Seqenenrê Tâa

Seqenenrê Tâa[Note 1] est un roi égyptien de la XVIIe dynastie dont le règne se situe aux alentours de -1558 à -1554[Note 2]. Comme ses obscurs prédécesseurs, il régnait sur la Haute-Égypte depuis Thèbes alors que les Hyksôs régnaient dans le delta du Nil depuis la cité d'Avaris. Formant la XVe dynastie, ces derniers faisaient valoir leur souveraineté sur toute l'Égypte.

Seqenenrê Tâa

Dessin de la tête momifiée de Tâa, Histoire de l'Égypte de Gaston Maspero.
Période Deuxième Période intermédiaire
Dynastie XVIIe dynastie
Fonction Pharaon
Prédécesseur Senakhtenrê Iâhmes
Dates de fonction -1558 à -1554 (A. D. Dodson, K. S. B. Ryholt).
-1591 à -1576 (Piccione)
jusqu'en -1545 (D. Franke)
Successeur Ouadjkheperrê Kames
Famille
Grand-père maternel Tjenna
Grand-mère maternelle Néferou
Père Senakhtenrê Iâhmes ?
Mère Tétishéri
Conjoint Iâhhotep Ire
Enfant(s) Ouadjkheperrê Kames ?
Ahmôsis Ier
Ahmès-Néfertary
Ahmosé-Sipair
Iâhhotep II ?
Deuxième conjoint Satdjéhouty
Enfants avec le 2e conjoint Ahmès
Troisième conjoint Ahmès-Inhapy
Enfants avec le 3e conjoint Ahmès-Hénouttamehou
Fratrie Iâhhotep Ire
Ahmès-Inhapy ?
Ouadjkheperrê Kames ?
Sépulture
Type tombeau
Emplacement Dra Abou el-Naga

Sous son règne semble s'organiser la résistance face à l'occupant Hyksôs, qui mènera bientôt, sous ses deux successeurs Ouadjkheperrê Kames et Ahmôsis Ier, à la guerre de libération.

Seqenenrê Tâa meurt de mort violente et est inhumé à Dra Abou el-Naga.

Généalogie

Seqenenrê Tâa, suivant l'analyse de sa momie, est mort entre trente et quarante ans[1]. Il voit son fils aîné Ahmès[Note 3] mourir avant lui[2], et laisse, outre de nombreuses filles, un autre Ahmès, futur Ahmôsis Ier, en bas âge[3]. Outre sa sœur et principale épouse Iâhhotep Ire, il s'unit à sa sœur Satdjéhouty et peut-être également à une fille et épouse royale Ahmès-Inhapy, qui lui donnent chacune une fille.

La plupart des enfants de Seqenenrê, sinon tous, ont pour prénom Ahmès[Note 4], tiré du nom de la lune Iâh, bien que les filles royales sont généralement distinguées par un second prénom. Cette prédilection pour les anthroponymes tirés de l'astre nocturne, ainsi que du dieu Thot qui lui est associé[Note 5], déjà présente avant le règne de Séqénenrê dans une moindre mesure, atteste d'un culte lunaire durable au sein de la famille royale.

La stèle d'Ahmôsis Ier à Karnak fait l'état civil complet d'Ahhotep et permet ainsi de situer les membres de la famille royale les uns par rapport aux autres : « épouse du roi (Seqenenrê Tâa), la sœur du souverain, (Ouadjkheperrê Kames ?), la fille du roi (Senakhtenrê Iâhmes), l'auguste mère du roi (Ahmôsis Ier) »[4]. Seqenenrê Tâa est ainsi considéré par de nombreux spécialistes comme le frère de Ouadjkheperrê Kames et non son père[5],[6], ou éventuellement appartenant à une branche collatérale[7].

Titulature

Séqénenrê a longtemps été désigné par les sources égyptologiques comme le second pharaon à porter le nom de naissance (ou nom de Sa-Rê) Tâa. On le trouve donc couramment nommé Seqenenrê Tâa II.

Cette classification était basée sur la foi d'un papyrus de l'inspection des tombes royales de Thèbes Ouest qui contient un rapport de la XXe dynastie. Selon ce document le premier pharaon à avoir porté le nom de Tâa était Senakhtenrê Iâhmes, le père de Seqenenrê.

Or on sait aujourd'hui que cette attribution est fondée sur une interprétation erronée de la fin du Nouvel Empire. Cette erreur a été confirmée récemment par la découverte à Karnak d'éléments d'une porte de Senakhtenrê Iâhmes dont les légendes hiéroglyphiques donnent trois des cinq noms du roi, révélant qu'il portait en fait le nom de naissance de Ahmosé[8].

Il faut donc considérer désormais Seqenenrê comme le seul pharaon à avoir été nommé Tâa.

Règne

Au centre, palette de scribe au nom du roi Seqenenrê Tâa, Musée du Louvre.

