Lemme de Whitehead
Le lemme de Whitehead, nommé d'après J. H. C. Whitehead[1],[2], est un lemme d'algèbre abstraite qui permet de décrire le sous-groupe dérivé du groupe général linéaire infini d'un anneau unitaire[3],[4]. Il est utilisé en K-théorie algébrique[5],[6].
Notations
Soit R un anneau unitaire.
Le groupe des matrices inversibles de taille n à coefficients dans R est noté GL(n, R) et la réunion croissante de ces groupes est notée GL(R).
Le sous-groupe de GL(n, R) engendré par les matrices élémentaires de transvections est noté E(n, R). Le sous-groupe de GL(R) constitué de la réunion des E(n, R) est noté E(R).
Dans un groupe G, le sous-groupe dérivé (engendré par les commutateurs [x, y] = xyx−1y−1) sera noté ici [G, G].
Énoncés
Divers énoncés portent en fait le nom de « lemme de Whitehead » :
- Pour toutes matrices A et B dans GL(n, R),
[7] autrement dit : pour toute matrice B dans GL(n, R), - Le groupe dérivé du groupe linéaire infini est le sous-groupe engendré par les matrices élémentaires de transvections[1],[4],[5] :
[GL(R), GL(R)] = E(R). - De plus, ce sous-groupe est parfait : [E(R), E(R)] = E(R).
Remarques
L'analogue des énoncés 2 et 3 pour GL(n, R) et E(n, R) est faux, par exemple pour R égal au corps fini ℤ/2ℤ et pour n = 2 : GL(2, ℤ/2ℤ) est non abélien et d'ordre 6, donc isomorphe au groupe symétrique S3, dont le groupe dérivé est le sous-groupe alterné A3, alors que E(2, ℤ/2ℤ) est égal à GL(2, ℤ/2ℤ) tout entier.
Cependant :
- d'après la deuxième relation de Steinberg eik(λμ) = [eij(λ), ejk(μ)] pour i, j, k distincts, E(n, R) est parfait dès que n ≥ 3[3].
- si R est un anneau euclidien ou un anneau commutatif semi-local, E(n, R) est égal au groupe spécial linéaire SL(n, R) tout entier[7].
- si R est un anneau de polynômes à un nombre fini d'indéterminées sur un corps, E(n, R) = SL(n, R) pour n ≥ 3, d'après un théorème de Suslin[9].
Le premier de ces trois points assure que E(R) = [E(R), E(R)] ⊂ [GL(R), GL(R)]. Pour l'inclusion réciproque de [GL(R), GL(R)] dans E(R), il suffit d'utiliser l'énoncé 1 ci-dessus du « lemme de Whitehead » et l'égalité
L'énoncé 2 du lemme de Whitehead revient à dire que le sous-groupe E(R) est normal dans GL(R) et que le groupe quotient GL(R)/E(R) est l'abélianisé K1(R) de GL(R). Si l'anneau R est commutatif, on a un morphisme déterminant, de K1(R) dans le groupe R× des inversibles de R. Pour que ce soit un isomorphisme, il suffit que E(n, R) = SL(n, R) pour tout n assez grand[10], comme dans les « bons cas » ci-dessus, mais il ne suffit pas que R soit principal[11].
Notes et références
- (en) John Milnor, « Whitehead torsion », Bull. Amer. Math. Soc., vol. 72, no 3, , p. 358-426 (lire en ligne).
- (en) Tsit Yuen Lam, Serre's problem on projective modules, Springer, , 404 p. (ISBN 978-3-540-34575-6, lire en ligne), p. 68.
- Lam 2006, p. 52.
- (en) Jonathan Rosenberg (de), Algebraic K-Theory and Its Applications, Springer, coll. « GTM » (no 147), , 394 p. (ISBN 978-0-387-94248-3, lire en ligne), p. 61.
- (en) John Milnor, Introduction to algebraic K-theory, PUP, coll. « Annals of Mathematics Studies » (no 72), (lire en ligne), p. 25.
- Rosenberg 1994, p. 62-63.
- Lam 2006, p. 44.
- Lam 2006, p. 43.
- Lam 2006, p. 69.
- Lam 2006, p. 53.
- Rosenberg 1994, p. 75.
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