Révolte de l'Ionie

La révolte de l'Ionie représente un épisode décisif vers la confrontation entre Grecs et Perses que sont les guerres médiques. Elle a pour origine la volonté de Darius Ier de contrôler les sources d'approvisionnement en blé et en bois de construction navale de la Grèce. Pour cela il doit s'attaquer, avec l'aide de contingents grecs ioniens, dans un premier temps aux Scythes, qui avaient fondé un puissant empire dans le territoire qui correspond aujourd'hui à la Russie méridionale et dont les relations commerciales avec les Grecs étaient fructueuses et actives. Il y a sans doute aussi la volonté de contrôler la route du commerce de l'or, extrait des monts Oural ou de Sibérie et dont les Scythes faisaient grand commerce. Certes l'expédition contre les Scythes est un échec, ceux-ci appliquant la technique de la terre brûlée devant l'armée perse. L'armée perse échappe même au désastre et à l'encerclement grâce à la loyauté du contingent grec qui garde le pont sur le Danube (Ister).

Révolte de l'Ionie
Carte de la Grèce à l'époque de la révolte ionienne
Informations générales
Date -499 à -493
Lieu Ionie
Casus belli Domination perse
Issue Guerres médiques
Belligérants
Grecs d'Asie MineureEmpire perse
Commandants
Darius Ier

Révolte de l'Ionie

Cependant Darius s'est assuré la maîtrise de la Thrace tandis que le roi Amyntas Ier de Macédoine reconnaît la suzeraineté de la Perse (513 av. J.-C.). En 508, c'est l'île de Samothrace qui tombe sous le joug perse. Même Athènes sollicite vers 508 l'alliance perse. De cette campagne Darius tire la conclusion qu'il peut compter sur la fidélité des Grecs ioniens. Ceux-ci par contre estiment qu'ils peuvent sans risques excessifs se révolter contre la domination perse car l'expédition contre les Scythes a montré que l'empire achéménide n'est pas invulnérable.

Les origines de la révolte

L'Ionie souffre dans ses intérêts de cette domination. Elle est constituée de la dodécapole ionienne, une alliance de 12 cités grecques fondées depuis au moins le VIIIe siècle avant l'ère chrétienne : Milet, Éphèse, Phocée, Clazomènes, Colophon, Priène, Téos, Chios, Samos, Érythrée, Myonte et Lébédos. Il faut y ajouter les cités de l'Éolide, région située au nord-ouest de l'Ionie, dont celle de Smyrne. Ces cités dont s'était emparé Cyrus II, ou plutôt son général Harpage vers 540 av. J.-C., étaient prospères au moment de la conquête. Depuis seul Milet avait réussi à conclure un traité d'amitié lui assurant une relative indépendance. C'est toutefois Milet qui se trouve à l'origine du soulèvement de 499.

Pourtant la domination perse n'est pas pesante. Chaque cité conserve ses institutions à la condition expresse d'accepter et d'entretenir le tyran grec ou le satrape ou fonctionnaire perse qu'il plaisait au « Grand Roi » d'envoyer. Darius Ier et ses successeurs respectent les coutumes des différents peuples de leur empire et se chargent parfois de rappeler à l'ordre les fonctionnaires zélés. Mais Milet sent sa prospérité menacée par l'arrivée des Perses.

Depuis 512, la mer Noire est un « lac perse », la Thrace est devenue une satrapie. Or, Milet s'y fournit en blé et en toutes sortes de matières premières. À cela s'ajoute que les gens de Milet ont vu partir leurs « intellectuels », qui prennent la fuite devant la domination perse. Les Perses demeurent, aux yeux de nombreux Grecs ioniens, des barbares rétifs aux « charmes » de la civilisation grecque qui conservent leur langue, leur religion et leurs coutumes. Enfin la colonisation perse ferme l'accès des mers septentrionales au moment où Sybaris, l'entrepôt occidental de Milet, tombe sous les coups de Crotone (510). De plus les perses favorisent systématiquement les rivaux Phéniciens de Tyr et Sidon.

Enfin la prise de Byzance par les Perses leur ferme les détroits et le commerce vers le Pont-Euxin. Sans doute aussi ne faut-il pas négliger une volonté d'émancipation des cités ioniennes qui les poussent d'une part à rejeter les tyrans imposés par les Perses, et d'autre part à se libérer du joug achéménide. Lorsque la révolte éclate elle a comme première conséquence, dans de nombreuses cités, l'éviction des tyrans et la proclamation de l'isonomie.

Le rôle de Milet et la recherche d'une aide de la Grèce d'Europe

La souveraineté redevient donc une priorité. Cette aspiration à la liberté est théorisée par Aristagoras de Milet. Sous la bannière de la libération, il rassemble les cités ioniennes. L'objectif de reprendre Byzance et Chypre aux Perses semble réaliste et pousse les Grecs d'Asie à la révolte. Celle-ci se prépare en grand secret à Naxos et à Milet. Le tyran de cette dernière est Histiée retenu à Suse par Darius et dont l'homme-lige, dirigeant la cité en son absence, est son gendre Aristagoras, neveu d'un ancien tyran de la ville. Celui-ci dans un premier temps est allié aux Perses pour reprendre Naxos (500 av. J.-C.) qui s'est révoltée mais se brouille rapidement avec le général perse.

