Ondoiement
L'ondoiement est une cérémonie simplifiée du baptême utilisée en cas de risque imminent de décès (mention d'enfant ondoyé dans les anciens registres paroissiaux), ou par précaution quand on veut retarder la cérémonie du baptême pour une circonstance quelconque. Ce rituel consiste à verser de l’eau sur la tête de l'enfant (ablution) en prononçant les paroles sacramentelles : « Je te baptise au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ».
Étymologie
Ondoiement a pour origine le mot ancien « onde » (unda : « eau courante »).
Spécificités de l'ondoiement
Le salut ou les limbes
L'ondoiement correspond à la doctrine[1] ancienne[2] que le baptême opère le salut. Les enfants morts sans baptême sont considérés, à partir du XIIe siècle[3], comme privés de la vision béatifique de Dieu[4]. C'est dans les limbes que se rendaient les âmes de ces enfants morts sans baptême. Les limbes représentaient le lieu intermédiaire entre le paradis et l'enfer, où les nouveau-nés n'ayant pas commis de péchés personnels étaient néanmoins éternellement éloignés de la vue de Dieu[5],[6].
L'ondoiement était donc pratiqué en cas de péril de mort du nouveau-né et conféré en privé.
Suppléer les cérémonies du baptême
L'ondoiement, qui se limitait aux ablutions et paroles sacramentelles, pouvait être suivi du baptême solennel et complet avec tous les rites, si l'enfant survivait[7]. L'enfant était alors amené dès que possible à l'église paroissiale pour y « suppléer » les cérémonies du baptême, c'est-à-dire l'action de faire à l'église le supplément de prières et de cérémonies, omises lors de l'ondoiement[8].
Ces suppléments, comme leur nom l’indique, ne sont pas le « cœur » du baptême, autrement dit, même sans elles, l’enfant restait malgré tout valablement baptisé.
En pratique, l'ondoiement était peu souvent suivi du baptême car l'enfant mourait dans les heures ou les jours qui suivaient, la mortalité infantile étant autrefois très élevée.
Report du baptême pour d'autres motifs
Plus rarement, l'ondoiement était réalisé dans les familles catholiques lorsque la véritable cérémonie du baptême devait être remise à une date ultérieure pour la convenance d'une assemblée comme :
- l'impossibilité d'organiser un "vrai baptême" ;
- l'absence d'un parrain ou d'une marraine[5];
- voire dans les familles royales ou nobles, avec permission expresse de l'évêque[9] ;
- le désir de célébrer le baptême avec pompe à une date fixée et de regrouper la parentèle dispersée [10].
Qui pratiquait l'ondoiement ?
L'ondoiement était pratiqué le plus souvent par :
- la sage-femme, aussi appelée matrone au Moyen Âge et jusqu'au début du XVIIIe siècle ;
- le curé ;
- le vicaire ;
- toute autre personne[12].
Où se pratiquait l'ondoiement ?
En général à la maison, sur le lieu de l'accouchement, voire à l'hôpital pour les plus pauvres.
L'enfant devait être conduit à l'église paroissiale pour le baptême, d'où les risques accrus pour sa survie en cas de froid ou d'intempéries.
L'ondoiement in utero
La sage-femme pouvait pratiquer l'ondoiement à tout enfant menacé de périr au cours de l'accouchement. Cet ondoiement pouvait être appliqué à toute partie du corps de l'enfant accessible pour les uns, mais uniquement sur le cuir chevelu après la rupture de la membrane pour les autres. C'est ainsi que furent conçues des seringues spéciales à l'aide desquelles il était possible d'ondoyer le fœtus resté in utero[13]. Certains de ces clystères à eau bénite portaient en leur extrémité un orifice en forme de croix qui offrait les meilleures garanties de sauvetage de l'âme et de repos éternel.
Saint Thomas d'Aquin était quant à lui formellement opposé à ce procédé « car l'enfant doit naître à la vie avant de naître à la grâce ». Les ondoiements en cours d'accouchement étaient néanmoins monnaie courante étant donné la mortalité périnatale. C'est pourquoi le concile de Cantorbéry de 1236 recommandait qu'« Au moment des couches, on prépare de l'eau en cas qu'il faille baptiser immédiatement l'enfant ». Au cours des siècles ultérieurs, les théologiens débattront encore longuement de la validité du baptême intra-utérin.
Importance du rituel
Le baptême avait lieu le plus souvent dans les trois jours suivant la naissance (cela a varié entre un et huit jours) en présence du père, de la sage-femme, des parrain(s) et marraine(s), mais en l'absence de la mère.
À notre époque, on ne peut imaginer à quel point la mort d'un enfant mort-né ou décédé avant qu'il soit baptisé, emplissait les gens de frayeur ou de chagrin. Si cela arrivait, il n'y avait pas de sacrement, ni d'office à l'église, ni de sépulture chrétienne. L'enfant ne pouvait donc être enterré à côté de sa famille dans l'enclos paroissial. Il était alors enterré dans un champ ou un jardin. L'enfant ne recevait pas non plus de prénom, n'avait pas de parents spirituels et plus grave encore rejoignait les limbes[14]. D'où l'importance de l'ondoiement en cas de menace de décès, car ce baptême sommaire marquait l'entrée dans le monde des chrétiens[6].
De même, on affirmait souvent que l'enfant mort-né avait présenté des signes de vie, afin de pratiquer en urgence l'ondoiement et lui garantir le Paradis[15].
