Kasimir Malevitch
Kasimir Severinovitch Malevitch (en russe : Казимир Северинович Малевич ; en polonais : Kazimierz Malewicz), né le 11 février 1879 ( dans le calendrier grégorien)[1],[2] à Kiev (Empire russe), de parents polonais, et mort le à Léningrad, à l'âge de 56 ans, d'un cancer[3], est un des premiers artistes abstraits du XXe siècle. Peintre, dessinateur, sculpteur et théoricien, Malevitch est le créateur d'un courant artistique qu'il dénomma « suprématisme ».
Biographie
Kasimir Malevitch nait à Kiev en Ukraine à la maternité catholique Kiev-Vasilkovskaja de Saint-Alexandre. Son père, Severin Antonovitch Malevitch (1845-1902), est le directeur de l'une des usines de raffinage de sucre industriel (betterave) de l'homme d'affaires russe Nicolas Terechtchenko. Sa mère, A. Ludwig (1858-1942), est femme au foyer. Kasimir Malevitch est l'aîné de 14 enfants, dont 9 filles ayant survécu à l'âge adulte[4].
De 1896 à 1898, il étudie au collège de Parhomovka (Russie impériale)[3].
De 1898 à 1904, le jeune Kasimir vit à Koursk (Russie), puis s'installe à Moscou dès 1904, après le décès de son père et il travaille comme dessinateur industriel pour les chemins de fer.
Il se marie en 1899 avec Kazimiera Zglejc (ou, retranscrit du russe : Kasimira Ivanovna Zgleits) (1883[réf. nécessaire]-1942), avec laquelle il a deux enfants, Anatolii (1902) et Galina (1909)[3].
Après une formation de dessinateur technique à Moscou en 1902-1904, et après avoir fréquenté, de 1895 à 1896, l'école de peinture de Kiev[5] dans la classe du peintre Nikolay Pymonenko, à l'âge de seize ans, Malevitch développe en autodidacte son œuvre plastique qu'il décline au cours de sa vie dans une dizaine de styles différents : réalisme, impressionnisme, symbolisme, cézannisme, fauvisme, néo-primitivisme, cubo-futurisme, cubisme alogique, suprématisme, supranaturalisme.
En 1915, après l'« Exposition Tramway V » du mois de mars, il présente à l'« Exposition 0.10 », tenue à Pétrograd du au , un ensemble de 39 œuvres qu'il appelle « suprématies », dont Quadrangle, connu sous le nom de Carré noir sur fond blanc, que Malevitch instituera plus tard en œuvre emblème du suprématisme[6].
Avec la Révolution de 1917, il est élu député au Soviet de Moscou[7]. Malevitch accepte des fonctions institutionnelles comme enseignant à l'Académie de Moscou, puis à l'École artistique de Vitebsk, invité par Marc Chagall, ensuite à Petrograd en tant que chercheur. Il lutte également pour la démocratisation.
En 1918, il peint Carré blanc sur fond blanc, qui est considéré comme le premier monochrome de la peinture contemporaine[8].
En 1927, Malevitch part en voyage en Allemagne, il y laisse 70 tableaux, et un manuscrit, Le Suprématisme ou le Monde sans objet, republié par le Bauhaus (il avait été initialement publié en 1915). Durant la guerre, une quinzaine de ses tableaux disparaissent et ne seront jamais retrouvés, une partie se trouve au Stedelijk Museum d'Amsterdam et une autre au MoMA de New York.
Artiste prolifique, il ne cesse de peindre tout au long de sa vie.
En 1929, le pouvoir soviétique le stigmatise pour son « subjectivisme » et le qualifie de « rêveur philosophique ». Au cours des années 1930, les besoins du pouvoir soviétique en matière d'art ayant évolué, Kasimir Malevitch est sans cesse attaqué par la presse et perd ses fonctions officielles — il est même emprisonné et torturé. Même si les autorités lui décernent des funérailles officielles en 1935, la condamnation de son œuvre et du courant suprématiste s'accompagnent d'un oubli de plusieurs décennies[réf. nécessaire].
La reconnaissance de cet artiste intervient à partir des années 1970. Depuis, de nombreuses rétrospectives à travers le monde ont consacré Kasimir Malevitch comme l'un des maîtres de l'art abstrait.
