Jerzy Popiełuszko
Jerzy Aleksander Popiełuszko (Alfons Popiełuszko) est un prêtre catholique polonais né le et assassiné le . Aumônier du syndicat Solidarność, il est l'une des figures emblématiques de la lutte contre le régime communiste en Pologne.
Jerzy Popiełuszko | |
Jerzy Popiełuszko. | |
Bienheureux, martyr | |
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Naissance | Okopy, Pologne |
Décès | Włocławek |
Nationalité | Polonaise |
Vénéré à | Temple de la Divine Providence, Varsovie |
Béatification | Varsovie par Angelo Amato |
Vénéré par | l'Église catholique |
Fête | 19 octobre |
Il a été béatifié le à Varsovie.
Jeunesse et prêtrise
Jerzy Popiełuszko est né Alfons Popiełuszko à Okopy, petit village du Nord-Est de la Pologne. Ses parents, Władysław (1910–2002) et Marianna née Gniedzik (1920 –2013) dirigaient une ferme. La famille est modeste et compte cinq enfants. Il est enfant de chœur dans son village. Élève médiocre dans le lycée de Suchowola, c'est à la période du baccalauréat qu'il envisage la prêtrise[1]. Il entre à 18 ans au séminaire à Varsovie. Ses études sont interrompues par deux années de service militaire, durant lesquelles il est affecté à une unité spéciale pour les séminaristes à Bartoszyce[1], petite ville du Nord-Est de la Pologne. Durant son service, on exerce au moins une fois des pressions pour qu'il abjure sa foi chrétienne[2]. Il est jeté au cachot pendant un mois[3].
Il tombe malade après la fin de son service militaire et il aura des problèmes de santé jusqu'à la fin de sa vie[1]. Il est ordonné prêtre à Varsovie en 1972 par le cardinal Wyszyński[1]. En plus de sa paroisse, il s'occupe des jeunes et du personnel de la santé[3],[2]. Dans ses sermons, il condamne régulièrement la pratique de l'avortement[2].
Jerzy Popiełuszko est, de 1979 à 1980, aumônier de l'église universitaire Sainte-Anne à Varsovie[1].
Avec Solidarność
En 1980, les employés des chantiers navals de Gdańsk, importante ville portuaire sur la Baltique, sont en grève sous la conduite de Lech Wałęsa, chef du syndicat Solidarność. Les ouvriers demandent à l'archevêque de Varsovie un prêtre pour célébrer la messe pour eux ; c'est le père Popiełuszko qui est choisi. Ami de Lech Wałęsa, le prêtre défend les partisans du syndicat. Il est alors inspiré de la spiritualité du bienheureux Maximilien Kolbe.
Aux ordres de l'URSS, le gouvernement polonais proclame l'état de siège le : toutes les réunions sont interdites, à l'exception des messes. C'est alors que le jeune prêtre de 34 ans, vicaire de la paroisse Saint-Stanislas Kostka et aumônier du syndicat interdit, célèbre chaque mois dans sa paroisse des messes dites « Messes pour la Patrie » au cours desquelles il prononce dans ses homélies de vibrants sermons condamnant le régime en place. Ses sermons sont régulièrement diffusés par Radio Free Europe. Ces célébrations, attirant des milliers de fidèles, sont quadrillées par un important dispositif de policiers en uniforme et en civil. Elles débouchent parfois sur des échauffourées car les policiers en civil n'hésitent pas à jouer les provocateurs, en appelant en pleine messe les fidèles à prendre les armes, dans le but de museler ou faire tomber le jeune prêtre. Pratiquant l'amour pour les ennemis, Popiełuszko sert du café chaud aux policiers chargés de surveiller les grévistes[4].
