Nellie Bly

Elizabeth Jane Cochrane, dite Nellie Bly, née le à Cochran's Mills dans le Comté d'Armstrong en Pennsylvanie et morte le à New York, est une journaliste américaine.

Pour les articles homonymes, voir Bly.

Nellie Bly

Nellie Bly vers 1890.

Surnom Nellie Bly
Nom de naissance Elizabeth Jane Cochrane
Naissance
Cochran's Mills, Pennsylvanie, États-Unis
Décès
New York, États-Unis
Nationalité Américaine
Profession journaliste, écrivain, activiste
Spécialité monde ouvrier
Autres activités globe-trotter
Années d'activité 1880-1922
Distinctions honorifiques National Women's Hall of Fame (1998)
Médias
Pays États-Unis
Média Presse écrite
Presse écrite Pittsburgh Dispatch
1880-1887
New York World
1887-1895
New York Evening Journal
1914-1922

Pionnière du reportage clandestin, une forme de journalisme d'investigation, elle a réalisé seule un tour du monde en 72 jours sur la fin de l’année 1889 et le début de 1890.

Biographie

Enfance et débuts

Elizabeth Cochrane perd son père, juge, à l'âge de six ans. Il avait épousé sa mère Mary Jane en secondes noces (celle-ci se remaria pour divorcer peu après et eut cinq enfants). Destinée à devenir demoiselle de compagnie ou gouvernante, elle se refuse à ce destin et commence à écrire des poèmes et des récits à seize ans. En 1880, elle part pour Pittsburgh chercher du travail.

En réaction à une rubrique sexiste du journal Pittsburgh Dispatch Ce à quoi sont bonnes les jeunes filles »), elle écrit au rédacteur en chef George Madden une lettre virulente signée « L’orpheline solitaire ». Cette lettre, incisive et particulièrement bien tournée, incite Madden à lui offrir un poste au journal si elle lui offre un article qui lui plaît. Quelques jours plus tard, elle lui amène un article consacré à la famille, au divorce et aux enfants[1]. Elle est alors engagée et Madden lui donne son pseudonyme, Nellie Bly, d'après une chanson très connue de Stephen Foster, pour protéger sa famille des critiques.

Pionnière du journalisme d'investigation

Nellie Bly infiltrée dans une usine.

Le premier reportage confié à Nellie Bly, en 1880, concerne une fabrique de conserves. Elle raconte alors la vie des ouvrières et leurs conditions de travail très difficiles, dans le froid, la saleté et le danger. Ce premier reportage, accompagné de photographies, fait exploser les ventes du Pittsburgh Dispatch[2]. Elle a alors rapidement le libre choix de ses articles et se concentre essentiellement sur les conditions de vie du monde ouvrier.

Malheureusement, les industriels commencent à mettre sous pression le journal. Madden lui demande donc de ne plus s'occuper que des rubriques théâtrales et artistiques. Mais elle finit par le convaincre de revenir à son thème de prédilection, le monde ouvrier. Elle se fait alors embaucher dans une tréfilerie pour écrire un article « de l'intérieur ». C'est le premier reportage du genre, prémices du journalisme d'immersion et d'investigation. Le reportage fait sensation mais Nellie est forcée par les industriels à revenir aux rubriques théâtrales.

En 1886, elle part en voyage avec sa mère au Mexique et visite El Paso, Mexico, Guadalupe (en) et Veracruz fournissant au journal des articles sur les mœurs et coutumes, la vie culturelle et artistique, la politique du pays. Elle note aussi précisément que possible ses observations car elle découvre surtout que les Américains ont une image très faussée des Mexicains mais en plus de la vie quotidienne et de la culture, elle fait également une description assez drastique des mœurs publiques[3]. Elle se fait expulser du Mexique. Elle en tire son premier livre, Six months in Mexico (1888), dédié à Madden.

Nellie Bly infiltrée dans un hôpital psychiatrique.

