Rolf Hirschland

Rolf John Hirschland[1] (1907-1972) est un artiste peintre et dessinateur français d'origine allemande.

Développant un style figuratif qui lui est propre, la critique le rapproche parfois de l'expressionnisme et du surréalisme. Toutefois, cet artiste n'a jamais appartenu à aucune école ou mouvement.

Tombé dans l'oubli du fait de circonstances liées entre autres à la guerre et à l'exode, des musées et collectionneurs éclairés ont cependant acquis ses œuvres, permettant sa redécouverte.

Biographie

Enfance et Formation

Rolf John Hirschland, né à Hambourg le , est le fils unique d'Arthur Hirschland et de Cilly Elsoffer, une famille de banquiers originaire d'Essen et de Hambourg, liée à la Bankhaus Simon Hirschland, fondée en 1841[2]. La famille vit 79 Harvestekuder, dans une grande maison bourgeoise de trente pièces. Après l'obtention de son diplôme d'études secondaires au lycée Heinrich Hertz, il rentre à l'école des beaux-arts de Hambourg (Hochschule für bildende Künste Hamburg) dans l'atelier de Arthur Illies puis de Willy von Beckerath et poursuit ses études artistiques à l'académie des beaux-arts de Berlin dans l'atelier de Ferdinand Spiegel et d'Emil Orlik.

Arrivé en France, 1928-1933

En 1928, libéré de son école, il quitte l'Allemagne pour s'installer à Paris. Il y poursuit sa formation dans les ateliers de Zadkine, au N°100 Rue d'Assas, et de Despiau. Ces deux sculpteurs vont marquer le style de Rolf qui, en intégrant les influences des mouvements artistiques de l'époque commence à peindre en toute indépendance.

Dessin de Rolf Hirschland exécuté en Espagne entre 1933 et 1934.


Voyage en Espagne, 1933-1934

Rolf part en Espagne en 1933, il séjourne à Cadaquès, LLansa et dans des villages isolés entre mer et montagne où il observe la population constituée presque exclusivement de familles de pêcheurs. Rolf dessine au fusain sur de grandes feuilles (60 x 80 cm). Ces modèles sont des femmes sèches et ridées, des hommes petits, musclés et basanés mais également des enfants espiègles. Les sujets de Rolf sont en harmonie avec le sol aride de cette région de la Catalogne.

Retour en France, 1934-1939

Il rentre à Paris en , s'installe 7 rue Santos Dumont dans le 15e arrondissement[3] et fait sa première grande exposition à la galerie Georges Petit où sont exposées les toiles qu'il a brossées en Espagne lors de son voyage. Cette manifestation rencontre un beau succès ; le critique Louis Vauxcelles préface le catalogue de l'exposition. L'État français achète un tableau Rolf pour le musée du Jeu de Paume[4]. Puis Rolf Hirschland voyage, peint et expose dans les principales villes de France. En 1936, il épouse Mathilde Regenet (1909-1989)[1] qui donne naissance la même année à son premier fils, Axel Luc Hirschland[1].

Le début de la guerre

En , la France entre en guerre avec l'Allemagne. Rolf du fait de sa nationalité allemande est contraint de rejoindre le camp d'internement d'Arandon[5] puis il est libéré en [6],[7]. Comme de nombreux artistes et intellectuels juifs allemands, il est déchu de la nationalité allemande le . Les biens qu'il possède en Allemagne sont confisqués conformément aux lois sur l'aryanisation. Dès l’été 1940, Marseille est devenue l’une des principales villes refuges de la zone non occupée. Français ou étrangers, souvent originaires du Reich ou des territoires qu’il a annexés, la plupart des réfugiés, ordinaires ou notoires, y aboutissent dans l’espoir de trouver une porte de sortie. La plupart se savent ou se sentent menacés par les nazis. Beaucoup sont juifs. Beaucoup ont combattu le fascisme. Parmi eux, pris dans la nasse marseillaise, de nombreux militants et responsables politiques, des intellectuels et des artistes, un condensé des avant-gardes européennes.[8] Durant cette période une faune d’intermédiaires peu scrupuleux profite sans retenue de la confiscation des œuvres d’art mais cela n'empêche pas Rolf d'exposer ses peintures à la galerie Giraudo à Marseille pendant qu'il se cache[9] jusqu'en 1942 dans une grande maison du quartier Saint Marcel. Durant cette période il continue à peindre et son style s'affirme.

