Philibert Vrau

Philibert Vrau (né le à Lille et mort le dans la même ville) est un industriel lillois qui fut une personnalité marquante du catholicisme social[1].

Un grand patron social

Philibert Vrau participe d'abord à la création d’une banque, le Comptoir d’escompte (1857-1859), mais l'établissement périclite par la faute d’un de ses associés et il échappe de peu à la ruine[2]. En 1866, il s’associe avec son ami et beau-frère le docteur Camille Feron-Vrau pour assurer la gestion de l'entreprise familiale, une fabrique de fils à coudre en lin fondée en 1816 par son père François-Philibert Vrau. A partir de la mort de son père en 1870, il assume la responsabilité de la politique commerciale de la société, dénommée Philibert Vrau & Cie à partir de 1871.

À cette date, l'entreprise est déjà importante sur la place de Lille. Elle compte des centaines d'ouvriers répartis sur plusieurs sites, ce qui conduit Philibert Vrau à faire construire une usine moderne entre 1872 et 1878. La politique commerciale est efficace et la production est en partie exportée vers l’Allemagne et l'Europe du Nord[2]. La marque « Le Fil au Chinois » crée par son père se développe donc considérablement. Vers 1875, avec 1 100 ouvriers employés, les établissements avaient pris une place considérable dans l'industrie textile lilloise[1].

Philibert Vrau a la volonté de développer au mieux sa société, afin qu'elle dégage d'importantes ressources lui permettant de financer des œuvres sociales et chrétiennes. Il pratique une politique de prix fermes, alors que la concurrence appliquait des prix bas de manière désordonnée. Dans le même temps, il accorde des primes en fin d'année pour fidéliser les grossistes et assurer la promotion de ses produits auprès des merceries de détail. Les ventes annuelles passent ainsi de 282 000 boîtes de 48 pelotes en 1864, à 1 950 000 boîtes en 1875[2].

Au sein de son entreprise, Philibert Vrau développe une politique sociale modèle :

  • plus de travail de nuit pour les femmes,
  • journée de dix heures,
  • repos dominical,
  • sociétés de logements ouvriers,
  • écoles pour les enfants,
  • caisse de secours mutuel[2],
  • caisse d’assistance[2],
  • caisse de prêts[2],
  • caisse d’épargne[2].

Très préoccupé de morale et d'éducation, il fait venir en 1876, des sœurs de la Providence de Portieux pour encadrer et éduquer les nombreuses jeunes ouvrières qui travaillent pour lui. Pour éviter la promiscuité et l'immoralité, les horaires de travail des ouvriers et ceux des ouvrières sont différents.

Les sœurs assurent d'autres services, comme le calcul des salaires et la gestion les secours au personnel. La pratique du catholicisme est de rigueur dans l'entreprise : prières avant et après le travail, statues de saints, crucifix et étendards dans toutes les pièces, catéchisme hebdomadaire obligatoire et récompense à ceux qui viennent au patronage paroissial le dimanche[2].

Un conseil patronal permet de se concerter sur les questions sociales et spirituelles entre les dirigeants, cinq principaux employés et l'aumônier. Par ailleurs, il existe un conseil consultatif des ouvriers et un autre pour les ouvrières, qui tous deux réunissent des surveillants d'atelier et des délégués élus[2].

Un catholique militant

Après sa conversion au catholicisme en 1854 (qu'il avait cessé de pratiquer pendant un temps), il veut être prêtre mais cède aux instances de ses parents et y renonce[2]. Il choisit alors de rester célibataire et fonde à Lille en 1857 une organisation de prière dédiée à l'adoration du Saint-Sacrement. Sur la suggestion d’Émilie Tamisier, Philibert Vrau organise en 1881 à Lille le premier congrès eucharistique mondial.

Vice-président de 1872 à 1886, puis président de 1886 à sa mort, du conseil régional des Conférences de Saint-Vincent-de-Paul, Philibert Vrau fonda et finança un grand nombre d’œuvres catholiques : patronages, cercles catholiques d’ouvriers, congrès catholiques du Nord et du Pas-de-Calais, l'université catholique de Lille, l'École des hautes études industrielles, l'Institut catholique d'arts et métiers, écoles primaires paroissiales, œuvre des nouvelles églises de Lille, presse chrétienne...

À propos de la fondation de l'université catholique de Lille, le cardinal Régnier, archevêque de Cambrai, eut ce trait d'humour :

« L’existence de notre université ne tient encore qu’à un fil, mais ce fil est solide, c’est le fil Vrau »

.

En 1909, le diocèse de Lille décida la fondation d'une nouvelle paroisse pour desservir tout le faubourg de Douai et une partie du faubourg d'Arras. L'édifice fut dédié à saint Philibert en hommage à Philibert Vrau. En 1933, une clinique lui fut également dédiée.

Un procès en béatification

Le procès en béatification de Philibert Vrau a été ouvert en 1912, sept ans après sa mort, par l’archevêque de Cambrai. La cause du procès est double puisqu'elle concerne également son beau-frère Camille Féron-Vrau.

La première étape, dite « procès diocésain », a connu une conclusion favorable avec la signature du pape Pie XI en .

Arrêté pendant la Seconde Guerre mondiale, le procès ne reprit pas après la guerre : dans un contexte de très fortes tensions sociales dans la région Nord, il fut reporté sine die à la suite d'une décision du cardinal Liénart en 1950[1].

Le procès a été relancé par Mgr Gérard Defois, évêque de Lille. En cas d'issue favorable, Philibert Vrau serait le premier chef d'entreprise porté sur les autels[1].

Il est inhumé au cimetière de l'Est à Lille.

Un prix à son nom

A l'initiative de la Fondation des entrepreneurs et dirigeants chrétiens (les EDC), créée en 2011 en partenariat avec le journal La Croix, le « prix Philibert Vrau » distingue chaque année un chef d’entreprise qui combine action économique et finalité sociale[3].

Notes et références

  1. « Philibert Vrau, un patron chrétien », sur le site de La Croix, (consulté le )
  2. « Philibert Vrau : le saint homme de Lille », sur le site de Contrepoints, (consulté le )
  3. « Le Prix Philibert Vrau récompense un patron social », La Croix, 25 novembre 2014

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