Phrygien

Le phrygien était une langue indo-européenne parlée par les Phrygiens en Asie mineure au cours de l'Antiquité classique (du VIIIe au Ve siècle avant notre ère environ) .

Cet article concerne la langue phrygienne. Pour le peuple phrygien, voir Phrygie.

Le phrygien semble avoir été proche du grec[1],[2]. La similarité de certains mots phrygiens avec des mots grecs a été notée par Platon dans le Cratyle (410a).

Inscriptions

Le phrygien est attesté à travers deux corpus, l'un remontant aux environs de l'an 800 avant notre ère et en deçà, et l'autre, le néo-phrygien, datant du début de notre ère. Le corpus paléo-phrygien se divise géographiquement en inscriptions de la ville de Midas (M, W), Gordion, Central (C), Bithynie (B), Pteria (P), Tyane (T), Daskyleion (Dask), Bayindir (Bay), et « divers » (Dd). Les inscriptions mysiennes semblent appartenir à un dialecte distinct et utilisent un alphabet doté de lettres additionnelles, le « mysien-s ».

Une partie (environ 70 %) de l'inscription phrygienne de la ville de Midas.

Les dernières mentions connues du phrygien remontent au Ve siècle de notre ère, et la langue est considérée comme éteinte vers le VIIe siècle[3].

Le paléo-phrygien utilisait une écriture dérivée du phénicien, dont les liens avec le grec font l'objet de débats, alors que le néo-phrygien utilisait l'alphabet grec.

Grammaire

La structure du phrygien, d'après ce qu'on peut en reconstituer, était typiquement indo-européenne, avec une déclinaison des noms comportant des cas (au moins quatre), des genres (trois) et deux nombres (singulier et pluriel), et une conjugaison des verbes selon le temps, la voix, le mode, la personne et le nombre. L'ensemble des formes fléchies n'est attesté pour aucun des mots du lexique.

Le phrygien semble avoir utilisé l'augment, comme le grec, l'indo-iranien et l'arménien : ainsi la forme eberet correspondait probablement au proto-indo-européen (PIE) *e-bher-e-t (grec έφερε épʰere, avec perte du t final, sanskrit ábharat), même si la comparaison avec des exemples tels que ios… addaket « qui fait… à… », qui n'est pas une forme du passé (peut-être un subjonctif), montre que la désinence -et est susceptible de provenir de la terminaison proto-indo-européenne originelle *-eti.

Phonologie

Labiales Dentales Alvéolaires Palatales Vélaires
Occlusives p b t d k ɡ
Nasales m n
Fricatives/affriquées s ts dz
Spirantes w l r j

On a longtemps affirmé que le phrygien présentait une évolution phonétique (Lautverschiebung) des consonnes occlusives, similaire à la Loi de Grimm dans les langues germaniques ou à des lois phonétiques repérées en proto-arménien[4], à savoir le voisement des aspirées du PIE, le dévoisement de ses occlusives voisées et l'aspiration de ses occlusives non voisées. Cette hypothèse a été rejetée par Michel Lejeune (1979) et Claude Brixhe (1984)[5]. Considérée comme obsolète dans les années 1980-1990, l'hypothèse a été relancée dans les années 2000 par Woodhouse (2006) et Lubotsky (2004), qui ont soutenu la thèse d'une évolution au moins partielle des séries de consonnes constrictives, c'est-à-dire le voisement des aspirées du PIE (*bh > b) et le dévoisement de ses occlusives voisées (*d > t)[6].

Les affriquées ts et dz se sont développées à partir des vélaires devant les voyelles antérieures.

Vocabulaire

Le phrygien n'est connu que fragmentairement, à partir de corpus d'inscriptions relativement modestes. Quelques centaines de mots phrygiens sont attestés ; cependant, le sens et l'étymologie de nombre d'entre eux restent inconnus.

Un mot phrygien célèbre est bekos, qui signifie « pain ». D'après Hérodote[7], le pharaon Psammétique Ier voulait déterminer quelle était la nation la plus ancienne, et retrouver le vocabulaire du langage originel de l'humanité. Dans ce but, il ordonna que deux enfants nouveau-nés soient élevés par un berger, lui interdisant de jamais prononcer un mot en leur présence, et le chargeant de rapporter le premier mot qu'ils prononceraient. Après deux ans, le berger rapporta qu'alors qu'il était entré dans leur chambre, les enfants vinrent à lui les mains tendues et demandant bekos. Après enquête, le pharaon découvrit qu'il s'agissait du mot phrygien qui signifiait « pain blanc », à la suite de quoi les Égyptiens concédèrent que le peuple phrygien était plus ancien que le leur. Le mot bekos est également attesté à plusieurs reprises dans des inscriptions paléo-phrygiennes sur des stèles funéraires. Il pourrait s'agit d'un mot apparenté à l'anglais bake (PIE *bheHg-)[8]. Le hittite, le louvite (qui ont tous deux également eu un impact sur la morphologie du phrygien), le galate et le grec (qui présentent aussi un nombre élevé d'isoglosses avec le phrygien) ont tous eu une influence sur le lexique phrygien[1], [9].

