Les Mains sales
Les Mains sales est une pièce de théâtre de Jean-Paul Sartre, en sept tableaux, écrite en 1948 et créée le 2 avril de la même année au théâtre Antoine à Paris, avec notamment André Luguet et François Périer.
Les Mains sales | |
Auteur | Jean-Paul Sartre |
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Pays | ![]() |
Genre | Pièce de théâtre |
Date de création | |
Metteur en scène | Pierre Valde, Jean Cocteau |
Lieu de création | Théâtre Antoine |
Éditeur | Les Temps Modernes |
Lieu de parution | Paris |
Date de parution | mars-avril 1948 |
Résumé
Le premier et le septième tableau se déroulent en 1945 tandis que les cinq autres ont lieu deux ans plus tôt, en . Chaque tableau est divisé en scènes.
Premier tableau
Hugo est un jeune intellectuel bourgeois qui a intégré en 1942 le parti révolutionnaire d'Illyrie (ici présenté comme un État de l'Est germano-slave). Il sort de prison et va chez Olga. Celle-ci a obtenu de la part de Louis (un autre chef du parti) la permission de sonder l'état psychologique de Hugo et d'évaluer s'il est « récupérable », c'est-à-dire s'il est disposé à se voir octroyer de nouvelles missions. Elle a jusqu'à minuit, après quoi Louis tuera Hugo si celui-ci n'est pas sauvé par Olga. Hugo accepte de raconter à Olga le déroulement de la mission que lui avait confié le parti deux ans plus tôt et le public est alors plongé en 1943.
Tableaux 2 à 6
À cette époque, Hugo souhaite prendre de l'importance dans la structure du parti ; pour cela il cherche et trouve une mission de haute importance : assassiner l'un des chefs charismatiques du parti prolétarien communiste, Hoederer. Devenant son secrétaire particulier, il va peu à peu se lier d'amitié avec lui et prendre conscience de l'humanité de sa proie même s'il ne partagera jamais son point de vue en matière de politique. Il tentera d'ailleurs de convaincre Hoederer que sa théorie est la bonne, sans succès. Son attachement à ce dernier va l'empêcher d'accomplir sa mission jusqu'à ce qu'il surprenne Hoederer enlacé avec sa propre femme, Jessica. Hugo va alors franchir le pas et tuer Hoederer....
Septième tableau
Dans le septième et ultime tableau, le public est à nouveau transporté en 1945, juste après la fin du premier tableau. Olga lui avoue qu'Hoederer a été propulsé au rang d'icône et de personnage historique en qualité de visionnaire.
Olga lui propose d'oublier son crime, son identité et de repartir à zéro, désormais considéré comme un vrai membre du parti qui a fait ses preuves par les armes et le sang ; en bref, il est récupérable s'il affirme qu'il a commis un crime passionnel et non un meurtre politique. Non, Hugo n'accepte pas de ternir la mémoire d'Hoederer : ce n'est qu'en revendiquant son meurtre qu'il sera responsable et libre et qu'il aura enfin tué Hoederer, dignement. Refusant la voie de la lâcheté et du silence (s'écriant finalement : « Non récupérable ! »).
Distribution de la création
- François Périer : Hugo
- Paula Dehelly : Olga
- André Luguet : Hoederer
- Roland Bailly : Slick
- Jacques Castelot : le Prince
- Michel Jourdan : Ivan de la Penia
- Maïk : Frantz
- Marie-Olivier : Jessica
- Christian Marquand : Charles
- Jean Morel : Louis
- Maurice Régamey : Georges
- Jean Violette : Karsky
- Mise en scène : Pierre Valde, avec la collaboration de Jean Cocteau
- Décors : Olga Choumansky, réalisés par Émile et Jean Bertin
Distribution de 1976
Cette version, autorisée par Sartre lui-même alors qu'il s'était toujours refusé à le faire depuis la création de la pièce de 1948[1], a été jouée au Théâtre des Mathurins[2],[3].
- Yves-Marie Maurin : Hugo
- Monique Lejeune : Olga
- Paul Guers : Hoederer
- Amélie Prévost : Jessica
- Robert Bazil :
- Robert Fontanet :
- Hervé Jolly :
- Jean-Pierre Dravel :
- Joël Bienfait :
- François Sourbieu :
- Mise en scène et éléments scéniques : Patrick Dréhan
Analyse
Une œuvre à portée politique et philosophique
Sartre met en contraste sa version du marxisme idéal à lui, un marxisme qui d’après son avis n'a pas d’avenir sans que n'y soit incorporé l’existentialisme. Sans existentialisme le marxisme ne pourra pas fonctionner et Hugo en est le représentant dans le drame. Hoederer représente le pragmatisme matérialiste qui a infiltré le marxisme pur et qui est en train de le déformer. Cependant, Hoederer mène une politique qui est applicable en collectivité, tandis que la phénoménologie d'un Hugo mène à un solipsisme qui isolera l'individu de la possibilité d'agir en responsabilité envers le monde autour de lui. Sartre rejette les deux caractères, ce qu'il souhaite est une solution intermédiaire : une philosophie politique qui unira l'humanisme et le sens de la responsabilité d'un Hoederer avec l'attitude non-compromettante, la capacité de dire « non » d'un Hugo. La fin tragique, qui est caractérisée par une sorte d'unisson métaphysique entre Hugo et Hoederer (Hugo offre sa vie en honneur de la personne de Hoederer et en même temps proteste contre la politique de ce dernier) où ces deux personnages se fondent ensemble, marque le désir de Sartre d'arriver à cette synthèse entre le matérialisme et l'idéalisme sur le plan philosophique qui pourrait être mise en action sur le plan politique.
Auteur classique de la littérature engagée, Sartre s'interroge sur l'usage de la violence politique dans l'action révolutionnaire et pose la question suivante : un révolutionnaire doit-il, au nom de l'efficacité, risquer de compromettre un idéal ?
La pièce illustre la désillusion face aux espoirs du communisme ternis par la Guerre froide et le Stalinisme. Cette œuvre n'a pas été bien acceptée par les partis communistes lors de sa parution. En effet, elle montre les clivages de ces derniers.
Cette œuvre peut également être mise en relation avec Les Justes d'Albert Camus qui se pose sensiblement la même question, à la même époque, dans un contexte historique qui s'y prête bien.
Cinéma
- Les Mains sales, film de Fernand Rivers et Simone Berriau, sorti en 1951
Notes et références
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