Pendant qu'il se cache sous un faux nom et mène une vie de maquis sa maison de Marseille est pillée par les allemands et environ deux cents de ses œuvres sont volées ou détruites. Ses parents, Arthur et Cilly Hirschland sont dénoncés et arrêtés à Nice puis déportés en Pologne dans le camp d'Auschwitz où ils sont assassinés en 1943[1].

Retour à Paris

En son épouse Mathilde donne naissance à leur deuxième enfant, Chantal. Après la Libération Rolf rentre à Paris, malade et ruiné. Il a tout perdu, sauf son talent et son envie de peindre. Il essaie de se réinstaller dans la capitale mais sans logement et sans argent, il ne parvient pas à travailler sereinement. Il décide de revenir dans le sud de la France, à Nice.

Exil aux Etats-Unis

Bien qu'il ait perdu ses parents, plusieurs membres de la famille Hirschland ont survécu en fuyant l'Europe. La solidarité familiale par l'intermédiaire d'un cousin installé à New York lui donne la possibilité de venir aux États-Unis en 1947. Durant son séjour qui durera une année, Rolf peint, expose et vend ses tableaux (le musée of modern art de New-York, le MoMa, lui achète 8 tableaux[10]).

Retour définitif en France

Rolf est cependant nostalgique de la France, l'ambiance artistique de l'école de Paris lui manque. En 1948, il décide de rentrer à Paris et installe son atelier à la Ruche, une cité d'artistes située dans le quartier Saint-Lambert du 15e arrondissement. Dans ce nouvel atelier Rolf Hirschland délaisse ses expériences à la limite de l'abstrait pour un style figuratif réduit à l'essentiel.

En 1950, une grande exposition lui est consacrée à Paris à la galerie Drouant-David, le catalogue de l'exposition est préfacé par le critique Maximilien Gauthier[11]. Rolf continue à peindre et à se renouveler en s'affirmant comme un peintre qui œuvre à égale distance du cubisme et du surréalisme. L'écrivain et critique d'art Jean Bouret dans la revue Arts du écrit que Rolf s'insère dans la lignée des expressionnistes modernes pour qui la figure ne compte pas mais seulement l'éclatement des volumes.

En 1953, une autre exposition de ses peintures se tient à la galerie Mirador à Paris[12], c'est le journaliste Louis Dornand qui préface le catalogue de l'exposition. Les éloges et le succès sont au rendez-vous. Il rencontre une romancière qui s'appelle Adèle d'Autricourt. La jeune femme donne naissance à Flore, troisième enfant de Rolf.

En 1954, Rolf Hirschland installe son atelier pour l'été dans le bassin d'Arcachon. Il expose ses peintures à La Rochelle dans la galerie Mallard, à Bordeaux et à Arcachon. Le style pictural de Rolf évolue avec aisance entre l'art figuratif et l'art abstrait.

En 1956, le docteur Charles Ber, médecin retraité, passionné par les artistes contemporains, fait sa rencontre et devient son mécène. Les deux hommes nouent de solides liens d'amitié ainsi que des liens commerciaux.

En 1957, bien que l'environnement de l'atelier parisien de la Ruche soit propice à ses créations, Rolf se sent à l'étroit avec sa famille ; il déménage alors à Limours, à 40 kilomètres au sud-ouest de Paris, dans les dépendances de l'ancien château mises à la disposition des victimes du nazisme par les efforts de Max Dessauer[13] et l'argent fourni par la République fédérale allemande comme réparation. Rolf Hirschland partage un grand atelier avec deux autres artistes peintres et une céramiste.

En 1958, le docteur Charles Ber organise une exposition à la galerie Marcel Bernheim à Paris, Louis Dornand préface à nouveau le catalogue. Charles Ber propose à Rolf Hirschland une convention d'achat de ses tableaux[14]. En tant que peintre de l'école de Paris il donne une toile au musée national de Djakarta en Indonésie au cours d'une cérémonie organisée à l'ambassade de la république d'Indonésie à Paris le .

En naît Thierry, quatrième enfant de Rolf.

Le , Rolf Hirschland épouse Adèle d'Autricourt.