Les souverains de la XVIIe dynastie semblent avoir connu une période de paix relative avec leurs voisins du nord, d'une durée possible de vingt-cinq ans[9],[Note 6]. Mais le conte relatant la querelle du roi thébain contre le souverain Hyksôs d'Avaris, et la momie du roi Tâa, évoquant explicitement la mort violente que connut celui-ci, suggèrent que les hostilités contre les Hyksôs de la XVe dynastie reprirent sous son règne. Cependant, la carence de documentation ne permet pas de définir plus précisément les actions de ce roi.

Aucune trace d'activité architecturale des prédécesseurs de Seqenenrê Tâa n'a été découverte au nord d'Abydos. Or, Kamosé, qui succède à Tâa décrit ainsi les frontières de son royaume lors de son avènement : depuis Éléphantine au sud, jusqu'à Cusae[Note 7] en Moyenne-Égypte. La zone située entre les villes d'Abydos et Cusae représenterait donc le territoire reconquis par Séqénenrê Taâ sur les autorités locales inféodées aux Hyksôs, avant finalement de périr, sans doute sous les haches hyksôs.

Durant son règne est édifié un palais de grandes dimensions, sur le site de Deir-el-Ballas à quarante kilomètres au nord de Thèbes[10],[11]. On y a trouvé des traces d'activité militaire et le site servait notamment de casernement pour les troupes armées du roi thébain[12]. Compte tenu des poteries et outils de style nubien (Kerma) découverts sur le site, on sait que de nombreux Medjaiou, nubiens du désert oriental destinés à jouer un grand rôle dans la reconquête du pays, y vivaient à côté des égyptiens.

La querelle d'Apophis et de Seqenenrê

Un conte égyptien recopié sous la XIXe dynastie et intitulé « La querelle d'Apophis et de Seqenenrê »[Note 8], qui nous est parvenu malheureusement de manière très fragmentaire, rapporte un échange curieux entre Apophis, souverain hyksôs de l'Égypte régnant depuis Avaris, et le roi de Thèbes. Apophis demande à Séqenenrê de chasser les hippopotames de son étang, car leurs bruits incommodent le pharaon et l'empêchent de dormir la nuit.

Considérant la distance entre Thèbes et Avaris, ce message ne peut avoir qu'un sens caché, ou symbolique. Il s'agirait vraisemblablement pour le souverain du nord d'affirmer sa souveraineté sur son vassal du sud.

« Qu'un messager aille vers le chef de la ville du Midi pour lui dire : Le roi Râ-Apôpi, v.s.f, t'envoie dire : Qu'on chasse sur l'étang les hippopotames qui sont dans les canaux du pays, afin qu'ils laissent venir à moi le sommeil, la nuit et le jour... »

 Gaston Maspero, Contes de l'Égypte ancienne

Une analyse possible de cette histoire, selon Gaston Maspero[13], est la suivante : le roi Seqenenrê, après avoir hésité longuement, réussit à se tirer du dilemme embarrassant où son puissant rival prétendait l'enfermer. Sa réponse, pour s'être fait attendre, ne devait pas être moins bizarre que le message d'Apophis, mais rien ne permet de conjecturer ce qu'elle était.

Une autre interprétation est avancée par Christopher Knight et Robert Lomas[14] : Apophis est comme tous les rois hyksôs (littéralement, les « souverains étrangers »), qui veulent imiter le modèle de gouvernement égyptien et se désignent eux-mêmes comme des pharaons, intégrant les éléments égyptiens dans leur propre culture. La demande d'Apophis doit être comprise comme l'exigence de se voir révéler certains secrets de résurrection par l'utilisation des symboles : la nuit pour la mort, le sommeil pour le voyage et le combat pour la résurrection, et le jour pour la résurrection elle-même, telle que l'a vécu Osiris dans la légende), afin de faire taire les « hippopotames », au sens de ceux qui font beaucoup de bruit en parodiant les cérémonies de résurrection, mais qui ne détiennent pas les véritables secrets... Cette hypothèse pourrait expliquer la réaction brutale des protagonistes, et la mort violente de Seqenenrê Tâa. Les auteurs vont même plus loin en faisant le rapprochement avec la légende du meurtre d'Hiram, assassiné pour avoir refusé de divulguer des secrets ancestraux, tant certains faits évoqués sont proches.

Sépulture

Tête momifiée de Seqenenrê Tâa et indications de ses blessures.

Enterré dans la nécropole royale de Dra Abou el-Naga, la tombe de Seqenenrê Tâa, située dans une succession logique à côté de celle de Ouadjkheperrê Kames, est recensée dans l'inspection des tombes mentionnée sur le papyrus Abbott sous la XXe dynastie. Comme beaucoup d'autres, son corps fut ultérieurement sorti de sa tombe et déplacé pour le protéger des pilleurs de tombes. Il fut installé dans la cache de Deir el-Bahari.

L'élément le plus célèbre concernant ce pharaon est sa momie : elle a été embaumée à la hâte après une mort manifestement très violente ; le crâne de Taâ porte encore de nombreuses blessures qui semblent avoir été infligées par des armes hyksôs[15],[9]. La signification de cette mort au combat a été interprétée de deux façons : soit Taâ II a tenté de reconquérir le nord, mais il est mort au combat, soit il a été attaqué lui-même et vaincu.

