Salomon et Marcolf

Salomon et Marcolf est une histoire ayant fait l'objet de plusieurs versions au cours du Moyen Âge européen, en particulier sous la forme d'une nouvelle en latin, Dialogus Salomonis et Marcolphi.

Salomon et Marcolf

Marcolf devant Salomon[1]

Auteur Anonyme
Genre Nouvelle
(dialogue)
Version originale
Langue Latin
Titre Dialogus Salomonis et Marcolphi
ou Scriptura quae appellatur Salomonis Interdictio
Date de parution 1470

Elle met en scène le roi biblique Salomon et un personnage rustre ou un bouffon, qui s'affrontent dans un dialogue souvent parodique.

Historique

Le dialogue serait cité parmi les textes interdits dans le Décret de Gélase du VIe siècle, où il apparaît sous le titre de Scriptura quae appellatur Salomonis Interdictio[2],[3]. Dans le monde anglo-saxon, Marcolf apparaît en tant que Saturne[4].

Le personnage de Marcolfo est cité autour de l'an mille par l'abbé du monastère de Saint-Gall Notker l'Allemand à propos d'une dispute avec le roi Salomon[5] :

Vieux haut allemand
Vuaz ist ioh anderes daz man Marcholfum saget sih éllenon uuider prouerbiis Salomonis?
An diên allen sint uuort scôniû, âne uuârheit.
Traduction
Qu'est-ce que Marcolfo argumente contre les proverbes de Salomon ?
Rien d'autre que de belles paroles sans vérité aucune.

Des récits similaires sont également rapportés dans de très anciens petits poèmes allemands (Salman und Morolf, vers 1190 [6]) et russes.

Il existe trois versions de la légende en français, dont deux remontent au XIIe siècle. Il s'agit de simples dialogues dans lesquels Salomon et Marcolf échangent des phrases courtes. Dans l'une, Proverbes de Marcoul et de Salemon, due à Pierre Mauclère, comte de Bretagne, probablement entre 1216 et 1220, l'humour et la parodie sont absents et il semble que l'auteur ait choisi cette forme pour émettre ses propres idées sur la vie et les bonnes manières. Dans la seconde version[7], le langage de Marcoul est beaucoup plus cru et ses répliques portent essentiellement sur les femmes de mauvaise vie[8].

L'édition la plus ancienne du récit en latin, Dialogus Salomonis et Marcolfi (le nom de Marcolfo est parfois écrit Marculphus ou Marcolphus) remonte à peu près vers 1470, à laquelle ont succédé de nombreuses autres éditions surtout vers la fin du XVIe siècle, en latin comme en langue vulgaire, tel El dialogo di Salomon e Marcolpho[9].

Il s'agit d'un dialogue satirique typiquement médiéval, du genre qui appartient habituellement à la tradition des clerici vagantes.

Trame

Latin
Cum staret rex Salomon super solium David patris sui,
plenus sapiencia et divicijs,
vidit quendam hominem Marcolfum nomine
a parte orientis venientem,
valde turpissimum et deformem, sed eloquentissimum.
Uxorque eius erat cum eo,
que eciam nimis erat terribilis et rustica.
Italien
Il re Salomone, sedendo sul trono di Davide suo padre,
colmo di sapienza e di ricchezze,
vide un tale individuo di nome Marcolfo
che giungeva da oriente,
davvero orribile e deforme, ma tanto loquace.
E la moglie di questi era con lui,
ed anch'essa era davvero terribile e rozza[12].

Dans la « Première partie » du Dialogue, le paysan laid et astucieux Marcolfo rencontre le roi Salomon. Après avoir tourné en dérision la généalogie sacrée (Ego sum de duodecim generacionibus prophetarum...) en lui opposant la sienne (Et ego sum de duodecim generacionibus rusticorum...) et celle de sa femme Politana (Uxor vero mea de duodecim generacionibus lupitanarum...), il commence avec le roi une dispute durant laquelle, à la sagesse biblique de Salomon, il oppose son esprit paysan fait de parodies, de sagesse populaire et de jeux de mots vulgaires.

Dans la « Deuxième partie », Marcolfo, accueilli à la cour du roi qui apprécie sa subtilité et sa vivacité, est mis à l'épreuve dans une série de situations insidieuses dont il parvient toujours à se tirer, non sans susciter la colère du roi au point d'être finalement condamné à mort par pendaison, s'en tirant encore grâce à une dernière astuce.

Dans la « Troisième partie », qui n'apparaît pas dans toutes les éditions, Marcolfo rend à Salomon sa reine, qui avait été enlevée avec son consentement par un roi païen, et retrouve ainsi définitivement la confiance du roi.

