Sakalaves

Les Sakalava (en français, Sakalaves) sont un groupe ethnique de Madagascar qui occupe la majeure partie de la frange côtière occidentale de l'île, depuis la région de Tuléar au sud, jusque dans la région du Sambirano au nord, ils étaient environ 40 % de la population de Mayotte avec quelques Antalotes mais ont chuté très rapidement à 22 % en 2007 à cause de l'immigration sur l'île venant des Comores. En fait, les Sakalava ne constituent pas vraiment un peuple homogène mais un ensemble d'ethnies diverses ayant fait partie d'un ancien empire apparu dans la seconde moitié du XVIIe siècle.

Sakalava
« Sakalava. Cuillères remplaçant l'instrument appelé Kayamba »
(Exposition coloniale de 1931)

Populations significatives par région
Madagascar

Mayotte

425 000
Autres
Langues sakalava
Religions
Carte de répartition

Ethnonymie

L'origine et le nom des Sakalava (souvent sous la forme vieillie de Séclaves) peut être détaillée ici et correspond sans doute étymologiquement au mot esclave, passé à travers l'arabe Saqāliba puis le malgache, ce qui semble plus probable que l'étymologie populaire, « Ceux des grandes plaines ». En français, il appert comme Suculambes (1616), Souklaves (1719) puis Séclaves (1774). Selon les sources, on observe plusieurs variantes : Saclave, Sakalava, Sakalavas, Sakalave, Sakalaves, Séclave[1].

Territoire

Côte rocheuse en pays Sakalava

Histoire

Waka - "canoë à balancier" austronésien (qui a donné en malgache le mot vahoaka-le "peuple", du proto-austronésien *va-waka - "ceux des canoës", "peuple de la mer") : les premiers Ntaolo austronésiens en ont probablement utilisé de semblables pour parvenir jusqu'à Madagascar en partant des îles de la Sonde

Une origine austronésienne commune à toute l'île : les Vahoaka Ntaolo-Vazimba et Vezo (350 av. J.-C. 1500)

Vaγimba - "ceux de la forêt" en proto-Barito du Sud-Est (ancienne langue austronésienne parlée notamment à Bornéo). Photo Wikicommons : Dayak de Borneo

Les nombreuses recherches pluridisciplinaires récentes - archéologiques[2], génétiques[3], linguistiques[4] et historiques[5] - confirment toutes que l'ensemble du peuple malgache est primordialement originaire de l'archipel indonésien[6]. Arrivés probablement sur la côte Ouest de Madagascar en canoë à balancier (waka) au début de notre ère - voire 300 ans avant selon les archéologues[7] -, ces pionniers navigateurs austronésiens sont connus de la tradition orale malgache sous le nom des Ntaolo (de *(n)ta(u/w) - *olo - "les hommes d'avant", "les "anciens", de *(n)ta(u/w)-"hommes" et *olo- "premier", "origine", "début", "tête" en proto-Malayo-Polynésien (MP)[8]). Il est également probable que ces anciens se nommaient eux-mêmes les Vahoaka (de Va-*waka "peuple/ceux des canoës" ou "peuple de la mer", de *waka-"canoë (à balancier)" en proto-MP), terme signifiant simplement aujourd'hui le "peuple" en malgache.

Sur le plan morphologique/phénotypique, cette origine Sud-Est asiatique première des Malgaches explique, par exemple au niveau des yeux, le "pli épicanthal" asiatique de la paupière supérieure (epicanthic fold) répandu chez tous les Malgaches qu'ils soient des côtes ou des hauts plateaux, qu'ils aient la peau claire, sombre ou cuivrée (cf. par exemple ci-dessus la photo de l'homme Sakalava du présent article).

Ces vahoaka ntaolo ("peuple d'origine/premier") austronésiens sont à l'origine de la langue malgache commune à toute l'île[9], ainsi que de tout le fonds culturel malgache commun : coutumes anciennes (comme celle d'ensevelir les défunts dans une pirogue au fond de la mer ou d'un lac), agriculture ancienne (la culture du taro-saonjo, de la banane, de la noix de coco et de la canne à sucre), l'architecture traditionnelle (maison végétale à base carrée sur pilotis), la musique (les instruments comme la conque marine antsiva, le tambour de cérémonie hazolahy, le xylophone atranatrana, la flûte sodina ou encore la valiha) et la danse (notamment la "danse des oiseaux" que l'on retrouve à la fois au centre et dans le Sud)[10].

