mais aussi plus contraignant : curatelle, voire tutelle si la curatelle ne suffisait pas.
Loi du 5 mars 2007
S'agissant de la sauvegarde de justice, la loi no 2007-308 du [5],[7], entrée en vigueur le , n'a apporté que quelques retouches sans grands bouleversements. Ces dispositions figurent désormais aux articles 433 à 439 du Code civil français[8].
La réaffirmation des principes gouvernant la protection des majeurs
La loi no 2007-308 du [5] rappelle que les mesures de protections judiciaires doivent respecter trois principes fondamentaux : la subsidiarité, la nécessité et la proportionnalité.
Dispositions communes aux mesures de protection
Le Code Civil prévoit des conditions communes aux mesures de protection[9]. Ainsi, les personnes majeures et les mineurs émancipés peuvent recevoir la protection de leur personne et de leurs biens que leur état ou leur situation rend nécessaire. Cette nécessité est constituée par l'impossibilité pour une personne de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté.
Le Code civil prévoit que cette protection est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne. Elle a pour finalité l'intérêt de la personne protégée, et doit favoriser, dans la mesure du possible, l'autonomie de celle-ci. La mesure doit alors être proportionnée et individualisée en fonction du degré d'altération des facultés personnelles de l'intéressé. S'il n'en est pas disposé autrement, cette mesure est destinée à la protection tant de la personne que des intérêts patrimoniaux de celle-ci. Elle peut toutefois être limitée expressément à l'une de ces deux missions.
Il appartient au juge des tutelles et au procureur de la République d'exercer une surveillance générale des mesures de protection. La demande d'ouverture de la mesure peut être présentée au juge par la personne qu'il y a lieu de protéger ou, selon le cas, par son conjoint, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin – à moins que la vie commune ait cessé entre eux – ou par un parent ou un allié, une personne entretenant avec le majeur des liens étroits et stables, ou la personne qui exerce à son égard une mesure de protection juridique. Elle peut être également présentée par le procureur de la République soit d'office, soit à la demande d'un tiers.
La demande est accompagnée, à peine d'irrecevabilité, d'un certificat circonstancié rédigé par un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République. Le coût de ce certificat est fixé par décret en Conseil d'État[10]. Pour l'application du dernier alinéa de l'article 426 du Code civil[11] et de l'article 431[12], le médecin spécialiste peut solliciter l'avis du médecin traitant de la personne qu'il y a lieu de protéger.
Le juge statue, une fois la personne entendue ou appelée. L'intéressé peut être accompagné par un avocat ou, sous réserve de l'accord du juge, par toute autre personne de son choix. Le juge peut toutefois, par décision spécialement motivée et sur avis du médecin mentionné à l'article 431 du Code civil[12], décider qu'il n'y a pas lieu de procéder à l'audition de l'intéressé si celle-ci est de nature à porter atteinte à sa santé ou s'il est hors d'état d'exprimer sa volonté.
Dispositions particulières à propos de la sauvegarde de justice
S'agissant de l'ouverture d'une mesure de sauvegarde de justice, elle peut, en plus des dispositions évoquées ci-dessus, résulter d'une procédure médicale très particulière prévue à article L.3211-6 du Code de la santé publique[13]. Ainsi, en cas d'hospitalisation, le médecin, sous couvert du directeur du centre hospitalier ou du responsable administratif présent ce jour-là (infirmier général, DRH...) peut faire une déclaration au procureur de la république du lieu de traitement, qui a pour effet de placer le malade sous sauvegarde de justice. Le représentant de l'État dans le département doit être informé par le procureur de la mise sous sauvegarde.
L'ordonnance prononçant la mesure ne peut prévoir une durée supérieure à 1 an, mais peut être renouvelée une fois pour la même durée[14].
Les effets de la mesure
Au cours de la mesure, la personne conserve l'exercice de ses droits civiques, commerciaux et juridiques. Elle est donc capable, mais bénéficie, comme avant la loi no 2007-308 du [5], d'une protection a posteriori, avec:
- l'action en rescision pour lésion, dans ce cas l'acte sera annulé ;
- l'action en réduction pour excès, quand l'engagement est inopportun, celui-ci sera réduit.