Il reçoit à ce moment des conseils d'Histiée lui enjoignant de se révolter contre Darius. Sans doute craint-il aussi de porter la responsabilité de l'échec devant Naxos. Après un conseil tendu des Milésiens, où seule la voix discordante d'Hécatée de Milet, un prédécesseur d'Hérodote, s'opposa au projet, Aristagoras brandit l'étendard de la révolte (499) et s'empare de plusieurs navires perses ou phéniciens. Il proclame ensuite l'égalité des cités ioniennes. Or, cette alliance manque d'un projet clair et surtout de moyens ; il faut donc espérer de l'aide de la Grèce d'Europe.

Aristagoras part donc à l'hiver 499 en Grèce continentale pour solliciter une aide militaire. Le moment est peu propice car Sparte est divisée par la rivalité des deux rois Cléomène Ier et Démarate. Quant à Athènes, elle se remet à peine des convulsions consécutives à la mise en place des réformes de Clisthène. Finalement seules deux cités répondent à l'appel, Athènes (20 bateaux) et Érétrie (5 bateaux) par reconnaissance pour Milet qui jadis l'avait aidée contre Chalcis. Au total cela représentait environ 4000 hommes athéniens et un millier venant de la cité eubéenne (ce qui est tout de même conséquent car il ne faut pas le comparer à l'Athènes puissante des décennies suivantes[1]). Pour les cités grecques d'Europe, le problème a l'air d'être lointain et les conflits locaux sont jugés plus importants : le concept de panhellénisme n'est guère en vigueur dans le monde divisé des cités grecques.

Les étapes du conflit

Il faut cependant plus de six ans aux Perses pour mater la rébellion. En effet les premiers combats sont favorables aux Ioniens. La flotte grecque anéantit la flotte phénicienne lors d'un premier combat sur les côtes de Pamphylie, sans doute vers 498 av. J.-C.. Sur terre, les Perses se préparent à assiéger la ville de Milet quand Charopinos, le frère d'Aristagoras, avec l'aide du contingent athénien, organise une diversion et ravage Sardes, l'ancienne capitale de Crésus qui était le siège d'une satrapie. Mais au retour le satrape Artapherne, qui assiégeait Milet, les intercepte sur les hauteurs d'Éphèse et remporte la victoire (printemps 498).

À la fin de l'été 498, le corps expéditionnaire grec — ou du moins ce qu'il en reste — plie bagage pour rentrer sur Athènes ou Érétrie. Cette défection n'empêche pas la révolte de gagner de l'ampleur. À l'automne 498, le soulèvement gagne Chypre, à l'exception d'Amathonte, ainsi que la Propontide et l'Hellespont jusqu'à Byzance. Puis la Carie se révolte à son tour. Au début de 497, la situation des Perses est critique mais Darius Ier réagit avec célérité et lève simultanément trois armées et une nouvelle flotte. En un an (497) la révolte est écrasée à Chypre puis dans les cités de l'Hellespont. Quant aux Cariens ils sont vaincus sur la rivière Marsyas à l'automne 497, puis à Labranda lors de l'été 496, malgré l'aide des Milésiens. Il semble que vers cette époque Aristagoras s'enfuit en Thrace où il meurt peu après (497) dans un combat obscur.

Les Cariens se ressaisissent et infligent une grave défaite aux Perses à l'automne suivant à Pédassos (496). Finalement, des négociations longues et pénibles s'engagent et les Cariens ne déposent les armes définitivement qu'en 494. Milet se retrouve alors seule. Au début de l'année 494, les Perses massent leurs troupes contre Milet. La ville doit être assaillie à la fois par terre et par mer. Une bataille navale opposant environ 350 navires grecs à 600 navires phéniciens, égyptiens et chypriotes se déroule au large de l'îlot de Ladé durant l'été 494. La flotte grecque est anéantie. La ville est prise et rasée peu après et sa population déportée sur les berges du Tigre.

À cette annonce, Histiée qui était devenu pirate dans les eaux de Byzance après que ses manipulations ont été découvertes par les Perses, revient en mer Égée et prend Chios en 493, puis s'attaque à Thasos mais en lève le siège pour contrer les manœuvres des Phéniciens en Ionie. Il est fait prisonnier peu après à Malène près d'Atarnée, en face de Lesbos, puis meurt empalé à Sardes. Lors de cette année 493 les Perses soumettent les dernières villes et îles rebelles (Chios, Lesbos et Ténédos) tandis que leur flotte longe victorieusement les côtes de l'Hellespont et de la Chalcédoine.

Les conséquences de la défaite ionienne

Cette défaite entraîne en Grèce continentale, en particulier à Athènes, une profonde réaction de tristesse. Ainsi le poète Phrynichos le Tragique compose une pièce intitulée La Prise de Milet qui fait fondre en larmes le public (son auteur étant condamné à une amende de 1000 drachmes pour avoir rappelé des événements malheureux).

L'intervention militaire perse en Asie Mineure a cependant tourné Darius vers l'Occident et peut-être suscité en lui des idées expansionnistes, ou du moins le désir d'établir en Grèce même des régimes qui lui soient favorables. Le rôle joué par Athènes et Érétrie lui montre la nécessité d'imposer son autorité sur les deux rives de la mer Égée. Cependant, si l'on excepte le sort de Milet, Darius use d'une modération relative imposant certes un fort tribut aux cités révoltées mais leur laissant leur autonomie.

Notes et références

  1. Patrice Brun, Le monde grec à l'époque classique : 500-323 avant J.-C., Paris, Armand Colin, , 269 p. (ISBN 978-2-200-24652-5, lire en ligne)

Voir aussi

Sources

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