Joseph Gentil

Joseph Gentil, imprimeur français du XVIIIe siècle.

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Biographie

Avec une population scolaire de plus de trois cents élèves que comptait alors le collège de Château-Gontier, on comprend sans peine la quantité de livres classiques qu’il fallait tirer chaque année des imprimeries d’Angers, pour la fourniture du collège de Château-Gontier. M. Gilles Marais, en fonctions comme Principal de cette Maison d’éducation (1710-1733), résolut alors d'assurer la fourniture régulière, économique et facile chaque jour, des ouvrages scolaires. Voulant en même temps faire une bonne œuvre, il chercha dans les villes environnantes un jeune ouvrier chrétien, probe, actif, entreprenant, mais que sa pénurie d’argent empêchait de s’établir maître. Son but était de lui fournir les moyens de venir s'installer à Château-Gontier, avec le titre d'Imprimeur du collège ; la clientèle était assurée d'avance.

Les nombreuses relations du digne Principal lui firent découvrir à Nantes l'ouvrier rêvé. Dans les débuts de l'année 1713, M. Marais partait pour Nantes ; il se renseigna sur place des mœurs, de la conduite et de la capacité du jeune homme. Les résultats de son enquête furent bons ; on le sollicitait vivement même de favoriser l’établissement de l'ouvrier en question, qui se nommait Joseph Gentil. Ce dernier lui fut présenté et bientôt les bases d'un traité étaient arrêtées entre l’Imprimeur et le Principal.

Restait à obtenir l'autorisation officielle d'ouvrir une imprimerie à Château-Gontier, qui, jusqu'alors, n'avait possédé que des libraires. De retour à Château-Gontier, M. Marais se rendit chez M. Gouesse du Bignon, lieutenant général, — fonctions équivalant alors à celles de maire actuellement, — et fit valoir auprès de ce magistrat l'avantage, tant pour sa maison d'éducation que pour les pouvoirs publics, d'avoir sous la main, dans la ville même, un imprimeur pouvant exécuter sur place les travaux typographiques de toutes sortes, qu'on était alors obligé de commander à Angers ; d'où perte de temps et augmentation des prix de revient. Le lieutenant général approuva vivement ce projet, promit d'y apporter toute son influence et de s'entremettre activement auprès des échevins et conseillers du corps de ville, pour amener la réussite de cette innovation. Avisé par M. Marais de ces bonnes dispositions, le sieur Gentil adressait à la municipalité de Château-Gontier, dans les derniers jours de mars 1713, une requête à fin d'être autorisé à établir une imprimerie dans cette ville.

Dans une réunion du Conseil de ville, qui eut lieu à ce sujet le 4 avril suivant, le Procureur-syndic des habitants exposait que : « Le sieur Joseph Gentil, imprimeur, demeurant en la ville de Nantes, a proposé de s'établir en cette ville pour y exercer sa profession et y débiter les livres nécessaires, tant au publicq qu'aux écolliers du collège de cette ville, à quoy il est expressément porté par M. Marais, principal du collège. Et ledit sieur Gentil veult bien s'y rendre, moyennant qu'il soyt exempt de touttes impositions, ou en tous cas, que celles auxquelles il pourroit être taxé n’excèderont point en taille, impost du sel, ustancille et capitation chascun an la somme de vingt sols. »

En conséquence, le procureur-syndic demandait à l'assemblée de statuer sur la demande du sieur Gentil. Le lieutenant général avait tenu parole ; ses efforts pour faire adopter le projet du Principal avaient porté leurs fruits, et tous étaient partisans de l'établissement projeté, ainsi que le constate la fin de la délibération[1].

Fort de cette autorisation officielle, M. Marais en avisa immédiatement son protégé, l’invitant à venir s’installer au plus vite. Joseph Gentil, qui n'attendait que l'approbation de sa demande pour partir, s'empressa de quitter Nantes, et fit diligence pour établir ses presses et être en mesure de répondre aux commandes qui lui étaient promises[2]

En 1729, un arrêt de la Cour du Parlement de Paris faisait défense à toutes personnes de faire imprimer aucun arrest, et à tous imprimeurs autres que ceux établis dans les villes sièges de parlements, d'en imprimer sans permission expresse. C'était une première menace ; elle resta suspendue pendant dix ans, mais alors l'exécution fut décidée aux termes d'une ordonnance royale en date du . Les réductions furent considérables partout ; sur deux imprimeries, Laval en perdit une, et celle de Château-Gontier fut supprimée.