Ses sermons sont diffusés dans tout le pays et parviennent même jusqu'au Pape Jean-Paul II qui lui envoie un chapelet pour lui manifester son soutien[4]. Le père Popiełuszko est surveillé en permanence[4]. La presse communiste parle de lui comme d'« un prêtre qui célèbre des messes de la haine »[4]. Il refuse une proposition de son évêque d'aller étudier à Rome, pour l'éloigner du danger. « Je me suis consacré, je ne me retirerai pas », dit-il[4]. En 1983, il figure sur une liste de 69 « prêtres extrémistes » établie par le gouvernement du général Jaruzelski et remise à l'archevêque de Varsovie. La même année, il est accusé de détention d'armes et est arrêté par la SB, mais est vite relâché grâce à l'intervention du clergé. La nuit suivante, quelqu'un dépose une grenade dans son vestibule. Il échappe à cet attentat de justesse[1]. De janvier à avril 1984, il est convoqué treize fois par la milice. Il est accusé d'« abus de sacerdoce »[1]. En , le Pape lui envoie un cadeau pour le féliciter d'avoir osé critiquer la décision du gouvernement polonais d'interdire les crucifix dans les écoles[5]. La police politique organise le un accident de voiture pour le tuer mais il en réchappe.
Assassinat
Le plan alternatif est réalisé le 19 octobre : au retour d'une visite pastorale à Bydgoszcz, la voiture de l'ecclésiastique est arrêtée par un véhicule banalisé de la police : il est enlevé par trois officiers de la SB près de Włocławek, à 160 km au nord-ouest de Varsovie et est placé dans le coffre de la voiture de ses ravisseurs. Son chauffeur, l'ancien parachutiste Waldemar Chrostowski, menotté et placé de force dans l'habitacle, réussit à s'échapper et à avertir la population mettant fin à la tentative gouvernementale brutale de reprise en main du pays[pas clair]. Après avoir été torturé jusqu'à ce que mort s'ensuive, Jerzy Popiełuszko est lesté puis jeté dans un réservoir d'eau de la Vistule. Son corps méconnaissable ne sera découvert par des plongeurs que plusieurs jours plus tard dans ce réservoir, grâce aux aveux des trois officiers[6].
Le , plus de 500 000 personnes[réf. nécessaire]rendent un dernier hommage au père Jerzy Popiełuszko, dont les obsèques célébrées en l'église Saint-Stanislas-Kostka de Varsovie insufflent une seconde vie au syndicat Solidarność alors bâillonné. Le prêtre est inhumé au sein de sa paroisse, et sa tombe est constamment couverte de fleurs. Un réseau de plusieurs dizaines de fidèles veille en permanence sur la tombe, qui devient lieu de nombreux pèlerinages : plus de 18 millions de personnes l'ont déjà[Quand ?] visitée. Le pape Jean-Paul II lui-même vint s'y recueillir en 1987[7].
Pour sauver les apparences et faire croire qu'il ne s'agissait pas d'un meurtre politique[réf. nécessaire], les trois officiers coupables du meurtre, le capitaine et chef du commando Grzegorz Piotrowski et les lieutenants Leszek Pękala et Waldemar Chmielewski, sont condamnés le à des peines de prison (respectivement 25, 15 et 14 ans). Leur supérieur, le colonel Adam Pietruszka, est également condamné à 25 ans de prison[8]. Dès le , la cour suprême de Pologne les fait bénéficier de remises de peine[9]. Ils retrouvent la liberté entre 1990 et 2001, après avoir passé cinq (Pękala), huit (Chmielewski), dix (Pietruszka) et seize ans (Piotrowski) derrière les barreaux. Le doute subsiste sur les commanditaires de cet assassinat, même si de nombreux observateurs estiment que le ministère de l'Intérieur polonais ne pouvait ignorer une telle initiative. Selon l'historien Jan Żaryn (pl), il est « très probable » que le général Jaruzelski lui-même était informé de l'opération, mais la préméditation n'est pas clairement établie : il pourrait s'agir d'une tentative d'intimidation qui aurait mal tourné[10].
Le soutien public de Jerzy Popiełuszko au syndicat Solidarność lui a coûté la vie. Popiełuszko symbolise désormais aux yeux des Polonais la lutte commune de l'opposition démocratique et de l'Église catholique contre le régime totalitaire en place. Le martyre du jeune prêtre entraine de nombreuses conversions, et même l'éclosion de vocations sacerdotales.[réf. nécessaire] En 1989 et 1990, les régimes prosoviétiques d'Europe de l'Est s'effondrent et laissent place à des régimes démocratiques. Lech Wałęsa est élu président de la République de Pologne en 1990.