Elle quitte le Dispatch en 1887 et se rend à New York (), où elle pose sa candidature au New York Tribune, au New York Times et surtout au journal à sensation, le New York World de Joseph Pulitzer, qui la recrute après qu'elle a semé le trouble dans les locaux[4]. Pulitzer lui promet alors un contrat si elle parvient à s'infiltrer dans un asile. Elle accepte. Sa première tâche consiste ainsi à écrire un article au sujet d'un asile de fous pour femmes, le Blackwell's Island Hospital à Roosevelt Island. Elle se fait passer pour malade et s'invente des problèmes psychiatriques afin d'y être internée. Après une nuit d'entraînement, l’illusion est parfaite : tous les médecins la déclarent folle et se prononcent pour son internement. Elle reste dix jours dans l'hôpital. Le reportage fait la une de toute la presse et fait scandale en dévoilant les conditions épouvantables des patientes et les horreurs des méthodes utilisées (nourriture avariée, eau souillée, bâtiments infestés). Il amène un changement radical des pratiques. Elle publie son aventure sous le pseudonyme de L. Munro : Ten Days in a Mad-House (1887). Ce mode de journalisme, le reportage clandestin, devient sa spécialité.

En 1887, John Cockerill, administrateur du New York World, lui demande d'écrire un article sur Edward Phelps. Elle se déguise et entre dans l'entourage du trafiquant. Phelps et plusieurs hommes politiques sont traduits en justice après le reportage, mais aucun n'a été condamné.

En 1889, elle publie un roman, The Mystery of Central Park.

En , Jules Chambers lui demande d'entreprendre un tour du monde sur les traces de Phileas Fogg, idée qu'elle avait émise à l'automne précédent[5].

Le tour du monde en 72 jours

Nellie Bly lors de son périple en 1890.
Jeu de l'oie retraçant le tour du monde de Nellie Bly, publié par le New York World en 1890.

En 1888, il vient à l'idée de Nellie Bly de faire le tour du globe pour battre Phileas Fogg, le héros du Tour du monde en quatre-vingts jours de Jules Verne. Mais le financier du New York World, George W. Turner, refuse de la soutenir, estimant qu'une femme est incapable d'un tel périple. Ce n'est donc qu'un an plus tard qu'elle entame son voyage[6] de 40 070 kilomètres à Hoboken (New Jersey) le , à 9 heures 40 pour le terminer le . Ce voyage a duré exactement 72 jours, 6 heures, 11 minutes et 14 secondes, le record de l'époque, battu quelques mois plus tard par l'excentrique George Francis Train.

Elle embarque ainsi à bord de l’Augusta Victoria de la Hamburg American Steamship Line, au port de Hoboken. Elle arrive à Southampton le où elle est accueillie par le correspondant du New York World, Tracey Graves. Elle apprend de lui qu'une rencontre organisée par Robert Sherard, journaliste du New York World à Paris, est prévue avec Jules Verne à Amiens. Elle arrive en gare d'Amiens le à 16 heures et est accueillie avec enthousiasme par le célèbre écrivain accompagné de sa femme Honorine et de Sherard comme interprète. Jules Verne la trouve jeune, jolie, mince comme une allumette et d'une physionomie enfantine[7]. Elle est reçue dans le bureau de Jules Verne et rejoint rapidement son train de retour. Elle atteint Calais de justesse et prend le train pour Brindisi.

Après Suez, elle traverse la mer Rouge et arrive à Colombo le . Le , elle est à Singapour où elle achète un petit singe. Les articles qu'elle envoie sur les lieux traversés obtiennent un succès prodigieux. Elle y étudie les mœurs et coutumes mais aussi l'extrême pauvreté rencontrée. Des paris, comme pour le voyage de Phileas Fogg, sont ouverts aux États-Unis.

À Hong Kong, Nellie Bly apprend qu'une autre journaliste, Elisabeth Bisland, a été envoyée par le Cosmopolitan Magazine pour la battre[8]. Le , elle arrive à Yokohama où elle peut lire son interview avec Jules Verne, en japonais[9] et le embarque sur le rapide vapeur Oceanic de la White Star Line pour rejoindre San Francisco le .

