Prieuré Saint-Morand

Le prieuré Saint-Morand, construit à Altkirch, est fondé vers 1105 par les comtes de Ferrette.

Prieuré Saint-Morand
Présentation
Culte Catholique romain
Protection  Inscrit MH (1937)
Géographie
Pays France
Région Alsace
Département Haut-Rhin
Ville Altkirch
Coordonnées 47° 37′ 28″ nord, 7° 15′ 11″ est
Géolocalisation sur la carte : Haut-Rhin
Géolocalisation sur la carte : Alsace
Géolocalisation sur la carte : France

Il fait d'abord partie du chapitre canonial, puis est donné aux clunisiens par le comte Frédéric Ier de Ferrette Les biens et les bâtiments passent aux mains des Jésuites en 1621.

Le prieuré est inscrit partiellement au titre des monuments historiques en 1937[1].

Les survivances architecturales de l’ancien prieuré sont intégrées aujourd’hui dans le Centre Hospitalier Saint-Morand.

Fondation

Donation de Frédéric Ier à Hugues de Semur

Le prieuré est fondé entre 1049 et 1066, lors de la percée de Cluny vers le Rhin, en même temps que celui de Froidefontaine[2],[3]. Il s'agit à l'origine d'une église dédiée à saint Christophe appartenant aux comtes de Ferrette. Cette église est alors desservie par un petit chapitre de quatre chanoines (Burchard l’Ancien, Werner, Burchard le Jeune, Pierre, Azzo), et un prévôt (Reinbold) à leur tête.

Le 3 juillet 1105, Frédéric Ier, comte de Ferrette, donne Altkirch et son église à l’abbé Hugues de Semur et à ses successeurs[2],[4]. Cette donation intéresse particulièrement l'abbé, qui porte un intérêt pour Altkirch et le Sundgau depuis le début de son abbatiat[5] : le don s'inscrit dans la conquête clunisienne de l'Alsace. La donation est confirmée par le pape Pascale II en le 7 février 1107 lorsqu’il visite Cluny[5]. Dans l'acte de donation de 1105, le comte Frédéric ne s'est pas réservé l'avouerie seigneuriale ; elle revient donc à l'abbaye de Cluny. Dans les faits, Ulrich II vers 1247, se comporte en avoué[6].

L'ordre clunisien rencontre cependant un problème dans sa percée en Alsace : la langue. Le prieur Constantius et les premiers moines de Cluny utilisent la langue romane et ne connaissaient pas l’Alémanique, et encore moins le dialecte sundgauvien[2].

Hugues de Cluny envoie donc un moine, Morand, qu'il envoie à Altkirch pour ses compétences linguistiques[2].

Origine de Saint-Morand

Né de parents nobles, il est originaire  de Rhénanie, près de Worms[7] où il y fait ses études bien que son hagiographe place sa naissance aux « confins de la Gaule »[8]. Il est ordonné prêtre à Worms et part en pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle. En chemin, il s’arrête à Cluny et est impressionné par Hugues de Sémur. Il se résout à se faire moine à son retour de pèlerinage.

Il part d’abord en Auvergne pour propager la réforme clunisienne (notamment à Sauxillanges, Souvigny, Mozac) et d'y renforcer la présence de Cluny dans le massif central. Il rejoint ensuite Altkirch pour seconder la nouvelle fondation grâce à ses vertus monastiques et son bilinguisme. De son vivant, il est en effet connu pour la ferveur de son observance, son assiduité à la prière, son don d’établir la concorde ainsi que son pouvoir de chasser les démons[2]. Il est décrit par ses hagiographes comme très amaigri, avec des cheveux blancs et doté d'une grande douceur et modestie[7].

Arrivée à Altkirch et canonisation

Morand arrive à Altkirch avant la mort de l’abbé Hugues de Semur, qui décède le 29 avril 1109. Il y reste jusqu'à sa mort en 1115 afin d'y développer la communauté[2].

