La Cerisaie

La Cerisaie est une pièce de théâtre d'Anton Tchekhov créée en 1904.

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La Cerisaie

Scène de l'acte III de la représentation originale du Théâtre d'art de Moscou en 1904.

Auteur Anton Tchekhov
Genre Comédie
Nb. d'actes 4
Dates d'écriture 1901-1903
Version originale
Titre original Вишнёвый сад
Langue originale russe
Pays d'origine Empire russe
Lieu de parution originale Moscou
Date de création 17 janvier 1904
Lieu de création Théâtre d'art de Moscou
Metteur en scène Constantin Stanislavski
Version française
Traducteur Georges Neveu
Date de parution 1954
Date de création en français 1954
Lieu de création en français Théâtre Marigny, Paris
Metteur en scène Jean-Louis Barrault
Personnages principaux
Lioubov Andréïevna Ranevskaïa, Piotr Serguéïevitch Trofimov, Boris Borisovich Siméonov-Pichtchik, Anya, Varya, Léonid Andréïevitch Gaïev, Ermolaï Alexéïevitch Lopakhine, Charlotta Ivanovna, Semione Pantéléïevitch Epikhodov, Douniacha, Firs, Yasha

Commencée en 1901, la pièce – une comédie en quatre actes – est achevée en . La première a lieu au Théâtre d'art de Moscou le , puis la pièce est représentée en avril à Saint-Pétersbourg, où elle connaît un succès plus vif encore. Tchekhov a écrit en partie sa pièce à la Datcha Blanche et dans le domaine de Constantin Stanislavski à l'été 1902, Lioubimovka, dont il s'inspire aussi pour sa pièce.

La pièce

Argument

La pièce s'ouvre aux premières heures d'une journée fraîche du mois de mai dans la chambre d'enfants du domaine ancestral de Lioubov Andréïevna Ranevskaïa, quelque part dans les provinces de Russie juste après le début du XXe siècle. Lioubov vit en France depuis cinq ans avec un amant anonyme, depuis que son jeune fils s'est noyé. Après avoir appris qu'elle avait tenté de se suicider, la fille de Lioubov, Anya, âgée de 17 ans, et la gouvernante de celle-ci, Charlotta Ivanovna, sont allées la chercher et l'ont ramenée en Russie. Elles sont accompagnées par Yasha, le valet de Lioubov qui était avec elle en France. Au retour, le groupe est accueilli par Lopakhine, Douniacha, Varya (qui a supervisé le domaine en l'absence de Lioubov), Leonid Andreyevich Gaïev, Boris Borisovich Simeonov-Pichtchik, Semyon Epikhodov et Firs.

Lopakhine est venu pour rappeler à Lioubov et Gaïev que leur domaine, y compris le verger de cerisiers, devrait être mis aux enchères en août pour rembourser les dettes de la famille. Il propose de sauver le domaine en en permettant le développement en chalets d'été ; cependant, cela nécessiterait la destruction de leur célèbre verger de cerisiers, connu au niveau national pour sa taille.

Lioubov profite de la vue sur le verger pendant la journée quand elle est surprise par Piotr Trofimov, un jeune étudiant et ancien précepteur du fils de Lioubov, Grisha, dont la mort a poussé Lioubov à quitter la Russie il y a cinq ans. À la consternation de Varya, Trofimov avait insisté pour voir Lioubov à son retour, et elle était affligée par le rappel de cette tragédie.

Après le départ de Lioubov pour la soirée, Anya avoue à Varya que leur mère est lourdement endettée. Ils vont tous au lit avec l'espoir renouvelé que le domaine sera sauvé et la cerisaie préservée. Trofimov suit du regard le départ d'Anya et marmonne "Mon soleil, mon printemps", en adoration.

