Nouvelle chronologie

La nouvelle chronologie, ou récentisme[1], est une théorie marginale de l'académicien russe Anatoli Fomenko, considérée par le monde universitaire comme relevant de la pseudohistoire, du négationnisme[2] voire de l’imposture pure et simple[3]. Elle constitue une critique de la chronologie officielle.

Elle affirme que la chronologie universellement admise des faits historiques — initiée d'après eux par Joseph Juste Scaliger — serait incorrecte. Elle se fonde pour cela sur les mathématiques par le calcul de la répartition quantitative dans le temps des citations de faits historiques dans les sources écrites de différentes époques. Une autre partie de l'analyse repose sur l'étude des ressemblances entre les toponymes de différentes langues. Cette théorie se fonde sur les idées de Nikolai Alexandrovich Morozov.

Thèses

Selon Anatoli Fomenko, l'histoire antique ne serait qu'une vaste invention des Jésuites[4] au XVIIe et au XVIIIe siècle. Le point de départ de cette théorie est l'idée que des textes auraient été mal interprétés par les historiens : certains textes (exemple : les croisades et la guerre de Troie) sont considérés comme se rapportant à des périodes différentes, alors qu'ils parleraient du même sujet, mais rédigés par des auteurs différents et dans des langues différentes, avec toutes les modifications que cela entraîne (comme le nom des villes) : c'est ce qui aurait contribué à étendre l'histoire.

« Anatoli Fomenko affirme que toutes les histoires prétendument anciennes de Grèce, Rome, Égypte, Chine ne sont que des réécritures tardives, effectuées à la Renaissance à partir du récit d’événements survenus en réalité au Moyen Âge », résume l’archéologue Jean-Loïc Le Quellec[5], cela au mépris des apports des différentes disciplines historiques comme la paléographie, la codicologie, papyrologie, etc.

Selon Uwe Topper, l’Eglise catholique, en réformant le calendrier en 1582 sous le pontificat de Grégoire XIII, a ajouté quelques siècles dans la chronologie afin d'asseoir la légitimité du catholicisme par son ancienneté[6].

Selon François de Sarre, notre calendrier compterait environ 800 ans de trop. Ce surplus s’expliquerait par « un événement catastrophique majeur, venu bouleverser le cours de l’Histoire, en Europe et ailleurs », comme l’impact d’une comète vers 1350[6].

Réfutation

Elle est rejetée par la communauté des historiens, par des mathématiciens et des astronomes et est donc considérée comme relevant des pseudo-théories, donc dénuée de tout intérêt scientifique et historique. En , une table ronde, présidée par le doyen du département d'histoire de l'université de Moscou, a produit une analyse critique détaillée[7],[8], « Les mythes de la nouvelle chronologie », relayée par l'Académie des sciences de Russie[9]. L'un des participants de cette table ronde, l'archéologue Valentin Yanine, compare le travail d'Anatoli Fomenko aux tours de passe-passe de l'illusionniste David Copperfield[10] tandis que le philologue Andreï Anatolyevitch Zaliznyak déclare « que les bévues linguistiques de Fomenko étaient, en mathématiques, du niveau « d'erreurs dans les tables de multiplication »[11] ».

Diffusion

Depuis le milieu des années 1990, « la nouvelle chronologie » a acquis une certaine popularité en Russie et au-delà de ses frontières et a été étudiée par des pseudos historiens se qualifiant de « chercheurs indépendants »[12],[13].

Les conclusions de ces groupes se contredisent parfois entre elles ou avec les conclusions du groupe d’Anatoli Fomenko.

Allemagne

Dès 1985, le professeur de l'Université de Brême Gunnar Heinsohn introduit ses idées de nouvelle chronologie dans le monde anglo-saxon, basée sur les théories d'Immanuel Velikovsky dans le journal Kronos[14].

Un des chefs de file de cette théorie est Uwe Topper (rédacteur de la revue allemande L’Histoire et la chronologie)[15],[13].

