Mbuti (peuple)

Les Mbuti, ou Bambuti[2], sont un peuple pygmée vivant dans le district de l'Ituri de la République démocratique du Congo (RDC). Leur langue appartient au sous-groupe des langues soudaniques centrales.

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Mbuti (peuple)
Des pygmées Mbuti avec l'exploratrice Osa Johnson.

Populations significatives par région
Population totale 16 000-30 000[1]
Autres
Langues Efe, asua bila
Religions Mythologie mbuti
Ethnies liées Twa de la région des Grands Lacs (pygmées), Pygmée
District de l'Ituri en République démocratique du Congo

Les Mbuti sont un peuple pygmée de chasseurs-cueilleurs et l'un des plus anciens peuples présents en Afrique centrale. Les Mbuti sont organisés en petits groupes de quinze à soixante personnes. Les Mbuti seraient au nombre de 16 000 à 30 000. Il y a trois ensembles culturels distincts au sein des Mbuti :

  1. Les Efé, qui parlent la langue d'un peuple soudanique frontalier, les Lese.
  2. Les Sua, connus également sous le nom de Kango ou de Mbuti, qui parlent la langue d'un peuple bantou voisin, le bila.
  3. Les Asua, le seul groupe ayant sa propre langue, l'asua, apparentée à celle du peuple soudanique voisin, les Mangbetu[3].

L'utilisation du terme Mbuti peut créer parfois une certaine confusion car il peut servir à désigner l'ensemble des populations pygmées de l'Ituri ou le sous-groupe vivant au cœur de la forêt de l'Ituri.

Ethnonymie

Selon les sources, on observe de multiples variantes : Bambote, Bambute, Bambuti, Ba.Mbuti, Bambutis, Bouté, Imbuti, Mambuti, Mbote, Mbutis, Pygmées de l'Ituri, Pygmées Mbuti, Wambouti[4].

« BaMbuti » est le pluriel de « Mbuti ».

Habitats et organisation

Les Mbuti vivent dans des villages où chaque hutte abrite une cellule familiale. Au début de la saison sèche, les Mbuti quittent leur village et s'installent dans des campements qu'ils construisent dans la forêt[5]. Les villages sont indépendants les uns des autres. Les maisons sont petites et circulaires et sont toujours conçues comme des habitats temporaires.

La construction d'une maison commence avec le tracé de son contour sur le sol[3]. Les murs sont constitués de branches solides plantées dans le sol. Une liane est ensuite enroulée autour de ces branches pour les faire tenir ensemble[3]. De grandes feuilles sont utilisées ensuite pour construire le toit de la hutte.

Alimentation

Les Mbuti sont avant tout des chasseurs-cueilleurs. Leur régime alimentaire se compose de crabes, de coquillages, de fourmis, des larves, des escargots, des cochons, des antilopes, des singes, des poissons, et du miel. Ils consomment également des légumes sauvages comme l'igname, des baies, des fruits, des racines, des feuilles, des amarantes, de l'hibiscus, des noix de cola et des gourdes[5].

Lorsqu'ils chassent, les Mbuti ciblent particulièrement l'hylochère (cochon sauvage géant). La viande d'hylochère et celle du rat sont souvent considérés comme kweri, c'est-à-dire dangereux car pouvant causer des maladies à ceux qui la consomment[6]. Toutefois, cette viande est souvent utilisée comme monnaie d'échange avec les groupes des populations bantoues agricultrices. Dans la mythologie mbuti, l'hylochère est considéré comme la manifestation physique de Negoogunogumbar, l'ogre qui dévore les enfants[réf. nécessaire]. Pour la chasse, les Mbuti utilisent des grands filets, des pièges, des arcs et des flèches. Les femmes et les enfants participent parfois à la chasse en rabattant les proies vers les filets[3].

Les hommes et les femmes mbuti s'occupent tous les deux des enfants. Les enfants s'occupent de la cuisine, du nettoyage, de la réparation de la hutte et vont chercher de l'eau. Les hommes portent les femmes dans les arbres pour qu'elles aillent récupérer le miel.

Commerce

Les villages alentour produisent des pièces en métal, des objets en bois, de la vannerie et des légumes que les Mbuti obtiennent en l'échange de viande de brousse, de peaux de bête et d'autres produits de la forêt [3].

Système de filiation

Les mbuti ont une société patrilinéaire mais le système est assez souple. Le groupe principal des Mbuti est la famille nucléaire[3].

Coutumes de mariage

Le mariage se fait sur la base d'échange de femmes[3]. Sur la base d'échanges réciproques, des hommes de groupes différents échangent entre eux des sœurs ou des femmes avec qui ils ont des liens[3]. Dans la société mbuti, le paiement d'une dot n'est pas obligatoire. Il n'y a pas de cérémonie formelle de mariage : un couple est considéré comme marié lorsque l'homme présente aux parents une antilope qu'il a chassée et tuée seul. La polygamie est pratiquée mais à des degrés variables selon les groupes et n'est pas très répandue.

Structure politique

Les sociétés mbuti n'ont pas de groupes ou de lignée dirigeante ni d'organisation politique générale et très peu d'organisation sociale. Les Mbuti forment une société égalitaire dans laquelle la bande constitue l'organisation sociale la plus importante[3]. Le leadership peut s'affirmer par exemple lors des opérations de chasse[3]. Les hommes et les femmes ont les mêmes droits. Les problèmes sont discutés et les décisions sont prises par consensus autour du feu. En cas de désaccord, de délits ou d'infractions, la personne incriminée peut être bannie, battue ou ridiculisée[3].