Dans le Sundgau, il est connu pour sa charité, sa sainteté, sa doctrine monastique, ses dons en thaumaturgie, son pouvoir contre les démons et ses guérisons. Il aurait accompli plusieurs miracles[2],[9]. Il délivre notamment le comte Frédéric d’une paralysie faciale, chasse le diable une fois dans la nuit et éteint un incendie menaçant le prieuré[10]. Il est proclamé de son vivant patron du Sundgau et canonisé spontanément après sa mort[11]. Il est célébré le 3 juin depuis 1347[12]. Après sa mort, un pèlerinage se développe autour de sa tombe pendant un temps[2].

Le pèlerinage de Saint-Morand

Rapidement après sa mort, Saint-Morand exerce une fascination de part l'importance de ses miracles et sa sainteté attire les foules, les moines et les clercs. Dès 1280, une confrérie de saint Morand est créée et bénéfice de lettres d’indulgences en 1289 et 1326[13],[2]. En 1491, elle est associée spirituellement à l’ordre de Cluny.

Les seigneurs laïcs ont également un attrait pour le lieu. Les Habsbourg font de saint Morand un saint domestique de leur dynastie[2]. Ainsi, en 1365, le duc d’Autriche Rodolphe IV institue dans la Marienkapelle de Strassengel en Styrie une lumière éternelle et une messe en l’honneur du saint.

L’archiduc Frédéric III d’Autriche, comte du Tyrol, offre au prieuré, en 1428, une statue en argent de Morand. Les reliques du saint attirent également les convoitises : la moitié de son crâne est envoyé à Vienne, à la cathédrale de Saint-Etienne. Il y reçoit la vénération des fidèles.

Les paroissiens de Steinbach adopte Morand comme patron du vignoble et du vin d’Alsace.

Histoire du prieuré

L'histoire du prieuré est rythmé par la convoitise de laïcs mais aussi d'ecclésiastiques[2]. Cet attrait est la conséquence direct du succès spirituel et temporel du monastère[3] : Saint-Morand devient au fil des siècles un lieu de pèlerinage susceptible d'être lucratif[14].

La convoitise des seigneurs et laïcs

Copie de l’acte de fondation du prieuré de Saint-Morand à Altkirch. Cartulaire de l’abbaye de Cluny

Les comtes de Ferrette

Les comtes de Ferrette sont les premiers à faire valoir leurs droits sur le monastère, dont ils sont les fondateurs et dont ils restent les avoués, bien que l'acte de donation ne le octroie pas cette fonction[6].

En 1247, Berthold, prévôt de la collégiale de Moutier-Grandval, se fait attribuer le prieuré d’Altkirch. Jadis florissant, le lieu sombre peu à peu dans la misère. Lutold, évêque de Bâle, décide d'intervenir auprès du pape Innocent IV, pour l'informer de la situation. Les difficultés rencontrées par le monastère sont causées par le comte Ulrich II de Ferrette, qui dilapide les biens ecclésiastiques et en fait profiter l'ex-empereur Frédéric II, adversaire du pape[15].

A la même période, Frédéric de Rougemont, fils d’Ulrich II, se fait moine et s’empare de la charge de prieur d’Altkirch. Il cherche ensuite à étendre son pouvoir, notamment en essayant d’obtenir les prieurés de Sankt Ulrich et de Thierenbach. Un des prieurs en avertit Cluny, qui réagit et met fin aux fonctions de Frédéric[2],[15].

Berthold de Ferrette

Aucun prieur n’est mis en place à la tête du prieuré à la suite de cet événement. Le monastère est à cette époque dans un mauvais état[2]. En 1248, Berthold de Ferrette devient évêque de Bâle. Il souhaite rester propriétaire du prieuré afin de le réserver à son frère Ulrich et son neveu Thibaut. En 1259, Thibaut s’empare de force du prieuré : l’abbé de Cluny fait opposition de cet abus de droit. Dans les faits, Thibaut conserve sa mainmise sur le lieu jusqu’en 1269, lorsque le chapitre général consenti à lui payer une rente annuelle. A partir de cette date, le prieuré est libéré de la mainmise des seigneurs locaux[2],[3].