Son œuvre
De 1907 à 1935, il participe à 35 expositions d'avant-garde dans l'Empire russe, en URSS et à l'étranger. Malevitch est un membre actif de l'avant-garde artistique ukrainienne et polonaise et côtoie Kandinsky, Chagall, Matiouchine, El Lissitzky, Rodtchenko.
Parallèlement à son œuvre plastique, Malevitch produit des textes théoriques sur l'art. Une vingtaine d'écrits paraissent entre 1915 et 1930, mais de nombreux manuscrits restent non publiés. Tous ne sont pas directement liés aux seules pratiques artistiques. Ainsi par exemple, La Paresse comme vérité effective de l'homme, écrit en 1921, et publié aux éditions Allia en 1995 en langue française, texte révolutionnaire dans la mesure où le communisme lui-même y apparaît dépassable.
Les paysages et les scènes de la vie quotidienne présentent souvent une dominante du rouge et du vert, couleurs que l'on retrouve également dans certaines icônes orthodoxes. Les gouaches des années 1910-1911 sont influencées par le fauvisme mais aussi par le néo-primitivisme et le protocubisme. Dans les années 1912-1913, il produit des toiles cubistes et futuristes.
Le suprématisme
En 1915, Malevitch peint trois éléments qu'il inclura plus tard parmi les éléments fondateurs du suprématisme : le Carré noir, la Croix noire et le Cercle noir[9].
Maniant des formes simples à caractère géométrique et unicolores, disposées sur la toile ou érigées dans le réel (architectones), le suprématisme montre le caractère infini de l'espace, et la relation d'attraction et de rejet des formes.
Pour Malevitch, l'art est un processus amenant la sensation (c’est-à-dire le rapport de l'artiste au monde) à se concrétiser en œuvre, grâce à un module formateur étranger au support, l'« élément additionnel », qui structure la masse picturale ou les matériaux. Il introduit le concept d'élément additionnel dans ses écrits des années 1920, ainsi que dans son enseignement[10].
Suivant son appellation, le suprématisme se pose comme modèle supérieur de la finalité artistique d'art pur, dominant et formant dans son sillage l'art appliqué[réf. nécessaire].
C'est sur la conception du rapport de l'art pur à l'art appliqué que Malevitch entre en conflit avec les constructivistes.
Œuvres
- 1906 : Toit rouge, où l'influence de Monet est reconnaissable.
- 1908-1910 : Autoportrait.
- 1910 : Composition suprématiste, au MoMA, New York.
- 1911 :
- Tête de paysan (Malevitch 1911), collection privée Saint-Petersbourg.
- La Rentrée des moissons, au Stedelijk Museum, Amsterdam.
- Frotteurs de parquet, gouache sur papier, inspiré de la toile de Gustave Caillebotte.
- Sur le boulevard, gouache sur papier, Stedelijk Museum[11], Amsterdam.
- Le Portrait d’Ivan Klioune.
- Étude de paysan, gouache sur papier au Centre Pompidou, Paris.
- La Vache et le Violon, musée Russe (Saint-Pétersbourg)[12], 1911 selon Malevitch.
- 1912 :
- Le Matin à la campagne après l'orage, au Musée Solomon R. Guggenheim, New York.
- Le Bûcheron, au Stedelijk Museum, Amsterdam.
- Récolte de seigle, composition cubo-futuriste.
- Le Faucheur, au Musée national des beaux-arts, Nijni Novgorod.
- 1913 :
- Le Rémouleur, au Musée de la Yale University Art Gallery
- Samovar, Museum of Modern Art, New York.
- La Victoire sur le soleil, série de dessins pour le spectacle éponyme.
- Le Fossoyeur, aquarelle où apparaît le premier carré noir.
- Le Portrait de Mikhaïl V. Matiouchine, au Centre Pompidou, Paris[13].
- 1914
- Soldat 1re division, collages.
- Éclipse partielle avec Mona Lisa (1914), composition avec La Joconde (attentat contre le célèbre tableau, il annonce le dadaïsme).
- L'Aviateur[13] au musée Russe, Saint-Pétersbourg.
- Un Anglais à Moscou, au Stedelijk Museum, Amsterdam[14].
- 1915 :
- Carré noir sur fond blanc (1915)[15] à la galerie Tretiakov, Moscou.
