Occupation du Japon
L'occupation du Japon est une période de l'histoire du Japon qui commence en septembre 1945 et s'achève en septembre 1952.
1945–1952
Drapeau |
Emblème |
Statut | Occupation militaire sous l'autorité du Commandement suprême des forces alliées |
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Capitale | Tokyo |
Langue(s) | Japonais |
Monnaie | Yen |
28 août 1945 | Début de l'occupation |
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2 septembre 1945 | Signature des actes de capitulation du Japon |
19 janvier 1946 | Création du Tribunal militaire international pour l'Extrême-Orient |
3 mai 1947 | La nouvelle Constitution du Japon entre en application |
28 avril 1952 | Le traité de San Francisco entre en application |
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Le commandant en chef des forces alliées dans le Pacifique, le général Douglas MacArthur, devient gouverneur militaire du Japon après la signature des actes de capitulation du Japon le , mettant un terme à la Seconde Guerre mondiale. Il doit assurer la direction d'un pays exsangue, qui doit rapatrier, au lendemain de la guerre, six millions de combattants sur l’archipel. De plus, le pays doit céder les trois quarts des terres de l'empire qu'il s’était constitué dans le cadre de sa politique expansionniste en Asie (entre 1929 et 1945).
Bien que la structure administrative impériale soit préservée, les forces d'occupation américaines dirigent de facto le pays avec les anglais jusqu'à la tenue d'élections libres. Mais la situation du Japon est catastrophique, avec des villes en ruine et de faibles récoltes laissant présager une famine imminente. Les autorités d'occupation ont bien du mal à faire face aux problèmes de misère sociale : chômage, prostitution à travers l'« Association pour les loisirs et l'amusement », marché noir, orphelins, sous-alimentation, maladies, personnes déplacées par millions…
De leur côté, les États-Unis font l'expérience d'un processus d'Édification de la nation afin de mettre fin dans la mentalité des vaincus à un militarisme dont la nature radicale avait stupéfié tous les belligérants.
À la tête des forces d'occupation, MacArthur se comporte en proconsul et son rôle s'avère aussi déterminant que celui d'un chef d'État. Les médias en viennent à le surnommer le « vice-roi du Pacifique ».
La période s'achève avec la signature, le , du traité de paix de San Francisco. Le Japon retrouve sa souveraineté et le droit d'assurer sa défense, mais les troupes américaines – à l'exclusion de celles des autres nations alliées, sauf accord du gouvernement des États-Unis – demeurent dans l'archipel japonais. Le contexte de guerre froide explique largement la politique américaine de présence en Asie. Notons que le traité de San Francisco ne sera pas signé par l'Union soviétique, qui ne rétablira ses relations diplomatiques avec Tokyo qu'en 1956. La même année, en décembre, le Japon sera admis à l'ONU.
D'autre part, et alors que commence la guerre de Corée en 1950, un changement de politique des autorités d'occupation américaines du Japon a lieu et les Japonais peuvent, dès lors, reconstituer leurs forces militaires, avec le soutien des États-Unis cette fois, qui intègrent leur ancien adversaire dans leur système de défense asiatique (pacte militaire nippo-américain signé en 1951). À l'instar de la République fédérale d'Allemagne, le Japon, dans les conditions particulières créées par la Guerre froide, devient un précieux allié de la politique américaine et bénéficie, en retour, d'une aide financière et matérielle qui lui permet de réaliser son « miracle économique » dès le début des années 1950.
Organisation
De 7 500 premiers hommes débarquant sur l'île de Honshu le , le contingent américain passe à 460 000 soldats au plus fort de l'occupation, dont la majeure partie appartiennent à la VIIIe armée américaine, à laquelle il faut ajouter le contingent du British Commonwealth qui aura à son maximum 40 000 hommes. L'occupation militaire américaine a mobilisé l'ensemble du 5th USAAF sur sa zone de responsabilité géographique (Japon et Corée sous le 50e parallèle).
Le Supreme Commander of the Allied Powers (SCAP), gouvernement militaire, est instauré en 1947.
Deux généraux américains se succèdent à la tête du SCAP durant l'occupation (1947-1952) : Douglas MacArthur (1947-), puis Matthew Ridgway.
Ils veillent à la stricte application du protocole défini lors de la conférence de Potsdam concernant le sort réservé au Japon.
Mac Arthur rencontre le l'empereur Hirohito et lui fait comprendre qu'il cherchera à l'exonérer de poursuites criminelles devant le Tribunal de Tokyo. Les échanges se poursuivent par la suite par intermédiaires et concernent non pas l'abdication mais la reconnaissance de la fin de sa nature divine, statut légendaire de l'Empereur qui rattache sa personne aux mythes fondateurs du Japon. Cette renonciation accompagne la redéfinition constitutionnelle de la Diète précédant la tenue d'élections libres.