L'acte II se déroule au milieu de l'été, en plein air sur le domaine familial et à proximité de la cerisaie. L'acte commence avec Epikhodov et Yasha essayant de gagner l'affection de Douniacha, en chantant et en jouant de la guitare, tandis que Charlotta soliloque sur sa vie pendant qu'elle nettoie un fusil. Dans l'acte I, il avait été révélé que Epikhodov a demandé Douniacha en mariage autour de Pâques ; cependant elle s'est amourachée de Yasha. Lioubov, Gaïev et Lopakhine prennent leur place, discutant une fois de plus du destin incertain de la cerisaie. Peu de temps après Anya, Varya et Trofimov arrivent aussi. Au cours de leur conversation un vagabond ivre et échevelé passe et demande de l'argent ; Ranevskaya lui donne tout son argent sans réfléchir, malgré les protestations de Varya. Perturbée, la famille part dîner, Lopakhine insistant toujours lourdement sur le fait que la Cerisaie devra être vendue pour rembourser les dettes. Anya reste en retrait pour parler avec Trofimov de leur union, contestée par Varia, mais Trofimov la rassure en lui disant qu'ils sont "au-dessus de l'amour". Pour impressionner Trofimov et gagner son affection, Anya lui jure de laisser le passé derrière elle et de commencer une nouvelle vie.

Le mois d'août touche à sa fin, et Lioubov organise une fête. Les musiciens jouent tandis que toute la famille s'amuse. C'est également le jour de la vente aux enchères de la Cerisaie ; Gaïev a reçu une modique somme d'argent de la part de sa grande-tante de Iaroslavl, et les membres de la famille, malgré la fête, sont anxieux de leur sort. Varya s'inquiète sur le prix que leur coûteront les musiciens et réprimande Pitchtik de trop boire, Douniacha de danser et Epikhodov de jouer au billard. Charlotta amuse le groupe en faisant de nombreux tours de magie. Lioubov réprimande Trofimov pour ses taquineries constantes envers Varya, qu'il nomme "Madame Lopakhine". Elle dit ensuite à Varya qu'elle doit épouser Lopakhine au plus vite, mais Varya refuse et dit que c'est le devoir de Lopakhine de lui demander sa main, et non le sien. Elle dit également que si elle avait de l'argent, elle irait le plus loin possible de lui. Seul avec Lioubov, Trofimov insiste pour qu'elle voie enfin la réalité en face et que la Cerisaie sera vendue pour dettes. Lioubov sort alors un télégramme de Paris, qui dit que son ancien amant est malade et qu'elle doit retourner à ses côtés pour l'aider. Elle dit qu'elle compte retourner le voir à Paris, malgré le comportement horrible qu'il a eu envers elle par le passé. Trofimov est choqué de cette nouvelle et tous deux parlent de l'amour et de leurs expériences. Trofimov part vite, mais tombe dans les escaliers et doit être porté par les autres. Lioubov rit et lui pardonne son extravagance, et les deux personnages se réconcilient. Anya entre et annonce que, selon une rumeur, la Cerisaie a été vendue. Lopakhine arrive avec Gaïev, tous deux épuisés du voyage et des événements de la journée. Gaïev est distant et va se coucher sans dire un mot sur la vente. Quand Lioubov demande qui a acheté le domaine, Lopakhine révèle qu'il est l'acheteur et qu'il compte détruire le verger de cerisiers à la hache. Lioubov, en état de détresse, se rue vers Anya, qui essaie de la calmer et de la rassurer en lui disant que l'avenir sera plus clair maintenant que la Cerisaie est vendue.

Plusieurs semaines plus tard, de retour dans la chambre d'enfants de l'acte I, les biens de la famille sont emballés alors que la famille se prépare à quitter le domaine pour toujours. Trofimov entre, à la recherche de ses caoutchoucs. Lui et Lopakhine échangent quelques mots sur leur vision du monde. Anya entre et réprimande Lopakhine d'avoir ordonné à ses ouvriers de couper le verger alors même que la famille est encore là. Lopakhine s'excuse et part leur demander d'arrêter pour le moment, dans l'espoir que cela pourrait le réconcilier avec la famille. Charlotta entre, perdue, demandant que la famille la garde en tant que domestique. Lioubov fait un dernier adieu en larmes à la maison, et la cerisaie est fermée à clef pour toujours. Dans l'obscurité, Firs entre à tâtons dans la chambre : il réalise que la famille l'a oublié et l'a enfermé dans la maison abandonnée. Il s'allonge alors sur le canapé et se résigne à son destin tragique (que l'on suppose être la mort). La pièce se ferme sur le son des haches qui coupent les troncs des cerisiers.