Bachelarius

En 1276, la situation du monastère n'est guère florissante[5] : le prieur n’est pas en mesure de redresser la situation financière et décide de concéder les biens temporels à un chevalier du nom de Bachelarius, pour une durée de 4 ans[2]. Passé cette période, le prieur et la communauté récupèrent le monastère sans aucune dette. Pour faire rentrer un maximum de fonds, et en faire sortir peu, l’administrateur refuse de payer la collecte pour la Terre Sainte pour dépenser le minimum ; Saint-Morand est alors frappée de l’interdit de l’Office divin et est suspendu jusqu'en 1289[3],[2].

En 1287, une confrérie en l’honneur de saint Morand et de la Vierge est fondée[13] afin de prier pour les âmes du purgatoire. Elle rassemble des bourgeois et des nobles d’Altkirch, ainsi que des habitants de Steinbach et du petit prieuré de Saint-Morand à Ribeauvillé.

Frédéric le Beau d'Autriche

En 1325, Frédéric le Beau d’Autriche extorque les biens du monastère, qui s’endette à nouveau. Les puissants se servent du prieuré comme d’un appui politique mais aussi d’un réservoir de ressources.

Les revendications des évêques de Bâle

En 1289, l’évêque de Bâle, Pierre Ier Reich de Reichenstein, exige des prieurés clunisiens (Altkirch, Froidefontaine, Feldbach) le versement d’une contribution financière, le cathedraticum, un impôt épiscopal prélevé sur les activités pastorales[2]. Jusqu'à présent, ces lieux en étaient exemptés. L'évêque demande les arriérés des cents dernières années pour non-versement de la taxe. Cluny ne réagit pas dans un premier, puis l'abbé finit par s’y opposer mais sans succès : le prieur d’Altkirch est imposé de 10 sous en 1302 pour le compte des décimes. La taxe épiscopale de 1441 est est plus élevé : le chapelain est redevable de 2 marcs, le prieur et le prieuré de 80 marcs chacun[2].

La tentative de mainmise des ordres mendiants

Au cours du XIIIème siècle, les Ordres mendiants des frères mineurs, des frères prêcheurs et des chanoines réguliers de Saint-Augustin essayent de faire main basse sur le prieuré[2]. Ils sont probablement attirés par le rayonnement du pèlerinage, les ressources qui en découlent et la spiritualité de Saint-Morand. Pendant un temps, ces ordres finissent par s’emparer du pèlerinage. L’abbé de Cluny sollicite l'aide d'Ulrich III, comte de Ferrette, afin de rétablir avec succès l'autorité clunisienne sur le prieuré.

Une baisse de la ferveur ecclésiastique

A la fin du XIIIe siècle et au début du XIVe, la situation spirituelle et morale de la communauté monastique semble avoir été en baisse[2], comme le laissent suggérer plusieurs scandales. En 1287, un moine, frère Jean de Rompont, est possédé par le démon : il agresse un laïc et se jette sur les moines. En 1295, frère Jean de Saint-Alban, accuse, à tort, son prieur d’incontinence. Ce même moine avait déjà été emprisonné auparavant pour des petits larcins par l’évêque de Bâle. Il finit par être emprisonné à Cluny. En 1298, Regnaud de Bouclans manque à son vœu de célibat ; il est transféré dans un autre monastère de l’Ordre. En 1301, c'est également le cas d'un autre moine nommé Pierre.

XIIIe-XIVe siècles

Au XIIIe et XIVe siècles, le monastère est solidement ancré dans le réseau de la noblesse régionale. A la fin du Moyen Age, les comtes de Ferrette sont oubliés. La donation du patrimoine est alors vieille de trois siècles et demi : la famille des donateurs s’est éteinte depuis plus d’un siècle[16]. Ce sont les ducs et archiducs d’Autriche qui prennent leur place[2]. Frédéric III d’Autriche s’occupe des pays antérieurs et offre en 1428 une statue argentée de Saint-Morand au prieuré. Plusieurs autres familles jouent également les rôles de donateurs et de bienfaiteurs. Ainsi, la famille des nobles de Zaessingue, vassaux des comtes de Ferrette, puis des ducs d’Autriche, figure en tête des legs depuis le milieu du XIIIe siècle. Les Stocker de Porrentruy, qui possède un caveau domestique devant l’autel à l’église prieurale, et les nobles de Knoeringue sont également très liés au prieuré. La famille des Schorin a fourni un administrateur à Saint-Morand ; celle des Hagenbach, le prieur Jean d’Altdorf. D'autres familles tels que les Friesen, les Munch, les Schwigger, les Wunnenberg ou les Obersept sont en relations avec Saint-Morand d'Altkirch. En échange des dons, les moines prient pour leur âme.

