Majnoun et Leila

Majnoun Leïla (en arabe : مجنون ليلى - [mad͡ʒ.nuːn] : fou (amoureux) de [lajlaː] : Leïla), Majnûn Laylâ, ou parfois Kaïs et Layla (قيس وليلى en arabe), est une histoire d'amour populaire d'origine arabe[1] racontant les péripéties concernant le poète bédouin Qays ibn al-Moullawwah et Layla al-Amiriyya.

Ne doit pas être confondu avec Leyli et Medjnoun (opéra).

Majnoun dans la nature (1507, miniature persane, palais du Golestân)

Cette histoire, vraisemblable mais dont la véracité demeure disputée[2], est l'une des plus connues dans le large bassin d'influence de la civilisation islamique (Maghreb, Machrek, Golfe Persique, Perse, Asie centrale, Inde) et a inspiré au fil des siècles de nombreux écrivains et artistes musulmans comme Nizami, Djami, Fuzûlî, Navoï et Ahmed Chawqi. L'adaptation perse de Nizami, datant du XIIe siècle, a fortement contribué à sa vaste diffusion dans l'Orient musulman.

Origines

L'histoire de Majnoun et Leïla est très ancienne. Au Moyen-Orient, en Asie centrale, chez les Arabes, Iraniens, Turcs, Afghans, Tadjiks, Kurdes, Indiens, Pakistanais et Azéris, c'est l'histoire d'amour la plus populaire.

Elle trouve ses racines chez les bédouins arabes d'Irak au VIIe siècle[3]. Les Arabes la propagèrent au fil de leurs voyages et conquêtes.

Résumé

L'Évanouissement de Leïli et Madjnoun, page enluminée issue du troisième livre du Khamseh du poète persan Nizami.

Il y a bien longtemps, le beau Qaïs, fils d'une illustre famille de Bédouins, tombe éperdument amoureux de sa cousine Leïla. Le jeune homme est poète et ne peut s'empêcher de chanter son amour à tous les vents. Il exprime sans retenue son souhait d'épouser la belle Leïla.

Mais chez les Bédouins, il est de tradition que ce soient les pères qui règlent les mariages. Le désir crié par Qaïs est une ombre sur leur autorité et ceux-ci refusent donc cette union.

Il se sert de ses poèmes comme d'une arme contre le pouvoir. La famille de Leïla obtient alors du calife la permission de tuer l'arrogant amoureux.

Le calife fait venir Leïla pour voir une si grande beauté. Il découvre avec surprise qu'il s'agit d'une jeune femme plutôt maigre, au teint brûlé par le soleil.

Il décide alors de faire venir Qaïs et l'interroge : « Pourquoi aimes-tu cette femme qui n'a rien d'extraordinaire ? Elle est moins belle que la moins belle de mes femmes. »

Et Qaïs répond : « C'est parce que vous n'avez pas mes yeux. Je vois sa beauté et mon amour pour elle est infini. »

La famille de Qaïs demanda Leïla en mariage contre cinquante chamelles. Mais le père de Leïla refuse.

Qaïs perd la raison. Son père l'emmène à La Mecque pour qu'il retrouve ses esprits, mais le jeune homme entend une voix qui lui crie sans cesse le prénom de son amour. Son obsession est telle qu'on l'appelle alors le majnoun (le fou) de Leïla.

Un jour que Majnoun est tranquillement chez lui, rêvant à son amour, un ami vient le prévenir que Leïla est devant sa porte. Le poète fou a pour seule réponse : « Dis-lui de passer son chemin car Leïla m'empêcherait un instant de penser à l'amour de Leïla. »

Quelque temps plus tard, Leïla se maria et quitta la région. Majnoun partit vivre dans le désert avec les animaux sauvages. Certains prétendirent l'avoir vu manger de l'herbe avec les gazelles.

Un jour, on découvrit son corps inanimé, protégeant un ultime poème dédié à son amour…

Commentaires

Nature du genre

Malgré ses multiples incarnations et les divergences inhérentes aux reprises, le récit conserve les traits essentiels de l'histoire d'amour « impossible » (et dès lors tragique) entre deux jeunes amants que les normes sociales et les circonstances familiales empêchent de connaître une union heureuse. Ce type d'histoire, issue ou parente des légendes populaires, est fort répandu partout dans le monde ; si les plus importantes en Occident se limitent généralement à celles de Tristan et Iseut (légende d'origine celte) et de Roméo et Juliette (qui trouve ses racines dans la mythologie gréco-romaine avec le couple Pyrame et Thisbé), elles abondent en Orient : Hir et Ranjha (conte populaire du Pendjab), Sohni et Maniwal (idem), Shirin et Khosro (poème de Nizami inspiré du Shâh Nâmeh - ou Livre des Rois - de Ferdowsî), et bien d'autres.

Amour et idéalisme

« L'idéal naît de l'amour. Sans amour il n'y a pas d'idéal et quand l'amour fléchit, l'idéal disparaît. C'est pourquoi notre idéal ne peut pas être donné à quelqu'un d'autre, car chacun est attiré par une certaine forme de beauté, de bonté et de bonheur. À ce propos l'on peut citer l'histoire de Majnoun et de Leïla. Majnoun était un tout jeune homme qui aimait Leïla depuis l'enfance de l'amour le plus tendre. Mais ils n'appartenaient pas au même clan, de sorte que les parents étaient mécontents de ce sentiment réciproque et qu'ils cherchaient sans cesse à éloigner les jeunes gens l'un de l'autre. Un jour, un ami de la famille de Majnoun lui dit : "Mais cette Leïla que tu aimes avec tant de constance n'est pas plus belle que d'autres !". Majnoun répondit : "Pour voir Leïla il faut avoir les yeux de Majnoun". Ces "yeux de Majnoun" sont les yeux de l'idéalisme, des yeux qui voient la beauté »

 Murshida Sharif Lucy Goodenough.

Influences dans la culture moderne

Cette histoire a été adaptée ou a inspiré de nombreuses œuvres, dont des films, des romans et des musiciens. Une des plus connues est l'album Layla and Other Assorted Love Songs d'Eric Clapton, dont le titre en a été directement tiré. Le titre de la chanson Layla y fait également référence et la chanson I Am Yours cite directement des passages du poème de Nizami (la chanson est officiellement créditée Eric Clapton/Nizami)[4].

Louis Aragon y fait largement référence dans Le Fou d'Elsa.

Notes et références

  1. « Mathias Enard a lu « Layla et Majnun », « la plus belle histoire d’amour de tous les temps » », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
  2. André Miquel écrit à ce sujet que « Majnûn, selon toute apparence, n'a jamais vécu. Et pourtant, il existe. La légende, pour lui, a forcé la main à l'histoire. » (L'amour poème, 1991, p. 11)
  3. « Couples de légende Majnoun et Leïla », sur L'Humanité, (consulté le )
  4. Jean Patterson, « Crazy About "Layla": Eric Clapton Song Inspired by Nizami, 12th century Azerbaijani Poet », Azerbaijan International, (consulté le )

Annexes

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

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