Personnages

L'orthographe des noms et prénoms des personnages peuvent changer selon les traductions.

Lioubov Andréïevna Ranevskaïa est la propriétaire foncière de la cerisaie. Elle est le pivot de la pièce et tous les personnages gravitent autour d'elle. C'est une figure dominante et populaire qui représente la fierté de l'aristocratie confrontée à son époque. Ses sentiments d'amour pour sa maison et de peine face à la mort de son fils lui donnent une profondeur émotionnelle qui l'empêche de tomber dans une vision grotesque de l'aristocratie. Elle peut avoir un caractère humoristique quant à son incapacité à gérer les affaires et les problèmes financiers. Elle est beaucoup plus importante et complexe que l’idée reçue de son rôle dans la faillite de la cerisaie. Elle est présentée avec une grande tendresse. Elle apparaît comme très attachante et aimable, bonne et généreuse, spontanée et sincère. Elle se montre également assez puérile, peu consciente du drame qui se joue auprès d'elle. Elle n’hésite pas à s’engager ou à aller jusqu’au bout de son amour. Tchekhov nous dit de Lioubov que seule la mort pourrait calmer une telle femme. Elle se sait versatile et dépensière et quand elle évoque la mort de son enfant ou l'abandon de son amant, elle prend à témoin la fatalité qui lui inflige "une première punition". En dépit de ses "fautes" qu'elle avoue avec une certaine lucidité, elle échappe à toute culpabilité.

Piotr "Petia" Serguéïevitch Trofimov est un étudiant d'une trentaine d'années, amoureux d'Anya. Il est décrit comme un "éternel" étudiant. Révolutionnaire et passionné, il représente la vague de réformistes russes, peinant à se trouver une place dans l'autocratie tsariste. Il est pour que l'on vende la cerisaie.

Boris Borisovich Siméonov-Pichtchik est un propriétaire foncier, ami de la famille, dont le domaine traverse également une période difficile. Il ne cesse de parler d'affaires qui pourraient le sauver et harcèle Lioubov afin qu'elle lui prête de l'argent. Il représente l'ironie de l'aristocratie russe : malgré ses risques financiers, il passe son temps à se détendre et à socialiser avec la famille de la cerisaie.

Anya est la fille de Lioubov. Elle a 17 ans. C'est elle qui organise le voyage à Paris pour aller chercher sa mère. C'est une jeune femme vertueuse et forte. Elle est amoureuse de Trofimov et écoute ses conversations révolutionnaires, même si elle garde ses opinions sur le sujet.

Varya est la fille adoptive de Lioubov. Elle a 24 ans. C'est elle qui s'occupe du domaine et qui garde tout en ordre, aussi bien la maison que les membres de la famille. Les raisons pour lesquelles Lioubov l'a adoptée sont floues ; nous savons juste qu'elle vient d'une "famille simple", probablement des serfs. Varya rêve de rejoindre le corps religieux, malgré son manque d'argent. Elle adore sa mère et sa sœur, et s'énerve tout le temps quand la discussion vient à parler d'argent. Sa relation avec Lopakhine est ambiguë : toute la famille semble penser qu'ils sont sur le point de se marier mais aucun des deux personnages ne semble vouloir faire le premier pas.

Léonid Andréïevitch Gaïev est le frère de Lioubov. Loquace et excentrique, il est l'un des personnages les plus comiques de la pièce. Son obsession pour le billard est représentative de la vie de loisir décadente de l'aristocratie, rendant ses membres impuissants face au changement. Gaïev fait beaucoup d'efforts pour sauver le domaine et la famille, mais en tant qu'aristocrate, il est inexpérimenté face à la vraie vie, ce qui l'empêche de réaliser son but. Il partage la même passion et le même amour pour la cerisaie que Lioubov, amour lié à leurs souvenirs d’enfance et à leur conscience d’appartenir à une vieille famille de la noblesse. Gaïev reste loin d’avoir le charme de sa sœur car ses défauts ne sont rachetés par aucune qualité remarquable dans cette pièce. Personne ne le prend au sérieux, et même les domestiques se moquent de lui. Cet homme de 51 ans se comporte comme un enfant ; il se fait habiller, materner et gronder. Il passe son temps à parler très longuement et à dire des termes techniques de billard, c'est sa façon à lui de s'excuser.

