Michel Verne

Michel Jean Pierre Verne, né à Paris le [1], mort à Toulon le , est un écrivain et cinéaste français, fils de Jules Verne.

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Biographie

Michel est le seul enfant de Jules Verne et de son épouse Honorine du Fraysne de Viane, veuve d'Auguste Hébé-Morel, qui avait eu deux filles de son premier mariage, Valentine et Suzanne, demi-sœurs de Michel.

A l'époque où il naquit, son père n'était pas encore connu comme écrivain et faisait vivre sa famille grâce à une charge d'agent de change[2]. Sur son acte de naissance, Jules Verne est désigné comme avocat. Les témoins sont Jules René Fleury, époux de Mathilde Verne et Auguste Marie Lelarge, beau-frère d'Honorine. Jules Verne est absent lors de la naissance de son fils[3]. Michel est baptisé le . Son parrain est Pierre Verne et sa marraine sa grand-mère maternelle, Rosalie Paillat[4].

Deux ans plus tard, le succès de Jules Verne commença avec la publication du premier des Voyages extraordinaires, Cinq Semaines en ballon[2]. A cinq ans, le jeune Michel fut placé en pension à Abbeville, puis scolarisé à l'école communale du Crotoy quand la famille s'y établit en 1869[2].

En raison de son comportement rebelle, Michel est envoyé par son père à la Colonie pénitentiaire de Mettray (près de Tours) en 1876[5] ; il réagit très mal à cet enfermement et eut des crises proches de la démence[2]. Au bout de six mois, Jules Verne le retira de Mettray pour le placer en internat à Nantes, où résidait la famille paternelle.

Embarqué de force pour un voyage aux Indes de 18 mois jusqu'à l'été 1879, il est mis à la porte par son père en décembre 1879 mais continue de vivre à Amiens où son père lui verse une mensualité de 600 frs qui passera ensuite à 1 000 frs.

Il fait son service militaire en 1881 mais le conseil de révision le classe aux Services auxiliaires. Ajourné à un an, il l'est de nouveau en 1883 puis est versé dans la Réserve (). Dans l'armée territoriale le puis dans la Réserve de cette armée (), il est ensuite libéré de ses obligations militaires.

À l'âge de 19 ans, il provoque un scandale en s'enfuyant avec une actrice du théâtre municipal d’Amiens, Clémence-Thérèse Taton[6], malgré les objections de son père[7]. Il part alors pour Nîmes où il accumule les dettes. Jules Verne lui évite même un duel[8].

En , son père lui impose finalement de se marier, le à Nîmes. Jules et Honorine Verne ne sont pas présents. Les témoins sont Alexandre Pleindoux, médecin, Louis Barbut, journaliste, René Ducamp, négociant et Édouard Rebuffat, notaire[9], union sans postérité.

Michel abandonne sa jeune épouse qui obtient le divorce le . La notification conservée aux Archives départementales du Gard[10] stipule concernant la séparation de corps « fondée sur des excès et des injures graves, qu'il est en effet établi d'ores et déjà et qu'il s'est montré journellement dans des lieux publics avec des femmes de mœurs légères, qu'il a abandonné le domicile conjugal du 15 mai au 15 juillet 1884, que le 18 août dernier il a introduit dans le domicile conjugal une femme et qu'il a été pris en flagrant délit d'adultère, qu'il s'est livré contre sa femme à des scènes de violences très graves ».

Il est condamné à payer une mensualité de 200 frs à son ancienne femme, Jules Verne déduisant cette somme de la mensualité qu'il lui fait verser par son éditeur Hetzel. Le divorce officiel n'est prononcé à Amiens que le , soit cinq ans plus tard[11].

Michel s'est en fait enfui avec Jeanne Reboul[12], une jeune pianiste âgée de 18 ans, alors enceinte de lui[13], ce qui le met au ban de sa famille.

Jeanne et Michel s'installent à Paris (1885), puis Nîmes (1886) et de nouveau à Paris (1887-1905). Deux enfants, Michel[14] et Georges[15], naissent avant le mariage qui a lieu à Paris le [16]. Les témoins sont Lucien Pierron, avocat, Isaac Rodrigue, banquier, Léon Cosse, négociant et François Amy, employé. Jules et Honorine sont, comme pour le premier mariage, absents. Un troisième enfant naitra, Jean-Jacques[17].

Ces questions et d'autres ont causé beaucoup de tensions entre Michel et son père. Jules Verne dépose le son testament chez maître Georges Perdry, soit cinq jours avant le contrat de mariage de Michel rédigé chez le même notaire. À la mort de Jules Verne, Michel apprend que les filles d’Honorine, Suzanne et Valentine, héritent de 50 000 frs… mais lui, d'aucune somme. Le testament précise : « Les dispositions qui précédent relatives aux deux legs de cinquante mille francs, ont été prises par moi à raison des sacrifices que j'ai faits pour mon fils Michel Verne, et ces dispositions sont une réparation de la perte subie par les bénéfices de notre communauté à raison de ces sacrifices. » Michel hérite alors de tous les manuscrits, des livres, des cartes, de tous les papiers et de la bibliothèque de son père[18]. Étrangement, Suzanne et Valentine renoncent à leur part le .