Par l’intercession accordée en échange des biens temporels, le prieuré tisse des appuis utiles[16].

En 1358, la qualité des offices est en baisse : les moines ne potent plus la coule, seulement le petit scapulaire. En 1367, le prieur n'obéit pas à Cluny[6].

Entre 1375 et 1379, le prieuré est détruit notamment en raison des guerres du seigneur de Conchiacus. Les édifices sont réparés en 1400[6].

Un restaurateur, Martin Grantner (1451-1477)

La guerre des Armagnacs en 1444 et l’invasion des Bâlois durant les années suivantes causèrent de graves dégâts au prieuré[17]. Martin Grantner, prieur de Saint-Morand, redresse la situation temporelle et spirituelle du monastère. Né à Colmar début XVe siècle, il entre au prieuré Saint-Pierre de la ville. Il en devient le prieur en 1449. En 1451, il est nommé prieur à Altkirch. Son priorat est marqué par la restauration de l’église, de son clocher, de la reconstruction d'une aile du couvent et des dépendances économiques. Il augmente les biens et les revenus du monastère. Tombé malade en 1462, il refuse de démissionner de ses fonctions : le monastère entre dans une nouvelle période de difficultés. Il finit par se retirer à Colmar en 1477, à la demande du légat du pape, Alexandre Numai, qui met en place un coadjuteur. Grantner meurt en 1482 et est enterré à Altkirch. Sa tombe est toujours visible.

Suppression du prieuré Clunisien

Les biens monastiques attirent la convoitise des dignitaires ecclésiastiques. Ainsi, dès 1455, un cardinal essaye d’obtenir le prieuré en commende. En 1477, les prieurés d’Altkirch et de Enschingen sont temporairement réunis sous l’administration d’un prieur commun, Gottfrid Minser[18]. En 1490, le prieuré de Saint-Morand d'Altkirch est confié à Jean de Pino, prévôt de Froidefontaine et chapelain personnel de l’empereur Maximilien Ier, débutant ainsi une longue série de prieurs séculiers, ecclésiastiques ou laïcs, qui durera tout le XVIème siècle.

A partir de 1508, les visites canoniques n'ont plus lieux et les rapports ne sont plus envoyés au chapitre général de Cluny[18],[19]. Le prieur d’Altkirch fut désigné à plusieurs reprises comme visiteur canonique de la province d’Alémanie. En raison du caractère séculier de plusieurs prieurs, ces fonctions semblent avoir été plus nominatives que réelles[18]. L'ensemble de ces difficultés font du XVIème siècle une période de décadence, renforcée par la crise protestante, marquant la fin progressive du prieuré. En 1525, lors de la Guerre des Paysans, un moine est tué tandis que le prieur s'enfuit à la nage à travers l'Ill[14],[15].

En 1533, un procès oppose Jean Burcard, alors prieur, à Gaspard de Morimont qui l'aurait insulté[13].Le 13 décembre 1544, l’administration du prieuré d’Altkirch fut confié au prieur de Feldbach[18]. La Guerre de Trente Ans (1545-1563) met à mal le monastère qui tombe peu à peu dans la misère[20].

A la fin du XVIe siècle, l’ordre de Cluny est trop faible et Saint-Morand passe aux mains des jésuites en 1621[21] .

La suppression des Jésuites en 1733 permet à l'Ordre de Cluny de récupérer son prieuré.

Organisation du prieuré

Taille de la communauté

Le prieuré de Saint-Morand d'Altkirch est une petite communauté composée d'environ cinq moines[14]. Il semblerait qu'il n'y ait jamais eu plus de six en même temps dans ce monastère[12],[6].

