L'Ordre du jour (récit)

L'Ordre du jour est un récit d'Éric Vuillard paru le chez Actes Sud dans la collection « Un endroit où aller ». Le livre reçoit le prix Goncourt en 2017[1].

Pour les articles homonymes, voir L'Ordre du jour.

L'Ordre du jour
Auteur Éric Vuillard
Pays France
Genre récit
Éditeur Actes Sud
Date de parution
Nombre de pages 160
ISBN 978-2330078973

Résumé

L'Ordre du jour est un récit relativement court, qui relate plusieurs épisodes des prémices et du début du Troisième Reich dans les années 1930 et montre comment « les plus grandes catastrophes s’annoncent souvent à petit pas »[2].

Le récit commence par une réunion tenue le Hermann Göring demande à vingt-quatre patrons allemands (dont ceux d'Agfa, Allianz, BASF, Bayer, IG Farben, Krupp, Opel, Siemens, Telefunken...) de le soutenir financièrement pour les élections. Les 24 entrepreneurs sont: Wilhelm von Opel, Gustav Krupp, Albert Vögler, Günter Quandt, Friedrich Flick, Ernst Tengelmann, Fritz Springorum, August Rosterg, Ernst Brandi, Karl Büren, Günther Heubel, Georg von Schnitzler, Hugo Stinnes junior, Eduard Schulte, Ludwig von Winterfeld, Wolf-Dietrich von Witzleben, Wolfgang Reuter, August Diehn, Erich Fickler, Hans von Loewenstein zu Loewenstein, Ludwig Grauert, Kurt Schmitt, August von Finck et le docteur Stein. Plus tard, plusieurs d'entre eux bénéficient du travail forcé des déportés, internés et prisonniers, une main d'œuvre à bon marché.

Il revient ensuite sur l'Anschluss à travers différents moments souvent méconnus de l'histoire. L’auteur raconte par le biais d’anecdotes et divers questionnements : la rencontre entre Hitler et le chancelier autrichien Schuschnigg, le à Berchtesgaden ; la panne des panzers allemands, une fois la frontière autrichienne franchie ; le dîner donné à Londres au cours duquel Ribbentrop abuse de la politesse du premier ministre britannique Neville Chamberlain pour retarder la réponse britannique à l'Anschluss, entre autres. Par ailleurs, le récit aborde aussi le destin parfois tragique des grands entrepreneurs allemands après la Seconde Guerre Mondiale durant les procès de Nuremberg. Certains passèrent entre les mailles du filet mais pour d’autres tels que Seyss-Inquart, la sentence ne fut autre que la mort.

Titre et couverture

Selon le dictionnaire Larousse, l'expression « l’ordre du jour » désigne une « liste des questions qui vont donner lieu à une délibération lors d'un conseil, d'une assemblée »[3]. Ici le titre renvoie à plusieurs événements du récit : la réunion entre les grands chefs d'entreprise allemands et Hermann Göring dans le but d'obtenir leur soutien financier pour les élections à venir, l'annexion très rapide (en une seule journée) de l'Autriche par l'Allemagne et enfin tous les événements froidement préparés et décidés à l'avance dans des salles de réunions.

La couverture du livre montre une photo de l’industriel allemand Gustav Krupp von Bohlen und Halbach prise en . L’homme est alors à la tête de la multinationale allemande Krupp spécialisée dans le domaine de l’acier depuis 1811. Il sera plus tard jugé au procès de Nuremberg pour avoir mis sa puissance industrielle au service de l'Allemagne nazie. Il est l’un des premiers protagonistes rencontrés dès le début du récit.

Personnes évoquées

Tous les personnages sont historiques. Une liste légèrement différente existe sur wikipedia : réunion secrète du 20 février 1933 (de)

  • Adolf Hitler (1889-1945), chancelier,
  • Hermann Goering (1893-1946), président du Reichstag lors de la réunion des 24 grands chefs d’entreprise,
  • Albert Vögler (1877-1945), co-fondateur du Deutsche Volkspartei,
  • Kurt Schmitt (1881-1950), ministre de l’économie pour Hitler de 1933 à 1934,
  • Gustave Krupp (1870-1950), dirigeant de Krupp AG,
  • Wolf-Dietrich (?), secrétaire particulier de Carl von Siemens,
  • Wilhem von Opel (1871-1948), fils d'Adam von Opel, conçoit la machine à coudre, épouse Sophia Scheller et donne son nom à sa première machine,
    • La production n’a fait qu’augmenter dès lors. Il s’est ensuite lancé dans le vélocipède. Opel continue ensuite à vendre des bicyclettes puis des automobiles. C’est le fils d’Adam von Opel, il a 62 ans lors de la réunion avec les grands chefs d’entreprises allemands pour la finance du parti nazi.
  • Hjalmar Schacht (1877-1970), financier allemand, futur directeur de la Reichsbank et le futur ministre de l’économie pour Hitler,
  • Günther Quandt (1881-1954), industriel qui dirige l’Usine Varta,
  • Friedrich Flick (1883-1972), un des membres et fondateurs du parti nazi, directeur d'une usine de production d’armes, dont la main d’oeuvre se compose de prisonniers issus des camps de concentration,
  • Ernst Tengelmann (1870-1954), entrepreneur allemand directeur général d’AG Essener Steinkohlenbergwerke et d’AG Gelsenkirchener Bergwerks, et membre du Deutsche Volkspartei,
  • Fritz Springorum (de) (1886-1942), chef d’entreprise,
  • Ernst Brandi (de) (1875-1937), ingénieur de mines allemandes, président du Ruhrbergbau,
  • Karl Büren (?-?), directeur d’AG Braunkohlen und Brikettindustrie,
  • Georg von Schnitzler (de) (1884-1962), membre du conseil d’administration d’IG Farben,
  • Hugo Stinnes Jr (de) (1897-1982), membre du parti politique Deutsche Volkspartei,
  • August Diehn (1874-1942), directeur général du syndicat patronal allemand de la potasse,
  • Hans von Loewenstein zu Loewenstein (de) (1874-1959), fonctionnaire allemand des mines, délégué du Reichstag,
  • August Rosterg (de) (1870-1945), industriel des aciéries,
  • August von Finckr (de) (1898-1980),
  • Paul Stein (entrepreneur) (de) (1874-1956),
  • Erich Fickler (de) (1874-1935), dirigeant patronal des charbonnages,
  • Eduard Schulte (1891-1966),
  • Ludwig von Winterfeld (de) (1880-1958), industriel pour Siemens,
  • Wolfgang Andreas Reuter (de) (1866-1947), ingénieur et entrepreneur en machines-outils,
  • Günther Heubel (de) (1871-1945), patronat du charbonnage,
  • et quelques autres...

