Lotte Lehmann

Lotte Lehmann, née le à Perleberg en Prusse et morte le à Santa Barbara en Californie, est une cantatrice allemande naturalisée américaine.

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Lotte Lehmann
Naissance
Perleberg
Royaume de Prusse
Empire allemand
Décès
Santa Barbara, Californie
États-Unis
Activité principale Artiste lyrique
Soprano
Collaborations Lauritz Melchior
Maîtres Erna Thiele, Hélène Jordan, Mathilde Mallinger

Célèbre soprano lyrico-dramatique, réputée pour ses interprétations de Schubert, Beethoven, Strauss et Wagner, elle s'établit en 1914 à Vienne, où elle chante à l'opéra pendant vingt‑quatre ans, créant notamment le rôle du compositeur dans Ariane à Naxos de Richard Strauss en 1916[1].

Biographie et carrière

Elle étudie le chant à Berlin avec Erna Thiele, Hélène Jordan et Mathilde Mallinger (la toute première Eva des Maîtres chanteurs de Nuremberg). Elle débute en 1910 à l'opéra de Hambourg, où elle participe à 562 représentations dans 52 rôles différents jusqu'en 1916[2]. Après avoir interprété des petits rôles, en 1913 elle triomphe dans le rôle d'Elsa de Lohengrin. À partir de 1914, elle chante à l'Opéra de Vienne (où elle débute dans le rôle d'Agathe, dans Der Freischütz), dont elle adopte la culture jusqu'à représenter l'archétype de la soprano viennoise. En 1916, Richard Strauss lui donne sa grande chance, qu'elle sait saisir, dans le rôle du compositeur lors de la création de la seconde version de Ariane à Naxos. Par la suite, elle participe également à la création d'autres opéras de Strauss : en 1919 à Vienne La Femme sans ombre, en 1924 Intermezzo à Dresde, sous la direction de Fritz Busch, et en 1933 à Vienne le rôle-titre d'Arabella.

Fréquentant moins le répertoire italien, elle incarne cependant une mémorable Desdémone dans l'Otello de Verdi (qu'elle chanta avec Giovanni Zenatello) et la meilleure Suor Angelica qui fût donnée d'entendre à Puccini lui-même. Elle chanta aussi Mimi (La Bohème), et les rôles-titres de Manon Lescaut[3] et Turandot (dont elle fut la créatrice à Vienne en 1926).

Elle se spécialise dans Mozart, Strauss, Wagner, Beethoven. Elle est la grande Maréchale de son époque et une grande Leonore. Elle chante aussi les lieder de Schubert et Schumann, accompagnée notamment au piano par Bruno Walter.

À partir de 1922, elle entreprend des tournées mondiales qui vont la conduire dans les deux Amériques. Aux États-Unis, elle chante pour la première fois en 1930, à l'Opéra de Chicago dans le rôle de Sieglinde (La Walkyrie). En 1934, elle débute au Metropolitan Opera de New York dans le même rôle, aux côtés de Lauritz Melchior. Ensemble, ils forment alors le duo Siegmund-Sieglinde, qui reste dans l'histoire du chant comme le plus exceptionnel, et dont témoigne l'enregistrement du premier acte de La Walkyrie en 1935, sous la direction de Bruno Walter. Ils collaboreront sur les planches américaines jusqu'en 1945. Elle est régulièrement invitée à Covent Garden (inaugurant les Saisons de Bruno Walter en 1924, avec qui elle chante pour la première fois la Maréchale dans Le Chevalier à la rose), au Festival de Salzbourg (1926-1937)[4], à l'Opéra de Paris, de Stockholm, Berlin, Dresde.

L'accession au pouvoir des nazis dans sa patrie la conduit à faire des choix : elle préfère quitter sa « patrie artistique » et suivre en exil ses camarades inquiétés racialement, plutôt que de se faire le porte-étendard artistique d'une pensée politique qu'elle rejette. En 1938, année de l'Anschluss, elle rompt définitivement avec l'Opéra de Vienne et part pour New York où se retrouvent les artistes qui ont fui l'Europe : Lauritz Melchior, Friedrich Schorr, Alexander Kipnis, Emanuel List, Bruno Walter, Erich Leinsdorf.

Elle quitte la scène de l'opéra en 1945 et donne encore des récitals jusqu'en 1951, avant de s'installer en Californie, à Santa Barbara, pour enseigner, notamment à la Music Academy of the West, qu'elle a contribué à fonder. Elle se voue également à l'écriture et la peinture[5].