Ermolaï Alexéïevitch Lopakhine est un marchand. Il est de loin le personnage le plus riche de la pièce, mais également celui qui vient de la classe sociale la plus basse. Ce contraste définit son personnage : il aime la vie qu'il a, mais est conscient de ses origines et de son obsession pour les affaires. Contre les intentions de Tchekhov, sa présence sur scène est souvent désagréable à cause de ses tendances avares et de sa trahison finale, cependant il tente à plusieurs reprises de sauver la famille, en vain. Il représente la nouvelle classe moyenne russe. Tchekhov fait très attention à ne pas faire passer Lopakhine pour une brute antipathique ou un parvenu insupportable. Il représente, à lui seul, la nouvelle classe bourgeoise des hommes d’affaires, clamant être le petit-fils d’un serf afin d’obtenir la cerisaie en reniant ses origines. Mais son manque d'élégance est présent aussi bien dans ses manières que dans ses vêtements, il reste le moujik qu'il a toujours été.

Charlotta Ivanovna est une gouvernante. De loin le personnage le plus excentrique, Charlotta est la seule gouvernante que la famille se pouvait d'engager, et sert de confidente à Anya. C'est une figure mélancolique, élevée par une dame allemande sans qu'elle ne sache vraiment qui sont ses parents, si ce n'est qu'ils travaillaient dans le cirque. Elle est amatrice de tours de cartes et de ventriloquie. Quand la famille se disloque, elle accepte son licenciement avec pragmatisme.

Semione Pantéléïevitch Epikhodov est commis et comptable du domaine. Il est un autre personnage comique. Son infortune et sa maladresse extrêmes lui ont valu le surnom de "mille malheurs" (ce surnom change selon les traductions), souvent utilisé par Yacha. Il est amoureux de Douniacha et la demande en mariage. À la fin de la pièce, il est engagé par Lopakhine pour veiller sur les travaux.

Douniacha est une femme de chambre. Comme Lopakhine, elle est un exemple du changement en Russie de l'époque. Ancienne paysanne engagée comme femme de chambre au domaine, Douniacha cherche l'attention et veut s'élever en s'habillant comme une dame. Même si elle est courtisée par Epikhodov, elle est amoureuse de Yacha et est attirée par la culture qu'il a gagné pendant le voyage à Paris.

Firs est un valet de chambre. Il a 87 ans. C'est un personnage excentrique qui considère l'émancipation des serfs russe comme une catastrophe et se remémore avec nostalgie l'époque où les gens admiraient les maîtres, comme les parents et les grands-parents de Lioubov et Gaïev. Sa sénilité est la source de la plupart de l'intensité de la pièce, symbolisant la décadence de l'ancienne société russe sombrant dans la folie.

Yasha est un jeune valet qui a accompagné Lioubov à l'étranger et ne souhaite qu'une chose : retourner à Paris. Il représente la nouvelle génération russe, pionnière de la révolution, qui se défend avec obstination contre les anciennes traditions. Impétueux et grossier, Yasha est, comme Douniacha et Charlotta, le mieux que la famille se pouvait s'offrir. Il joue avec l'affection de Douniacha.

Le passant est un personnage que la famille rencontre alors qu'ils se prélassent dans leur domaine pendant le deuxième acte. Il symbolise les nouvelles idéologies et les mouvements sociaux venant troubler la paix aristocratique en Russie au début du XXe siècle.

Le chef de gare et l'employé des postes sont deux personnages présents lors de la fête organisée par Lioubov pendant le troisième acte. Même s'ils ont un rôle mineur (le chef de gare essaie de réciter un poème et l'employé des postes courtise Douniacha), ils sont des symboles de la désapprobation de l'aristocratie dans la Russie du XXe siècle. Firs dira qu'ils avaient à l'époque des barons et des seigneurs à leurs bals, et qu'ils n'ont maintenants que des chefs de gare et des employés de postes, qui ne viennent que par politesse.