Au tout début du peuplement, période appelée "paléomalgache", les Ntaolo se subdivisèrent, selon leurs choix de subsistance en deux grands groupes : les Vazimba (de *ba/va-yimba-"ceux de la forêt", de *yimba-"forêt" en proto Sud-Est Barito (SEB), aujourd'hui barimba ou orang rimba en malais[11]) qui s'installèrent -comme leur nom l'indique- dans les forêts de l'intérieur et les Vezo (de *ba/va/be/ve-jau, "ceux de la côte" en proto-Malayo-Javanais, aujourd'hui veju en bugis et bejau en malais, bajo en javanais[12]) qui restèrent sur la côte Ouest.

Le qualificatif Vazimba désignait donc à l'origine les Ntaolo chasseurs et/ou cueilleurs qui décidèrent de s'établir "dans la forêt", notamment dans les forêts des hauts plateaux centraux de la grande île et celles de la côte Est et Sud-Est[13], tandis que les Vezo étaient les Ntaolo pêcheurs qui restèrent sur les côtes de l'Ouest et du Sud (probablement les côtes du premier débarquement)[14].

La période féodale malgache : naissance des grands royaumes (1600-1895)

Dès la fin du premier millénaire jusqu'à 1600 environ, les Vezo des côtes autant que les Vazimba de l'intérieur accueillirent de nouveaux immigrants moyen-orientaux (Perses Shirazi, Arabes Omanites, Juifs arabisés), africains (Bantus) et orientaux (Indiens Gujarati, Malais, Javanais, Bugis) voire européens (Portugais) qui s'intégrèrent et s'acculturèrent à la société Vezo et Vazimba, souvent par alliance matrimoniale. Bien que minoritaires, les apports culturels, politiques et technologiques de ces nouveaux arrivants à l'ancien monde Vazimba et Vezo modifièrent substantiellement leur société et seront à l'origine des grands bouleversements du XVIe qui conduiront à l'époque féodale malgache.

À l'intérieur des terres, les luttes pour l'hégémonie des différents clans Vazimba des hauts plateaux centraux (que les autres clans Vezo des côtes appelaient les Hova) aboutirent à la naissance des grands royaumes Merina, Betsileo, Bezanozano, Sihanaka, Tsimihety et Bara.

Sur les côtes, l'intégration des nouveaux immigrés orientaux, moyen-orientaux et africains donnèrent naissance aux grands royaumes Antakarana, Boina, Menabe (réunis plus tard en Sakalava) et Vezo (Côte Ouest), Mahafaly et Antandroy (Sud), Antesaka, Antambahoaka, Antemoro, Antanala, Betsimisaraka (Côte Est).

La naissance de ces grands royaumes "néo-Vazimba"/"néo-Vezo" modifia essentiellement la structure politique de l'ancien monde des Ntaolo, mais la grande majorité des anciennes catégories demeurèrent intactes au sein de ces nouveaux royaumes : la langue commune, les coutumes, les traditions, le sacré, l'économie, l'art des anciens demeurèrent préservées dans leur grande majorité, avec des variations de formes selon les régions.

Village austronésien avec levu sur pilotis (*levu-"maisons" en proto-austronésien qui a donné en malgache an-devu -"à la maison") : tous les villages des ntaolo vazimba et vezo de Madagascar étaient probablement similaires au premier millénaire. On retrouve d'ailleurs encore ce modèle aujourd'hui sur toutes les côtes de la grande île et dans les zones intérieures reculées (forêts, etc.)

Le Royaume sakalava

D'après les traditions, les chefs de clans (andriana) fondateurs du royaume sakalava étaient les princes maroseraña ou maroseranana (ceux possédant de nombreux ports) de la région de Fiherenana, actuel Tuléar. Ces derniers seraient eux-mêmes issus des clans zafiraminia du sud-est de l'île que beaucoup considèrent comme des Blancs, peut-être d'origine arabe. Toujours est-il qu'en contact avec les traitants européens dont ils obtiennent des armes, en échange avant tout des esclaves, ils soumettent rapidement les autres princes du voisinage, à commencer par ceux du sud, en zone mahafaly. Le véritable fondateur de la puissance sakalava était Andriamandazoala dont le neveu, Andriandahifotsy le Prince blanc »), fils de sa sœur avec un blanc ou un arabe, étend ensuite l'autorité vers le nord jusqu'au-delà du Mangoky. À leur tour, les deux successeurs de ce dernier, Andriamanetiarivo et Andriamandisoarivo poursuivent leur conquête jusque dans la région de Tsongay, proche de l'actuelle commune de Mitsinjo, puis vers Majunga. Dès cependant cette époque, l'unité de l'empire se brise, à un royaume du sud ou Menabe s'oppose le Boina du nord. Par la suite, le morcellement continue encore, malgré une extension de la puissance des princes du Boina jusque dans l'extrême nord, en pays antankarana.

Son processus de formation permet ainsi d'expliquer la grande diversité du monde sakalava dont les diverses parties continuent partout à perpétuer les particularités d'origine de chaque région, que ce soit du point de vue culturel ou linguistique. Sur ce dernier plan, le seul véritable facteur qui unifie les différents 'dialectes' sakalava est leur commune appartenance au sous-groupe occidental des langues de Madagascar, les distinguant des langues du centre et du littoral oriental.