Religion

L'épicentre de la vie des Mbuti est la forêt. Les Mbuti voient dans la forêt une protection et la considèrent comme un lieu sacré. Ils désignent parfois la forêt comme une « mère » ou un « père ». Un rituel important dans la vie des Mbuti est le molimo. Après des évènements comme la mort d'un membre important de la tribu, molimo est célébré de façon bruyante pour réveiller la forêt, partant du principe que si quelque chose de mauvais arrive à ses enfants, cela est dû au fait que la forêt s'est endormie[3]. Comme pour la plupart des rituels Mbuti, la durée du molimo est variable et dépend de l'humeur du groupe. De la nourriture est collectée auprès de chaque hutte afin de nourrir le molimo. Le soir, le rituel s'accompagne de danses de la part des hommes autour du feu tandis que les femmes et les enfants restent dans les huttes, portes closes. L'anthropologue britannique Colin Turnbull a étudié de près ces rituels[7].

Molimo est aussi le nom de la trompette utilisée par les hommes au cours du rituel. Cette trompette était traditionnellement faite en bois ou en bambou mais Turnbull a montré qu'elle pouvait aussi être en métal utilisé pour des gouttières. Lorsqu'elle n'est pas utilisée, la trompette est conservée dans les arbres de la forêt. Lors d'une cérémonie, ce sont les jeunes du village qui récupèrent la trompette et l'apportent jusqu'au feu[3].

Les défis actuels

Le mode de vie traditionnel des Mbuti est menacé car territoire qu'ils occupent n'est pas clairement délimité et n'est pas protégé par la loi. Les Mbuti n'ont plus le droit de chasser une grande quantité de gibier. En raison de la déforestation, de l'exploitation des mines d'or locales, de l'extension des zones de culture et des réserves naturelles, leur approvisionnement alimentaire est menacé[8].

Les Mbuti ont également très gravement affectés par la guerre en République démocratique du Congo. Selon le Rapport du Projet Mapping concernant les violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises en RDC, ils ont été victimes d'actes de cannibalisme car les autres populations attribuent un pouvoir magique à leur chair[9].

Notes et références

  1. 'Effacez le tableau', Rapport de la mission internationale de recherche sur les crimes commis, en violation du droit international, contre les Pygmées bambuti dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), Minority Rights Group International, Réseau des Associations autochtones pygmées, (lire en ligne), p. 9
  2. (en) « Bambuti », sur Encyclopædia Britannica.
  3. (en) Tshilemalea Mukenge, Culture and Customs of the Congo, Greenwood Press, (présentation en ligne)
  4. « Mbuti (peuple d'Afrique) », RAMEAU, BnF
  5. Colin M. Turnbull, Le peuple de la forêt, Stock, (présentation en ligne)
  6. (en) Mitsuo Ichikawa, « Food restrictions of the Mbuti Pygmies, Eastern Zaire », African Study Monographs, no sup. 6, , p. 97-121 (DOI 10.14989/68341, lire en ligne)
  7. Jean-Loup Amselle, « Les ethnologues, le ciel et l'enfer », Cahiers d'études africaines, vol. 14, no 54, , p. 393-396 (lire en ligne)
  8. « Les Pygmées contraints de quitter la forêt surexploitée en Ituri », IPIS,
  9. Rapport du Projet Mapping concernant les violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la République démocratique du Congo, Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme, (lire en ligne), p. 235

Voir aussi

Bibliographie

  • Art pictural des pygmées, Musée Barbier-Mueller, Genève, 1990, 103 p. (catalogue d'exposition)
  • (en) Kevin Duffy, Children of the forest : Africa's Mbuti pygmies, Waveland Press, Prospect Heights, Ill., 1996 (rééd. remaniée de 1984), 180 p. (ISBN 978-0-88133-885-0)
  • Serge Bahuchet et R. Farris Thompson, Pygmées ? : peintures sur écorce battue des Mbuti, Haut-Zaïre, Éditions Dapper, Paris, 1991, 168 p. (ISBN 2-906067-13-X) (catalogue d'exposition)
  • (en) Georges Meurant and Robert Farris Thompson, Mbuti design : paintings by Pygmy women of the Ituri forest,. Thames and Hudson, London, 1995, 1996 / New York, N.Y. 1996. (OCLC 35318334)
  • Michel Museur, « Récentes perspectives sur la culture des Mbuti », in Cahiers d'études africaines, 1969, volume 9, no 33, p. 150-159
  • (de) Paul Schebesta, Die Bambuti-Pygmäen vom Ituri : Ergebnisse zweier Forschungsreisen zu den zentralafrikanischen Pygmäen in drei Bänden, Georges Van Campenhout, Bruxelles, 1941-1950, 3 vol.
  • (en) Colin M. Turnbull, Le peuple de la forêt (traduit de l'anglais par Sonia Campos), Stock, Paris, 1963, 242 p. (résumé et critique en ligne )

Discographie

  • (en) Mbuti pygmies of the Ituri rainforest (enreg. Colin Turnbull et Francis S. Chapman, 1957-1958), Smithsonian Folkways recordings, Washington, D.C., 1992, CD (55 min 15 s) + 2 brochures
  • Anthologie de la musique congolaise, volume 2, Songs of the Okapi Forest : Mbuti, Nande, and Pakombe (John Hart et Erik Lindquist, collecteurs ; Jos Gansemans, éditeur), Fonti Musicali, Musée royal de l'Afrique centrale, Tervuren, 2004 (enregistr. 1973-2004), 1 h 02 min 38 s (DDD + 1 livret)

Articles connexes

Liens externes

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