Monastère du Cosmidion
Le Monastère du Cosmidion (en grec Κοσμίδιον, dérivé de Κόσμας, Côme) est un établissement religieux chrétien qui se trouvait à Constantinople au Moyen Âge. Consacré aux saints Côme et Damien, saints guérisseurs patrons de la médecine appelés aussi les Saints Anargyres, c'était un lieu de pèlerinage où l'on venait obtenir une guérison, et les bâtiments religieux étaient flanqués d'un hôpital (ξενών).
Histoire
Selon Raymond Janin[1], Le Cosmidion se trouvait à l'emplacement de l'actuel quartier d'Eyüp, juste à l'extérieur de la muraille de Théodose, à proximité de la Corne d'Or. Les descriptions d'époque montrent toutefois qu'il ne se situait pas près du rivage, mais sur une hauteur à une certaine distance. N'étant pas à l'abri des remparts, il fut l'objet de destructions ou dégradations, suivies de restaurations. L'église, l'une des six de Constantinople consacrées aux saints Côme et Damien, fut fondée vers 439 par le magister Paulinos, un proche de l'empereur Théodose II ; elle contenait comme reliques les crânes des deux saints patrons[2]. Un monastère attenant y est signalé dès 518. L'empereur Justinien ayant été guéri dans le sanctuaire par incubation, il agrandit et embellit les bâtiments[3]. Tout fut détruit une première fois par les Avars pendant le siège de 626. Il dut y avoir une restauration dans la période suivante, car un miracle est signalé en ce lieu par les documents du second concile de Nicée (787), et en décembre 821, Thomas le Slave, mettant le siège devant Constantinople, y établit ses quartiers[4]. Le sanctuaire fut refondé magnifiquement au XIe siècle par l'empereur Michel IV[5], qui s'y fit tonsurer le jour de sa mort le , et fut enseveli dans l'église[6]. En novembre 1096, Godefroy de Bouillon et les croisés y logèrent. Au XIIe siècle, Nicolas Mouzalon fut higoumène du Cosmidion pendant trente-sept ans avant d'être élu patriarche de Constantinople en 1147. En 1261, Michel VIII passa en ce lieu, le , la nuit qui précéda son entrée dans la capitale reconquise sur les Latins. En 1285, l'ex-patriarche Jean Vekkos, exilé à Pruse, y fut logé quand on le ramena à Constantinople le temps d'un synode qui se tint aux Blachernes, c'est-à-dire à proximité. Le , le patriarche Athanase Ier, en butte à une forte hostilité, s'enfuit de nuit dans le Cosmidion et envoya de là sa lettre de démission à l'empereur Andronic II. Les pèlerins russes à Constantinople signalent à plusieurs reprises l'importance de ce sanctuaire, comme Antoine Dobrinja Jadrejkovič, plus tard évêque de Novgorod, qui fit son pèlerinage vers 1200, ou Étienne de Novgorod, qui vint en 1348/49 avec huit compagnons, ou le « clerc » Alexandre, un marchand de Novgorod venu également pour ses affaires en 1389/92, ou le « pèlerin russe anonyme » dont le texte est daté par Cyril Mango, d'après les descriptions, de 1389/91[7]. Le monastère disparut sans doute au moment de la prise de Constantinople par les Ottomans (1453).
Description
La vie de ce sanctuaire est connue par les récits de quarante-huit miracles attribués à saints Côme et Damien[8]. Le quarante-huitième, fait par les saints vivants, étant sans doute extrait d'une Vie, les autres se divisent en six séries, dont les trois premières (n° 1 à 26) étaient connues du patriarche Sophrone de Jérusalem au début du VIIe siècle, et la sixième (n° 39 à 47) est due au diacre Maxime, moine au Cosmidion à la fin du XIIIe siècle.