Taille de la communauté à différentes époques, sur la base des archives connues[6]
Années Nombre de moines Observations
1342 4 moines et 1 prieur Dettes de 1700 livres
1352 - 1356 5 moines, absence de prieur Monastère bien tenu (spirituel et temporel)
1379 3 moines, 1 prieur Le prieuré est détruit à cause des guerres du seigneur de Conchiacus

Rôle des moines

Les petites communautés, comme celle de Saint-Morand, n'ont pas l'obligation de célébrer solennellement l’ensemble de l’office divin. Seules la grand-messe quotidienne et les vêpres sont chantées[6], les autres heures sont récitées. La prière pour les défunts était une particularité des moines de Cluny, ce qui explique qu’un grand nombre de personnes, en particulier les familles de seigneurs, ont souhaité s'y faire enterré. Un grand nombre d’anniversaires pour les défunts sont célébrés à l’église de Saint-Morand[22].

L’instruction de la communauté, l’administration temporelle, l’étude et la lecture font de l’église saint Christophe et de son prieuré un centre de vie chrétienne et intellectuel[14]. On ne sait que peu de choses sur la vie quotidienne de la communauté qui suivait la règle de Cluny. Elle avait la charge de la paroisse d’Altkirch jusqu’à la construction de l’église Notre Dame, dans la ville même en 1254, église qui sera considéré comme une dépendance de celle du prieuré. Le prieur nomme le vicaire perpétuel pour la desservir[23].

L'aumône est distribuée trois fois par semaine[6].

L'enseignement

Au Moyen Age, l’Eglise se charge de l’enseignement. Ainsi, le prieuré d’Altkirch comporte une école[15] et en 1349, un bourgeois nommé Jean Kappart offre au prieuré des biens afin le prieur puisse entretenir le maitre de l’école[24]. L'acte précise que le prieur de Saint-Morand devient administrateur des biens à la mort de Jean Kappart[25]. Les archives précise notamment que ce dernier prend son repas au prieuré.

Les propriétés d'Altkirch

Altkirch et son église saint Christophe forment le noyau initial du domaine monastique. Le prieuré n'y possède pas de cour colongère. En revanche, il possède des biens et touche des revenus, des cens et des redevances (sur l’huile notamment)[2]. Il possède un moulin.

Le prieuré perçoit la dime sur toute l’étendue de la paroisse d’Altkirch, autour de l'église saint Christophe et Notre-Dame. Il en fit de même dans d’autres églises, même sans posséder le droit de collation (Riespach, Steinbach, Traubach, Walheim)[26].

Dans certaines paroisses, où le prieuré avait des possessions sans droits ecclésiastiques, il prélève également la dime[27].

Les cours colongères

Le prieuré de Saint-Morand d'Altkirch possède douze cours colongères[28],[24],[29], et ce, depuis au moins 1420. Le mode d'acquisition de ces colonges n'est pas connues. Ces cours forment le cadre du domaine. Elles étaient réparties autour du prieuré. Celle de Spechbach étend sa juridiction sur les autres cours ; elle exerce la fonction de cour-mère[30].

Ce sont des ressources importantes pour le prieuré : les cours fournissent du poisson ou des vêtements par exemple. La liste des cours colongères est la suivante :

Cours colongères de Saint-Morand d'Altkirch
Cours Observation
Aspach avec une dépendance à Heidwiller
Berentzwiller avec des dépendances à Ranspach le Haut et le Bas
Buethwiller
Carspach
Enschingen
Emlingen avec une dépendance à Wittersdorf
Tagsdorf et Schwoeben
Werentzhouse
Henflingen avec des dépendance à Grentzingen et Niederdorf
Rammersmatt
Spechbach mères de toutes les cours colongères
Strueth et Walheim

Les dix premières relèvent du prieur de Saint-Morand tandis que les deux dernières relève du custode[31] du monastère. Ces douze cours colongères ont globalement toutes la même constitution. Seule celle de Spechpach possède des privilèges[24] : elle est la mère des autres cours. En cas de litige les sujets des colonges peuvent faire appel auprès de leur maire. Les maires des colonges sont nommés par le prieur qui s’y rend chaque année pour y rendre la justice.