Michel vit à Toulon à partir de 1906. S'il ne divorce pas, sa vie conjugale est ruinée. Il tombe à la fin de sa vie dans une grande dépression[19]. Atteint d'un cancer de l'estomac et de la gorge[20], il meurt le . Conformément à ses volontés, il est incinéré à Marseille. Ses cendres sont déposées au Cimetière Saint-Pierre dans la sépulture Reboul[21].

Morte dans la même ville, le , Jeanne est inhumée au cimetière de La Valette-du-Var.

Écrivain et éditeur

Illustration pour Un Express de l'avenir (1895)

Michel a pris en charge la publication d'un grand nombre des derniers manuscrits de son père ; il est d'ailleurs possible qu'il ait lui-même écrit certains d'entre eux. Les travaux désormais attribués, non plus à Jules, mais à Michel Verne sont :

  • Le Volcan d'Or, réécrit par Michel à partir d'un manuscrit de son père, et divisé en deux parties : Claim à Forty Mile Creek et Inondations et Incendie[22].
  • Édom, nouvelle publiée ensuite sous le titre : L'Éternel Adam, et reprise en 1910 dans le volume Hier et demain.
  • L'Agence Thompson and Co. Cet ouvrage a été intégralement écrit par Michel Verne.

Les travaux de Michel Verne sont généralement considérés comme inférieurs à ceux de son père, et la source de sa notoriété est probablement la controverse autour de l'attribution des dernières œuvres de son père.

Certains de ses travaux, tels que Un Express de L'Avenir et de La Journée d'un journaliste américain en 2889, sont remarquables par leur utilisation de tubes pneumatiques (pour le transport de personnes).

Un cas particulier est celui du livre L'Étonnante Aventure de la mission Barsac. Au début de 1903, Jules Verne, qui préside le groupe espérantiste d'Amiens et qui est un ardent défenseur de cette toute jeune langue internationale, promet à ses amis d'écrire un roman décrivant les mérites de l'espéranto : Voyage d'études. Du fait de sa mort prématurée, il laisse cet ouvrage inachevé. Le brouillon est ensuite repris par Michel, mais l'œuvre finale ne fait pas allusion à l'espéranto. Mais il s'agit pour Michel d'une grande désillusion sur les conséquences de la science, plus radicale que celle évoquée par son père : la ville dans le désert aux mains de bandits blancs qui enlèvent et mettent en esclavage des Noirs. L'histoire se termine par une double insurrection des Noirs et des ouvriers blancs travaillant jusqu'à un certain moment dans l'ignorance des faits sous l'autorité d'un savant mégalomane et inconscient sur l'utilisation de ses inventions, Marcel Camaret.

Réalisateur

Créateur de la Société Le Film Jules Verne en 1912, Michel Verne signe en parallèle un contrat avec la société d'édition Éclair Films et leur cède les droits d'adaptation de huit romans de son père. Il participe au tournage des Enfants du Capitaine Grant (it) (1914)[23] et supervise Les Indes noires en 1916-1917[24] avant de résilier son contrat avec Éclair en .

Michel s'associe alors avec un homme d'affaires, Jules Schreter, pour développer sa société. En 1918-1919, il réalise ainsi : L'Étoile du Sud, Les 500 millions de la Bégum et La Destinée de Jean Morénas. La société Le Film Jules Verne est vendue en 1932 au producteur Alexander Korda et à la London Films puis cesse ces activités en 1966[25].