Deux conceptions différentes de la femme sous-tendent la narration : l'idéalisation vertueuse et extatique du roi Salomon et les portraits vulgaires et machistes qui sortent de la bouche de Marcolfo.

Postérité

En 1620, Giulio Cesare Croce en tire la célèbre nouvelle : Le sottilissime astuzie di Bertoldo, où le contexte biblique du roi Salomon est remplacé par celui de l'époque du roi lombard Alboïn et le rôle de Marcolfo est tenu par Bertoldo (it). L'esprit du dialogue est largement nettoyé de toute vulgarité et l'aspect satirique en ressort considérablement redimensionné.

Dans la nouvelle suivante, Le piacevoli e ridicolose semplicità di Bertoldino, Croce s'appuie à nouveau sur le récit ancien en introduisant le personnage de Marcolfa (it), femme de Bertoldo, dans un rôle analogue à celui de Politana, femme du Marcolfo médiéval.

En 1984, Mario Monicelli réalise Bertoldo, Bertoldino e Cacasenno, avec Ugo Tognazzi dans le rôle de Bertoldo, Alberto Sordi dans celui du frère Cipolla, Lello Arena jouant le roi Alboino et Annabella Schiavone (it), Marcolfa. Le film doit beaucoup à la saga de Brancaleone avec Vittorio Gassman. Les aventures de Croce se mêlent ici à mille autres idées prises dans la comédie classique et chez les auteurs médiévaux pour restituer l'image d'un moyen âge coloré et caricatural.

Notes et références

  1. Gordon 1892.
  2. Ernst von Dobschütz, Das Decretum Gelasianum de libris recipiendis et non recipiendis, 1912
  3. Kemble 1845, p. 11,12.
  4. Kemble 1845.
  5. Paul Piper, Die Schriften Notkers und seiner Schule, 1883
  6. Sabine Griese, Salomon und Markolf. Ein literarischer Komplex im Mittelalter und in der frühen Neuzeit, 1999
  7. Dictz.
  8. Kemble 1845, p. 73 à 83.
  9. Ernesto Lamma, El dialogo di Salomon e Marcolpho, 1885.
  10. , Bibliothèque universitaire Johann Christian Senckenberg, Francfort-sur-le-Main, 1479.
  11. Agnès Montaigne et Françoise Bachelart-Hugedé, Chartres : Guide pour un voyage symbolique, Paris, J.-C. Godefroy, , 190 p., ill. en noir et en coul., plans, couv. ill. en coul. ; 22 cm (ISBN 978-2-86553-248-3, notice BnF no FRBNF43743197)
  12. (it) Giulio Cesare Croce, Bertoldo e Bertoldino, prefato dal Dialogus Salomoni et Marcolfi, myricae edizioni, Milano, 2009 (lire en ligne)

Voir aussi

Bibliographie

  • Anonyme, Les dictz de Salomon, avecques les responces de Marcon (sic) (notice BnF no FRBNF33347817, lire en ligne)
  • (en) John M. Kemble, The Dialogue of Salomon and Saturnus, with an historical introduction, Londres, (notice BnF no FRBNF30677325, lire en ligne)
  • (en) The dialogue or communing between the wise King Salomon and Marcolphus, Londres, Edward Gordon, Lawrence & Bullen, (lire sur Commons)
  • Walter Benary, Salomon et Marcolfus – Kritischer Text mit Einleitung, Anmerkungen, Ubersicht über die Sprüche, Namen- und Worterverzeichnis, 1914.
  • Giulio Cesare Croce, Bertoldo e Bertoldino, prefato dal Dialogus Salomoni et Marcolfi, myricae edizioni, Milano 2009
  • Anonimo, Il dialogo di Salomone e Marcolfo - con testo latino, traduzione, prefazione e note di G.C. Macchi, lulu, 2011, (ISBN 978-1-291-82853-5).
  • (en) Anonyme, The Dialogue of Solomon and Marcolf : A Dual-Language Edition from Latin and Middle English Printed Editions, Kalamazoo (Michigan), Nancy Mason Bradbury, Scott Bradbury, Medieval Institute Publications, (lire en ligne) ; contient le texte latin de l'édition de Gerardum Leeu (1488)
  • (la) Dialogus Salomonis et Marcolfi : Salomonis et Marcolphi dyalogus:Finitum̲ est hoc opusculum̲ antwerpie per me Gerardum leeur, Antwerpiae, Gerardum Leeu, , 10 f. à 36 lignes ; in-4 ; Fig. gravée sur bois représentant Esope reproduite au F. 10 recto et verso. - Car. goth. (notice BnF no FRBNF33595149) lire en ligne sur Gallica (data BnF )
  • Laurent Brun et Astrid Guillaume, « Salomon et Marcoulf, notice bibliographique », sur Arlima - Archives de littérature du Moyen Âge

Liens externes

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