Béatification et éventuelle canonisation
Le pape Jean-Paul II avait ouvert en 1997 le procès en béatification de Jerzy Popiełuszko. En 2008, Popiełuszko est déclaré serviteur de Dieu. Le successeur de Jean-Paul II, le pape Benoît XVI, approuve la béatification de Jerzy Popiełuszko le , en tant que martyr de la foi[11]. Habituellement, la béatification doit être précédée d'un miracle attribué à l'intercession de la personne dont la cause est introduite. Toutefois, la béatification d'un martyr peut avoir lieu sans qu'un miracle soit reconnu[12].
Le , l'archevêque Angelo Amato, préfet de la Congrégation pour les causes des saints, préside sur la place Piłsudski la grand-messe de béatification du père Popiełuszko, concélébrée par 120 évêques et 1 300 prêtres. Sont également présents la mère du défunt, Marianna (1920-2013), sa sœur et ses frères, l'ancien président Lech Wałęsa et près de 150 000 fidèles. À l'issue de la messe, des reliques du prêtre sont portées en cortège à travers Varsovie pour être déposées au Temple de la Divine Providence, une imposante église en construction dans le quartier de Wilanów, à 12 km de la place Piłsudski[13].
Le , le Père Brien, prêtre du diocèse de Créteil, en France, va donner l'onction des malades à François Audelan, un patient âgé de 56 ans, souffrant d'un cancer[14]. Après avoir demandé l'intercession du bienheureux Jerzy Popiełuszko, le prêtre place une image représentant le prêtre martyr sur la table de chevet du malade. Le lendemain, le malade se lève de son lit alors qu'il avait reçu les derniers sacrements dans la nuit. Quelques jours plus tard, il est complètement guéri. De manière inexplicable, la tumeur a disparu[15].
Une commission pour étudier la guérison est convoquée par l'évêque de Créteil en mars 2014. Les résultats de l'enquête sont transmis en septembre 2015 par le diocèse de Créteil à la Congrégation pour la cause des saints au Vatican pour que le caractère miraculeux ou non de la guérison soit établi[16][source insuffisante]. En cas de réponse positive, Jerzy Popiełuszko pourrait être canonisé.
Ses textes
Jerzy Popiełuszko n'a rien publié de son vivant, mais ses Sermons pour la Patrie ainsi que ses carnets intimes (rédigés entre 1980 et 1984) ont été publiés en polonais et, plus tard, traduits en français par l'entremise de l'écrivain et journaliste Jean Offredo.
- Jerzy Popieluszko : le chemin de ma croix. Messes à Varsovie Traduit par Michel de Wieyzka. Préface : Jean Offredo, publ. par Cana, Paris 1984.
- Jerzy Popieluszko : carnets intimes (1980-1984). Traduction et introduction : Jean Offredo, publ. par Cana, Paris 1988. (2e édition 1997)
Héritage
Le compositeur polonais Andrzej Panufnik écrit son Bassoon Concerto en 1985 en sa mémoire[17]. En 1986, la face B de l'album Flajelata de Muslimgauze contient le morceau Homélie à Popieluszko.
Sa vie inspire plusieurs films : une fiction intitulée Le Complot d'Agnieszka Holland, ainsi qu'un film biographique Popiełuszko, wolność jest w nas (« Popiełuszko, la liberté est en nous ») de Rafał Wieczyński (pl) en 2009.
À titre posthume, il reçoit en 2009 l'ordre de l'Aigle blanc.
Différents bustes, stèles et plaques commémoratives du prêtre sont érigées par des communautés catholiques notamment aux États-Unis et en Pologne, 73 rues portent son nom ainsi que quatre ronds-points, trois places et 21 écoles. Une statue à sa mémoire est édifiée près du parc Jean-Paul II à Issy-les-Moulineaux[18].
Bibliographie francophone
Témoignages
- Bernard Brien, Jerzy Popieluszko, la vérité contre le totalitarisme, Artège, 2016.
- Roger Boyes, John Moody, Le prêtre qui devait mourir. La tragédie du père Jerzy Popieluszko, Paris, Albin Michel, 1987.