Pulitzer affrète ensuite des trains spéciaux pour son retour à travers les États-Unis. Elle arrive en gare de Jersey City le à 15 heures 51 après un périple de 72 jours, 6 heures, 11 minutes et 14 secondes. Ses premiers mots sont : « Je suis contente d'être de retour à la maison » (I am glad to be home again)[10]. Le jour même, Jules Verne reçoit une dépêche pour l'informer de la réussite du voyage. Il répond dans l’Écho de la Somme[11] :

«  Amiens,
Jamais douté du succès de Nellie Bly, son intrépidité le laissait prévoir.
Hourra ! Pour elle et pour le directeur du World !
Hourra ! Hourra !  »

 Jules Verne[12]

Le , dès son arrivée, le New York World publie un jeu de l'oie en son honneur. Nellie Bly raconte son tour du monde dans le livre, devenu un classique de la littérature journalistique, Le Tour du monde en 72 jours[13].

Dernières années

Réception d'arrivée à Jersey City.

Le , Nellie Bly épouse le millionnaire Robert Seaman, rencontré lors d'une réception à Chicago, et s'éloigne du journalisme. Après la mort de son mari en 1904, elle prend la direction de sa fabrique de bidons métalliques pour le lait. Elle finance le dépôt de brevet du bidon métallique de 55 gallons utilisé pour transporter le pétrole, inventé par Henry Wehrhahn (Brevet U.S. 808327 et 808413)[14]. Elle est aussi l'inventrice d'autres objets fabriqués par l'entreprise : un pot de lait (brevet US697553[15]) et une poubelle empilable (brevet 703711[16]).

Rare femme américaine à la tête d'une industrie de cette taille, elle y instaure de nombreuses réformes (salaire journalier, investissement dans des centres de loisirs, des bibliothèques pour les ouvriers, etc.). Son ignorance des affaires et les malversations de son directeur d'usine provoquent sa banqueroute[17].

Poursuivie par les créanciers, elle retourne au Royaume-Uni et prend contact avec le New York Evening Journal pour devenir correspondante de guerre lors de la Première Guerre mondiale, articles qu'elle republie sous le nom de Nellie Bly qu'elle avait abandonné au moment de son mariage. Après la guerre, de retour à New York, elle reprend ses articles sur le monde ouvrier, sur l'enfance et œuvre pour le droit de vote des femmes.

À l'âge de 57 ans, elle meurt le d'une pneumonie au Saint Mark Hospital de New York. Elle est inhumée au cimetière de Woodlawn dans le Bronx. Le lendemain de sa mort paraît un article sur la meilleure journaliste d'Amérique[18].

Postérité

Nellie Bly vers 1890.
  • Jules Verne qui a rencontré Nellie Bly en 1890, la mentionne en 1892 dans son roman Claudius Bombarnac (chapitre VI)[19].
  • À Brooklyn, un parc d'attractions ayant pour thème Le Tour du monde en quatre-vingts jours a été nommé en son honneur ainsi qu'un train express qui circule entre New York et Atlantic City.
  • En 1946, une comédie musicale sur sa vie est jouée à Broadway et en 1981, un téléfilm The Adventures of Nellie Bly est diffusé.
  • Un prix journalistique se nomme le Nellie Bly Club Reporter. Il est décerné par le New York Press Club aux meilleurs travaux produits par des jeunes journalistes.
  • Le , la poste américaine tire un timbre de 37 cents à son effigie[20].
  • Nellie Bly fut aussi utilisée à de nombreuses reprises par la publicité pour des cigares, des vêtements, des produits pharmaceutiques et des objets divers.
  • En 1999, une pièce en deux actes, Miss Phileas Fogg, écrite par Eddy Piron est jouée à Loverval en Belgique.
  • En 2013, un puzzle de trois cents pièces est édité par la Pomegranate Communications, Inc. à Petaluma (Californie).
  • Le , Google lui rend hommage en créant un doodle retraçant sa vie au rythme d'un titre composé spécialement par Karen O du groupe Yeah Yeah Yeahs.
  • 1998 : cérémonie d'admission au National Women's Hall of Fame.
  • Une adaptation cinématographique de son article 10 Days in a Madhouse (en) est sortie en 2015 aux États-Unis.