Grisha est le fils de Lioubov. Il meurt noyé dans la rivière alors qu'il est âgé de 7 ans. C'est cet événement, avec la mort du mari de Lioubov, qui force cette dernière à partir à l'étranger. Trofimov, qui était le précepteur de Grisha, rappelle la tragédie à Lioubov.

Thèmes

L'un des thèmes principaux de la pièce est l'effet des changements sociaux sur la société. L'abolition du servage de 1861 par Alexandre II a permis aux anciens serfs de s'enrichir et de s'élever en société alors que plusieurs aristocrates se sont appauvris, devenant incapables d'entretenir leurs domaines sans leurs esclaves. L'effet de cette réforme était encore ancré quand Tchekhov écrit sa pièce[1].

À l'origine, Tchekhov avait écrit cette pièce comme une comédie, comme l'indique le titre dans l'édition Marks de 1904, et même grotesque, comme l'auteur l'indique dans certaines lettres[2]. Quand il vit la première production de la pièce par le Théâtre d'art de Moscou par Constantin Stanislavski, il fut horrifié de découvrir que le metteur en scène en avait fait une tragédie. Depuis ce jour, la nature contrastée de la pièce, et de l'oeuvre de Tchekhov en général, est un défi pour les metteurs en scène.

Le fait que Lioubov n'arrive pas à faire face aux problèmes concernant son domaine et sa famille, ce qui fait qu'elle perd presque tout, ainsi que son destin, peuvent être vus comme une critique des gens incapables de s'adapter à une nouvelle Russie. Son refus d'accepter son passé, tant dans la vie qu'en amour, est sa descente aux Enfers tout au long de la pièce. Elle est coincée entre sa vie à Paris et sa vie en Russie : elle arrive de Paris au début de la pièce et y retourne à la fin. C'est une femme qui vit dans l'illusion du passé, en se remémorant souvent des souvenirs de la mort de son fils, etc. Les tirades de Trofimov s'attaquant aux intellectuels ont été vues plus tard comme une première manifestation des idées bolchéviques, et ses répliques ont été censurées par les officiers tsaristes. Les cerisiers eux-mêmes étaient souvent vus comme un symbole de tristesse et de regret face à une certaine situation ou tout simplement face au temps qui passe.

Le thème de l'identité et les attentes face à celles-ci sont également un thème récurrent dans La Cerisaie. En effet, les personnages peuvent être divisés en trois parties distinctes : la famille (Lioubov, Gaïev, Anya, Varya), les amis de la famille (Lopakhine, Pichtchik, Trofimov), et les domestiques (Firs, Yacha, Douniacha, Charlotta, Epihodov). L'ironie de ces personnages est que la plupart d'entre eux n'agissent pas comme ils le devraient. Nous pouvons par exemple penser à Varya, la fille adoptive d'une aristocrate, qui a le rôle de femme de ménage ; Trofimov, l'étudiant, rejeté de l'université ; Yacha, se considérant comme faisant partie de l'élite parisienne ; enfin, Lioubov et Pichtchik s'appauvrissant tandis que Lopakhine, né moujik, est quasiment millionnaire.

Bien que la vision marxiste de la pièce soit plus répandue, une autre vision plus alternative suggère que La Cerisaie est un hommage de Tchekhov à lui-même. La plupart des personnages font écho à certains de ses anciennes œuvres ou à des personnes qu'il connaissait réellement. Il est également important de noter que sa maison d'enfance fut achetée et détruite par un homme riche que sa mère considérait comme son ami. Les cordes de guitare qui se cassent dans les deuxième et quatrième actes renvoient à ses anciens travaux. Enfin, le classique "pistolet chargé", qui est un élément essentiel dans l'œuvre de Tchekhov, figure également dans La Cerisaie sous la forme du revolver d'Epikhodov. C'est cependant la seule pièce de Tchekhov dans laquelle une arme est montrée mais pas utilisée.

