Karakou

Le karakou (arabe : كاراكو) est un costume traditionnel algérien, plus précisément algérois, apparu au XIXe siècle que certaines Algéroises continuent à porter dans leur vie quotidienne[2],[3]. Descendant de l'ancienne ghlila, il demeure un costume de cérémonie.

Étymologie

La ghlila djabadouli abandonne au XIXe siècle, son décolleté et sa forme trapézoïdale, ce vêtement qui devient cintré à la taille, n'a plus la forme d'une ghlila, on le qualifie désormais de caraco[4].

Ce changement d'appellation de la veste des Algéroises, en caraco, pourrait être expliqué par la proportion importante de colons originaires du sud de la France dont les costumes populaires conservent un corsage à manches, appelé caraco[5].

Historique

Le karakou est apparu au XIXe siècle à Alger, il est l'évolution de la ghlila[1] (diminutif algérois du mot arabe ghalila ou ghilala[6]), un vêtement d'origine levantine[7] ottomane déjà connu au XVe siècle qui a été influencé par l'apport berbero-andalous[8]. La différence entre les deux costumes est que le karakou est cintré à la taille, tandis que la ghlila possède un décolleté[8]. Ainsi, le karakou est l'héritier des vestes de différentes longueurs du système vestimentaire féminin algérois à partir du XVIe siècle[1].

D'abord réservée aux Algéroises les plus aisées, les femmes des couches moyennes accèdent à la ghlila, entre le XVIe et XVIIe siècles[1]. Elle se décline en deux versions : celle « modeste », issue du modèle local du xve siècle et celle « distinguée » plus proche du modèle turc[6]. Puis, deux autres dérivées vont s'introduire dans le paysage vestimentaire féminin : la frimla et la ghlila dite djabadouli[9], semblable à la ghlila, mais munie de manches longues fixes, portée en hiver ou en mi-saison[10].

Ghlila djabadouli.

Après la conquête française, le paysage vestimentaire est bouleversé par la raréfaction des pièces brodées au fil de soie et l'apparition d'un nouveau modèle, le karakou[1], descendant direct de la ghlila djabadouli, qu'il remplace à la fin du XIXe siècle. Il subit l'influence de la casaque ajustée, terminée par des basques partant de la taille et complétée de manches longues, qui se répand en France, avant de réapparaître vers 1768 sous celui de caraco[5].

L'apparition de vestes ajustées au corps constitue une innovation dans le paysage vestimentaire urbain du Maghreb. Le karakou se raréfie au début du XXe siècle, conséquence de la baisse de niveau de vie de la population algérienne, toutefois, il persiste tout au long de l'époque coloniale[1]. Il se modernise après l'indépendance du pays, il représente la tenue incontournable des Algéroises, portée pendant leur fête[1].

Les débuts des années 1980 sont ponctués d'un modèle, plus classique et plus imposant, abolissant tous les dérivés tels que le boléro ou la veste droite à manches courtes des décennies précédentes. Le karakou retrouve sa coupe originale, cintrée, évasée à partir de la taille et aux manches longues[11]. Le karakou est aujourd'hui un habit traditionnel porté lors des mariages algériens dans tout le territoire national et hors de l'Algérie[8]. Il est devenu un incontournable du trousseau de la mariée. Des créateurs de renoms s'en inspirent depuis des décennies à l'instar d'Elie Saab, d'Elsa Schiaparelli[8], de Christian Lacroix, d'Yves Saint Laurent et Eddine Belmahdi[12].

Description

Le karakou, veste souvent en velours et travaillé avec du fil d'or appelé majboud ou fetla, est la partie haute d'un ensemble qwiyat[13]. De même coupe que le djabadouli, il est de couleur sombre ou noir, sous lequel se trouvent des crochets qui le tiennent fermé[7]. Du laçage pend des cordonnets d'or. Le devant est entièrement recouvert de broderies, ainsi que le dessus des manches de l'épaule au poignet[7]. Le bas quant à lui est un pantalon (seroual) qui peut être seroual chelka (droit avec des fentes sur les côtés) ou alors seroual mdouer (bouffant)[8].