Notre ex-imprimeur ne quitta pas Château-Gontier, immédiatement du moins, car dans les rôles d’impositions anciennes conservées aux archives de la Mayenne (Série B 2642), Joseph Gentil est indiqué comme demeurant toujours au faubourg d'Azé ; en 1742[3], il était encore qualifié par les collecteurs des tailles « d'imprimeur-libraire à Châteaugontier. » Il serait curieux de savoir ce que devinrent ses presses et son matériel de typographie.

Bibliographie

Le premier livre que nous connaissons comme étant sorti des presses de Joseph Gentil, porte la date de l'année 1714 ; il était installé depuis quelques mois seulement, comme on le voit. Ce premier volume est un ouvrage de médecine dû à la plume d'un docteur d’Angers, précurseur de Louis Pasteur dans ses études sur la rage et les moyens de guérir cette maladie. Voici le titre de ce volume, qui parut sous le modeste format in-12 :

  • Entretiens sur la rage et ses remèdes / ou par occasion on propose / un nouveau système de la sanguinification / et de quelques autres matières très importantes à l'art de guérir / Par Hunault, Docteur-Régent / de la Faculté de médecine d’Angers. / 1714. / Château-Gontier. / Joseph Gentil, imprimeur de la ville et du collège.

Comme on le voit par cette fin de titre, l'imprimeur du collège était déjà devenu le fournisseur officiel de la municipalité de Château-Gontier et autorisé à se targuer de ce titre, qu’il n'avait garde d'omettre, d'ailleurs. En 1714 également, M. Gilles Marais, principal du collège, alors en procès avec les habitants du faubourg d’Azé, confiait à Joseph Gentil l’impression d'un factum judiciaire, destiné à éclairer la religion des juges du présidial de Château-Gontier, saisis de la cause.

Ce mémoire est intitulé :

  • Deffenses / que fournit M. Gilles Marais, / Prêtre-Prieur et principal / du collège de Château-Gontier / auquel est uni le prieuré / de N.-D. du Geneteil / contre les fins de la requeste / répondue le 15 de ce mois de février 1714 / et présentée sous le nom des habitants / du faubourg d’Azé, vers Château-Gontier / par Jean Machefer se disant leur Procureur / A Château-Gontier / chez / Joseph Gentil, / Imprimeur de la ville et du collège. / MDCCXIV.

L'année suivante[4], en plus des nombreux classiques imprimés au fur et à mesure des besoins du collège, un nouveau volume in-12 est encore édité par Joseph Gentil. Cet ouvrage, orné d'un frontispice remarquable, représentant l'hostie miraculeuse des Ulmes, est fort intéressant, puisqu'il relate un fait miraculeux arrivé en Anjou ; l’auteur n'était autre que le célèbre curé de Sainte-Croix d'Angers, Joseph Grandet, lequel donnait à son nouvel ouvrage le titre suivant :

  • Dissertation Apologétique / sur l'apparition miraculeuse de Jésus-Christ, / arrivée au Saint-Sacrement / en la paroisse des Ulmes de Saint-Florent / près Saumur, en 1668.[5]

En 1716, l'imprimeur de Château-Gontier publiait :

  • Le Guide du Salut / ou / L'Exercice du Chrétien / Pour une Mission / Et les principales actions de la vie. Volume in-18 de 174 pages. Le permis d'imprimer porte la date du [6].

L’année suivante, Joseph Gentil éditait un ouvrage en vers latins intitulé :

  • Officia Scholastici christiani et Urbani / Auctore Nicolao Mercier / Collegii Navarrici Proprimaï et Professore[7]. Ce petit volume in-12 compte quatre-vingts pages.

Un autre ouvrage, qui paraît avoir été commandé à l'imprimeur de Château-Gontier pour Mgr l'évêque d'Angers lui-même, ou tout au moins par son secrétaire, paraît en 1721. La traduction littérale de son titre est :

  • Recueil des Leçons, du bréviaire d’Angers, du Révérendissime et Illustrissime Père en Jésus-Christ Dom Michel Poncet de la Rivière, Evesque d’Angers ; par l'autorité et l'approbation du vénérable chapitre reconnu. Château-Gontier, chez Joseph Gentil, imprimeur et libraire de la ville et du collège, 1721. Avec privilège du Roy[8].