Le sanctuaire à répit
Cette hantise du non-baptême avait suscité le sanctuaire à répit[13]. C'est un lieu saint rencontré en pays de tradition catholique. Selon la croyance populaire de certaines provinces, le « répit » est, chez un enfant mort-né, un retour temporaire à la vie le temps de lui conférer le baptême avant la mort définitive. Le répit n’est possible qu’en certains sanctuaires, le plus souvent consacrés à la Vierge dont l’intercession est nécessaire pour obtenir un miracle.
C'est ainsi que l'on portait le corps de l'enfant mort à l'église, qu'on le déposait sur l'autel de la Vierge en implorant celle-ci de le ressusciter le temps du baptême. Les récits de l'époque font état de prétendus signes de retour à la vie de l'enfant et à nouveau de sa mort après l'administration du sacrement. L’enfant rentrait de fait au paradis au lieu d’errer éternellement dans les limbes.
On pouvait ensuite procéder à la mise en terre de l'enfant mort-né, désigné comme « nouveau-né » et chanter un Te Deum pour remercier Dieu d'une telle faveur[13].
Cas historiques
- Armand Jean du Plessis, futur cardinal de Richelieu[16], né le , baptisé au huitième mois, le .
- Antonio Vivaldi, né le , ondoyé à la naissance, par la sage femme, et baptisé le .
- Louis-Auguste de France, futur Louis XVI, naît le 23 août 1754. Immédiatement après sa naissance, le bébé est ondoyé par l'aumônier du roi. Il est baptisé le 18 octobre 1761, à l'âge de 7 ans, en même temps que son frère Louis Stanislas Xavier, futur Louis XVIII.
- Napoléon Bonaparte, né le , ondoyé à domicile, est baptisé presque à l'âge de deux ans, le .
- Louis Philippe d'Orléans, né le 6 octobre 1773, est ondoyé le même jour. Il est baptisé le 12 mai 1788, soit à l'âge de 14 ans, le même jour que son frère Antoine d'Orléans.
- Frédéric Chopin, né le , ondoyé à la naissance, est baptisé le .
Église réformée et l'ondoiement
Le consistoire calviniste s'est opposé au baptême des nouveau-nés par les sages-femmes ou les voisines. Celles-ci étaient sévèrement sanctionnées en cas de non-respect de la règle. L'Église réformée rejetait la croyance médiévale aux limbes. Cela rendait ainsi caduque la nécessité de l'ondoiement. Toutefois cette interdiction privait les femmes d'un rôle rituel et spirituel important, qui leur était reconnu jusqu'alors[17].
Notes et références
- Les enfants des limbes. Mort-nés et parents dans l’Europe chrétienne
- Les enfants morts sans baptême eux aussi destinés au « paradis »
- Vatican : le pape Benoît XVI autorise l'abandon de l'hypothèse de l'existence des limbes
- « Ondoiement », sur www.liturgiecatholique.fr (consulté le )
- Daniel APPRIOU, Tous les chemins mènent à Rome : Ces mots de tous les jours qui nous viennent de l'Histoire, Place Des Editeurs, , 171 p. (ISBN 978-2-7357-0333-3, lire en ligne)
- France APPRILL & Serge BUSIAU, « Genealogie - Geneafrance », sur www.geneafrance.org (consulté le )
- « Définition de ondoiement », sur www.la-definition.fr (consulté le )
- Louis-Albert Joly de Choin et Gousset, Instructions sur le rituel, Gauthier, (lire en ligne)
- Dominique Cardinal, « Naître à Plouguerneau dans la seconde moitié du XVIIIe Siécle - Plouguerneau d'hier et d'aujourd'hui », sur www.plouguerneau.net (consulté le )
- « Que signifie Ondoiement ? - Définition Ondoiement - Dicocitations ™ », sur www.dicocitations.com (consulté le )
- « L'ondoiement - Diocèse de Rimouski », sur www.dioceserimouski.com (consulté le )
- Instructions sur le rituel, contenant la theorie et la pratique des sacremens et de la morale, et tous les principes et decisions necessaires aux curés, confesseurs, predicateurs, chanoines, beneficiers, pretres, ou simples clercs. Par feu monseigneur Louis-Albert Joly De Choin, eveque de Toulon ...Tome premier [-troisieme]: Tome second, (lire en ligne)
- Fernand Leroy, Histoire de naître : De l'enfantement primitif à l'accouchement médicalisé, De Boeck Supérieur, , 456 p. (ISBN 978-2-8041-3817-2, lire en ligne)
- Stéfan Tzortzis et Isabelle Séguy, « Pratiques funéraires en lien avec les décès des nouveau -nés », Socio-anthropologie, , p. 75–92 (ISSN 1276-8707, lire en ligne, consulté le )
- Conseil de Sages, « Naître sous l'ancien régime - Conseil de Sages », sur conseildesages.free.fr (consulté le )
- Max Gallo, Richelieu : la foi dans la France, Paris, XO Editions, , 359 p. (ISBN 978-2-84563-381-0), page 22
- Raymond A. Mentzer, « La Place et le rôle des femmes dans les Églises réformées », Archives de sciences sociales des religions, no 113, , p. 119–132 (ISSN 0335-5985, DOI 10.4000/assr.20192, lire en ligne, consulté le )
Voir aussi
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