Cette momie singulière, retrouvée intacte, est conservée au Musée du Caire, puis, le 3 avril 2021, elle est déplacée au Musée national de la civilisation égyptienne, comme pour vingt-et-une autres momies lors de la parade dorée des Pharaons[16].

Notes et références

Notes

  1. Tâa est une contraction du nom Djéhouty-âa, qui signifie « Thot le grand »
  2. Selon A. D. Dodson, K. S. B. Ryholt. Autres avis de spécialistes : -1591 à -1576 (Piccione), jusqu'en -1545 (D. Franke).
  3. Ce jeune prince reçut un culte durable dans la région thébaine sous le nom d'Ahmès-Sapaïr
  4. Noté également Iâhmès ou Ahmosé
  5. Le nom de naissance du roi lui-même signifie « Thot le grand »
  6. Une période sans doute décrite par les dignitaires du conseil de Ouadjkheperrê Kames sur la première stèle de Karnak, en ces termes : « Mais nous, nous sommes en paix, ayant la charge de notre Égypte. Éléphantine est puissante, et le cœur du pays est à nous jusqu'à Cusae. C'est pour nous que les plus fertiles de leurs champs sont labourés ; notre bétail paît dans les marais de papyrus ; l'épeautre est jetée à nos porcs, et nos troupeaux ne sont pas enlevés… Il [Apophis] possède le pays des Asiatiques, nous possédons l'Égypte. »cf. Claire Lalouette, 1995, p. 117.
  7. Appelée Qis en ancien égyptien, Cusae en grec, il s'agit de l'actuelle el-Qusiya, au nord d'Assiout
  8. Retrouvé sur le papyrus Sallier

Références

  1. Smith 1912, p. 2
  2. Vandersleyen 2005
  3. Shaw 2000, p. 212
  4. Barbotin 2008, p. 61
  5. Dodson et Dyan 2004, p. 124
  6. Vandersleyen 1995, p. 192
  7. Gitton 1984, p. 18
  8. Biston-Moulin 2012, p. 61-71
  9. Ryholt 1997, p. 177
  10. Vandersleyen 1995, p. 190
  11. Lacovara 1981
  12. Shaw 2000, p. 210
  13. Maspero 1911, p. 365-370
  14. Christopher Knight, Robert Lomas, The Hiram key: pharaohs, Freemasons and the discovery of the secret scrolls of Jesus, Element Books, (ISBN 1-931412-75-8)
  15. Shaw 2000, p. 211
  16. « Défilé des pharaons : parade de 22 momies de souverains de l'antiquité au Caire », sur www.france24.com (consulté le )

Bibliographie

  • Gaston Maspero, Contes populaires de l'Égypte ancienne, E. Guilmoto - Librairie orientale & américaine,  ;
  • Michel Gitton, Les divines épouses de la 18e dynastie, Paris, Belles-Lettres, , 139 p. (ISBN 2-251-60306-9) ;
  • Nicolas Grimal, Histoire de l'Égypte ancienne [détail des éditions] ;
  • Claude Vandersleyen, L'Égypte et la vallée du Nil, t. 2, Presses Universitaires de France, (ISBN 978-2-13-046552-2) ;
  • Claire Lalouette, Thèbes ou la naissance d'un empire [détail des éditions] ;
  • Claude Vandersleyen, Iâhmès Sapaïr, fils de Séqénenrê Djéhouty-âa (XVIIe dynastie) et la statue du Louvre E 15 682, Bruxelles, Safran, , 96 p. (ISBN 2-87457-002-8) ;
  • Christophe Barbotin, Âhmosis et le début de la XVIIIe dynastie, Paris, Pygmalion, , 295 p. (ISBN 978-2-85704-860-2) ;
  • Sébastien Biston-Moulin, « Le roi Sénakht-en-Rê Ahmès de la XVIIe dynastie », ENIM 5, , p. 61-71 ;
  • (en) G. Elliot Smith, Catalogue général des Antiquités égyptiennes du Musée du Caire. The Royal Mummies, Le Caire,  ;
  • (en) Peter Lacovara, « Deir-el-Ballas », Studies in Ancient Egypt, Aegean and Sudan, Essays in Honor of Dows Dunham, Boston,  ;
  • (en) Kim Ryholt, The Political Situation in Egypt during the Second Intermediate Period, c.1800-1550 BC, Copenhague, Museum Tusculanum Press, , 463 p. (ISBN 87-7289-421-0) ;
  • (en) Ian Shaw, The Oxford History of Ancient Egypt, Oxford University Press, , 528 p. (ISBN 978-0-19-280293-4) ;
  • (en) Aidan Dodson et Hilton Dyan, The Complete Royal Families of Ancient Egypt, Thames & Hudson, (ISBN 0-500-05128-3).

Voir aussi

Lien externe

  • Portail de l’Égypte antique
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