Samuel Pozzi

Jean-Samuel Pozzi est un médecin, chirurgien et anthropologue français né à Bergerac (Dordogne) le [2] et mort à Paris le . Membre de l'Académie de médecine et professeur à la Faculté, il fut l'un des pionniers de la gynécologie moderne.

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Biographie

Samuel Pozzi photographié par Nadar.

Issu d'une famille d'origine italienne, fils du pasteur protestant Benjamin Pozzy et de Marthe Escot-Meslon[2], il fit ses études à Pau et Bordeaux et commença ses études de médecine à Paris en 1869. Étudiant brillant, l'un des élèves préférés de Paul Broca (1824-1880), il fut préparateur d'anatomie alors qu'il n'était encore qu'étudiant, externe des hôpitaux de Paris en 1866, interne en 1868. Engagé volontaire lors de la guerre de 1870, il découvrit sa vocation dans la traumatologie guerrière. Il obtint son doctorat en 1873 puis l'agrégation en 1875 et devint chirurgien des hôpitaux (1877). En 1883, il fut nommé à l'hôpital de Lourcine-Pascal (rebaptisé plus tard, à son initiative, hôpital Broca). Une circonstance de sa jeunesse a puissamment aidé sa carrière : encore jeune, il perdit sa mère et son père épousa une Anglophone, de sorte que Samuel Pozzi était parfaitement bilingue très tôt et à une époque où c'était très rare. Cela lui donnera un accès direct à l'énorme potentiel anglo-saxon[3].

Excellent chirurgien, il s'initia dès 1876 auprès de Joseph ListerÉdimbourg) aux pansements antiseptiques, aboutissement des théories de Pasteur. Il fut l'un de ceux qui introduisirent et répandirent le « Listerisme » en France, promouvant notamment le port des gants au bloc. Il fit également connaître les travaux d'Alexis Carrel sur la transplantation d'organes et la culture des tissus. Au cours de la Première Guerre mondiale, il fut l'un des premiers à utiliser les procédés de désinfection des plaies imaginés par Lister et Alexis Carrel dans le domaine de la traumatologie de guerre[4].

Il aborda l'un des premiers la chirurgie de l'abdomen en pratiquant en 1889 la première gastro-entérotomie réalisée en France, mais aussi la suture de la vessie après taille sus-pubienne, la cholédocotomie, la suture du tissu hépatique après extraction d'un kyste hydatique, etc.

Au fil des années, il se consacra de plus en plus à la gynécologie dont il fut l'un des pionniers en France et entreprit de nombreux voyages d'étude en Angleterre, en Allemagne et en Autriche. Il aménagea son service de l'hôpital Broca de la manière la plus moderne, allant jusqu'à en décorer les murs de toiles d'artistes connus. C'est là qu'il fonda une école réputée de gynécologie, jusqu'à ce qu'une chaire de clinique gynécologique soit créée en 1911 à la Faculté de médecine, dont il devint le premier titulaire.

Il fut surtout un partisan de la gynécologie conservatrice, refusant l'ablation systématique de l'utérus et des ovaires et s'intéressant aux opérations réparatrices des mutilations congénitales ou acquises.

Auteur de nombreuses études de gynécologie, il est surtout l'auteur d'un important Traité de gynécologie clinique et opératoire, qui a connu plusieurs éditions depuis 1890 et qui a été traduit en espagnol, en allemand, en anglais, en italien, en russe et en arabe. Il publia également de nombreux articles dans le Bulletin de l'Académie nationale de médecine

En 1896, il fut élu membre de l'Académie de médecine. En 1897, il fonda la Revue de gynécologie et de chirurgie abdominale. Il participa à la création du Congrès de chirurgie.

Vie sociale et privée

Gynécologue et chirurgien à la mode de l'aristocratie et de la haute bourgeoisie, Samuel Pozzi fréquenta les salons de Mme Émile Straus, de Aubernon de Nerville, de la princesse Mathilde, de Mme Arman de Caillavet et de la comtesse Potocka.