Chronologie antérieure à l'Occupation
Réformes structurelles
Le début de l'occupation (1945-1950)
De nombreuses réformes ont lieu :
- Politiques
- Démocratisation : nouvelle constitution, droit de vote pour les femmes, liberté de la presse…
- Jugement des criminels de guerre par le Tribunal de Tokyo, à l'exception de l'empereur Hirohito, de tous les membres de la famille impériale impliqués dans la guerre et des membres de l'Unité 731
- Collaborateurs écartés du pouvoir
- Militaires
- Sociales
- Rapatriement des Japonais d'Asie
- Économiques
- Démantèlement des zaibatsus impliquées dans l'industrie de l'armement.
Situation alimentaire au Japon en 1945
L’arrêt des importations du fait du blocus maritime allié privait le Japon de 31 % de son riz, 92 % de son sucre et de 45 % de son sel d’avant-guerre avant sa capitulation. De plus, la récolte de 1945 atteint seulement 60 % du niveau d’avant-guerre probablement par manque d’engrais et de main d'œuvre. La ration alimentaire à l’automne 1945 au Japon était réduite à 700 calories/jour (niveau normal : 2 200 cal/jour) et 100 000 personnes seraient mortes de sous-alimentation dans les années 1945-48, malgré l'aide américaine[1].
Le ministre japonais des Finances a annoncé en que dix millions de personnes mourraient de faim pendant l’hiver si les vainqueurs ne venaient pas en aide au Japon. Certains[Qui ?] disent toutefois qu’il s’agit d’une prévision pessimiste[2].
En 1945-46, l’administration d'occupation américaine fait importer 3,5 millions de tonnes de stocks alimentaires par les États-Unis pour les 74 millions d’habitants de l'archipel du Japon soit 47 kilos par habitant (principalement de la farine, du sucre et du corned-beef)[2].
Critique sur l'impunité de la famille impériale
Plusieurs historiens critiquent la décision d'exonérer l'Empereur et la famille impériale de poursuites criminelles (John W. Dower, Embracing Defeat, 1999, Herbert Bix, Hirohito and the Making of Modern Japan, 2000). Selon l'historien John W. Dower, « La campagne menée à bien pour absoudre l'Empereur de sa responsabilité à l'égard de la guerre ne connut pas de limite. Hirohito ne fut pas seulement présenté comme innocent de tout action formelle qui aurait pu motiver son inculpation du chef de criminel de guerre, il fut transformé en une sorte d'icône sainte ne portant même aucune responsabilité morale pour la guerre. » (Dower, ibid., p. 326). Selon Herbert Bix, « Les mesures réellement extraordinaires entreprises par MacArthur pour sauver Hirohito d'un jugement comme criminel de guerre troublèrent longtemps et profondément les Japonais dans leur perception de la défaite. » (Bix, ibid., p. 545).
Occultation des conséquences des bombes atomiques
Une commission de censure civile fut instaurée pendant cette période ; elle veilla à éviter dans les médias japonais toute publication relative au devenir des hibakusha, et ce pendant une période de dix ans[3]. Des relevés de radioactivité au centre de Nagasaki et d'Hiroshima furent néanmoins réalisés scrupuleusement par des scientifiques militaires américains, et leurs rapports classés Secret Défense dans une base militaire du Maryland. Le général Mac Arthur veilla lui-même à ce qu'aucune de ces données ne soit rendue publique : dans un contexte de guerre froide, les secrets de l'arme nucléaire étaient jalousement gardés.
Suite et fin de l'occupation (1950-1952)
Le , le Japon signait le traité de San Francisco et un traité de sécurité avec les États-Unis. Le traité de paix fut passé avec 48 États – plusieurs pays ne le signèrent pas, comme la République populaire de Chine ou l'URSS – et entra en vigueur le qui marque la fin de l'occupation américaine. Néanmoins, certaines îles, comme Okinawa, restèrent sous occupation américaine pendant plusieurs années. D'autre part, les États-Unis gardèrent quelques dizaines de milliers de soldats dans leurs bases japonaises, comme le traité de sécurité le permettait, le traité de coopération mutuelle et de sécurité entre les États-Unis et le Japon signé en 1960 renouvelant cette alliance.
Dans les années 1950, l’armée américaine teste à une douzaine de reprises ses armes biologiques sur l'ile d'Okinawa[4].
Le , le Japon signa un traité de paix avec la Chine nationaliste.
Une administration civile américaine demeura en place aux îles Ryūkyū jusqu'en 1972.
Postérité
La culture occidentale telle qu'importée par les G.I. durant cette période marqua un profond choc culturel. La dissemblance physique nécessitait d'être compensée, la mode féminine du débridage des yeux fut observable jusqu'aux années 1970.
Ruinés, les Japonais ont retenu dans leur conscience la mémoire de retombées radioactives des deux bombes A plus que les centres urbains dévastés par les bombardements stratégiques (lire Pluie noire 黒い雨 (小説)).