L'origine même du nom sakalava, ainsi d'ailleurs que sa véritable signification, fait encore l'objet de controverses. Ainsi, les traditions Merinas font état de multiples harcèlements de bandes'sakalaves contre leurs villages dès le XVIIe siècle et durant tout le XVIIIe siècle, mais sans que l'on puisse s'assurer que ces dernières avaient un rapport direct avec les habitants des royaumes de la côte. En fait, il semblerait surtout que dans ce cas, ce terme servait d'appellation générique pour désigner toutes les populations nomadisant dans les territoires peu habités entre le pays merina et le littoral occidental de l'île.

Culture

Notes et références

  1. Source RAMEAU, BnF
  2. Burney et al (2004)
  3. Hurles et al. (2005)
  4. Dahl O. (1991)
  5. Verin (2000), p.20
  6. Patrice Rabe, Quotidien Midi Madagasikara, édition du 24 septembre 2008
  7. Burney et al, op.cit.)
  8. Randriamasimanana, "The Malayo-Polynesian Origin of Malagasy" )
  9. « Dans la langue malagasy, nous constatons d'étroites connexions avec l'idiome Maanyan parlé par la population de la vallée de Barito dans le sud de Bornéo », Dr Mathew Hurles du Welcome Trust Sanger Institute
  10. Pour l'historien Édouard Ralaimihoatra, ces Autronésiens qu'il appelle de manière globale les Vazimbas -sans faire le distinguo entre ceux des côtes, les Vezo, et ceux de la forêt de l'intérieur, les Vazimba- ont « apporté dans l'île le fond de la langue malgache et des techniques d'origine indonésienne : pirogues à balanciers, rizières inondées, cases en bois équarris ou en branchage construites sur pilotis, villages édifiés sur les hauteurs entourés de fossés, etc. Ce fond a reçu des apports résultant d'échanges humains entre l'Afrique et Madagascar, grâce à la navigation arabe entre les côtes de l'Arabie, de l'Afrique orientale et de la Grande Ile (Ralaimihoatra E., "Les Primitifs malgaches ou Vazimba", in Histoire de Madagascar)
  11. Simon P. (2006), p. 16
  12. Simon P. (2006), ibid., p. 474
  13. Rafandrana, un des ancêtres de la dynastie royale merina, par exemple, est connu pour avoir été un Vazimba (Callet, 1908). Les deux reines fondatrices de la royauté Merina, Rafohy et Rangita, étaient désignées comme Vazimbas. Comme la plupart des Austronésiens, les chefs Ntaolo (Vazimbas et Vezos) de Madagascar avaient pour coutume de placer les corps de leurs défunts dans des pirogues et de les enfouir dans des lacs artificiels (Vazimbas de l'intérieur) ou dans la mer (Vezos des côtes)
  14. Simon P. (2006), ibid., p. 455
  15. Musée du quai Branly
  16. Tropenmuseum
  17. Musée du Louvre, Pavillon des Sessions

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) William J. G. Gardenier, Witchcraft and sorcery in a pastoral society : the Central Sakalava of West Madagascar, UMI, Ann Arbor (Mich.), 1999, 203 p.
  • (en) Raymond Knezevich Kent, Early kingdoms in Madagascar and the birth of the Sakalava empire : 1500-1700, UMI, Ann Arbor (Mich.), 1999, 548 p. (thèse)
  • Marie-Pierre Ballarin, Les reliques royales sakalava : source de légitimation et enjeu de pouvoir : (Madagascar, XVIIIe-XXe s.), Université Paris 7, 1998, 526 p. (thèse d'Ethnologie)
  • Suzanne Chazan-Gillig, La société sakalave : le Menabe dans la construction nationale malgache : (1947-1972), ORSTOM, Karthala, Paris, 1991, 393 p. (ISBN 2-86537-276-6)
  • Sophie Goedefroit, À l'ouest de Madagascar : les Sakalava du Menabe, Karthala, ORSTOM, Paris, 1998, 529 p. (ISBN 2-86537-825-X) (texte remanié d'une thèse d'Ethnologie)
  • Sophie Goedefroit et Jacques Lombard, Andolo : l'art funéraire sakalava à Madagascar, IRD, Biro, Paris, 2007, 239 p.
  • Robert Jaovelo-Dzao, Mythes, rites et transes à Madagascar : Angano, Joro et Tromba, Sakalava, Ed. Ambozontany, Antanarivo ; Karthala, Paris, 1996, 391 p. (ISBN 2-86537-666-4) (texte remanié d'une thèse d'Ethnologie)

Articles connexes

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