La veste est une combinaison de caractéristiques algériennes et ottomanes avec des techniques de coupe française de la fin du xixe siècle[14]. Le karakou est le résultat de la mutation de la ghlila djabadouli, dans sa structure et son ornementation, ainsi la disparition du décolleté entraîne une nouvelle répartition des broderies, il devient également un costume de cérémonie[1].

Un foulard à franges est attaché aux cheveux grâce à des pinces ou à un nœud. Ce foulard est appelé m'harma (dite m'harmete el ftoul, car ses franges sont roulées à la main) que les jeunes filles mettaient de côté pour mettre en valeur leur longue chevelure. Certaines femmes algéroises portaient également une toque appelée chachia ou tarbouche en velours alors que cette dernière était seulement destinée aux hommes. Les femmes l'ont arboré dans un style plus raffiné pour montrer l'égalité entre les hommes et les femmes dans le style des costumes[15][réf. à confirmer].

Les motifs de broderie sont axés sur les végétaux, après l'indépendance, des variations de décorations s'opèrent aux motifs de fleurs, de papillons et d'oiseaux. Historiquement, les motifs utilisés sont géométriques et aux représentations de végétaux. La devanture de certaines pièces est brodée de paons[16]. De nos jours, la broderie traditionnelle au fil d'or est complétée par des ajouts de perles ou de cristaux. La réalisation d'un karakou qui est une pièce unique peut durer une année entière ou plus[8].

Il existe une version du karakou avec une matière plus légère et plus souple que le velours, telle la soie, appelée kat à Alger et Blida[16], c'est également le nom donné à Tlemcen à la ghlila djabadouli[7].

Notes et références

  1. Leyla Belkaïd Neri, « Croisements et hybridations des modes vestimentaires : Dans les sociétés urbaines sud et nord méditerranéennes », dans Paraître et apparences en Europe occidentale du Moyen Âge à nos jours, Presses universitaires du Septentrion, coll. « Histoire et civilisations », (ISBN 978-2-7574-2280-9, lire en ligne), p. 227–241
  2. Dominique Auzias et Jean-Paul Labourdette, Alger 2012-2013 (avec cartes, photos + avis des lecteurs), Petit Futé, (ISBN 978-2-7469-6377-1 et 2-7469-6377-9, lire en ligne)
  3. Djamila Henni-Chebra et Christian Poché, La danse dans le monde arabe ou l'héritage des Almées, Paris, L'Harmattan, , 170 p. (ISBN 2-7384-4350-8, lire en ligne)
  4. Belkaïd 1998, p. 107.
  5. Isabelle Paresys, Paraître et apparences en Europe occidentale : du Moyen âge à nos jours, Villeneuve-d'Ascq, Presses Univ. Septentrion, , 397 p. (ISBN 978-2-85939-996-2, lire en ligne)
  6. Belkaïd 1998, p. 81.
  7. Pascal Pichault, Le costume traditionnel algérien, Maisonneuve et Larose, (ISBN 2-7068-1991-X et 978-2-7068-1991-9, OCLC 190966236, lire en ligne), p. 20
  8. « Le karakou algérois : vêtement d’apparat des élégantes algéroises », sur dziriya.net, (consulté le )
  9. Belkaïd 1998, p. 95.
  10. Belkaïd 1998, p. 102.
  11. Belkaïd 1998, p. 114.
  12. Sabah Kemel Kaddouri, « Eddine Belmahdi, L'Étoile Montante De La Haute-Couture », sur Forbes France, (consulté le )
  13. L'artisanat algérien, , page 52
  14. Textiles as National Heritage: Identities, Politics and Material Culture, de Gabriele Mentges, Lola Shamukhitdinova
  15. Leyla Belkaïd, Algéroises : histoire d'un costume méditerranéen, Aix-en-Provence, Édisud, , 185 p. (ISBN 978-2-85744-918-8, lire en ligne)
  16. « Le Karakou Algérois - Algerie360 », sur www.algerie360.com, (consulté le )

Annexes

Articles connexes

Bibliographie

  • Leyla Belkaïd, Algéroises : histoire d'un costume méditerranéen, Edisud, (ISBN 2-85744-918-6 et 978-2-85744-918-8, OCLC 41527694, lire en ligne)
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