Bandes dessinées

  • Pénélope Bagieu, « Nellie Bly, journaliste », dans Culottées 2 - Des femmes qui ne font que ce qu'elles veulent, Gallimard, (ISBN 9782075079846).
  • Sergio Algozzino (dessinateur), Luciana Cimino (scénario) et Marie Giudicelli (traduction), Nellie Bly, première journaliste d'investigation, Steinkis, (ISBN 978-2368464113)
  • Nicolas Jarry (scénario), Guillaume Tavernier (dessin) et Guillaume Lopez (couleurs), Nellie Bly, Soleil, coll. « Pionnières », (ISBN 9782302082540).
  • Virginie Ollagnier (scénario) et Carole Maurel (dessin et couleurs), Nellie Bly, dans l'antre de la folie, Glénat, (ISBN 978-2344033463).

Notes et références

  1. Jean-Pierre Albessard, Nellie Bly, première femme journaliste, Bulletin de la Société Jules-Verne no 182, avril 2013, p. 57.
  2. Albessard, op.cit, p. 58.
  3. https://www.ledevoir.com/culture/livres/488093/nellie-bly-femme-cameleon Nellie Bly, femme-caméléon.
  4. Elle assiégea les bureaux pendant plusieurs heures.
  5. Albessard, p. 59-61.
  6. grâce au soutien de Jules Chamblers.
  7. Daniel Compère, Jean-Michel Margot, Entretiens avec Jules Verne. 1873-1905, Slatkine, 1998, p. 31-72 et J. V no 26, Amiens, 1993, p. 1-46.
  8. Bisland boucle son tour du monde en 76 jours.
  9. Publié les 28-29 décembre 1890 dans le Yubin-hochi-shinbun.
  10. Albessard, p. 62.
  11. Édition du 17/18 février 1890, p. 1.
  12. Publié aussi dans Les Annales Politiques et Littéraires du 11 mai 1890, p. 298.
  13. Édité par The Pictorial Weeklies Company, à New York, en 1890.
  14. (en) « US808327A - Metal barrel », sur google.fr, (consulté le ).
  15. (en) « US697553 - Milk can », (consulté le ).
  16. (en) « US703711 - Garbage can », (consulté le ).
  17. (en-US) JAYNE Garrison, « Nellie Bly, Girl Reporter : Daredevil journalist. Shameless promoter. She made it possible, her biographer says, for women 'to play like the boys.' », Los Angeles Times, (ISSN 0458-3035, lire en ligne, consulté le ).
  18. Albessard, p. 64.
  19. Alexandre Tarrieu, Dictionnaire des personnes citées par Jules Verne, vol. 1 : A-E, éditions Paganel, 2019, p. 115.
  20. http://arago.si.edu/index.asp?con=4&cmd=2&eid=417&slide=10.

Voir aussi

Bibliographie

  • Alexandra Lapierre et Christel Mouchard, « Nellie Bly. Le tour du monde en soixante-douze jours », in Elles ont conquis le monde : les grandes aventurières (1850-1950), Arthaud, Paris, 2007, p. 131-135 (ISBN 978-2700396713).
  • Philippe Burgaud, Nellie Bly, Revue Jules Verne 29, Jules Verne au Canada, Centre international Jules Verne, 2009, p. 101-106 (La Rubrique du collectionneur).
  • Quand les Verne reçoivent Nellie Bly, Bulletin de la Société Jules Verne no 168, 2008, p. 20.
  • Iris Noble, L’Étonnante Nellie Bly, journaliste, Marabout, 1956.

Articles connexes

Liens externes

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