Anschluss

L'annexion de l’Autriche à l’Allemagne (Anschluss) du est ici traitée sous une approche mal connue en France, comme une succession de déconvenues et de malentendus. Ainsi est évoquée la panne de 70% des Panzers, chars de combats blindés, à la frontière autrichienne, ce qui a retardé l'avancée de l'armée allemande et d'Hitler sur Vienne, laissant les Autrichiens dans l'attente et le désarroi et Hitler dans une colère noire. Le livre insiste sur la passivité totale, voire le consentement, des Autrichiens face au coup d’état organisé par le parti nazi autrichien le précédent, renversant ainsi le chancelier Kurt Schuschnigg qui avait fait une proposition de plébiscite sur la question de l'indépendance du pays. L'annexion est cependant rapide et totale : dès son arrivée dans la ville de Linz, Hitler est acclamé par plus de 70 000 personnes venues assister à sa prise de parole au balcon de l'hôtel de ville, tandis qu'à Salzbourg, les soldats allemands découvrent à leur arrivée une ville déjà entièrement décorée de drapeaux nazis. Enfin, le , à Vienne, 250 000 personnes se massent sur la Heldenplatz afin d'apercevoir Hitler.

Réception critique et ventes

L’Ordre du Jour d’Éric Vuillard est un récit qui s’arrête bien avant la Seconde Guerre mondiale, insistant sur le nazisme, en 150 pages. L'action débute le , date qui suit l’incendie du Reichstag et la venue au pouvoir d’Hitler le de la même année. Une réunion entre 24 grands industriels est organisée, presque dans l'urgence, pour les convaincre de financer la campagne des élections du . Quelques retours en arrière sont nécessaires pour expliquer le processus, dont par exemple l’entretien entre Schuschnigg et Hitler à Berchtesgaden qui a lieu en 1938, même année que l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne, plus connue sous le nom de l'Anschluss. Ce récit documentaire critique traite surtout de la venue des Allemands en Autriche, dans une vision rétrospective, celle du tribunal de Nuremberg.

Ce livre a été traduit en espéranto chez Z4 Éditions sous le titre Tagordo[4] en en faisant ainsi le premier prix Goncourt à disposer d’une version dans cette langue. Salué par une partie importante de la critique littéraire, en France comme à l'étranger, le livre a fait cependant, lors de sa sortie aux États-Unis, l'objet d'un article sévère de l'historien américain Robert Paxton, qui soulignait un certain nombre d'erreurs, de platitudes voire de contre-vérités. Éric Vuillard lui répondit : « Le professeur Paxton imagine qu'écrire n'est rien de plus qu'une question d'ornementation, de composition et d'équilibre. Il est libre d'appliquer ces catégories ennuyeuses à ses propres livres »[5],[6]. Le site herodote.net, revue d'histoire grand public, titrait quant à lui: « Prix Goncourt 2017 : esbroufe ou canular ? » et critiquait une vision plate et conspirationniste de l'histoire [7].

Le récit s'est vendu à environ 300 000 exemplaires à la fin 2017[8].

Notes et références

  1. « Prix Goncourt pour «L'Ordre du jour» : on ne l'attendait pas ! », Le Parisien, (lire en ligne).
  2. « Le prix Goncourt récompense Eric Vuillard pour « L’Ordre du jour » », sur Le Monde, .
  3. « Locution contenant ordre », sur larousse.fr (consulté le ).
  4. Présentation du livre sur le site de Z4 Éditions.
  5. Modèle:Articleweb.
  6. « Eric Vuillard répond aux accusations de Robert Paxton : "l'Histoire n'est jamais neutre" », L'Obs, (lire en ligne).
  7. L'Ordre du jour ;Prix Goncourt 2017 : esbroufe ou canular ?, herodote.net, 21 mars 2019
  8. Mélisande Queïnnec, « Prix Goncourt : les livres primés font-ils toujours recette ? », France TV Info, 4 novembre 2019.
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