Nous ne connaissons aucun nouvel ouvrage sorti des presses de Joseph Gentil jusqu'en 1731, où il publia pour M. Jean de Vaugirault, alors évêque d’Angers :

  • un Cérémonial de l’Eglise d’Angers divisé en quatre parties ; volume in-12, de 440 pages, qui est devenu rarissime. Le privilège du roy est daté de Versailles, .

Deux ans plus tard, il imprimait :

  • La Coutume du duché d’Anjou / Réduite en XII Parties par nouvel ordre / Par / M. Balthazar Durson / Conseiller et avocat en l'Election de Saumur. / Vue et corrigée / par N.C. de M.P. au P. de C. / 1733 / A Château-Gontier / chez Joseph Gentil, / Imprimeur de la ville et du Collège. (Volume in-12).

Un grand placard historié — comme le XVIIIe siècle aimait à les éditer — portant le sommaire d'une thèse latine soutenue au collège de Château-Gontier, par M. Louis Daniel Le Masson du Haras, le , sortait de l'imprimerie de Gentil. La même année 1734, il imprimait pour le missel d'Angers une feuille in-folio, contenant des prières spéciales au diocèse pour la fête du Sacré-Cœur : « In solemnitate sacratissimi Cordis Jesu ».

Le nous trouvons encore : « Permis à Joseph Gentil d'imprimer un manuscrit qui porte pour titre : Confrairie érigée en l'honneur de la Croix de Notre Seigneur Jésus-Christ, dans l’Eglise Collégiale de Saint-Just de Châteaugontier[9]. Donné à Chasteaugontier, par nous Pierre François Dublineau, seigneur du Chastellier, conseiller du roy, assesseur civil, lieutenant particulier criminel en la sénéchaussée d'Anjou, siège présidial de Chasteaugontier, et premier conseiller nommé pour l’exercice de la police, ce . Signé : DUBLINEAU. »

En 1739, les administrateurs de l'hospice Saint-Joseph de Château-Gontier, en contestation contre « le bureau des charitez de la mesme ville, » procédaient en justice pour revendiquer des droits qu’ils prétendaient méconnus ou violés par leur adversaire. Ils confiaient au sieur Gentil l'impression d'un :

  • Mémoire signifié / pour l’hôpital général de Saint-Joseph / de Châteaugontier / contre les charitez de la même ville. / (4 pages in-8°) / 1739 / Château-Gontier / de l’imprimerie de Joseph Gentil / imprimeur et marchand libraire.

Cette publication fut la dernière sortie des presses castrogontériennes. Nous devons constater que dans cette brochure, Joseph Gentil prenait la précaution d'indiquer au public qu'en plus de son métier d’imprimeur il était aussi marchand libraire.

