Miracle chilien

« Miracle chilien » (en espagnol « milagro de Chile ») est une expression utilisée par l'économiste et commentateur politique américain Milton Friedman[1], défenseur du libéralisme économique, pour décrire les réformes économiques libérales implantées au Chili sous la dictature militaire d'Augusto Pinochet. Cette expression sert à désigner la politique économique menée sous le régime de Pinochet. Si les partisans de ce dernier mettent en avant la stabilité connue à l'époque par l'économie chilienne, les résultats concrets de ces réformes et l'ampleur, voire la réalité, de cette réussite économique ont été contestés.

Contexte

Mise en place des réformes

Le modèle économique chilien sous Augusto Pinochet est influencé par les idées du libéralisme économique contemporain de Milton Friedman. Il est mis en place dans les années 1970 et 1980 avec l'aide des Chicago Boys, un groupe d'économistes chiliens. Le Chili du dictateur Pinochet offre aux Chicago Boys un lieu d’expérimentation idéal pour des réformes économiques libérales radicales, grâce à l'absence de syndicats, de grèves et de contestation sociale[2].

Avec ce nouveau modèle, le pays a connu de nombreuses réformes comme la privatisation des entreprises publiques, suivie de licenciements massifs ou la mise en place de la retraite par capitalisation par José Piñera. Les droits de douane sont supprimés, les budgets de l’éducation et de la santé sont réduits et les salaires abaissés[2].

Une politique économique contrastée et contestée

En 1981, la Réserve fédérale des États-Unis augmente ses taux d'intérêt pour fortement réévaluer le cours du dollar, ce qui cause une grave crise dans les pays d'Amérique latine dont les dettes extérieures étaient essentiellement libellées en dollar[3]. Avec la dépréciation conséquente du peso chilien, la dette extérieure du Chili (privée et publique) passa ainsi de 50 % du PIB à 120 % entre 1982 et 1985[4]. Dans cette crise d'origine monétaire, le Chili a ainsi vu une hausse du taux de chômage, qui est passé de 4,8 % en 1973 à 17,9 % en 1978, atteignant 31 % en 1983[5], ainsi qu'une forte augmentation des inégalités[6].

D'après l'organisme économique CENDA, « Pinochet a transformé le Chili en une économie rentière. Un petit groupe de grandes entreprises s'est approprié les grandes ressources naturelles du pays et vit de sa rente »[7]. Le pays a subi une très grave crise économique au début des années 1980[8], sa « pire récession depuis les années 1930 »[9], à la suite de laquelle le ministre des finances Sergio de Castro quitta le gouvernement.

Plusieurs critiques ont contesté le terme de « miracle », qualifié de « mythe »[10],[11].

Si le Chili a procédé à de nombreuses privatisations, la Codelco, exploitant les mines de cuivre et nationalisée par Salvador Allende en 1971, resta dans les mains de l'État et les ressources de cuivre furent même déclarées « inaliénables » par la Constitution chilienne de 1980[12],[13].

Bilan économique dans les années 1990

Après la fin de la dictature en 1990, les gouvernements démocratiques successifs du pays ont ouvert l'économie du Chili aux investissements étrangers, en multipliant les accords du système de libre-échange avec les États-Unis, l'Union européenne, la Chine et le Japon. L'ensemble des résultats économiques se sont améliorés après le retour de la démocratie[14].

Le Chili est considéré comme l'un des pays les plus stables économiquement en Amérique latine[15]. Depuis la fin de la dictature, le Chili a réussi, par exemple, à réduire la pauvreté de moitié[16] (c'est d'ailleurs pour cela qu'on l'appelle le « jaguar » de l'Amérique du Sud par référence aux dragons asiatiques). Au cours des vingt-quatre dernières années, la croissance annuelle moyenne du PIB chilien a été de 5,2 %, et même de 8,3 % entre 1990 et 1997.

Notes et références

  1. Friedman avait déjà parlé de "miracle" pour la politique économique menée par la dictature militaire brésilienne (Milton Friedman, "Economic Miracles", Newsweek, ).
    Naomi Klein, La Stratégie du choc, 2008, p. 111.
  2. « Pinochet, seize ans de dictature », Libération.fr, (lire en ligne).
  3. Voir Kenichi Ohno (PhD), Debt Crisis of the 1980s, Collège doctoral de recherche politique
  4. Kevin Cowan, Jose De Gregorio, International Borrowing, Capital Controls, and the Exchange Rate. Lessons from Chile », National Bureau of Economic Research, 2007.
  5. Marie-Noëlle Sarget, Histoire du Chili, L'Harmattan, 1996, p. 244.
  6. Selon l'ONU, « after the 1973 coup d’état (which also marked the beginning of trade liberalization and the rapid integration of Chile into the world economy), when income distribution had one of the fastest deteriorations ever recorded, only decile 10 benefited from it. », José Gabriel Palma, Globalizing Inequality : "Centrifugal" and "Centripetal" Forces at Work [PDF], septembre 2006. En 2005, le Chili occupait la 113e place sur 124 dans le classement des pays par égalité de revenus selon le coefficient de Gini, établi par l'ONU.
  7. « Les impasses du néolibéralisme à la chilienne », lesechos.fr, (lire en ligne, consulté le ).
  8. Mary Anastasia O'Grady. What We Can Learn From Chile's Financial Crisis. The Wall Street Journal, 29 septembre 2008.
  9. Juan Gabriel Valdés, Pinochet's Economists : The Chicago School of Economics in Chile, Cambridge, Cambridge University Press, 1995, p. 28.
  10. Todd Tucker, The Uses of Chile, Public Citizen, 2006.
  11. Naomi Klein, La Stratégie du choc, 2008, p. 108.
  12. Article 24 de la Constitution chilienne: « The State has absolute, exclusive, inalienable and imprescriptible domain over all mines (...) » Traduction officielle [PDF]
  13. Selon Naomi Klein, la Codelco « générait 85 % des revenus d'exportation du pays »[Quand ?] (La Stratégie du choc, p. 109).
  14. Alejandro Foxley, Successes and Failures in Poverty Eradication : Chile, BIRD, 2004, p. 4 et 5.
  15. Fort d’un taux de croissance annuel moyen de plus de 6 %, il arborait déjà, en 1997, un taux d'instruction élevé, une infrastructure matérielle robuste et un produit national brut approchant les 4 000 $ US par habitant.
  16. La pauvreté passe de 38,6 % de la population en 1990 (à la fin de la dictature), à 20,6 % en 2000 (Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes, Une décennie de développement social en Amérique latine, 1990-1999, Santiago du Chili, 2004, p. 38. Ces chiffres concernent l'ensemble de la population ; concernant les ménages, le taux de pauvres passe de 33,3 % à 16,6 % sur la même période.

Annexes

Bibliographie

  • (es) Xabier Arrizabalo Montoro, Milagro o Quimera, la Economía Chilena Durante la Dictadura, Catarata, 1995.

Articles connexes

Liens externes

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