Selon Clément d'Alexandrie, le mot phrygien bedu (en grec ancien : βέδυ), qui signifie « eau » (PIE *wed) apparaissait dans le rituel orphique[10].

Le théonyme grec de Zeus apparaît en phrygien Phrygian avec le radical Ti- (génitif Tios = grec Dios, d'une ancienne forme *Diwos ; le nominatif n'est pas attesté) ; peut-être avec le sens général de « dieu, divinité ». Il est possible que tiveya corresponde à « déesse ». Le changement de *d en t en phrygien et la chute du *w devant o semble réguliers. Étienne de Byzance relate que selon Démosthène, Zeus était connu sous le nom de Tios en Bithynie[11].

Un autre théonyme possible est bago-, attesté sous la forme de l'accusatif singulier bag̣un in G-136[12]. Michel Lejeune a identifié le terme à *bhagom, dans le sens de « don, consécration » (PIE *bhag- « partager, distribuer »). Mais Hésychios d'Alexandrie mentionne un Bagaios, Zeus phrygien (grec ancien : Βαγαῖος Ζεὺς Φρύγιος) et interprète ce nom comme δοτῆρ ἑάων, « donateur de bonnes choses ».

Code

Notes et références

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Phrygian language » (voir la liste des auteurs).
  1. Brixhe, Cl. « Le Phrygien ». In Fr. Bader (ed.), Langues indo-européennes, p. 165-178, Paris: CNRS Éditions.
  2. Woodard, Roger D. The Ancient Languages of Asia Minor. Cambridge University Press, 2008, (ISBN 0-521-68496-X), p. 72. « Unquestionably, however, Phrygian is most closely linked with Greek. »
  3. (en) Simon Swain, J. Maxwell Adams & Mark Janse, Bilingualism in Ancient Society: Language Contact and the Written Word, Oxford University Press, 2002 (ISBN 0-19-924506-1)
  4. Bonfante, G. "Phrygians and Armenians", American Quarterly, 1 (1946), 82- 100 (p. 88).
  5. Woodard, Roger D. The Ancient Languages of Asia Minor, Cambridge University Press, 2008, (ISBN 0-521-68496-X), p. 74.
  6. Lubotsky, A. "The Phrygian Zeus and the problem of Lautverschiebung", Historische Sprachforschung, 117. 2. (2004), 229-237.
  7. Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne], Livre II, 2.
  8. Cette étymologie est soutenue dans O. Panagl & B. Kowal, "Zur etymologischen Darstellung von Restsprachen", in: A. Bammesberger (ed.), Das etymologische Wörterbuch, Regensburg 1983, p. 186-187. Elle est contestée par Benjamin W. Fortson dans Indo-European Language and Culture: An Introduction. Blackwell, 2004. (ISBN 1-4051-0316-7), p. 409.
  9. Woodard, Roger D., The Ancient Languages of Asia Minor, Cambridge University Press, 2008, (ISBN 0-521-68496-X), p. 69-81.
  10. Clément, Stromata, 5, 8, 46-47.
  11. Sur le ti- phrygien, voir Heubeck 1987, Lubotsky 1989a, Lubotsky 1998c, Brixhe 1997: 42ff. Sur le passage d'Étienne de Byzance, Haas 1966: 67,Lubotsky 1989a:85 (Δημοσθένης δ’ἐν Βιθυνιακοῖς φησι κτιστὴν τῆς πόλεως γενέσθαι Πάταρον ἑλόντα Παφλαγονίαν, καὶ ἐκ τοῦ τιμᾶν τὸν Δία Τίον προσαγορεῦσαι.) Witczak 1992-3: 265ff. suppose que le dieu phrygien était d'origine bithynienne.
  12. Toutefois, la forme est également lue comme bapun : « Un très court retour vertical prolonge le trait horizontal du Γ. S'il n'était accidentel nous aurions […] un p assez semblable à celui de G-135. » Brixhe - Lejeune 1987:125.

Voir aussi

Bibliographie

Liens externes

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