Voir aussi

Notes et références

  1. « Sur laquelle proposition, Nous, maire, échevins, ou autres officiers de l'hostel de ville, estant assemblez, avons arresté que si ledict sieur Joseph Gentil s'establit en cette ville, et qu'il y exerce sa profession d'imprimeur, et face le commerce des livres, nécessaires tant au publicq qu'aux escolliers dudict collège, il ne sera taxé chascun an qu’à cinq sols de taille et un quart de sel, et exempt du logement des gens de guerre. Et ce arresté en l'Hostel de Ville de Chasteaugontier, lesdits jour et an que dessus. » Le registre est signé : « Gouesse du Bignon, maire ; — Jousselin, lieutenant ; — J. Moreul, eschevin ; — M. Hardy, eschevin ; — Allaire, eschevin ; — Du Levaray- Maumousseau, conseiller ; — Chevraye, eschevin ; — De Rallay-Bodin, receveur ; — Guilloteau, procureur du roy (Délibérations du Corps de ville, conservées aux archives anciennes de la mairie de Château-Gontier). »
  2. Une indication intéressante en l'espèce nous est fournie par la compulsion des archives hospitalières, conservées à l'hôpital Saint-Julien, de Château-Gontier. Dans un dénombrement censif des domaines de l'hôpital, on trouve porté qu’à « la Noël 1713, le sieur Joseph Gentil, imprimeur à Château-Gontier, demeurait alors dans la maison de la dame Brossellerie, dépendante de l'hôpital de Saint-Julien, au faubourg d'Azé, occupée d'ailleurs par plusieurs autres locataires. » Ce document nous apprend encore que le loyer annuel du sieur Gentil était alors de quatre livres deux sols. Le premier imprimeur de Château-Gontier ne pouvait guère débuter plus modestement ; il, était loin d’être bourgeois et ne possédait pas encore pignon sur rue ; le sieur Gentil n'imprima jamais que de bons livres, et ce commerce ne l'enrichit pas, car on ne le trouve point porté au rang des notables de la cité.
  3. Les Archives de la Mayenne conservent (Série B 2642) un contrat de 1742, par lequel les époux Joseph Gentil, imprimeurs-libraires au faubourg d'Azé, à Château-Gontier, font donation de leurs biens à Joseph Michel Gentil (un neveu ?), curé de Saint-Benoît du Tertre, à Orléans.
  4. En 1715 (permission du 25 mai) : Statuts / de la / Confrairie / de / Notre-Dame / des Agonisans / érigée en l’église paroissiale de la Jumelière. A Château-Gontier / chez Joseph Gentil, imprimeur / de la ville et du collège, 1715. (Note manuscrite d’Henry Chanteux, archiviste de la Mayenne, portée sur l’exemplaire imprimé des Archives départementales de la Mayenne)
  5. Voici le texte du permis d’imprimer qui fut délivré pour cet ouvrage au typographe castrogontérien, par M. le Procureur du Roy : PERMISSION « Nous, Claude Jacques Foussier, seigneur du Plessis, conseiller du roy, et son procureur en la sénéchaussée, siège présidial et maréchaussée, et lieutenant de police de Chasteaugontier, permettons à Joseph Gentil, imprimeur et marchand, libraire de cette ville, d'imprimer un Livre intitulé : Dissertation apologétique sur l'Apparition miraculeuse de Notre Seigneur Jésus-Christ, arrivée au Saint-Sacrement, dans la paroisse des Ulmes, de Saint-Florent, près de Saumur, le 2 juin de l’année 1668. Fait à Château-Gontier, le 5 juin 1715. » Signé : C.J. FOUSSIER, procureur du roy.
  6. À ce moment se donnait, dans toutes les églises de la ville, une grande mission par les PP. de la Mission d’Angers ; nul doute que leur supérieur ne fût l’auteur du volume en question qui dut se vendre à nombreux exemplaires. Un autre libraire existait encore à Château-Gontier à cette époque, car, à la date du 28 juin 1737, on trouve aux registres paroissiaux de Saint-Remy, cette mention caractéristique : « Le 28 juin 1737, fut inhumé, au cimetière de la paroisse Saint-Remy, un enfant de Me Mathieu Lemoyne dit du Vivier, Marchand de cantiques, croix, agnus et autres ustensiles (sic) pour les missions des RR.PP. Capucins de cette ville. »
  7. Des devoirs de l’Etudiant Chrétien et bien élevé / Par Nicolas Mercier / Sous-Supérieur et Professeur du Collège de Navarre.
  8. Ce Lectionnaire est très probablement le volume le plus important qui soit sorti des presses de Joseph Gentil. Il est de format grand in-folio. Le titre, imprimé rouge et noir, est orné des armes de Monseigneur de la Rivière ; le corps de l'ouvrage, en beaux caractères elzéviriens, avec têtes de chapitres, lettrines, et culs-de-lampe, compte 594 pages pour le propre du temps et 328 autres pages pour le propre des Saints. La production d'un livre de ce format et de cette importance prouve que l’imprimerie de Joseph Gentil possédait alors un outillage considérable.
  9. Une curieuse brochure in-18, imprimée à Angers en 1660, chez Pierre Avril, imprimeur du Roy et de Mgr d’Angers, et ayant pour titre : Statuts généraux de la Confrairie de N.-D. des agonisans, establie par Mgr Messire Henri Arnauld, Evesque d’Angers, en diverses églises de son Diocèse, se termine par le Recueil des Indulgences concédées par N.S.P. le Pape Alexandre VII (en 1659) aux Confrères de la Confrairie de N.-D. des agonisans, érigée en I'église parrochiale de Sainct-Remy de Chasteaugontier. Ces indications d’anciennes Confréries, autrefois existantes dans cette ville, peuvent rendre service aux chercheurs qui voudraient en retracer l’historique. Nous citerons pour mémoire encore, l’antique Confrérie de Sainte Barbe, dont le siège était en l’église de Saint-Jean-Baptiste, et la Confrérie des Prêtres, florissante jusqu’à la Révolution dans la chapelle du Généteil, au faubourg d’Azé.

Voir aussi

Source

  • René Gadbin, « Quelques notes sur l’histoire de l’imprimerie à Château-Gontier, XVIIIe et XIXe siècles », extrait du Bibliophile du Maine, juillet 1896, p. 27 p.
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