La Chevelure (Baudelaire)

La Chevelure est un poème de Charles Baudelaire publié dans la section « Spleen et idéal » des Fleurs du mal ajouté lors de la seconde édition en 1861.

Ne doit pas être confondu avec La Chevelure ou La Chevelure (Maupassant).

Placé en 23e position, il fait partie des poèmes inspirés par Jeanne Duval, l'une de ses trois principales muses, voire la plus célèbre, pour écrire ses poèmes[1].

Le poème

XXIII

LA CHEVELURE [2]


Ô toison, moutonnant jusque sur l’encolure !

Ô boucles ! Ô parfum chargé de nonchaloir !

Extase ! Pour peupler ce soir l’alcôve obscure

Des souvenirs dormant dans cette chevelure,

Je la veux agiter dans l’air comme un mouchoir !


La langoureuse Asie et la brûlante Afrique,

Tout un monde lointain, absent, presque défunt,

Vit dans tes profondeurs, forêt aromatique !

Comme d’autres esprits voguent sur la musique,

Le mien, ô mon amour ! nage sur ton parfum.


J’irai là-bas où l’arbre et l’homme, pleins de sève,

Se pâment longuement sous l’ardeur des climats ;

Fortes tresses, soyez la houle qui m’enlève !

Tu contiens, mer d’ébène, un éblouissant rêve

De voiles, de rameurs, de flammes et de mâts :


Un port retentissant où mon âme peut boire

À grands flots le parfum, le son et la couleur ;

Où les vaisseaux, glissant dans l’or et dans la moire,

Ouvrent leurs vastes bras pour embrasser la gloire

D’un ciel pur où frémit l’éternelle chaleur.


Je plongerai ma tête amoureuse d’ivresse

Dans ce noir océan où l’autre est enfermé ;

Et mon esprit subtil que le roulis caresse

Saura vous retrouver, ô féconde paresse,

Infinis bercements du loisir embaumé !


Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues,

Vous me rendez l’azur du ciel immense et rond ;

Sur les bords duvetés de vos mèches tordues

Je m’enivre ardemment des senteurs confondues

De l’huile de coco, du musc et du goudron.


Longtemps ! toujours ! ma main dans ta crinière lourde

Sèmera le rubis, la perle et le saphir,

Afin qu’à mon désir tu ne sois jamais sourde !

N’es-tu pas l’oasis où je rêve, et la gourde

Où je hume à longs traits le vin du souvenir ?

Forme du poème

Ce poème est composé de sept quintils en alexandrin, et il respecte les règles de versification classique, quelques discordances sont pour autant présentes mais sont tolérés selon certaines règles (il y a un enjambement du vers 14 au vers 15 qui est accepté parce que le vers 15 est le complément du nom "rêve"[1].

Thèmes du poème et analyse

  • Le thème de « l'infini dans le fini » se retrouve encore une fois dans ce poème, comme dans énormément d'autres dans ce recueil. Ainsi, Baudelaire en plongeant dans la chevelure de sa muse retrouve une sorte de paradis perdu et l'idée d'éternel [3] "Longtemps ! toujours!" (vers 31)
  • Les correspondances, très courantes chez Baudelaire, sont très présentes dans ce poème. Les correspondances horizontales dominent (les synesthésies). Nous pouvons voir que tous les sens sont confondus "boire // À grands flots le parfum, le son et la couleur" (vers 16/17). Cependant les correspondances verticales sont tout de même présentes (des rapports qui n'existent pas dans la nature visible, mais dans le monde spirituel); ces correspondances se voient grâce au champ lexical de la religion "âme) (vers 16), "un ciel pur" (vers 20), "éternelle" (vers 20)[1].

Notes et références

  1. Kalervo Räisänen, « Le principe de dé-différenciation dans "La Chevelure" de Charles Baudelaire », Trepo, (lire en ligne, consulté le ).
  2. « Les Fleurs du mal/1861/La Chevelure - Wikisource », sur fr.wikisource.org (consulté le ).
  3. Daichi Hirota, Espace et poésie chez Baudelaire : typographie, thématique et énonciation (Thèse de doctorat en Littérature française), Paris 3, (lire en ligne).


Voir aussi

Articles connexes

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