Il soigna notamment Robert de Montesquiou, le prince Edmond de Polignac, Anatole France, le poète Leconte de Lisle, Jean Lorrain et les Rothschild. Familier du docteur Adrien Proust, il fut aussi le médecin de son fils Marcel, rencontré au cours d’un dîner donné par ses parents en 1886. En 1914, c’est lui qui procura à Proust la dispense qui lui permit de ne pas être envoyé au front[5].

Les avis divergent quant à sa compétence médicale. Robert Proust, frère de Marcel, qui fut son assistant à l'hôpital Broca en 1914, le tenait en haute estime, mais Léon Daudet, lui-même ancien carabin, disait : « Je ne lui confierais pas mes cheveux, surtout s'il y avait là une glace. » Pozzi était en effet extrêmement coquet : il s'est fait peindre par John Singer Sargent enveloppé dans une somptueuse robe de chambre écarlate. Son ami Léon Bonnat réalisa de lui en 1910 un portrait très différent qui met l'accent sur son regard et sa force intérieure.Il demanda en 1916 à Jean-Gabriel Domergue de le représenter en uniforme militaire des services de santé avec la plaque de grand officier de la Légion d'honneur.[6] Mme Aubernon de Nerville l'appelait « l'amour médecin » (titre d'une comédie de Molière) tandis que Sarah Bernhardt, l'une de ses nombreuses conquêtes, rencontrée en 1869, le surnommait en toute simplicité « Docteur Dieu »[7].

Marié à Thérèse Loth-Cazalis, parente du docteur Cazalis, il eut une fille, Catherine (née le ), et deux fils, Jacques et Jean. Mari volage n'hésitant pas à séduire ses patientes (il eut également des aventures avec Georgette Leblanc, Réjane ou Emma Sedelmeyer Fischof qui restera sa maîtresse jusqu'à la fin de sa vie), il consolait sa femme, surnommée par Mme Aubernon « la muette de Pozzi » (en référence à l'opéra d'Auber), de ses infidélités en lui disant : « Je ne vous ai pas trompée, ma chère, je vous ai complétée »[8].

S'intéressant à l'Antiquité, Pozzi collectionnait les pièces de monnaie et les statuettes, notamment les tanagras. En 1888, il devint président de la Société d'anthropologie. Il s'intéressait également à l'histoire médicale, et émit l'hypothèse que la mort de la princesse Henriette, fille de Charles Ier, fut le résultat d'une grossesse extra-utérine.

Conseiller général de la Dordogne, il fut élu sénateur de la Dordogne en 1898, par 575 voix contre 546 à son adversaire, en remplacement du docteur Antoine Gadaud, décédé. Dreyfusard, il siégea au groupe de la Gauche et de l'Union Républicaine et fut battu en 1903 par le docteur Jean Peyrot, médecin et professeur des facultés.

Fait chevalier dans l'ordre de la Légion d'honneur le , il est nommé officier le puis grand officier le [1].

Une fin tragique

Samuel Pozzi en 1918

Au début de la Première Guerre mondiale, Pozzi, qui avait été engagé volontaire en 1870, reprit du service malgré son âge et, en qualité de médecin principal, dirigea plusieurs salles de blessés à l'hôpital Broca, à l'hôpital du Panthéon et à celui de l'hôtel Astoria.

Il fut assassiné le , par un de ses patients frappé de démence qui lui cribla l'abdomen de plusieurs balles de pistolet. Ce patient, opéré d’une varicocèle, était mécontent de l’opération et Pozzi refusait de le réopérer. Malgré les efforts du docteur Thierry de Martel (un de ses élèves en chirurgie) pour le sauver, Pozzi mourut le même jour [9].

Ses obsèques eurent lieu le à l'église réformée de la Grande-Armée, à Paris. Selon son souhait, il fut inhumé dans son uniforme militaire dans sa ville natale de Bergerac[10].

