Philippe Garrel

Philippe Garrel est un réalisateur français né le [1] à Boulogne-Billancourt.

Pour les articles homonymes, voir Garrel.

Ne doit pas être confondu avec Philippe Garel ou Philippe Harel.

Philippe Garrel
En 2008
Naissance
Boulogne-Billancourt
Nationalité  Français
Profession réalisateur
Films notables L'Enfant secret
J'entends plus la guitare
Les Amants réguliers

Ses réalisations reviennent souvent sur la jeunesse contestataire des années 1960 dont il est issu.

Biographie

Famille et vie privée

Philippe Garrel est le fils de l'acteur Maurice Garrel[2] et le père des acteurs Louis Garrel et Esther Garrel qu'il a eus avec la comédienne Brigitte Sy[3].

Il a partagé pendant dix ans la vie de la chanteuse Nico et partage aujourd'hui la vie de la réalisatrice Caroline Deruas[4] avec qui il a une fille, Lena Garrel.

Il a mis en scène, au cinéma, ses amis et plusieurs membres de sa famille[5].

Jeunesse et formation

Profitant de la carrière florissante de son père dans le cinéma des années 1960, il devient stagiaire à 16 ans sur Le Vieil Homme et l'Enfant de Claude Berri. Ayant les moyens de racheter des chutes de pellicule à la fin du tournage, il peut ainsi réaliser — en trois jours — son premier court métrage Les Enfants désaccordés[6], dans lequel Maurice Garrel joue le rôle du père.

Avec Bernadette Lafont, Jackie Raynal, Pierre Clémenti, Daniel Pommereulle, André Weinfeld, Jean-Pierre Kalfon, il rejoint le groupe Zanzibar, un groupe de jeunes dandys et d'artistes engagés dans un cinéma d'avant-garde expérimental, fondé et financé par la mécène Sylvina Boissonas[7],[8].

Carrière dans le cinéma

Si son premier long métrage Marie pour mémoire date de 1967, il lui faudra attendre 1982 pour accéder à la renommée critique avec L'Enfant secret qui reçoit le prix Jean-Vigo.

À la fin du mois de , paniquant devant l’ampleur de la contestation, il part à Munich pour tourner son deuxième long métrage, Le Révélateur, avec Bernadette Lafont et Laurent Terzieff[4].

Sa rencontre avec la chanteuse Nico lui inspire plusieurs films dont elle fera la musique. Entre 1970 et 1972, il tourne La Cicatrice intérieure, au Nouveau-Mexique, en Islande, en Italie et en Égypte[7], Les Hautes Solitudes en 1973, Un ange passe en 1975, Le Berceau de cristal en 1976. De sa séparation douloureuse d'avec Nico il tirera L'Enfant secret, avec deux anciens acteurs de Robert Bresson, Anne Wiazemsky et Henri de Maublanc[9]

À partir des années 1980, son cinéma, très expérimental jusque-là, retrouve la narration. Garrel reconnaît lui-même cette rupture dans son œuvre :

« C’est vrai qu’au tournant des années 80, les cinéastes de ma génération, Chantal Akerman, Werner Schroeter, nous qui étions tous très godardiens, sommes revenus vers le récit, le scénario[4]. »

Liberté la nuit (1984) raconte à la fois le combat d'un homme et d'une femme durant la guerre d'Algérie et un double amour. Philippe Garrel donne le rôle masculin à son père, Maurice, et les rôles féminins à Emmanuelle Riva et Christine Boisson[9].

Dans Rue Fontaine (1984), un court métrage réalisé pour le film à sketchs Paris vu par... 20 ans après, il rassemble à l'écran Jean-Pierre Léaud et Christine Boisson et se met lui-même en scène[10].

Il réalise ensuite Les Ministères de l'art (1987) pour la télévision, il s'y entretient avec Jacques Doillon, Chantal Akerman, André Téchiné, Benoît Jacquot, Léos Carax, Juliet Berto et Werner Schroeter[11]. Il revient sur sa difficile histoire d'amour avec Nico dans J'entends plus la guitare.

Son plus grand succès en salles[4], avec 95 000 entrées, est Le Vent de la nuit en 1999.

Dans Les Amants réguliers (2005), un récit autobiographique sur les événements de mai 68, il donne le principal rôle masculin à son fils Louis Garrel. Le film, diffusé sur Arte devant 180 000 téléspectateurs, ne fera que 38 000 entrées[4],[12] par la suite en salles.

En 2013, il tourne La Jalousie avec Louis Garrel et Anna Mouglalis[13],[14].

En , il commence le tournage à Paris de L'Ombre des femmes avec Clotilde Courau et Stanislas Merhar[15]. Le film ouvre la Quinzaine des réalisateurs lors du festival de Cannes 2015[16].