- Autoportrait à deux dimensions.
- Croix noire, Centre Pompidou, Paris (don de la Scaler Foundation et de la Beaubourg Foundation en 1980)[16].
- Alogisme, au Centre Pompidou, Paris.
- Stroyuschiysya dom, au National Gallery of Australia, Canberra[17], Australie.
- Painterly Realism of a Football Player, à l'Art Institute of Chicago, États-Unis.
- Femme au râteau, Galerie Tretiakov, Moscou[18].
- 1916 :
- Peinture suprématiste, musée Wilhelm Hacke, Ludwigshafen.
- Suprématisme (Supremus #58. Jaune et noir) , musée Russe, Saint-Pétersbourg.
- 1918 : Carré blanc sur fond blanc, réédition de la toile de 1915.
- 1917 : Suprematism[19], au Kawamura Memorial DIC Museum of Art à Sakura, au Japon.
- 1923 : Les Architectones, architectonique Beta (1926), constructions blanches constituées d'éléments collés à base cubique.
- Vers 1928- 1932
- Deux figures d'hommes.
- Paysage aux cinq maisons, musée Russe, Saint-Pétersbourg[20].
- Pressentiment, musée Russe, Saint-Pétersbourg.
- Filles à la campagne, musée Russe, Saint-Pétersbourg.
- Paysans, musée Russe, Saint-Pétersbourg[21].
- 1923-1930 : Carré noir, musée national d'Art moderne, Paris
- 1930 : Paysanne au visage noir, en forme de cercueil.
- 1930-1931 :
- Déportées (coupées en deux).
- Sensation du danger[22], huile sur toile au Centre Pompidou, Paris.
- Le Cheval blanc[23] au Centre Pompidou, Paris.
- 1932 :
- Maison rouge, une prison aux murs aveugles pour montrer la souffrance russe.
- Pressentiment complexe ou Buste avec une chemise jaune.
- Fille avec un peigne dans les cheveux, galerie Tretiakov, Moscou.
- Vers 1932 : La Charge de la cavalerie rouge.
Galerie
- Deux figures dans un paysage,
collection Merzbacher-Mayer (Suisse). - Vassili Katchalov (1908).
Notes et références
- Запись о рождении в метрической книге римско-католического костёла св. Александра в Киеве, 1879 год // ЦГИАК Украины, ф. 1268, оп. 1, д. 26, л. 13об—14. (ru)
- Gerry Souter, Malevitch, Bérangère Mauduit (trad.), Parkstone, coll. « Temporis », 2008, 255 p. (ISBN 9781844844906).
- (en) Kazimir Malevich Biography[PDF], InCoRM.
- (en) Kazimir Malevich Biography, Galleria d'Arte Moderna Palazzo Forti.
- Dora Vallier, L'Art abstrait, Pluriel/Hachette, 1980, p. 122.
- Jean-Claude Marcadé, Malevitch, Paris, Casterman/Nouvelles éditions françaises, 1990 ; Linda Boersma, 0.10 (zéro - dix). Dernière exposition futuriste, Hazan, Paris, 1997.
- Amsterdam Stedelijk Museum. Kasimir Malevitch et l'avant-garde russe, Le mONDE dEs ARTS.
- Alphonse Allais s'est essayé à la peinture monochrome de façon humoristique, dès 1882, avec sa Récolte de la tomate par des cardinaux apoplectiques au bord de la Mer Rouge. Il produit aussi, en 1887, Stupeur de jeunes recrues en apercevant pour la première fois ton azur, ô Méditerranée, Partage d'un apéritif anisé entre Asiates ictériques dans un champ de blé, etc.
- Cf. la notice sur la Croix noire de Malevitch dans Laurent Le Bon (dir.), Chefs-d’œuvre ?, catalogue d’exposition, Metz, Éditions du Centre Pompidou-Metz, 2010, 567 p. (ISBN 978-2359830040), p. 197.
- En français, cf. les écrits de Malevitch sur l'élément additionnel dans K. Malevitch, La Lumière et la Couleur. Textes inédits de 1918 à 1926, traduits du russe par Jean-Claude Marcadé et Sylviane Siger, Lausanne, L'Âge d'Homme, coll. « Slavica. Écrits sur l'art », 1981, 167 p., p. 119-160.
