Portier de nuit

Portier de nuit (Il portiere di notte) est un film italien réalisé par Liliana Cavani, sorti en 1974.

Portier de nuit
Titre original Il portiere di notte
Réalisation Liliana Cavani
Scénario Liliana Cavani
Barbara Alberti
Italo Moscati (en)
Amedeo Pagani
Acteurs principaux
Sociétés de production Esa De Simone
Robert Gordon
Pays d’origine Italie
Genre Drame
Durée 118 min.
Sortie 1974


Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution

Synopsis

L'histoire se déroule à Vienne en Autriche en 1957, juste après que les troupes soviétiques ont quitté la ville. Max (Maximilian Theo Aldorfer, interprété par Dirk Bogarde), un ancien officier SS, est portier de nuit dans un palace hébergeant d'anciens nazis. Lucia Atherton (Charlotte Rampling), qui accompagne son mari chef d'orchestre, loge dans cet hôtel. Max reconnaît immédiatement en elle une ancienne déportée avec qui il eut une passion sadomasochiste. Lucia se trouve attirée par son ancien bourreau et redevient sa maîtresse. Cette liaison contre nature entre une ancienne victime et son bourreau se répète, obsédante, dramatique et névrotique, tandis que les amants maudits sont traqués par d'anciens nazis qui tentent de leur faire oublier leur passé.

Esthétique et réactions

Dès sa sortie en 1974, le film suscita de nombreuses polémiques tant dans le milieu du cinéma que chez les intellectuels. Il fut critiqué pour son « esthétique nazie » et la mise en scène malsaine et théâtrale à caractère sexuel d'une victime et de son bourreau. Le film est ponctué de flash-back dérangeants qui exposent la relation sadomasochiste entre Max et Lucia, totalement déconnectée de la réalité de l'univers concentrationnaire. Il brouille volontairement la vision traditionnelle de la victime et du bourreau en illustrant à sa manière le syndrome de Stockholm, décrit en 1973 par le psychiatre suédois Nils Bejerot. Une scène illustre particulièrement cet amalgame entre érotisme, sadisme et nazisme : Lucia y apparaît en nouvel ange, sinon bleu, du moins trouble, coiffée d'une casquette SS, vêtue d’un pantalon à bretelles, seins nus, devant un parterre d’officiers nazis, et chante en allemand la chanson de Friedrich Hollaender : Wenn ich mir was wünschen dürfte. Comme en récompense, Max lui remet ensuite en cadeau la tête d’un prisonnier qui avait précédemment importuné Lucia. Pour mémoire, les deux acteurs principaux, Dirk Bogarde et Charlotte Rampling, figuraient également, cinq ans plus tôt, à l'affiche du film de Luchino Visconti Les Damnés (1969), dont le sujet était la naissance du nazisme dans l'Allemagne industrielle du début des années 1930.

La romancière américaine Susan Sontag parle de Fascinating fascism (1975) pour qualifier la force d’attraction érotique exercée par le fascisme dans plusieurs œuvres cinématographiques des années 1970[1]. Le philosophe français Michel Foucault critiqua sévèrement cette vision sexualisée du nazisme, et de « l'amour pour le pouvoir », tout comme il critiqua, deux ans plus tard, le film de Pier Paolo Pasolini Salò ou les 120 Journées de Sodome. Car si pour lui, « le pouvoir a une charge érotique », il s'étonne que tout un « imaginaire érotique de pacotille [soit] placé maintenant sous le signe du nazisme »[2], considérant que ces dignitaires nazis étaient pour la plupart très éloignés de ces perversions et jeux érotiques. L'historien israélien Saul Friedländer évoque le film dans son essai Reflets du nazisme (1982), dans lequel il analyse une certaine fascination à l'égard du nazisme, qui permet désormais de s'y référer sur un registre esthétique, à la manière d'un exorcisme[3]. L'historien Fabrice d'Almeida considère d'ailleurs ce film comme l'initiateur du genre dit Nazisploitation[4], qui a surtout été illustré en Italie dans les années 1970.

Le film fut censuré en Italie, interdit aux moins de 16 ans en France et classé X aux États-Unis. Tout en jouant sur le registre de la fascination et de la répulsion, de la dualité soumission-domination, il s'inscrit dans le contexte particulier des « années de plomb » de l'Italie des années 1960-1970[1]. Liliana Cavani s'inscrit également dans cette grande vogue du cinéma italien à scandale, qui excelle dans la satire de la société, la peinture des névroses du monde moderne, et se fait volontiers politique, contestataire, ce cinéma étant notamment illustré, dans des registres divers, par Pier Paolo Pasolini, Michelangelo Antonioni, Marco Ferreri, Elio Petri, Bernardo Bertolucci, Ettore Scola. La plupart de ces réalisateurs, mais aussi Visconti, signèrent une lettre de protestation adressée à la Commission de censure italienne.

Le film fut de nouveau projeté en salles en France à l'automne 2012 dans une version restaurée. Par sa beauté dérangeante et onirique, ce film suscite toujours autant le malaise.

Anachronisme

Le modèle de Simca Aronde conduit par Max à la fin du film est une P60 qui n'avait pas encore été fabriquée en 1957.

Fiche technique

  • Titre français : Portier de nuit
  • Titre anglais : The Night Porter
  • Titre italien original : Il portiere di notte
  • Réalisation : Liliana Cavani, assisté de Mario Garriba (non crédité)
  • Scénario : Liliana Cavani, Barbara Alberti, Italo Moscati (en) et Amedeo Pagani
  • Production : Esa De Simone et Robert Gordon Edwards
  • Musique : Daniele Paris (it)
  • Photographie : Alfio Contini
  • Costumes : Piero Tosi
  • Montage : Franco Arcalli (en)
  • Pays d'origine : Italie
  • Langue de tournage : anglais
  • Format : Couleurs - 1,85:1 - Mono
  • Genre : Drame
  • Durée : 118 minutes
  • Date de sortie : 1974

Distribution

Bibliographie

Véronique Bergen, Portier de nuit : Liliana Cavani, Bruxelles, les Impressions nouvelles, 2021, 221 p., coll. Réflexions faites

Notes et références

  1. « SM chez les S.S., par Anne-Violaine Houcke », sur Critikat, (consulté le )
  2. Michel Foucault, « Anti-Rétro », entretiens avec P. Bonitzer et S. Toubiana, Cahiers du cinéma, no 251-252, juillet-août 1974 ; repris dans Dits et Écrits, vol. I 1954-1975, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 2001, p. 1520-1521.
  3. Saul Friedländer, Reflets du nazisme, Paris, Seuil, , 138 p. (ISBN 978-2-02-006120-9, OCLC 7292431196)
  4. Cf. Fabrice d'Almeida, La Vie mondaine sous le nazisme, Paris, Perrin, , 418 p. (ISBN 978-2-262-02162-7, OCLC 718406636)

Article connexe

Liens externes

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