Interprète privilégiée de Richard Strauss, elle avait « une des plus belles voix du XXe siècle, autant par la musicalité exceptionnelle de ses apparitions, où l'on ne releva jamais une faute de goût, que par le naturel suave de son chant[6]. » Selon André Tubeuf, « la spontanéité et le jusqu'auboutisme dramatique comme vocal, de ses incarnations de théâtre imposaient une présence [...] Voix visible, émotionnelle. Mais hauteur et noblesse, et même héroïsme, dans ce chant tendu jusqu'au raptus, l'immolation. [...] Une diction souveraine, une profondeur peut-être unique de l'émission, une richesse de couleurs et une chaleur très certainement sans secondes[7] ». Même si elle ne chanta jamais au Festival de Bayreuth, la générosité et la beauté de sa voix apportèrent à ses interprétations wagnériennes (Sieglinde, Elsa, Eva, Elisabeth, Freia) une humanité, une féminité et une chaleur, une sensualité particulières[8].

Discographie

Elle a participé à plus de cinq cents enregistrements (dont la majorité sont des extraits d'opéras), parmi lesquels il convient de signaler en particulier son interprétation de Sieglinde dans le célèbre 1er acte de La Walkyrie par l'Orchestre philharmonique de Vienne dirigé par Bruno Walter (les autres actes ne purent être menés à bien pour cause de menace nazie), avec Lauritz Melchior et Emanuel List, enregistrement réalisé entre le 20 et [9]. On retient également un enregistrement pirate de Lohengrin au Met de New York, en 1935, avec Lauritz Melchior, Marjorie Lawrence, Friedrich Schorr et Emmanuel List, sous la direction de Artur Bodanzky[10].

Portraits

Notes et références

  1. Dans la nouvelle version de cet opéra, la première ayant été créée en 1912 ; voir Piotr Kamiński, Mille et un opéras, Paris, Fayard, coll. « Les indispensables de la musique », 2003, p. 1472.
  2. Le Nouveau Dictionnaire des interprètes, sous la direction de Alain Pâris, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2015, p. 563.
  3. Selon André Tubeuf, « l'incarnation idéale de [ces] créatures émotionnelles », Les Introuvables du chant wagnérien, L'Avant-Scène opéra, no 67, septembre 1984, p. 128.
  4. Elle y chanta notamment sous la direction de Arturo Toscanini dans Les Maîtres chanteurs de Nuremberg, et en 1937, alors qu'elle n'était pas loin de ses 50 ans, dans Fidelio.
  5. Dictionnaire encyclopédique Wagner, sous la direction de Timothée Picard, Arles, Actes Sud / Paris, Cité de la musique, 2010, p. 1074.
  6. Le Nouveau Dictionnaire des interprètes, p. 563.
  7. Les Introuvables du chant wagnérien, L'Avant-Scène opéra, p. 130.
  8. « Jamais on ne l'a entendue chanter vierge », commentera Walter Legge, cité par André Tubeuf, Les Introuvables du chant wagnérien, L'Avant-Scène opéra, p. 130.
  9. « Un miracle, toujours aussi présent », dans lequel Lotte Lehmann a « la voix qui se fait chair, incarnant tout aussi définitivement la souffrance rentrée, l'espoir, l'éblouissement », Guide des opéras de Wagner. Livrets — Analyses — Discographies, sous la direction de Michel Pazdro, Paris, Fayard, coll. « Les Indispensables de la musique », 1998, p. 799 (EMI Classics).
  10. Comme le disait André Tubeuf, « Lotte Lehmann fut noble et vériste en même temps, Duse lyrique », et dans cet enregistrement, « l'immédiateté de cette voix, son humanité, sa féminité, tout se donne ici à entendre, peut-être plus et mieux encore que dans ses enregistrements de studio », Dictionnaire encyclopédique Wagner, p. 1074.

Bibliographie

  • (en) Lotte Lehmann, More than Singing. The Interpretation of Songs, New York, Boosey & Hawkes, 1945.
  • Les Introuvables du chant wagnérien, L'Avant-Scène opéra, no 67, .
  • Guide des opéras de Wagner. Livrets — Analyses — Discographies, sous la direction de Michel Pazdro, Paris, Fayard, coll. « Les Indispensables de la musique », 1998.
  • Dictionnaire encyclopédique Wagner, sous la direction de Timothée Picard, Arles, Actes Sud / Paris, Cité de la musique, 2010.
  • L’Univers de l’opéra. Œuvres, scènes, compositeurs, interprètes, sous la direction de Bertrand Dermoncourt, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2012.
  • Le Nouveau Dictionnaire des interprètes, sous la direction de Alain Pâris, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2015.
  • (en) Beaumont Glass, Lotte Lehmann: A Life in Opera and Song, Santa Barbara, CA: Capra Press, 1988.
  • (en) Alan Jefferson, Lotte Lehmann, 1888–1976 : A Centenary Biography, London : J. MacRae Books, 1988 ; German version : Lotte Lehmann: Eine Biographie, 1991.
  • (en) Michael H. Kater, Never Sang for Hitler : The Life and Times of Lotte Lehmann, NY: Cambridge University Press, 2008.
  • (en) Kathy H. Brown, Lotte Lehmann in America: Her Legacy as Artist Teacher, Missoula, Montana: The College Music Society, 2012.
  • (en) Gary Hickling, Lotte Lehmann & Her Legacy: Volume I - VII, Apple iBooks, 2015-2019.

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