Néonaticide

Le néonaticide désigne un homicide commis sur un enfant né depuis moins de 24 h[1] ; si le crime survient ensuite mais durant la première année de vie de l’enfant, on parle d'infanticide[1].

Ce crime, souvent classé parmi les formes de violence domestique ou intrafamiliale[2],[3], mais aussi parmi les troubles du lien et de l'accueil (dénis de grossesse, néonaticides, naissances sous X, abandons) dont il est la forme la plus extrême[4], est commis presque exclusivement par la mère de l'enfant[5].

La définition nécessite que l'enfant soit né vivant.

Droit

En France, le néonaticide est un crime défini à l'article 221-4 alinéas 1, 3 et 4ter du code pénal. Il est passible de la réclusion criminelle à perpétuité.

Médiatisation

L'affaire Dominique Cottrez (huit infanticides commis entre 1989 et 2001 à Villers-au-Tertre) et l'affaire Véronique Courjault donnent des exemples récents de néonaticide, thème fréquemment traité et fortement médiatisé par la presse écrite et les médias, dont en France (au moins 357 décès suspects signalés dans la presse écrite française de 1993 à 2012[6],[7], avec une tendance historique depuis 1993 à une « non-mise en cause des pères » et à « une " fin " de l'anonymat et de la présomption d'innocence » (qui dépend toutefois des circonstances de la découverte) selon Simmat-Durand & Vellut en 2017. La presse relaye alors la découverte du crime ou délit, l'éventuelle élucidation et/ou mise en examen d’un(e) suspect(e), d'éventuelles circonstances aggravantes (plutôt qu'atténuantes), en parlant rarement des poursuites mais en citant les décisions et les peines. Ces articles peuvent avoir divers types d'influence sur l'enquête, le procès et la décision finale.

Historique du terme

Le terme a été proposé en 1970 par le docteur Phillip J. Resnick[8], et depuis adopté.

Statistiques

France

Le taux français serait de 2,1 pour 100 000 naissances, et il serait en diminution[6].

Canada

Selon les autorités canadiennes, alors que les homicides régressaient au Canada durant 30 années[9][pas clair]. De 2000 à 2010 dans la famille, il était le plus élevé chez les enfants de moins d’un an, et durant cette période, la grande majorité des homicides sur de jeunes enfants sont le fait des parents : 98 % des bébés de moins d’un an et 90 % des enfants de 1 à 3 ans ont été tués par leurs parents[2] (la mère dans 84 % des cas[10]). En 2012, les meurtres d’enfant de moins d’un an représentaient toutefois moins de 1 % d’un total de 543 pertes de vie tous âges confondus[11].

Caractéristiques

En France, le rapport Mission sur les morts violentes d’enfants au sein des familles est publié en 2019[12]. Il traite des décès d'enfants sur la période 2012-2016 qu'il estime à 72 homicides par an dont 15% sont des néonaticides. Comme ce qui était affirmé jusqu'alors[13], les cas rapportés de néonaticides sont le fait de femmes avec parfois d'autres enfants, sans maladie psychiatrique ni déni de grossesse. En revanche, la jeunesse de la mère (moins de 18 ans) n'est pas mise en cause puisque la moitié des néonaticides sont effectués par des femmes entre 30 et 40 ans.

Dans le monde, l'infidélité au sein du couple est parfois citée comme cause[14]. Dans un cas au moins, l'accusée a fait part de l'extrême humiliation vécue lors de son premier accouchement[15].

Selon le docteur Anne Tursz, pédiatre épidémiologiste de l’INSERM et spécialiste du sujet, les avocats auraient une tendance systématique à lier le néonaticide au déni. Cela poserait une suspicion d'assassinat sur les personnes atteintes d'un véritable déni, d'autant que ce perçu pourrait servir d'outil judiciaire pour blanchir les femmes conscientes d'être enceintes et commettant un néonaticide. Selon cette spécialiste, le vrai déni est une pathologie psychiatrique rarissime et non un concept opérationnel[16].

Dans plusieurs pays ou communautés asiatiques (Inde du Sud par exemple[17]), les filles sont moins bien soignées ou tuées à la naissance pour avoir une descendance masculine (économiquement, socialement et culturellement survalorisée)[18]. Le néonaticide a probablement très souvent été remplacé par un avortement sélectif[19],[20].

Parfois, un handicap de l'enfant est invoqué comme cause[21]. C'était une justification admise dans la Grèce antique[22].