France

François de Sarre est l'un des premiers Français à relayer en France ces thèses négationnistes de la chronologie admise par la communauté des historiens. Il proposera une nouvelle chronologie dite « récentiste » qui sera publiée sur internet dans une première version en 2005. Son livre Mais où est donc passé le Moyen Âge ? - Le récentisme (corrigé, mis à jour et complété) sera par la suite édité chez Hades en . À sa suite des complotistes et conspirationnistes divers ont relayé le récentisme sous l’impulsion du propagandiste Pierre Dortiguier[16] et du rédacteur en chef du magazine conspirationniste Top Secret Roch Saüquere[17] ainsi que de Laurent Guyénot, auteur d'un livre sur le sujet ou encore Alain Soral[6].

Grande-Bretagne

David Rohl est l'auteur d'une nouvelle chronologie de l'Égypte ancienne, distincte de celle de Fomenko.

Russie

L'un des tenants de cette théorie en Russie est le politicien et champion d'échecs Garry Kasparov[18].

Sources

Notes et références

  1. « Théories folles de l'Histoire: la civilisation est née il y a 1 000 ans », LExpress.fr, (lire en ligne, consulté le ).
  2. Rudy Reichstadt, « Le conspirationnisme, extension du domaine de la négation », Diogène, nos 249-250, , p. 64–74 (ISSN 0419-1633, lire en ligne, consulté le ).
  3. « Le récentisme, une falsification de l'Histoire », La Menace Théoriste, (lire en ligne, consulté le ).
  4. Philippe Delorme, Les Théories folles de l'Histoire, Presses de la Cité, , 264 p. (ISBN 978-2-258-13405-8, lire en ligne), p. 56.
  5. Jean-Loïc Le Quellec, Des Martiens au Sahara, chroniques d'archéologie romantique, Actes Sud/Errance, 2009, p. 93.
  6. https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-rue89-culture/20160101.RUE3328/le-moyen-age-n-a-pas-eu-lieu-ce-sont-les-recentistes-qui-le-disent.html
  7. V. L. Yanine, ed., Мифы "новой хронологии": Материалы конф. на ист. фак. МГУ им. М. В. Ломоносова, 21 дек. 1999 Mythes de la nouvelle chronologie : conférence au département d'histoire de l'université de Moscou…, 21 décembre 1999 »), Moscou: Russkaïa Panorama, 2001.
  8. О "глобальной хронологии" А.Т.Фоменко Sur la “Chronologie globale” d'A. T. Fomenko »).
  9. Introduction d'un « article sur Fomenko »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?) dans le Herald of the Russian Academy of Sciences.
  10. V. L. Yanin, "Зияющие высоты" академика Фоменко (The “Gaping Heights” of Academician Fomenko) ; passage traduit en anglais dans James H. Billington, Russia in Search of Itself (Washington: Woodrow Wilson Center Press / Baltimore: Johns Hopkins University Press), 2004, pp. 83-4.
  11. Philippe Delorme, « Histoire parallèle : l'Histoire aurait commencé... il y a 1000 ans », "Le Vif", 10 août 2016.
  12. « The New Chronology: The Dark Ages Didn't Exist - Uwe Topper, Heribert Illig », sur www.egodeath.com (consulté le ).
  13. « Le Récentisme français – Ré-Histoire pour tous », Ré-Histoire pour tous, (lire en ligne, consulté le ).
  14. Gunnar Heinsohn, « Catastrophism, Revisionism, and Velikovsky (Letter) », Kronos, vol. XI, no 1, , p. 110–111 :
    « no. 167 on Heinsohn's list of publications which concludes: "As long as Velikovskians run away from the strong points in Velikovsky's works to build their edifices on the weakest points of mainstream scholarship, they will end up as bastards who, for good reasons, nobody will listen to." »
  15. « The New Chronology: The Dark Ages Didn't Exist - Uwe Topper, Heribert Illig », sur www.egodeath.com (consulté le ).
  16. Vincent Gautier, « Le Moyen Age n’a pas eu lieu. Ce sont les récentistes qui le disent », L'Obs, (lire en ligne).
  17. https://www.topsecret.fr/?s=r%C3%A9centisme
  18. From Marcus Warren in Moscow, exclusively for Electronic Telegraph, « Email from Russia », .

Voir aussi

  • Portail du scepticisme rationnel
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