Il vécut dans un hôtel particulier au 47, avenue d'Iéna (aujourd'hui 49-51), vendu en 1897 aux frères Rodolphe et Maurice Kann, puis dans un appartement situé 10, place Vendôme jusqu'à sa mort.

Éponymie

  • maladie de Pozzi : pseudorachitisme sénile (ou maladie de Paget).
  • pince de Pozzi[11],[12]
  • muscle de Pozzi : muscle court extenseur des doigts.

Œuvres et publications

  • « Sur une variété fréquente du muscle court péronier latéral chez l'homme (anomalie réversive) », Bulletins de la Société d'anthropologie de Paris, 2e série, tome, 1872, p. 155-161, DOI:10.3406/bmsap.1872.4496 (texte intégral).
  • « Sur la décoloration de la peau chez les nègres, sous l'influence du climat et de la maladie », Bulletins de la Société d'anthropologie de Paris, 2e série, tome 7, 1872, p. 815-817, DOI:10.3406/bmsap.1872.4552 (texte intégral).
  • Étude sur les fistules de l'espace pelvi-rectal supérieur, ou fistules pelvi-rectales supérieures, G. Masson, Paris , 1873, lire en ligne sur Gallica.
  • « Cerveau d'une imbécile », Bulletins de la Société d'anthropologie de Paris, 2e série, tome 9, 1874, p. 772-797, DOI:10.3406/bmsap.1874.3100 (texte intégral).
  • De la valeur des anomalies musculaires au point de vue de l'anthropologie zoologique [Congrès de Lille 1874], Association française pour l'avancement des sciences, Paris , 1874, lire en ligne sur Gallica.
  • De la valeur de l’hystérotomie dans le traitement des tumeurs fibreuses de l’utérus, 1875.
  • Traité de gynécologie clinique et opératoire, G. Masson, Paris , 1890, lire en ligne sur Gallica.
  • « Inversion du sens génital chez un pseudo-hermaphrodite féminin et sarcome de l'ovaire gauche opéré avec succès », Bulletin de l'Académie nationale de médecine, 1911.
  • Exposé des titres et travaux scientifiques, G. Masson, Paris , 1895, Texte intégral.
  • Traité de gynécologie clinique et opératoire (4e édition revue et augmentée), Masson et Cie, Paris :
  • Notes d'un voyage chirurgical en Argentine et au Brésil, impr. de Protat frères, Mâcon, 1912, lire en ligne sur Gallica.

Notes et références

  1. Jean-Samuel Pozzi sur la base Léonore.
  2. Acte de naissance no 198 (vue 53/77), registre des naissances de l'année 1846 pour la ville de Bergerac sur le site des Archives départementales de la Dordogne.
  3. André Fabre dans « Samuel Pozzi, un médecin sur le chemin des dames », op. cit..
  4. André Fabre, « Samuel Pozzi, chirurgien flamboyant », août 2012.
  5. Il serait l’un des modèles du docteur Cottard dans À la recherche du temps perdu[réf. nécessaire].
  6. Guy Saigne, Léon Bonnat, le portraitiste de la IIIe République, Paris, Mare & Martin, , 704 p. (ISBN 979-10-92054-75-0), p. 537
  7. Nicolas Bourdet, arrière-petit-fils de Samuel Pozzi dans « Samuel Pozzi, un médecin sur le chemin des dames », op. cit..
  8. Caroline de Costa et Francesca Miller, The Diva and Doctor God : Letters from Sarah Bernhardt to Doctor Samuel Pozzi, op. cit..
  9. « Samuel Pozzi »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?), sur hippocrate.org
  10. « Bergerac (24) : cimetière protestant dit du Pont Saint-Jean » sur landrucimetieres.fr.
  11. (es)Pince de Pozzi
  12. de Pozzi

Annexes

Bibliographie

par ordre chronologique

Liens externes

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