Les colonges de Saint-Morand n’exercent pas la haute justice, n’ont pas d’avoué protecteur, pas de prévôts, pas de serf ni de corvée et peu de terres communales[5],[32]. Leurs juridictions ne s’étend qu’aux paysans y habitant.

Autres terres possédées

Le prieuré possède d'autres terres dispersées autour du domaine et directement gérées par les cours colongères[6] :

Liste des possessions
Ammertzwiller Bergholtz Wuenheim Steinbach Traubach Montreux Riespach Falckwiller Illfurth
Turckheim Luemschwiller Reidwiller Hagenbach Walheim Obermorschwiller Gommersdorf Heiwiller Ballersdorf
Hirtzbach Hirsingue Willer Henflingen Friesen Grentzingen Oberdorf

Le Petit Saint-Morand de Ribeauvillé

Il est fondé entre le début du XIVème siècle[2] et 1347[14] par le prieuré d'Altkirch. Il dépend de la seigneurie de Ribeaupierre et porte le nom de "maison de Dieu"[33]. Son statut de dépendance n'est officiel qu'à partir du XVè siècle[34].

Le prieuré est situé à l’extérieur et en amont de la ville de Ribeauvillé. Le patron originel est saint Jean-Baptiste mais il est peu à peu effacé par saint Morand au XVè siècle. Le Petit Saint-Morand de Ribeauvillé fut « un prieuré de pèlerinage » en l’honneur de saint Morand[35]. Le lieu ne possède pas de prieur mais un curateur (Pfleger en allemand) ou un régisseur. La communauté, très petite, dépend administrativement du monastère de d’Altkirch. Saint-Morand a la tutelle et l’administration du lieu et en est le supérieur direct : Cluny ne se rend pas à Ribeauvillé et règle la gestion depuis Altkirch[36]. La collation et le droit de nomination appartient au prieuré de Saint-Morand ou, à défaut, au vicaire général de Cluny. Le Petit Saint-Morand ne compte qu'un ou deux moines, en plus du curateur lorsque le lieu est attractif. Au XVe siècle, le prieur est seul pour assurer la charge du lieu. Leurs fonctions consistent à la gestion du temporel et l’animation du pèlerinage.

Au XVe et XVIe siècles, le prieuré sombre peu à peu dans l'oubli.

En 1621, les bâtiments, les biens et les revenus passent aux collèges des Jésuites à Fribourg en Brisgau avec l’ensemble des propriétés de Saint-Morand d’Altkirch.

Les vignes de Steinbach

Le prieuré y possède des vignes, la dîme et l’église[13].

L'église Saint-Christophe et l'église Notre-Dame

L’église dédié à saint Christophe est l’une des plus anciennes de la région. Avec le temps, cet église paroissiale devient une église prieurale : le curé est également le prieur de Saint-Morand. En 1255, l’évêque de Bâle, Berthold de Ferrette, édifie l'église Notre-Dame à un kilomètre d’Altkirch. Notre-Dame reste dépendante de St-Morand, qui nomme les desservants[26].

Avec l’émancipation urbaine à partir du XIIIe siècle, les bourgeois de la ville souhaite une indépendance paroissiale. En 1481 s’ouvre un procès entre Saint-Morand et la ville d’Altkirch. Le prieur veut conserver son droit de collation et de patronage tandis que la ville revendique une autonomie paroissiale. L’affaire n'est jamais résolu. Durant la période monastique, le prieur garda le droit de collation ainsi qu’en 1482, 1493, 1497, 1509, 1528 et 1533. Le prieur de Saint-Morand se considère comme le recteur et collateur de l’église paroissiale de Notre-Dame.