Le Charles Ber ouvre la Galerie Alençon-Peinture dans le 15e arrondissement à Paris, 4 rue d'Alençon. Rolf signe avec le docteur Ber une convention d'achats de ses œuvres[15]. Les tableaux de Rolf se vendent bien. Il expose ses peintures en Israël, au foyer culturel de l'ambassade de France à Tel Aviv en .

En 1963, Rolf quitte Paris pour surveiller la construction de sa future habitation dans le sud de la France. Il déménage avec sa famille et s'installe à Joucas (Vaucluse) dans la maison où il a fait aménager un grand atelier.

Fresque de Rolf Hirschland dans sa maison à Joucas

Il travaille sans relâche et participe à de nombreuses expositions dans le sud de la France (Cannes, Marseille, Montpellier, Carpentras). Ses relations avec le docteur Ber se distendent du fait de l'éloignement géographique. Le docteur Ber continue néanmoins de lui acheter des tableaux pour la galerie Alençon qu'il fait photographier par les studios Agraci.

En 1968, l'épouse de Rolf, Adèle, le quitte pour rejoindre Auroville en Inde, une ville expérimentale située à 10 kilomètres au nord de Pondichéry. Elle revient en 1969 prendre les enfants et les emmène en Inde pour vivre à Auroville. Rolf vit très mal cette séparation. Il vend la maison de Joucas et retourne à Paris. Il s'installe chez Fernande Maccari, une artiste peintre, qui devient sa troisième et dernière compagne.

Souffrant de problèmes cardio-vasculaires et de diabète, Il décède le 27 à Mantes-la-Jolie, à l'âge de 65 ans.

En 2007, le Hamburgmuseum organise de septembre à décembre une exposition sur Les artistes de Hambourg exilés de 1933 à 1945. Des tableaux de Rolf, prêtés par son fils ainé Axel, y sont exposés. Le catalogue de l'exposition, Geflohen aus Deutschland: hamburger künstler im 1933-1945 signé Maïke Bruhn et publié aux éditions Temmen, remet Rolf en lumière.

Style et techniques


Rolf Hirschland est classé chez les expressionnistes mais il ne peut être rattaché exclusivement à cette école car sa peinture penche parfois vers le cubisme, l'abstrait et même le surréalisme comme de nombreux artistes considérés comme avant-gardistes[16].

La force domine dans ses toiles, les compositions sont architecturales et sculpturales, les couleurs riches et leur juxtaposition franche. La matière est épaisse avec des empâtements généreux appliqués avec vigueur et spontanéité.

Ses sujets sont l'amour maternel et la mère nourricière aux seins généreux, l'homme qui médite sous la forme d'un christ, d'un bouddha ou d'un rabbin, les paysages couverts d'un ciel tourmenté annonciateur d'évènement important, les natures mortes et des portraits réalistes brossés avec vigueur.

Expositions

Couverture du catalogue de l'exposition à la galerie Marcel Bernheim, décembre 1958
  • 1934 Galerie Georges Petit, Paris
  • 1935 Plusieurs villes en France[réf. incomplète]
  • 1941 Galerie Giraudo, Marseille
  • 1950 Galerie Drouant-David, Paris
  • 1953 Galerie Mirador, Paris[17]
  • 1954 Galerie Mallard, La Rochelle
  • 1954 Expositions à Bordeaux et Arcachon
  • 1958 Galerie Marcel Bernheim, Paris
  • 1960 Francfort
  • 1961 Galerie Alençon, Paris
  • 1961 Centre culturel de l'ambassade de France à Tel Aviv
  • 1961 Bruxelles et Berlin
  • 1963 Galerie Alençon, Paris
  • 1963 Avignon, Carpentras, Montpellier, Nice
  • 1966 Galerie Merinciano, Marseille
  • 1967 en janvier, Galerie Miroir, à Montpellier
  • 1967 Galerie Ducastel, Avignon
  • 1967 Joucas
  • 1967 Galerie du Porche, Nîmes
  • 1969 Les Peintres de la Ruche et de Montparnasse, exposition ventes Hôtel Drouot (Paris)[18]

Conservation, musées et collections

  • Musée du Jeu de Paume, Paris[19]
  • Musée of Moder Art (MoMa), New-York, [20]
  • Musée National (Djakarta)
  • Collection Klotz (Paris)
  • Collection Oscar Ghez [21](Genève)
  • Collection Montagné (Paris)

Marché de l'art

Rolf Hirschland : Portrait à la cruche, huile sur toile, 73 x 60 cm.