- Tadeusz Fredro-Boniecki, Le IVe Département et l’affaire Popieluszko. Traduction : Karol Zaremba. Préface : Aleksandra Kwiatkowska-Viateau, Paris, Criterion, 1990.
- Jan Korch, Le Père Jerzy Popieluszko « Mon cri était celui de ma patrie » témoignages ; entretiens réalisés par Jan Korch ; traduits et adaptés [du polonais] par Mgr Ryszard Wasik, Éditeur : AED, Aide à l'Église en détresse, 2008.
- Antoni Lewek, L’abbé Jerzy Popiełuszko – Martyr. Le martyre du prêtre – source de la vitalité de l’Église, Varsovie, 1985.
- Antoni Lewek, Un nouveau sanctuaire des Polonais. Le tombeau du Martyr – l’abbé Jerzy Popiełuszko, Varsovie, 1986.
- Antoni Lewek, L’abbé Jerzy Popiełuszko. Symbole des victimes du communisme, Varsovie, 1991.
- Zygmunt Malacki, Serviteur de Dieu Jerzy Popiełuszko, Varsovie, Wydawnictwo Sióstr Loretanek, 2003.
- Patrick Michel, Georges Mink, Mort d’un prêtre. L’affaire Popieluszko. Analyse d’une logique normalisatrice, Paris, Fayard, 1985.
- Grażyna Sikorska, Vie et mort de Jerzy Popieluszko, traduit par Arnaud Dupin de Beyssat, Paris, Éditions du Cerf, 1985.
Bande dessinée
Dans la série Les chercheurs de Dieu, tome 3 :
- Valérie Armand, Dieter et Thierry Lescuyer (sc.) ; Marc Malès, Léo, Pierre Frisano (dessins) Sœur Emmanuelle, Joseph Wresinski, le Père Popieluszko[19], 1994.
Notes et références
- http://www.beskid.com/popieluszko.html.
- http://marekbozek.com/jerzy_popieluszko.
- Le Père Jerzy Popieluszko (1/2) - Vie de saint, témoin - Dans Altum.
- http://inaltum.free.fr/2009_vie.php?page=vie&n=12.
- http://news.bbc.co.uk/onthisday/hi/dates/stories/october/30/newsid_4111000/4111722.stm.
- (en) BBC : « 1984 : un prêtre pro-Solidarnosc est assassiné ».
- Jérémie Lanche, « Jerzy Popieluszko, l'« aumônier de Solidarnosc », béatifié », L'Express, (consulté le ).
- « Le procès de Torun : un verdict ambigu », sur le site du Monde, (consulté le ).
- « Trois condamnés pour le meurtre du Père Popieluszko bénéficient de remises de peine », sur le site du Monde, (consulté le ).
- (pl) « 20 rocznica zabójstwa ks. Popiełuszki », sur le site du magazine Wprost, (consulté le ).
- Agence Reuters, « Jean Paul II et Pie XII sur la voie de la béatification », L'Express en ligne, (lire en ligne).
- « Comment reconnait-ton un miracle pour une béatification ou une canonisation ? »
- François Gault, « Jerzy Popieluszko béatifié aujourd'hui en Pologne », Ouest-France, , p. 2.
- « Bienheureux Père Popieluszko : « Écoute Jerzy, c’est le jour, fais-le ! » »
- « Religion : François A., nouveau miraculé selon l'Église catholique ».
- « Père Jerzy Popieluszko : ultime étape vers la canonisation ».
- (en) Notes sur le Bassoon Concerto.
- « Père Jerzy Popieluszko – Issy-les-Moulineaux » (consulté le )
- Notice sur le site bedetheque.
Liens externes
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- WorldCat
- Popiełuszko, DVD du film de Rafał Wieczyński de 2009 retraçant la vie et le combat du prêtre, en version originale sous-titré.
- Popiełuszko, la liberté est en nous (pl) le film de Rafał Wieczyński en quatre épisodes (en polonais).
- Le complot (en anglais To kill a priest), film d'Agnieska Holland, retraçant les dernières heures du prêtre, avec Christophe Lambert dans le rôle principal.
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