Liste des prieurs

Liste des prieurs connus[37]
Nom du prieur Durée du priorat
Constantius 1105-1109
Morand 1109-?
Rodolphe v.1144-1150
Chuono 1184-1210
Frédéric de Ferrette v1245-1257
Cuno de Schauenbourg 1287-1314
Jean de Porrentruy 1319-1327
Aymon Coci 1327-?
Gamandus 1328-?
Heymo 1342-?
Jean de Wigolsheim 1342-1346
Bernard de Carlario 1354-1355
Simon 1358-?
Pierre 1360-?
Jean de Mont Ferrant 1378-?
Jean de Balmeta 1284-?
Nicolas de Balmeta ?-?
Jean de Baumotte 1401-?
Ulrich Schweighauser 1405-1409
Jean d'Altdorf 1426-1444
Martin Grantner 1451-1477
Gottfrid Minser de Goth (coadjuteur de Grantner) 1477-1482
Henri de Réguisheim 1484-1489
Jean de Pino (prieur de Froidefontaine) 1468-1492
Jean-Jacques de Morimont 1504-1516
Jean Frey (prieur d'Enschingen de 1499 à 1521) 1518-?
Henri Geldelin 1520-?
Pierre Gévaudan 1521-1528
Pierre Samson 1528-?
Jean de Fruchière 1532-?
Jean Burckard 1532-1533
Jacques de Morimond 1533-?
Jean Tullerus 1535-1548
Philibert Poissenot 1548
Jean de la Jonchière 1551-1557
Nicolas de Magece 1556
Pierre Gorre 1561-1573
Hugues de Grandmont 1573
Nicolas Vieille 1572-1585


Notes et références

  1. Notice no PA00085317, base Mérimée, ministère français de la Culture
  2. René Bornert, Les monastères d’Alsace. Tome IV, Strasbourg, Editions du Signe, p. 107-146
  3. Augustin Ingold, Les prieurés clunisiens des diocèses de Bâle et de Strasbourg, Rixheim,
  4. Christian Wilsdorf, Histoire des comtes de Ferrette (1105-1324), Riedisheim,
  5. Auguste Hanauer, « Le prieuré de Saint-Morand et ses cours colongères », Revue catholique d'Alsace,
  6. René Bornert, Les monastères d'Alsace. Tome IV, Editions du Signe, , p. 132
  7. Fr. J. Ed. Sitzmann, Aperçu de l'histoire politique et religieuse de l'Alsace, (lire en ligne), p. 45
  8. Jean Zimmermann, Saint Morand du Sundgau, le saint, son sanctuaire, Lyon,
  9. Landelin Winter, Saint Morand, l'apôtre du Sundgau, Rixheim,
  10. CLAERR-STAMM Gabrielle, GLOTZ Marc, MADENSPACHER Patrick, ZIMMERMANN Jean, Le prieuré, l’hôpital et le cimetière de Saint-Morand d’Altkirch, Riedisheim, , p. 10
  11. La date de sa mort n'est pas connu.
  12. CLAERR-STAMM Gabrielle, GLOTZ Marc, MADENSPACHER Patrick, ZIMMERMANN Jean, Le prieuré, l’hôpital et le cimetière de Saint-Morand d’Altkirch, Riedisheim, , p. 12
  13. CLAERR-STAMM Gabrielle, GLOTZ Marc, MADENSPACHER Patrick, ZIMMERMANN Jean, Le prieuré, l’hôpital et le cimetière de Saint-Morand d’Altkirch, Riedisheim, , p. 17
  14. CLAERR-STAMM Gabrielle, GLOTZ Marc, MADENSPACHER Patrick, ZIMMERMANN Jean, Le prieuré, l’hôpital et le cimetière de Saint-Morand d’Altkirch, Riedisheim, , p. 10
  15. Maurice Higelin, Altkirch au cours des siècles, Mulhouse,
  16. René Bornert, Les monastères d'Alsace, Editions du Signe, , p. 118
  17. René Bornert, Les monastères d'Alsace, Editions du Signe, , p. 120
  18. René Bornert, Les monastères d'Alsace, Editions du Signes, , p. 120
  19. Les rapports des visiteurs canoniques et les décisions des chapitres généraux de Cluny  permettent à l'abbaye de Cluny de vérifier l'activité du monastère et du travail quotidien.
  20. CLAERR-STAMM Gabrielle, GLOTZ Marc, MADENSPACHER Patrick, ZIMMERMANN Jean, Le prieuré, l’hôpital et le cimetière de Saint-Morand d’Altkirch, Riedisheim, , p. 20
  21. René Bornert, Les monastères d'Alsace, Editions du Signe, , p. 122
  22. CLAERR-STAMM Gabrielle, GLOTZ Marc, MADENSPACHER Patrick, ZIMMERMANN Jean, Le prieuré, l’hôpital et le cimetière de Saint-Morand d’Altkirch, Riedisheim, , p. 13
  23. CLAERR-STAMM Gabrielle, GLOTZ Marc, MADENSPACHER Patrick, ZIMMERMANN Jean, Le prieuré, l’hôpital et le cimetière de Saint-Morand d’Altkirch, Riedisheim, , p. 12
  24. CLAERR-STAMM Gabrielle, GLOTZ Marc, MADENSPACHER Patrick, ZIMMERMANN Jean, Le prieuré, l’hôpital et le cimetière de Saint-Morand d’Altkirch, Riedisheim, , p. 15
  25. René Bornert, Les monastères d'Alsace, Editions du Signe, , p. 119
  26. René Bornert, Les monastères d'Alsace. Tome IV, Editions du Signe, , p. 135 à 136
  27. Il s'agit des communes suivantes : Aspach, Berentzwiller, Bernwiller, Carspach, Emlingen, Hagenbach, Illfurth, Hirsingue, Rammersmatt, Ranspach, Tagolsheim, Tagsdorf, Wittersdorf
  28. ADHR 3 H 2/8
  29. Ou cours domaniales
  30. René Bornert, Les monastères d'Alsace. Tome IV, Editions du Signe, , p. 124
  31. Le custode a la fonction de garde du trésor et de sacristain
  32. Auguste Hanauer, Les paysans d’Alsace au Moyen Age. Etude sur les cours colongères d’Alsace, (lire en ligne)
  33. René Bornert, Les monastères d'Alsace. Tome IV, Editions du Signe, , p. 147 à 155
  34. ADHR, 4 H, 2, n° 1 (1548)
  35. René Bornert, Les monastères d'Alsace. Tome IV, Editions du Signe, , p. 148
  36. René Bornert, Les monastères d'Alsace. Tome IV, Editions du Signe, , p. 151
  37. René Bornert, Les monastères d'Alsace, Editions du Signe, , p. 138 à 141