Il a dirigé à de nombreuses reprises des élèves du Conservatoire national supérieur d'art dramatique où il donne des cours de comédie.

Récompenses

Philippe Garrel a été récompensé deux fois à la Mostra de Venise par le Lion d'argent du meilleur réalisateur : en 1991 pour J'entends plus la guitare et en 2005 pour Les Amants réguliers, qui a valu aussi au chef opérateur William Lubtchansky un Osella, saluant sa « remarquable contribution artistique ».

Garrel a déclaré en recevant son prix en 2005 :

« Je suis un cinéaste indépendant français et je suis fier que des Italiens me récompensent. L'Italie est pour moi comme une grande université du cinéma. »

Analyse de l'œuvre

Très influencés par la mode « underground », les premiers longs métrages de Philippe Garrel, produits de manière artisanale, vont à contrecourant de la dramaturgie et des modes de financement majoritaires de l'industrie du cinéma[17]. Son cinéma repose généralement sur un canevas très ténu, une narration linéaire, des décors et des dialogues réduits à leur strict minimum et plusieurs plans fixes[5]. Le rythme est souvent lent et ses réalisations comportent une esthétique contemplative dérivant, par instant, vers l'onirisme[5]. Son œuvre constitue un ensemble cohérent par l'expression d'un « je » cinématographique[18]. En effet, ses réalisations le mettent souvent en scène dans une série de personnages conçus comme des alter ego sur l'exemple de François Truffaut auquel ils empruntent aussi le thème de l'adolescence perturbée[5]. Dans plusieurs films, les personnages ont le même âge que le réalisateur : lorsqu'il est adolescent, ils sont adolescents ; une fois qu'il devient père il commence à filmer son fils Louis dans Les Baisers de secours et, avec La Naissance de l'amour, il parle de la vie de famille et des rapports amoureux du point de vue de l'homme de 45 ans qu'il est devenu[19].

Les Cahiers du Cinéma note, à la sortie de La Naissance de l'amour en 1993, que, périodiquement, il semble que Garrel arrive à un problème esthétique, une question artistique qui ne peut se résoudre facilement[19]. Cet obstacle va permettre à son cinéma de repartir de manière vivifiée[19]. C'est ce qui arrive à la fin des années 1970, lorsqu'avec les films de la fin de sa première période (Voyage au jardin des morts ou Le Bleu des origines) il arrive à une limite dans sa veine « hermétique », celle de « l'art pour l'art[19]. » Il repart alors vers l'autobiographie et réalise L'Enfant secret, film que la revue qualifie de « magnifique[19]. » La limite de cette veine autobiographique serait Elle a passé tant d'heures sur les sunlights, où le cinéaste paraît vouloir « tout montrer et tout garder » : aussi bien les claps des plans que la crise d'appendicite qu'il vient d'avoir[19].

Les trois films suivants sont alors écrits avec des scénaristes (comme Jean-François Goyet) ou des écrivains (Muriel Cerf, Marc Cholodenko) tandis que Philippe Garrel cherche à travailler avec des équipes de tournage et de montage plus professionnelles qu'à ses débuts[19]. C'est ensuite sans doute après s'être affronté à la question du deuil dans J'entends plus la guitare, film « semi-réussi » d'après les Cahiers du cinéma, qui aborde la mort de la chanteuse Nico, qu'il a pu réaliser La Naissance de l'amour, un de ses plus beaux films selon la revue qui le qualifie de « libre et inspiré », où la douleur est aussi présente mais où « elle se teinte plutôt d'une douce mélancolie[19] ».

Si on décèle plusieurs emprunts à la Nouvelle Vague (notamment à Jean-Luc Godard et Jean Eustache), son cinéma, intimiste et personnel, s'en écarte en grande partie[5]. Dans l'entretien qu'il accorde au magazine Les Inrockuptibles après la sortie d'Un été brûlant (2011), il se définit lui-même comme le disciple de Jean-Luc Godard :

« [...], ça me convient assez de me définir comme le disciple de Godard. C’est mon maître. Il arrive à faire des choses auxquelles je ne suis jamais arrivé[4]. »

Son œuvre, favorablement accueillie par la critique, trouve néanmoins une audience publique relativement confidentielle[17].