Références

    1. Fugère, R., & Roy, R. (2014). L'infanticide. Portrait du phénomène à la lumière des écrits et de l'expérience clinique. L'information psychiatrique, 90(8), 657-661.
    2. Sinha, M. (2013). La violence familiale au Canada : un profil statistique 2011. Juristat, 33:1-102.
    3. Léveillée, S., Auclair, N., Lafleur, V., & Millaud, F. (2013). Violence homicide intrafamiliale. Psychiatrie légale et criminologie clinique, 401.
    4. Marinopoulos, S. (2013). « Les troubles du lien et de l'accueil : dénis de grossesse, néonaticides, naissances sous X, abandons ». In Accueillir le nouveau-né, d'hier à aujourd'hui (pp. 321-340). ERES.
    5. Myriam Dubé, Suzanne Léveillée et Jacques D. Marleau, « Cinq cas de néonaticide au Québec », Santé mentale au Québec, vol. 28, no 2, , p. 183-194 (DOI 10.7202/008623ar).
    6. Simmat-Durand, L. & Vellut, N. (2017). Les néonaticides dans la presse française : 357 décès suspects de 1993 à 2012. Déviance et Société, 41(1), 121-15. (résumé)
    7. Simmat-Durand, L. (2017). Les néonaticides en France : analyse de 357 cas identifiés dans la presse (1993-2012). Santé Publique, 29(3), 321-331. (résumé)
    8. (en) Phillip J. Resnick, « Murder of the Newborn : a Psychiatric Review of Neonaticide », The American Journal of Psychiatry, vol. 126, no 10, , p. 1414-1420 (DOI 10.1176/ajp.126.10.1414).
    9. Ministère de la Santé et des Services sociaux (Direction des communications du MSSS). Rapport du comité d’experts sur les homicides intrafamiliaux. Québec : Direction des communications du MSSS, 2012. 71 pages.
    10. Statistique Canada. La violence familiale au Canada : un profil statistique, no 85-224-X, 2011, 56 p.
    11. Boyce, J. & Cotter, A. (2013). L’homicide au Canada 2012. Juristat. 33:1-39.
    12. Mission sur les morts violentes d’enfants au sein des familles : Évaluation du fonctionnement des services sociaux, médicaux, éducatifs et judiciaires concourant à la protection de l’enfance [en ligne], mai 2018, https://www.dalloz-actualite.fr/sites/dalloz-actualite.fr/files/resources/2019/05/rapport_mission_sur_les_morts_violentes_denfants_au_sein_des_familles.pdf, consulté le 14/05/2019
    13. (en) Anne Tursz et Jon M. Cook, « A population-based Survey of neonaticides using judicial data », Archives of Disease in Childhood Natal & Neonatal, vol. 96, no 4, , p. 259-263 (DOI 10.1136/adc.2010.192278).
      Contribution iniitialement publiée en ligne le 6 décembre 2010.
    14. Danhoundo, G. (2017). L’orphelin et ses constructions en Afrique: une catégorie sociale hétérogène. Enfances Familles Générations, (26).
    15. Cesbron, P. (2017). Comment dit-on fœtus dans la langue des humains ?. In Bébé sapiens (pp. 17-36). ERES.
    16. http://als.univ-lorraine.fr/files/conferences/dossiers/DeniGrossesse/Job.pdf
    17. Vella, S. (2004). Discrimination sexuelle et infanticide en Inde du Sud. Espace populations sociétés (Space populations societies), (2004/1), 29-43.
    18. Manier, B. (2006). Quand les femmes auront disparu : l'élimination des filles en Inde et en Asie. Éditions La Découverte.
    19. Pison, G. (2004). Moins de naissances mais un garçon à tout prix : l’avortement sélectif des filles en Asie. Populations et Sociétés, (404), 1-4.
    20. Vella, S. L’Inde face au déséquilibre croissant du sex ratio de sa population : perspectives socio-démographiques d’un manque de filles.
    21. Gordan, S.S. (1998). Mothers who kill their children. Circles: Buff. Women's JL & Soc. Pol'y, 6, 86.
    22. Brulé, P. (1992). Infanticide et abandon d'enfants. Pratiques grecques et comparaisons anthropologiques. Dialogues d'histoire ancienne, 18(2), 53-90.

    Voir aussi

    Articles connexes

    Bibliographie

    • Benmebarek, Z. (2015). Infanticide au décours d’une psychose du post-partum. Med Sci, 2, 78-81.
    • de Oliveira, C. P. (2014). De la négation de grossesse au néonaticide: approche psychanalytique de la non-reconnaissance d'enfant (Doctoral dissertation).
    • Fugère, R., & Roy, R. (2014). L'infanticide. Portrait du phénomène à la lumière des écrits et de l'expérience clinique. L'information psychiatrique, 90(8), 657-661.
    • (en) Lita Linzer Schwartz et Natalie K. Isser, Endangered Children : Neonaticide, Infanticide, and Filicide, Boca Raton (Floride), CRC Press, , xvi-199 p., 24 cm (EAN 9780849313097, LCCN 00028948, présentation en ligne).
    • Marinopoulos, S. (2013). Les mères néonaticides. Changement anthropologique, jugement social, déni politique. Cliniques méditerranéennes, (1), 159-170. résumé
    • Plane, M. (2015). Auteurs d'infanticide en Poitou-Charentes: étude de leur profil à partir de 24 dossiers jugés entre 1999 et 2014 (Doctoral dissertation).
    • Simmat-Durand, L., & Vellut, N. (2013). Le corps sans existence: les enfants victimes de néonaticides. Corps, (1), 243-253.
    • Tronche, A. M., Villemeyre-Plane, M., & Llorca, P. M. (2016). Déni de grossesse et néonaticide : illustration clinique. In Le déni de grossesse, un trouble de la gestation psychique (pp. 213-222). ERES |résumé.
    • Vellut, N., Cook, J., & Tursz, A. (2017). http://www.cairn.info/revue-recherches-familiales-2017-1-page-135.htm Qui sont les parents auteurs de secouements à enfants ? Recherches familiales, (1), 135-148.
    • Vellut, N., Simmat-Durand, L., & Tursz, A. (2013). Le portrait des mères néonaticides dans les expertises judiciaires. L'Encéphale, 39(5), 352-359.
    • Vellut, N., & Simmat-Durand, L. (2013). L’influence de l’expertise psychiatrique sur la décision judiciaire: le cas des néonaticides. La Revue de Médecine Légale, 4(2), 75-83.
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