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

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BORNERT René, Les monastères d’Alsace, t. IV, Strasbourg, 2010.

CHARVIN Gaston, Statuts, chapitres généraux et visites de l’ordre de Cluny, t. VI, Paris, 1965.

CLAERR-STAMM Gabrielle, GLOTZ Marc, MADENSPACHER Patrick, Père Jean ZIMMERMANN, Le prieuré, l’hôpital et le cimetière de Saint-Morand d’Altkirch, Société d’histoire du Sundgau, Riedisheim, 1995.

DENYS Achille, Saint-Morand, près d’Altkirch, Rixheim, 1901.

FUES F-J, Der hl. Morandus, Apostel und Patron des Sundgaues und der Stadt Altkirch, Altkirch, 1863.

HANAUER Charles Auguste, « Le prieuré de Saint-Morand et ses cours colongères », dans Revue catholique d’Alsace, janvier 1862.

HANAUER Charles Auguste, « Les cours colongères de l’Alsace », dans Revue Catholique d’Alsace, novembre 1862.

HIGELIN Maurice, Altkirch au cours des siècles, Mulhouse, 1919.

INGOLD Augustin Marie Pierre, Les prieurés clunisiens des diocèses de Bâle et de Strasbourg, Rixheim, 1893.

KLEIBER Eugène, « Die drei Sundgau-Prioritate Sankt Morand, Sankt Ulrich und Ölenberg », in ASHS, 1954, page 150-151.

PERRIN Jean, « L’église d’Altkirch et la vie religieuse dans l’ancien Altkirch », dans ASHS, 1965, pages 49-69.

WINTER Landelin, Saint Morand, l’apôtre du Sundgau, Rixheim, 1887.

WILSDORF Christian, Histoire des comtes de Ferrette : 1105-1324, Riedisheim, 1991.

ZIMMERMANN Jean, Saint Morand du Sundgau, le saint, son sanctuaire, Lyon, 1981.

ZIMMERMANN Jean, « La tombe de Saint Morand » dans Annuaire de la Société d’Histoire Sundgovienne, 1989, pages 139-147.

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