Lucy Salani

Lucy Salani, née en à Fossano (Italie), est une femme trans italienne ayant survécu aux camps de concentration nazis.

Lucy Salani grandit à Bologne comme un homme homosexuel. Antifasciste, après avoir déserté l'armée fasciste italienne, elle est déportée à Dachau en 1944, où elle reste six mois jusqu'à la libération du camp par les Américains en 1945. Elle vit ensuite comme architecte d'intérieur à Turin et fréquente les milieux trans et travestis italiens et parisiens. De retour à Bologne dans les années 1980, elle y prend sa retraite.

Son histoire est médiatisée dans les années 2010 grâce au travail de l'écrivaine et réalisatrice Gabriella Romano, qui lui a consacré deux de ses œuvres. Elle est considérée par le Movimento Identità Trans comme l'unique personne trans italienne à avoir survécu aux persécutions fascistes et nazis.

Biographie

Jeunesse sous le fascisme

Lucy Salani naît en 1924 à Fossano, ville piémontaise située au nord de l'Italie, deux ans après l'arrivée au pouvoir du fasciste Benito Mussolini. Sa famille, d'origine émilienne, est antifasciste[1]. Cette dernière emménage durant la décennie suivante à Bologne[2]. Perçue comme un « garçon différent »[3], Salani est rejetée par son père et ses frères[2]. Sous la menace des fascistes, elle doit cacher ses relations homosexuelles[1].

Seconde Guerre mondiale

Appelée dans les rangs de l'armée italienne, Lucy Salani tente d'y échapper en se déclarant publiquement homosexuelle, mais cela échoue. Elle déserte peu après l'armistice du . Sa famille menacée de mort, elle quitte la clandestinité et doit intégrer l'armée nazie, où elle rejoint la lutte antiaérienne. Elle déserte de nouveau[1], se cache à Bologne, avant d'être emprisonnée en Allemagne nazie dans un camp de travaux forcés duquel elle tente de s'échapper[4].

Reprise, elle est alors déportée au camp de concentration de Dachau pour désertion[1] et homosexualité[4], et porte le triangle rouge[4],[5]. Elle doit survivre six mois dans le camp[5], jusqu'à sa libération en par les troupes américaines. Le jour de la libération, elle survit à une fusillade des nazis[1] lors de laquelle elle est touchée au genou[6]. Les Américains la retrouvent parmi les cadavres[1]. Elle a alors 20 ans[3].

Vie dans l'Italie libre

L'Italie devenue libre, Lucy Salani gagne sa vie comme tapissière et architecte d'intérieur. Elle est active dans le nord du pays[3], entre Rome et Turin[7]. De passage régulier à Paris, elle fréquente les milieux trans et les cabarets travestis[3].

Lucy Salani part à Londres, au milieu des années 1980[8],[9], subir une chirurgie de réattribution sexuelle, mais ne peut modifier ses papiers d'identité[2].

Retraite à Bologne

Lucy Salani retourne à Bologne cours des années 1980, afin de s'occuper de ses parents. Elle y passe le reste de sa vie[3].

Des médias rapportent à la fin des années 2010 qu'elle y vit isolée[3], sans famille[2] et dans la pauvreté[8]. Elle reçoit des soins et des visites de bénévoles du Movimento Identità Trans[8]. Pourtant âgée de 94 ans, elle est en 2018 refusée d'accueil par les maisons de retraite, qui argumentent qu'elle ne peut ni utiliser les sanitaires pour hommes, en raison de sa morphologie, ni ceux pour femmes, en raison du sexe masculin inscrit sur ses papiers[2].

Reconnaissance

L'histoire de Lucy Salani est connue grâce à une biographie écrite par Gabriella Romano, intitulée Il mio nome è Lucy. L'Italia del XX secolo nei ricordi di una transessuale (« Je m'appelle Lucy. L'Italie du XXe siècle dans les souvenirs d'une trans »), publiée en 2009 chez Donzelli Editore (it)[2],[7], qui est le premier ouvrage à s'intéresser à elle[1]. Deux ans plus tard, la même autrice réalise un documentaire à son sujet, Essere Lucy (« Être Lucy »)[8].

Le Movimento Identità Trans considère Lucy Salani comme « la seule personne trans à avoir survécu, en Italie, aux persécutions nazies, fascistes, et aux camps de concentration »[8].

En 2014, le réalisateur Gianni Amelio fait intervenir Lucy Salani dans son documentaire Felice chi è diverso (it)[1]. Quatre ans plus tard, elle est invitée au Giorno della Memoria organisée par les associations LGBTI+ Arcigay et Arcilesbica[5],[8]. Elle y déclare notamment : « Il est impossible d'oublier et de pardonner. Il arrive encore que quelques nuits je rêve des choses les plus horribles que j'ai vues et j'ai l'impression d'être toujours [à Dachau]. C'est pourquoi je veux que les gens sachent ce qu'il s'est passé dans les camps de concentration pour que cela ne se reproduise plus[trad 1],[8]. »

En , le président d’Arcigay Rome, Francesco Angeli, interpelle le président de la République Sergio Mattarella afin qu’il nomme Lucy Salani sénatrice à vie[6],[8].

Notes et références

Notes

  1. (it) « È impossibile dimenticare e perdonare. Ancora alcune notti mi sogno le cose più orrende che ho visto e mi sembra di essere ancora lì dentro e per questo voglio che la gente sappia cosa succedeva nei campi di concentramento perché non accada più. »

Références

  1. (it) Davide Bonesi, « Lucy, un omosessuale a Dachau «Mi salvò l’essere disertore» », sur La Nuova Ferrara, (consulté le ).
  2. Ariel F. Dumont, « Trans, 94 ans, et indésirable », sur Le Matin, (consulté le ).
  3. « Femme trans survivante de la Shoah, Lucy est refusée par toutes les maisons de retraite », sur Têtu, (consulté le ).
  4. (it) Maria Teresa Martinengo, « Omocausto, i “triangoli rosa” e lo sterminio dimenticato », sur La Stampa, (consulté le ).
  5. (it) Mattia Vallieri, « Lucy Salani: "Voglio che si sappia cosa succedeva a Dachau perché non accada più" », sur Estense.com, (consulté le ).
  6. (it) di Emanuela De Crescenzo, « In lager Dachau perchè gay ora è trans, storia di Lucy », sur ANSA, (consulté le ).
  7. (it) Beppe Facchini, « Bologna: Lucy, la trans di Dachau senza casa di riposo: «Per lei non c’è posto» », sur Corriere di Bologna, (consulté le ).
  8. (it) « Appello a Mattarella: "Lucy Salani, trans sopravvissuta a Dachau, sia senatrice a vita" », sur Today (it), (consulté le ).
  9. (it) Federico Boni, « Donna trans sopravvissuta a Dachau, Lucy senatrice a vita: l'appello a Sergio Mattarella », sur Gay.it (en), (consulté le ).

Voir aussi

Article connexe

  • Ovida Delect, femme trans et résistante communiste française

Bibliographie

  • (it) Gabriella Romano, Il mio nome è Lucy : L'Italia del XX secolo nei ricordi di una transessuale, Donzelli Editore (it), , 95 p. (ISBN 978-8-8603-6362-6)
  • (it) Gabriella Romano, Essere Lucy, Manifesto Libri, , 160 p. (ISBN 978-8-8728-5564-5)

Filmographie

  • (it) Essere Lucy, documentaire de Gabriella Romano, 2011, 68 minutes
  • (it) Felice chi è diverso (it), documentaire de Gianni Amelio, 2014, 93 minutes

Liens externes

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