La culture des mangas et le cinéma de Hayao Miyazaki reprennent cette perception d'êtres survivants d'une terre à jamais souillée ; les mythes fondateurs nouveaux de la modernisation effrénée du pays allaient introduire un goût pour la science-fiction résolument tourné vers l'avenir, quoiqu'aux accents tragiquement liés à la catastrophe atomique (monstre Godzilla et Akira, l'enfant mutant des expérimentations gouvernementales).
Akira Kurosawa prend, de son côté, le parti de revenir à la source d'un Japon féodal désormais bien terminé, pour susciter l'imaginaire collectif des spectateurs. Cette tendance s'affirme, à partir de Rashōmon (1950). On retrouve, néanmoins, dans L'Ange ivre (1948), Chien enragé (1949) ou encore Vivre (1952) une approche de la période d'après-guerre, proche de celle des néoréalistes italiens. Les difficultés sociales inhérentes à cette période suscitent, par ailleurs, des films extrêmement proches de la réalité vécue par le peuple japonais. « Le décor bombardé de L'Ange ivre de Kurosawa, réutilisé pour des raisons économiques dans L'Époque des nouveaux idiots (1947) de Kajirō Yamamoto, ressemblait précisément à beaucoup de secteurs dévastés de Tokyo ; les sombres rues d'Osaka en ruine dans Femmes de la nuit (1948) de Kenji Mizoguchi étaient identiques à celles entourant les cinémas où le film fut projeté ; les baraquements de fortune et les chambres sordides dans Récit d'un propriétaire (1947) de Yasujiro Ozu étaient la réplique exacte des logements de la plupart des spectateurs » (Donald Richie, Le Cinéma japonais, Éditions du Rocher). Mikio Naruse évoque, pour sa part, dans Le Repas (1951) et, plus encore, dans Nuages flottants (1955), tous deux adaptés de romans de Fumiko Hayashi, les privations qu'eurent à endurer les Japonais. Des films comme La Tragédie du Japon (1953) de Keisuke Kinoshita ou Nous sommes vivants (1951) de Tadashi Imai, considéré comme un Voleur de bicyclette nippon, abordent encore plus frontalement les problèmes de cette époque.
Côté américain, la période se transforme pour les membres de l'élite en un goût exotique pour voyager vers le pays reconstruit, lié à l'essor de l'interface pacifique développée depuis la Californie (centre de gravité américain se déplaçant graduellement vers l'ouest).
Sofia Coppola restitua en 2003 cette ambiance dépaysée de voyages en jet vers Tokyo dans son film Lost in Translation.
D'un point de vue économique, le Japon, une fois intégré au dispositif américain de défense visant au containment antisoviétique, va bénéficier pour le boom de son économie d'une absence de dépenses sur le budget des crédits militaires pendant quarante ans. Les gouvernants prirent soin de nommer leur armée sous la désignation euphémistique de « Forces d'autodéfense », pour en finir avec l'idée qu'elles seraient employées à des fins de conquête. La leçon était bien apprise puisque la Diète n'a autorisé un déploiement de troupes hors de son sol qu'en 1992 dans un contingent de Casques bleus au Cambodge puis à l'occasion de l'invasion de l'Irak, ce contingent ne réalisant en outre que des actions de reconstruction et de police sur le terrain.
La présence américaine ne fut pas exempte de corruption, par exemple lors de l'affaire Lockheed révélée en 1976.
Voir aussi
Bibliographie
- Eric Seizelet, Monarchie et démocratie dans le Japon d'après-guerre, Paris, Maisonneneuve Larose, .
- Eddy Dufourmont, Histoire politique du Japon (1853-2011), Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, .
- Michael Lucken, Emmanuel Lozerand, Anne Bayard-Sakai, Le Japon après la guerre, Picquier, .
Sources partielles
- documentaire DVD L'Asie en flammes, épisode Le jour où la guerre s'arrêta.
- Le Soleil, film biographique sur l'Empereur Showa au lendemain de la capitulation.
Articles connexes
- Avant : expansionnisme du Japon Showa, guerre sino-japonaise (1937-1945), crimes de guerre japonais, guerre du Pacifique
- Pendant : Association pour les loisirs et l'amusement
- Après : miracle économique japonais
- nation building : perception d'un impérialisme américain
- Gouvernement militaire allié des territoires occupés (AMGOT) en Europe
- Occupation de l'Allemagne (1945-1949)
Notes et références
- (en) Robert Harvey, American Shogun : General MacArthur, Emperor Hirohito and the Drama of Modern Japan, Overlook TP, , 448 p. (ISBN 978-1-58567-891-4), p. 331.
- (en) John W. Dower, Embracing Defeat : Japan in the Wake of World War II, New York, W. W. Norton & Company, , 676 p. (ISBN 978-0-393-32027-5), p. 93.
- La face cachée de Hiroshima, documentaire sur France 3.
- Lina Sankari, « Japon. Akahata, la paix pour drapeau », L'Humanité, (lire en ligne, consulté le )
Liens externes
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