Après la restauration par Justinien (VIe siècle), l'église était précédée d'une grande cour à portiques sous lesquels les malades s'installaient en vue d'obtenir leur guérison. Ils y venaient avec leur literie et y demeuraient jour et nuit. Des tentures les isolaient les uns des autres. Mais certains malades étaient aussi installés dans le porche et le narthex de l'église, voire dans l'église elle-même et les bâtiments adjacents. L'hospice (ξενών) était pourvu d'une infirmerie avec des grabats et une armoire à pharmacie (φαρμάκων θήκη) protégée par une barrière ; dans un récit, on voit les saints guérisseurs y transporter un malade depuis l'atrium et l'y opérer. Un nombreux personnel hospitalier et de surveillance encadrait les malades et leurs accompagnateurs. Le monastère avait ses bains, ses barbiers, et au XIIIe siècle il possédait des terres agricoles avec des laboureurs, et des bateaux sur la Corne d'Or. Dans la nuit du samedi au dimanche, il y avait la grande veillée (παννυχίς), durant laquelle, à la sixième heure, on distribuait le cérat (κηρωτή), mélange de cire et d'huile du sanctuaire, « baume qui vainc et guérit tout mal » ; des malades guéris racontaient alors comment ça s'était produit pour eux. L'église était pleine des ex-voto laissés en reconnaissance des miracles, par exemple le tissu à fils d'or et de soie avec les portraits brodés des saints et de sa fille offert par Georges Acropolite au XIIIe siècle. Dans les récits de miracles, s'appuyant sur les visions des malades, les saints guérisseurs sont souvent montrés agissant comme des médecins, faisant la tournée des patients, faisant et défaisant les pansements, nettoyant les plaies, maniant le scalpel, prescrivant et appliquant des remèdes. L'incubation était le rite par lequel se produisait souvent le contact entre un malade et les saints guérisseurs.
Notes et références
- La géographie ecclésiastique de l'Empire byzantin, Paris, 1953, p. 286-89.
- Ces reliques sont supposées se trouver aujourd'hui dans le monastère du Pantocrator au Mont Athos.
- Procope de Césarée, De ædificiis, I, 6 (p. 193-4, éd. de Bonn).
- « κατὰ τὸν τοῦ Παυλίνου οἶκον, ἔνθα δὴ καὶ τὸ τῶν σεβασμίων Ἀναργύρων τέμενος οἷον τι ἀνάκτορον ᾠκοδόμηται » (Théophane continué, p. 59, éd. de Bonn).
- « Il usait contre ce mal (l'hydropisie) de tous les moyens propres à l'en préserver, tant prières que purifications, et en particulier de celui-ci : il bâtit aux Saints Anargyres, dans la banlieue de la capitale, du côté du soleil levant, une église superbe. Ce n'est pas lui qui en avait jeté tous les fondements ; mais il embrassa de fondations un terrain plus vaste. Car il y avait là une enceinte sacrée qui n'avait aucune magnificence et qui n'était pas remarquable par sa construction. Il en changea la forme pour une plus belle, lui donna des enceintes extérieures, l'entoura de murs, en rehaussa l'éclat par l'adjonction d'édifices, et en fit un lieu de pieux exercices [...] il rendit l'église entière étincelante de mosaïques d'or ; il orna le lieu saint de l'art de la peinture, avec, partout où il était possible, des images que l'on dirait vivantes ; et puis le charme des bains et l'abondance des eaux, et la beauté des prairies, et tout ce qu'il savait capable de réjouir l'œil et d'attirer chaque sens vers son objet propre, il l'unit à cette église et l'y incorpora, si je puis ainsi parler. Or il faisait cela, d'une part pour rendre hommage à la Divinité, d'autre part aussi pour se rendre favorables les Serviteurs de Dieu, afin que, si cela se pouvait faire en quelque façon, ils guérissent son ventre enflé » (Michel Psellos, Chronographie, IV, 31-32, trad. Émile Renauld, coll. Budé).
- Ibid., IV, 52-55.
- Voir George P. Majeska, Russian Travelers to Constantinople in the Fourteenth and Fifteenth Century, Dumberton Oaks Studies 19, 1984. Il y a six récits de voyage de pèlerins russes à Constantinople (hoždenie) entre le XIIIe et le XVe siècle, dont les quatre cités ici mentionnent le Cosmidion. Le texte de l'« anonyme » est peut-être simplement la traduction en russe d'un guide byzantin.
- Édition : Ludwig Deubner, Kosmas und Damian. Texte und Einleitung, Leipzig, Teubner, 1907. Traduction française : André-Jean Festugière, Collections grecques de miracles. Sainte Thècle. Saints Côme et Damien. Saints Cyr et Jean (extraits). Saint Georges, Paris, Picard, 1971.
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