- (en) On the Boulevard, Wikipaintings.org.
- Éric Darragon, Marianne Jakobi, Centre interuniversitaire de recherche en histoire de l'art contemporain (France), La Provocation. Une dimension de l'art contemporain (XIXe – XXe siècles), Publications de la Sorbonne, 2004 (ISBN 978-2-8594-4470-9), p. 133 [lire en ligne].
- Le futurisme à Paris. Le cubo-futurisme russe, exposition au Centre Pompidou, 2008-2009.
- Pays-Bas : Un Anglais à Moscou, de Kasimir Malevitch, On ira loin[Quoi ?].
- Ce carré entouré de blanc symbolise le monde sans objet, forme fondamentale du suprématisme, une remise à zéro de la représentation du monde avant l'exploration colorée du « Rien libéré ».[réf. nécessaire]
- Croix (noire), Centre Pompidou.
- (en) Stroyuschiysya dom (House under construction), Google Cultural Institute.
- Femme avec un râteau, Casimir Malévitch, L'Atelier des copistes.
- Supermetism, Artproject.
- Kazimir Malevitch, Larousse.
- Peter Leek, La Peinture russe, Parkstone International, 2012 (ISBN 978-1-7804-2845-1), p. 248 [lire en ligne].
- L'homme qui court, Centre Pompidou.
- Homme et cheval, Centre Pompidou.
Annexes
Écrits annotés de l'artiste
- Écrits, présentés par Andréi Nakov, traduits du russe par Andrée Robel, illustrations, Paris, éditions Champ Libre, 1975.
- Écrits (livre illustré et traduit du russe par Jean-Claude Marcadé), Paris, Allia, , 688 p. (ISBN 9782844858863)
- La Paresse comme vérité effective de l'homme, trad. Régis Gayraud, Allia, 1995, nombreuses rééditions.
- Écrits sur l'art, tome 1 : De Cézanne au suprématisme, L'Âge d'Homme, 1993.
- Écrits sur l'art, tome 2 : Le Miroir suprématiste, L'Âge d'Homme, 1993.
- Écrits sur l'art, tome 3 : Arts de la représentation, L'Âge d'Homme, 1993.
- Écrits sur l'art, tome 4 : La Lumière et la Couleur. Textes inédits de 1918 à 1928, L'Âge d'Homme, 1993.
Monographies
- Gilles Néret, Kazimir Malévitch et le suprématisme (1878-1935), Taschen, 96 p. (ISBN 978-3-8228-1962-3).
- Jean-Claude Marcadé, Malevitch, Casterman, 1990 (ISBN 2-7079-0025-7).
- Andréi Nakov, Malévitch. Aux avant-gardes de l'art moderne, Gallimard, coll. « Découvertes Gallimard », 2003, 128 p. (ISBN 978-2-07-030192-8).
- Shishanov V.A. [:ru:Витебский музей современного искусства Vitebsk Museum of the Modern Art] History of Creation and Collection. 1918-1941. Minsk, Medisont, 2007, 144 p..
- Andréi Nakov, Kazimir Malewicz le peintre absolu, Thalia Édition, Paris, 2007, 4 vol., 1 596 p., 1 642 illustrations.
- Jeannot Simmen et Jolja Kohlhoff, Malévitch, (trad. Catherine Makarius), Könemann, Cologne, 2000 (ISBN 3-8290-2925-X).
- Frédéric Valabrègue, Kasimir Sévérinovitch Malévitch. J'ai découvert un monde nouveau, Images en manœuvre, coll. « Une vie d'artiste », 1999, 352 p. (ISBN 978-2-908445-15-2).
Autre
- Emmanuel Bénézit, Dictionnaire critique et documentaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs de tous les temps et de tous les pays, vol. 9, éditions Gründ, , 13440 p. (ISBN 2-7000-3019-2), p. 99-101.
- La Victoire sur le soleil : opéra futuriste russe, livret de A. Kroutchonukh, prologue de M. Matiouchine, décors et costumes de K. Malevitch (livret : traduction, notes et postface de Jean-Claude Marcadé et Valentine Marcadé), l'Âge d'homme, , 98 p. (notice BnF no FRBNF34604570, présentation en ligne).
Articles connexes
Liens externes
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