Système des personnages dans les quatre « grandes »pièces de Tchekhov
La Mouette Paulina Nina Treplev Arkadina Sorine Trigorine Dorn Medvedenko Macha Chamraev [Dorn] Yakov
Oncle Vania Marina Sonia Vania Elena Sérébriakov [Astrov] [Sonia] Astrov Sérébriakov [Sonia] Tiéliéguine [Astrov] L'ouvrier
Les Trois Sœurs Anfisa Irina Touzenbach Natacha [Tchéboutykine] Olga Tchéboutykine Koulygine Macha Soliony

Féraponte

Verchinine
La Cerisaie [Firs] Ania [Trofimov] Lioubov Gaïev Lopakhine Varia [Varia] Charlotta

Pichtchik

Epikhodov

Trofimov Yacha

Douniacha

Domestiques

Catégories actantielles et oppositions Vieille servante Jeune fille pure brisée (Jeune) homme idéaliste victime Femme fatale Vieil homme improductif Homme de l'avenir Femme raisonnable et responsable Médecin cynique Professeur médiocre Jeune femme passionnée et désespérée Fou Philosophe Domestique

Citation

Tchékhov en 1901.

« Toute la Russie est notre cerisaie. La terre est vaste et belle, il y a beaucoup d'endroits splendides.
[Pause]
Imaginez, Ania : votre grand-père, votre arrière-grand-père, tous vos ancêtres possédaient des esclaves, ils possédaient des âmes vivantes, et ne sentez-vous pas dans chaque fruit de votre cerisaie, dans chaque feuille, dans chaque tronc, des créatures humaines qui vous regardent, n'entendez-vous donc pas leurs voix ?... Posséder des âmes vivantes - mais cela vous a dégénérés, vous tous, vivants ou morts, si bien que votre mère, vous, votre oncle, vous ne voyez même plus que vous vivez de dettes, sur le compte des autres, le compte de ces gens que vous laissez à peine entrer dans votre vestibule... Nous sommes en retard d'au moins deux siècles, nous n'avons rien de rien, pas de rapport défini avec notre passé, nous ne faisons que philosopher, nous plaindre de l'ennui ou boire de la vodka. C'est tellement clair, pour commencer à vivre dans le présent, il faut d'abord racheter notre passé, en finir avec lui, et l'on ne peut le racheter qu'au prix de la souffrance, au prix d'un labeur inouï et sans relâche. Comprenez cela, Ania. »

 Anton Tchekhov, La Cerisaie (tirade de Trofimov, à la fin de l'acte II)[3].

Interprètes célèbres

La Cerisaie en France

Parmi les représentations mémorables en France, on peut citer :

Au cinéma

Édition française

  • Anton Tchekhov (trad. André Markowicz et Françoise Morvan, postface Françoise Morvan), La Cerisaie : comédie en quatre actes, Arles, Actes Sud, coll. « Babel » (no 51), (1re éd. 1992), 203 p., poche (ISBN 978-2-7427-3946-2)

Notes et références

  1. A general overview of these themes, among others, can be found in: Jean-Pierre Barricelli, ed., Chekhov’s Great Plays: A Critical Anthology (New York, 1981), Richard Peace, Chekhov: A Study of the Four Major Plays (New Haven, 1983), Donald Rayfield, Understanding Chekhov: A Critical Study of Chekhov’s Prose and Drama (Madison, 1999).
  2. Hirst, David L. Tragicomedy: Variations of melodrama: Chekhov and Shaw. London: Routledge, 1984, 83
  3. Traduction d'André Markowicz et Françoise Morvan.
  4. Alexandre Minkine 2014, p. 54.
  5. Alexandre Minkine 2014, p. 7.
  6. The Cherry Orchard, 1999 imdb, accessed November 19, 2011, disponible en DVD.

Voir aussi

Bibliographie

  • Alexandre Minkine (trad. Luba Jurgenson), Une âme douce : Tchekhov revisité [« Нежная душа »] (essai), Genève, Éditions des Syrtes, (1re éd. 2014), 272 p. (ISBN 978-2-940523-04-7, présentation en ligne), partie 1, « La Cerisaie ».

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