Filmographie

Longs métrages

Courts métrages

Télévision

  • 1967 : Le Jeune cinéma : Godard et ses émules, entretiens réalisés pour l'ORTF avec des réalisateurs proches de Jean-Luc Godard[21]

Prix et distinctions

Récompenses

Nomination

Notes et références

  1. Les gens du cinéma pour extrait de naissance.
  2. « Maurice Garrel, la disparition d’un Roi », Paris Match, (lire en ligne, consulté le ).
  3. Prisma Média, « Biographie de Louis Garrel », sur Gala.fr (consulté le ).
  4. Philippe Azoury et Jean-Marc Lalanne, « Philippe Garrel : entretien avec un être brûlant », Les Inrockuptibles, (lire en ligne).
  5. « Philippe Garrel », sur Bibliothèque du film (consulté le ).
  6. « Ce qui me branchait à l'époque, c'était d'être le plus jeune cinéaste du monde : tourner un film 35 mm à 16 ans. Je l'ai monté à toute vitesse et la télévision l'a acheté » ; entretien avec Philippe Garrel, Cahiers du cinéma, no 671, octobre 2011.
  7. Olivier Père, « La Cicatrice intérieure », Les Inrockuptibles, (lire en ligne).
  8. (fr + en) Sally Shafto, Zanzibar, Paris, Paris-Expérimental,
  9. Jean-Michel Frodon, Le Cinéma français, de la Nouvelle Vague à nos jours, Paris, Cahiers du cinéma, , p. 545.
  10. Frodon 2010, p. 546.
  11. Frodon 2010, p. 860.
  12. Frodon 2010, p. 973.
  13. (en) La jalousie sur l’Internet Movie Database.
  14. « La jalousie d'après Philippe Garrel », La Dépêche, (lire en ligne).
  15. « ARTE France Cinéma coproduit les prochains films de Kiyoshi Kurosawa, Philippe Garrel et Philippe Faucon », sur arte.tv (consulté le ).
  16. Voir sur Allociné.
  17. « Philippe Garrel », sur Encyclopédie Universalis (consulté le ).
  18. « Philippe Garrel », sur Encyclopédie Larousse (consulté le ).
  19. Alain Philippon, « L'Amour en fuite », Cahiers du cinéma, no 472, , p. 30-31.
  20. Arnaud Hallet, « Actua 1 : le film rescapé de Philippe Garrel », sur Revue Zinzolin, (consulté le ).
  21. Antoine de Baecque, Godard : Biographie, Paris, Fayard/Pluriel, coll. « Grand Pluriel », (1re éd. 2010), 960 p. (ISBN 978-2-8185-0132-0), p. 349.

Voir aussi

Ouvrages

  • Gérard Courant (préf. Dominique Païni), Philippe Garrel : entretiens, Studio 43 (Paris),
  • Jacques Déniel (sous la dir. de), Philippe Garrel, éditions Studio 43 (Dunkerque) - MJC de Dunkerque, 1989
  • Thomas Lescure (préf. Jean-Luc Godard, Leos Carax et Jean Douchet), Une caméra à la place du cœur : entretiens, Aix-en-Provence, Institut de l'Image,
  • Stefano Della Casa et Roberto Turigliatto, Philippe Garrel, Lindau Cinema, 1994
  • RosaMaria Salvatore, Traettorie dello sguardo Il cinema di Philippe Garrel, Il Poligrafo, 2002
  • Quim Casa (sous la dir. de), Philippe Garrel El cine revelado, Festival de San Sebastian, 2007
  • Valentina Domenici, Il corpo e l'immagine Il primo cinema di Philippe Garrel, Armando editore, 2008
  • Philippe Azoury, Philippe Garrel en substance, Capricci,
  • Dominique Bax (sous la dir. de), Philippe Garrel, Théâtre au cinéma Bobigny 2013, 2013
  • Thibault Grasshoff, Philippe Garrel : une esthétique de la survivance. Essai sur la mémoire et la mélancolie, Lettmotif, 2015
  • Kim Eunhee (sous la dir. de), Philippe Garrel, désespoir éblouissant, hm, 2016

Articles

  • André Habib, « La rue est entrée dans la chambre ! : Mai 68, la rue et l’intimité dans The Dreamers et Les amants réguliers », Cinémas : revue d'études cinématographiques / Cinémas: Journal of Film Studies, vol. 21, no 1, , p. 59-77 (DOI 10.7202/1005630ar, lire en ligne)
  • Dans les Cahiers du cinéma :
    • Entretiens : « Cerclé sous vide » (n° 204, ) ; « Entretien avec Philippe Garrel » (n° 344, ) ; « Le refus du drame » (n° 424, ) ; « Propos rompus » (n° 447, ) ; « Au hasard de la rencontre » (n° 533, ) ; « L'homme d'une seule prise » (n° 563, ) ; « L'art et mai 68 » (n° 606, ) ; « Mon but est de faire des films d'amour politiques » (n° 671, ) ; « Une caméra d'actualités » (n° 711, )
    • Dialogues : « Dialogue en apesanteur, Philippe Garrel rencontre Leos Carax » (n° 365, ) ; « Dialogue avec Serge Daney » (n° 443/444, mais 1991) ; « Dialogue avec Maurice Pialat » (n° 477, )
    • Document : « Philippe Garrel, voyage second » - Discussion publique inédite de Philippe Garrel à Digne, (n° 688, )

Films sur Philippe Garrel

Liens externes


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