Notes et références

  1. « Archives numérisées de l'état civil de Paris, acte de naissance no 3103, cote V4E 1093, 1861, 10e arrondissement » (consulté le ).
  2. Joëlle Dusseau, « Michel Verne ou le nom du père », dans Les territoires du politique, Presses universitaires de Rennes, (ISBN 978-2-7535-2106-3, lire en ligne), p. 25-34.
  3. Voir, L'État-civil de Michel Verne dans BSJV no 187, p. 4.
  4. L'acte est reproduit p. 40 du BSJV no 187.
  5. Jean-Louis Mongin, Michel Verne à Mettray, Bulletin de la Société Jules Verne no 186, 2014, p. 4-28.
  6. Thérèse, née le 2 avril 1857 est la fille d'un chef d'orchestre et acteur Joseph-Augustin Taton et d'une actrice. Elle continuera sa carrière d'actrice après son divorce avec Michel Verne sous le nom de jeune fille de sa mère, Valgalier (et parfois Valgalier-Dupont), jusqu'en 1910. La date de sa mort n'a pas encore été identifiée.
  7. Cécile Compère, Michel Verne et la Dugazon, JV no 35-36, 1995, p. 24-27.
  8. Une lettre sur le sujet est reproduite dans le BSJV 184 en annexe.
  9. C. Compère, op. cit., p. 25.
  10. Côte 6U2-180, RG no 472.
  11. Acte reproduit par C. Compère, op. cit., p. 26.
  12. Jeanne Adèle Reboul, née le 24 juillet 1866 à Béziers, fille d'un balancier, Jean Reboul et de Pauline Coste. Un portrait est reproduit dans le BSJV 184, p. 8.
  13. Jean-Paul Dekiss, Jules Verne, l'enchanteur, Éditions du Félin, 1999, p. 403.
  14. Jules Michel Dandré Verne, né le 30 mai 1885 à Paris et mort le 30 juin 1960. Il léguera à sa mort la plupart des manuscrits de son grand-père à son frère cadet.
  15. Georges René Verne, né le 2 mai 1886 à Nîmes et mort le 13 septembre 1911 à Neuilly-sur-Seine. (Faire-part reproduit dans le BSJV no 110}, 1994, {p..
  16. La généalogie complète des enfants de Michel Verne est donnée dans le BSJV 184, p. 10-13.
  17. Jean-Jacques Verne, né le 11 mai 1892 à Paris, auteur d'une biographie sur son grand-père, sous le nom de Jean-Jules Verne, en 1973 chez Hachette, qui relate les faits cités ici ; mort le 8 avril 1980 à Toulon.
  18. Liquidation de la Communauté d'entre Monsieur et Madame Verne et de la succession de Monsieur Jules Verne, Bibliothèque d'Amiens métropole, collection Verne, côte JV MS 41, f° 50.
  19. Volker Dehs, La Mort de Michel Verne, BSJV no 187, 2014, p. 54.
  20. Ibid., p. 54.
  21. Dehs, Ibid., p. 56.
  22. Le Volcan d'or a bien été écrit par Jules Verne, mais son fils, l'ayant repris à la demande de Louis-Jules Hetzel, en a dénaturé le sens. Première publication de l'œuvre originale : Société Jules-Verne, 1989.
  23. Jean Demerliac, ...et le cinématographe vint à Michel Verne (II), BSJV no 187, 2014, p. 46.
  24. Analyse et critiques presses par Philippe Burgaud, Un centenaire : Les Indes-noires, le deuxième (?) film de Michel Verne, Bulletin de la Société Jules Verne no 196, mai 2018, p. 6-17.
  25. Voir Jean Demerliac : Le Film Jules Verne. Revue Jules Verne 33/34, Centre international Jules Verne, 2011, p. 85-97.

Œuvres

  • La Destinée de Jean Morénas
  • Zigzags à travers la science, neuf textes publiés en feuilleton en 1888 dans Le Figaro, réédition Bulletin de la Société Jules Verne no 106, 1993 puis Collection ArchéoSF, éditions Publie.net, 2012 et 2015
  • Un Express de l'avenir, publié en 1888 (courte nouvelle)
  • La Journée d'un journaliste américain en 2889, publiée en 1891 dans le Moniteur de la Somme (journal d'Amiens)
  • L'Agence Thompson and Co, (roman paru en 1907).
  • Les Naufragés du « Jonathan » (publié en deux parties dans la version anglaise : Masterless Man et Unwilling Dictator)
  • L'Étonnante Aventure de la mission Barsac, chapitres 6 et suivants.
  • Les trois nouvelles, La destinée de Jean Morénas, La journée d'un journaliste américain en l'an 2889, L'éternel Adam seront aussi publiées dans le recueil de nouvelles, intitulé Hier et Demain, et paru en 1910.
  • La Navigation à voiles et à vapeur, Henri Gautier éditeur, 1896
  • Le Vengeur des morts. Mathias Sandorf, ciné-roman d'après le roman de Jules Verne, L'Intransigeant, -
    Philippe Burgaud, « Le Vengeur des morts, le ciné-roman de Michel Verne d'après Mathias Sandorf », Bulletin de la Société Jules Verne no 196, mai 2018, p. 55-65.

Bibliographie

  • Christian Chelebourg, KMXZ où Jules Verne parle de son fils dans la langue d'Arne Saknussemm, Revue Jules Verne 3, Centre International Jules Verne, 1997.
  • Brian Taves, The Novels and Rediscovered Films of Michel (Jules) Verne, in Journal of Film Preservation no 62, FIAF, , p. 25-39.
  • Brian Taves, Michel Verne de l'écrivain au réalisateur, Revue Jules Verne 19/20, 2005, p. 190-195.
  • Dossier Michel Verne I, Bulletin de la Société Jules-Verne no 186, .
  • Dossier Michel Verne II, Bulletin de la Société Jules-Verne no 187,
  • Jean Demerliac, ... Et le cinéma ne voulut pas de Michel Verne, Bulletin de la Société Jules-Verne no 196, , p. 18-65.

Liens externes

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