Protection des biens de la personne protégée
Concernant l'administration des biens de la personne protégée, plusieurs situations peuvent se rencontrer[15].
- Si la personne protégée a désigné le mandataire pour s'occuper de ses affaires avant sa mise sous protection, le mandataire reste en fonction, à moins qu'il ne soit révoqué ou suspendu par le juge des tutelles, le mandataire étant entendu ou appelé. La loi nouvelle ne fait plus référence au mandat donné par la personne après avoir été placée sous sauvegarde de justice – ce mandat n'en serait pas pour autant caduc, puisque le majeur conserve l'exercice de ses droits.
- En l'absence de mandat, on suit les règles de la gestion d'affaires (actes conservatoires et d'administration effectués par un gérant pour le compte d'un géré, ce qui implique la responsabilité du premier et oblige le second au remboursement des sommes avancées) ; il est tout de même fait obligation à certaines personnes (proches parents, directeur de l'établissement où est soigné le malade) d'assumer cette gestion, tout au moins en ce qui concerne les actes conservatoires.
- Quand la personne ne désigne pas de mandataire et que la gestion d'affaires ne suffit pas, le juge des tutelles peut désigner un mandataire spécial pour accomplir un ou plusieurs actes déterminés[16].
Protection de la personne protégée
S'agissant de la protection de la personne, l'article 438 du Code civil[17] renvoie aux dispositions prévues aux articles 457-1 à 463. Ces derniers prévoient globalement trois types d'actes touchant à la sphère de la protection de la personne:
- les actes strictement personnels de l'article 458 du Code civil[18] que le majeur accomplit seul : l'article impose une liste non exhaustive d'actes strictement personnels : la déclaration de naissance d'un enfant, sa reconnaissance, les actes de l'autorité parentale relatifs à la personne d'un enfant, la déclaration du choix ou du changement du nom d'un enfant et le consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant ;
- les décisions personnelles ordinaires de l'article 459 alinéa 1 du Code civil[19] prises par le majeur seul ;
- les décisions personnelles touchant à l'intégrité personnelle ou à l'intimité de la vie privée[20], qui nécessitent l'intervention du mandataire judiciaire ; toutefois, la personne chargée de la protection du majeur ne peut, sans l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué, prendre une décision ayant pour effet de porter gravement atteinte à l'intégrité corporelle de la personne protégée ou à l'intimité de sa vie privée.
Fin de la mesure de sauvegarde de Justice
La mesure prend fin :
- par péremption de la déclaration, la mesure étant ordonnée pour une durée 1 an, renouvelable une fois pour la même durée[14] (le non-renouvellement entraîne son arrêt automatique) ;
- par une nouvelle déclaration attestant du retour à l'état normal de l'intéressé[14] ;
- par le décès du majeur protégé ;
- par radiation sur décision du procureur de la République, s'il a constaté un abus ;
- par l'ouverture d'une tutelle ou d'une curatelle : on parle alors d'aggravation de la mesure.
Bibliographie
- Anne Caron-deglise, Frederic Arbellot, Nathalie Peterka, Droit des tutelles, protection judiciaire des majeurs et des mineurs, editions Dalloz
- Olivier Chomono, La Tutelle pour le Nuls, editions First
Références
- Article 425 du Code civil
- Article 414-1 du Code civil
- Article 435 du Code civil
- Article 433 du Code civil
- Loi no 2007-308 du portant réforme de la protection juridique des majeurs
- Loi no 68-5 du portant réforme du droit des incapables majeurs
- Présentation de la loi sur le site du Sénat
- Section De la sauvegarde de justice sur Légifrance
- Articles 415 et suivants du Code Civil
- Article 217-1 du Code de procédure pénale
- Article 426 du Code civil
- Article 431 du Code civil
- Article L.3211-6 du Code de la santé publique
- Article 439 du Code civil
- Article 436 du Code civil
- Article 437 du Code civil
- Article 438 du Code civil
- Article 458 du Code civil
- Article 459 du Code civil, alinéa 1er
- Article 459 du Code civil, alinéa 2