Le Matin des magiciens
Le Matin des magiciens, introduction au réalisme fantastique est un livre de Louis Pauwels et Jacques Bergier publié en octobre 1960 et se présentant comme une « introduction au réalisme fantastique ».
Le Matin des magiciens | |
Auteur | Louis Pauwels Jacques Bergier |
---|---|
Pays | France |
Genre | Essai |
Éditeur | Gallimard |
Date de parution | [1] |
Présentation
Cet ouvrage de plus de 500 pages dans son édition originale se présente comme un récit, « parfois légende et parfois exact », consacré à « des domaines de la connaissance à peine explorés »[2] « aux frontières de la science et de la tradition ». Son contenu aborde des thèmes aussi divers que l'alchimie, les sociétés secrètes, les civilisations disparues, les récurrences insolites, les religions et les sciences occultes ou l'ésotérisme. Il repose sur des témoignages anciens (comme les manuscrits de la mer Morte), des recherches et des livres d'auteurs reconnus ou méconnus[3], des articles de revues spécialisées et des ouvrages de science-fiction[4] ou de littérature fantastique[5]. Ce livre, véritable phénomène éditorial, vendu à un million d’exemplaires, a remis au goût du jour le réalisme fantastique, inspiré la revue Planète, et la collection L’Aventure mystérieuse, où Jacques Bergier publiera plusieurs ouvrages.
Le projet
Ce projet vient de la rencontre entre le journaliste et écrivain Louis Pauwels[6], et l'ingénieur chimiste Jacques Bergier, passionné par toutes sortes de mystères[7]. La mise en forme du livre nécessite cinq années, sur la base d'une volumineuse documentation[8]. L'objectif des auteurs est alors d'éveiller la curiosité du public : « Il y aura sans doute beaucoup de bêtises dans notre livre, répétons-le, mais il importe assez peu, si ce livre suscite quelques vocations et, dans une certaine mesure, prépare des voies plus larges à la recherche »[9].
Principaux thèmes et organisation du livre
Le thème central de ce livre repose sur l'idée qu'une quantité de connaissances scientifiques et techniques, dont certaines proviennent de civilisations extraterrestres, ont été tenues secrètes pendant les grandes périodes de l'histoire, et que l'homme est appelé à devenir un surhomme. Pour les auteurs, le fantastique n'est pas « l’apparition de l’impossible » mais « une manifestation des lois naturelles » quand elles ne sont pas « filtrées par le voile du sommeil intellectuel, par les habitudes, les préjugés, les conformismes »[10].
Le Matin des magiciens se compose de trois parties :
- « Le futur antérieur », qui critique le « scientisme » du XIXe siècle et évoque l'idée d'une « société internationale et secrète, groupant des hommes intellectuellement très avancés », société qui se formerait d'elle-même, et aborde le thème des civilisations disparues et de l'alchimie.
- « Quelques années dans l’ailleurs absolu », qui s'attache à démontrer les origines occultes du nazisme et la contribution de l'ésotérisme à des théories scientifiques, dans le but de donner un exemple d'application des méthodes du réalisme fantastique. Il évoque longuement les théories de la Terre creuse.
- « L’homme, cet infini », consacrée aux capacités mentales de l'homme, à la parapsychologie, à la télépathie, à « l’esprit magique » et aux « mutants ».
- Le livre contient une version raccourcie d'Un cantique pour Leibowitz de Walter M. Miller, un récit post-apocalyptique nucléaire.
Réception et critiques
Le succès du livre déclencha une vague éditoriale qui contribua à populariser les thèmes de l’ouvrage[11]. Soutenus par certains, dont le sociologue Edgar Morin qui publie des articles favorables dans Le Monde, vitupérés par l’Union rationaliste qui les attaque dans l'ouvrage collectif Le Crépuscule des magiciens[12], les auteurs du Matin des magiciens poursuivent leur mouvement, qu'ils qualifient de « réalisme fantastique », avec, comme principal organe, la revue Planète.
Selon Stéphane François, l'ouvrage a joué un rôle non négligeable dans la propagation du « mythe des rapports privilégiés entre le national-socialisme et le monde des occultistes »[11] en « tir[ant] du néant mythes et traditions, voire [en] les cré[ant] de toutes pièces »[11].
Influences
Le Matin des magiciens, phénomène sociologique non négligeable, a revivifié la mode de l'imaginaire, l'irrationnel et l'étrange, déjà en partie revalorisés par les premiers surréalistes à partir des années 1920, mais dans une optique sensiblement différente.
Ce mouvement a été largement exploité par le journaliste suisse Erich von Däniken qui, en 1968, développe la théorie des anciens astronautes. Cette même année, Jacques Bergier apparaît sous le crayon d'Hergé dans Vol 714 pour Sydney, album où Tintin se trouve confronté à des traces d'une civilisation très ancienne apparemment d'origine extra-terrestre.
