Roman Jakobson

Roman Ossipovitch Jakobson (en russe : Роман Осипович Якобсон), né le 28 septembre 1896 ( dans le calendrier grégorien) à Moscou et mort le à Boston, est un penseur russo-américain qui devint l'un des linguistes les plus influents du XXe siècle en posant les premières pierres du développement de l'analyse structurelle du langage, de la poésie et de l'art.

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Roman Ossipovitch Jakobson
Roman Jakobson
Biographie
Naissance
Moscou (Empire russe)
Décès
Boston (États-Unis)
Enterrement Cimetière du Mont Auburn
Thématique
Formation Faculté d'histoire et de philologie de l'Université de Moscou et faculté de philosophie de l'université allemande de Prague (d)
Profession Linguiste (en), spécialiste de la littérature (d), pédagogue (en), historien, écrivain, critique (en) et enseignant
Employeur Université Harvard, Massachusetts Institute of Technology et université Masaryk
Intérêts Sémiotique
Structuralisme
Idées remarquables Fonctions du langage
Axe syntagmatique
Axe paradigmatique
Œuvres principales Fundamentals of language
Essais de linguistique générale (1 et 2)
Distinctions Bourse Guggenheim (), grand officier de l'ordre de Tomáš Garrigue Masaryk (d), prix Antonio-Feltrinelli (), prix Hegel (en) (), chevalier de la Légion d'honneur‎ (d) () et docteur honoris causa de l'université Masaryk (d) ()
Membre de Académie serbe des sciences et des arts et Académie américaine des arts et des sciences
Auteurs associés
Influencé par Ferdinand de Saussure
Partisans
(A influencé)
Cercle linguistique de Prague
Claude Lévi-Strauss
Roland Barthes
Michael Silverstein
Paul Ricœur

Vie et travaux

Roman Jakobson naît dans l'Empire russe dans une famille juive, où, très jeune, il est pris de fascination pour le langage. Étudiant, il est un membre éminent du Cercle linguistique moscovite et participe à la vie de l'avant-garde moscovite de l'art et de la poésie sous le pseudonyme d'Aliagrov[1]. La linguistique de l'époque est essentiellement celle des néogrammairiens et affirme que la seule manière scientifique d'étudier le langage est d'étudier l'histoire et le développement des mots au cours du temps. De son côté, Jakobson, qui a eu connaissance des travaux de Ferdinand de Saussure, développe une approche qui se concentre sur la manière par laquelle la structure du langage elle-même permet de communiquer.

En , il part pour Revel (aujourd'hui Tallinn) en qualité de collaborateur de l'Agence télégraphique russe. De là, il gagne directement la Tchécoslovaquie, en tant que traducteur pour la Croix-Rouge[2]. Il reste dans ce pays, où il soutient son doctorat en 1930[3].

En 1926, avec Nikolaï Troubetzkoï, Vilém Mathesius et quelques autres, il fonde l'École de Prague de la théorie linguistique. Ses nombreux travaux sur la phonologie l'aident là-bas à poursuivre ses développements sur la structure et la fonction du langage. Il met en place un schéma de douze traits de sonorité et de tonalité, schéma commenté à la fois de façon acoustique et de façon génétique, et dont beaucoup des traits sont applicables aux consonnes et aux voyelles. Par exemple, la voyelle « A » et la consonne « K » sont compactes ; à l'opposé, « I » et « (O)U » sont des voyelles, et « P » et « T » des consonnes diffuses.

Jakobson qui a obtenu un poste à Brno en 1934 (confirmé en 1937) quitte la Tchécoslovaquie après l'invasion de ce pays par les troupes hitlériennes en . Il gagne d'abord le Danemark, puis la Norvège où il est admis à l'Académie des sciences. Mais après l'attaque allemande contre ce pays en , il se réfugie en Suède, où il devient Visitor lecturer à Uppsala. En , toutefois, il quitte la Suède pour les États-Unis. À New York, il s'intègre à la communauté déjà large des intellectuels ayant fui l'Europe en guerre. Dès le mois d'août 1940, il s'engage dans un comité de soutien de la France libre. À l'École libre des hautes études, une sorte d'« université francophone des exilés », il rencontre et travaille avec Claude Lévi-Strauss, qui deviendra un soutien important au structuralisme, ils analysent ensemble Les Chats de Charles Baudelaire[4]. Il fait aussi la connaissance de plusieurs linguistes et anthropologues américains, comme Leonard Bloomfield.

En 1949, Jakobson s'installe à l'université Harvard, où il enseigne jusqu'à la fin de sa vie. Au début des années 1960, Jakobson élargit ses travaux en une vue plus générale du langage et commence à publier sur l'ensemble des sciences de la communication. Il élabore un modèle linguistique divisé en six fonctions, le « schéma de Jakobson ».

Ses propositions sur les deux axes du langage  syntagmatique et paradigmatique  ont profondément influencé l'étude des aphasies, comme celle des figures de rhétorique (notamment parce qu'elles débouchent sur la polarité métaphore-métonymie).