Le , le commissaire-priseur Claude Robert organise à Paris une vente intitulée Les peintres de la Ruche et de Montparnasse dans laquelle figurent 42 tableaux de Rolf Hirschland provenant de la collection du docteur Charles Ber. On trouve deux représentations des toiles de Rolf Hirschland dans le catalogue de vente. Le tableau Portrait à la cruche apparait sous la mention « personnage » (73 x 60 cm) au n° 14. Ce tableau est de nouveau mis en vente publique le par l'étude L'huillier & associés, reproduit dans le catalogue sous l'intitulé Portrait à la cruche signé en bas à droite « Rolf », lot n° 225.





Le , l'étude De Baecque & associés vend deux tableaux de Rolf Hirschland à Marseille: le lot n°436 "Maternité" signé et daté "Rolf 61" et le lot n°437 "Nature morte" signé et daté "Rolf 60" .

Rolf Hirschland. Maternité, huile sur toile, hauteur 92 cm, largeur 65 cm, signé et daté "Rolf 61".
Rolf Hirschland. Nature morte, huile sur toile, hauteur 92 cm, largeur 65 cm, signé et daté "Rolf 60".

Notes et références

  1. (en) « Généalogie de la famille Hirschland »
  2. (de) Bankhaus Simon Hirschland (Essen), notice bibliographique de la DNB.
  3. Adresse confirmée dans une lettre de Rolf Hirschland adressée à Charles Ber
  4. (de) Maike Bruhns, Geflohen aus Deutschland – Hamburger Künstler im Exil 1933–1945, Temmen, Bremen, , p. Vorwort
  5. « Les étrangers internés dans l'Isère 1939-1940 », sur camps-internement-en-isere.fr.
  6. « A propos de son passage au camp d'Arandon, voir le site de Christèle Joly-Origlio consacré à l'internement dans l'Isère 1939-1944 »,
  7. « le musée privé »
  8. Jean-Marie Guillon, « La Provence refuge et piège », www.ajpn.org/commune-Marseille-en-1939-1945-13055.html,
  9. « À propos des œuvres d'art, voir le livre d'Emmanuelle Pollack consacré au marché de l'art sous l'Occupation »,
  10. (de) Maike Bruhns, Geflohen aus Deutschland – Hamburger Künstler im Exil 1933–1945, Brême, Temmen, Bremen, , p. Vorwot
  11. Maximilien Gautier, notice biographique sur data.bnf.fr.
  12. (ca) « Mirador, una galeria d'art » (consulté le )
  13. (de) « à propos de son emménagement aux domaines de Limours voir le rôle de l'allemand max Dessauer »
  14. Lettre du Docteur Charles Ber
  15. Contrat entre le Docteur Ber et Rolf Hirschland fait à Bagneux le 10 juillet 1962
  16. « exposition présentée au Centre Pompidou Metz, du 29 juin 2016 au 16 janvier 2017 »
  17. (ca) « Mirador, una galeria d’ art » (consulté le )
  18. Notice du catalogue général, BNF.
  19. (de) Maike Bruhns, Geflohen aus Deutschland – Hamburger Künstler im Exil 1933–1945, Brême, Temmen, , vorwort
  20. (de) Maike Bruhns, Geflohen aus Deutschland – Hamburger Künstler im Exil 1933–1945, Brême, Temmen, p. Vorwort
  21. « oscar ghez »

Voir aussi

Bibliographie

  • Georges Waldemar, Art,
  • Guy Dornand, Libération,
  • Chil Aronson, Nouvelle Presse,
  • Claude Roger-Marx, Le Figaro,
  • Charles Ber, Catalogue Rolf,
  • Dominique Paulvé, La Ruche : un siècle d'art à Paris, Gründ, , 160 p.
  • (de) Maike Bruhns, Geflohen aus Deutschland : Hamburger Künstler im Exil 1933-1945, Temmen, , 260 p. (ISBN 978-3-86108-890-5 et 3-86108-890-8)
  • Emmanuelle Polack (ean numérique : 9791021020917), Le Marché de l'art sous l'Occupation : 1940-1944, Tallandier, coll. « Hors collection, XXème », , 304 p. (EAN 9791021020894)

Liens externes

  • Portail de la peinture
  • Portail de l’histoire de l’art
  • Portail de l’art contemporain
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.