Le groupe Martin Circus s'en inspire, en 1969, dans sa chanson Le Matin des magiciens[13].
Notes et références
- Catalogue du fonds Gallimard, collection Blanche, en ligne.
- Présentation de la première édition du livre.
- Comme l'anthropologue américain Loren Eiseley, le biologiste J. B. S. Haldane ou le paléontologue jésuite Teilhard de Chardin.
- Notamment John Buchan, Howard P. Lovecraft et Arthur C. Clarke, dont la nouvelle Les neuf milliards de noms de Dieu sert d'illustration aux auteurs.
- Comme Jorge Luis Borges et même Maupassant
- qui vient alors de publier un ouvrage consacré à Gurdjieff
- et préfacier de la traduction française de l'ouvrage de Charles Hoy Fort, un écrivain américain qui enquêtait sur les phénomènes inexpliqués
- inventoriée en 2007 à la Bibliothèque nationale de France dans le Fonds Pauwels
- Louis Pauwels et Jacques Bergier, Le Matin des magiciens, p.199
- Louis Pauwels et Jacques Bergier, Le Matin des magiciens, p.13
- Stéphane François, Au-delà du Matin des magiciens: l’extrême droite et l’ésotérisme, tempspresents.com, 19 octobre 2010.
- Notamment Yves Galifret avec d'autres auteurs, dans Le Crépuscule des Magiciens. Le réalisme fantastique contre la culture, éd. de l'Union rationaliste, 1965.
- Extrait d'une émission télévisée dans laquelle Martin Circus interprète la chanson (site de l'INA).
Annexes
Bibliographie
- Claire Besson, Dorothée Chaoui-Derieux et Bruno Desachy, « Bonne fouille ne saurait mentir ? », Terrain, no 57 « Mentir », , p. 48-65 (DOI 10.4000/terrain.14315, lire en ligne).
- Stéphane François, Le nazisme revisité : l'occultisme contre l'histoire, Paris, Berg international, , 123 p. (ISBN 978-2-917191-08-8, présentation en ligne), [présentation en ligne].
- Stéphane François et Emmanuel Kreis (préf. Jean-Bruno Renard, postface Jean-Pierre Laurant), Le complot cosmique : théorie du complot, ovnis, théosophie et extrémisme politique, Milan / Paris, Archè, coll. « Histoire et métahistoire » (no 4), , 109 p. (ISBN 978-88-7252-299-8, présentation en ligne).
- Nicholas Goodrick-Clarke (trad. de l'anglais par Patrick Jauffrineau et Bernard Dubant, préf. Rohan Butler), Les racines occultistes du nazisme : les aryosophistes en Autriche et en Allemagne, 1830-1935 [« The Occult Roots of Nazism : The Ariosophists of Austria and Germany, 1890-1935 »], Puiseaux, Pardès, coll. « Rix », , XI-343 p. (ISBN 2-86714-069-2, présentation en ligne)Réédition : Nicholas Goodrick-Clarke (trad. Armand Seguin), Les racines occultes du nazisme : les sectes secrètes aryennes et leur influence sur l'idéologie nazie [« The Occult Roots of Nazism : Secret Aryan Cults and their Influence on Nazi Ideology »], Rosières-en-Haye, Camion blanc, coll. « Camion noir » (no CN41), , 507 p. (ISBN 978-2-35779-054-4).
- Pierre Lagrange, « Renaissance d'un ésotérisme occidental (1945-1960) », dans Claudie Voisenat et Pierre Lagrange (dir.) (préf. Daniel Fabre), L'ésotérisme contemporain et ses lecteurs : entre savoirs, croyances et fictions, Paris, Bibliothèque publique d'information, Centre Pompidou, coll. « Études et recherche / Bibliothèque publique d'information », , 407 p. (ISBN 2-84246-092-8, lire en ligne), p. 45-96.
- Roger Lapointe, « Des mutants parmi nous », Revue européenne des sciences sociales, Genève, Librairie Droz, t. 28, no 87 « Les intellectuels : déclin ou essor : VIe colloque annuel du groupe d'étude « Pratiques sociales et théories » », , p. 75-88 (JSTOR 40369892).
- Michel Meurger, Lovecraft et la S.-F., vol. 1, Amiens, Encrage, coll. « Travaux », , 190 p. (ISBN 2-906389-31-5, présentation en ligne sur le site NooSFere), « "Anticipation rétrograde" : primitivisme et occultisme dans la réception lovecraftienne en France de 1953 à 1957 », p. 13-40.
Articles connexes
- Réalisme fantastique
- Planète (revue)
- Portail de la littérature française
- Portail de la fantasy et du fantastique
- Portail du paranormal
- Portail des années 1960