Les fonctions du langage selon Jakobson

Dans un article célèbre (Linguistics and Poetics, 1960)[5], Jakobson distingue six fonctions dans le langage :

  • la fonction référentielle ou représentative, où l'énoncé donne l'état des choses (aussi dénommée sémiotique ou symbolique) ;
  • la fonction expressive, où le sujet exprime son attitude propre à l'égard de ce dont il parle ;
  • la fonction conative, lorsque l'énoncé vise à agir sur l'interlocuteur ;
  • la fonction phatique, où l'énoncé révèle les liens ou maintient les contacts entre le locuteur et l'interlocuteur ;
  • la fonction métalinguistique ou métacommunicative, qui fait référence au code linguistique lui-même ;
  • la fonction poétique, où l'énoncé est doté d'une valeur en tant que tel, valeur apportant un pouvoir créateur.

Chaque message relève de plusieurs de ces fonctions, mais l'une d'elles domine[6].

Six éléments :

  • le contexte - (fonction dénotative ou référentielle) ;
  • l’émetteur - (fonction expressive, fonction conative) ;
  • le récepteur - (fonction expressive, fonction conative) ;
  • le canal - (fonction phatique, fonction poétique) ;
  • le message - (fonction phatique, fonction poétique) ;
  • le code - (fonction métalinguistique).

Principales publications en français

  • Remarques sur l'évolution phonologique du russe comparée à celle des autres langues slaves, Prague, Jednota československych matematikū a fysikū (Travaux du cercle linguistique de Prague, 2), 1929.
  • La Geste du prince Igor : épopée russe du douzième siècle : volume offert à Michel Rostovtzeff, texte établi, trad. et commenté sous la dir. d'Henri Grégoire, de Roman Jakobson et de Marc Szeftel, assistés de J.A. Joffe, New York, École libre des hautes études, 1948.
  • Essais de linguistique générale (1 et 2), Paris, Éditions de Minuit, 1963 (t.1), 1973 (t.2) [rééd. 2003], (ISBN 2-7073-0043-8)[7]
  • Préface à Théorie de la littérature, Tel Quel, 1966[8]
  • Langage enfantin et aphasie, Paris, Éditions de Minuit, 1969.
  • Hypothèses. Trois entretiens et trois études sur la linguistique et la poétique [avec Morris Halle & Noam Chomsky], Paris, Seghers/Laffont, 1972.
  • Questions de poétique, Paris, Éditions du Seuil, 1973.
  • Huit questions de poétique, Paris, Éditions du Seuil, 1974.
  • Six leçons sur le son et le sens, Paris, Éditions de Minuit, 1976.
  • La Charpente phonique du langage, Éditions de Minuit, 1980.
  • Dialogues (avec Krystyna Pomorska), Paris, Flammarion, 1980.
  • Une vie dans le langage. Autoportrait d'un savant, Paris, Éditions de Minuit, 1984.
  • Russie folie poésie, Paris, Seuil, 1986.
  • La Génération qui a gaspillé ses poètes, Paris, Éditions Allia, 2001.
  • De l'union eurasienne de langues, in Oleg Bernaz et Marc Maesschalck (éds), Approches philosophiques du structuralisme linguistique russe, Bruxelles, Éditions P.I.E. Peter Lang, 2018 (première édition Paris, 1931).
  • Correspondance avec Claude Lévi-Strauss (1942-1982), préfacé, édité et annoté par Emmanuelle Loyer et Patrice Maniglier, Paris, Éditions du Seuil, 2018.

Culture populaire

  • Le roman La Septième Fonction du langage écrit par Laurent Binet, publié en 2015, est basé sur une hypothétique septième fonction du langage découverte par Roman Jakobson. Cette fonction n'a pas été publiée et est restée secrète; les protagonistes du roman la cherchent.

Notes et références

  1. Yves Laberge, « Stephanie Barron et Maurice Tuchman et autres, The Avant-Garde in Russia 1910-1930 : New Perspectives, 3 éd., Cambridge (Massachusetts) et Londres, The MIT Press, 1986 (1980), 288 p. », Études littéraires, vol. 20, no 3, , p. 157 (ISSN 0014-214X et 1708-9069, DOI 10.7202/500828ar, lire en ligne, consulté le ).
  2. Якобсон, Роман Осипович
  3. (en) Henry Kučera, « Roman Jakobson », Language, vol. 59, no 4, , p. 871-883.
  4. Les Chats de Charles Baudelaire par Roman Jakobson et Claude Lévi-Strauss.
  5. (en) Roman Jakobson, « Linguistics and Poetics » (Linguistique et poétique), in Style in Language, Thomas A. Sebeok, MIT Press, 1960, [lire en ligne] [PDF].
  6. Alain Rey, Mille ans de langue française, histoire d'une passion, Perrin 2007, p. 129.
  7. Roman Jakobson (1896-1982). Essais de linguistique générale : aux sources du structuralisme, Karine Philippe
  8. Texte publié : « Vers une science de l'art poétique », in Les Lettres françaises no 1118 du 10 au 16 février 1966, p. 2.

Annexes

Articles connexes

Liens externes

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