Jean V d'Harcourt

Jean V d'Harcourt, exécuté en , fut comte d'Aumale, puis deuxième comte d'Harcourt, vicomte de Châtellerault, seigneur d'Aarschot en Brabant.

Biographie

Jean V d'Harcourt est le fils de Jean IV d'Harcourt, tué à Crécy, et le neveu du fougueux Geoffroy d'Harcourt, maréchal d'Angleterre.

En raison de sa haute naissance et de sa parenté avec la famille royale, le roi de France lui donne la qualité de son cher et féal cousin[1]. Il est également parfois qualifié de noble et puissant prince.

Valeureux chevalier, Jean V d'Harcourt, d'abord connu sous le titre de comte d'Aumale, est capitaine de Granville et participe à la bataille de Crécy (1346) où il est très grièvement blessé[2], alors que son père y trouve la mort et que son oncle Geoffroy d'Harcourt combat à la tête des troupes anglaises.

Son caractère frondeur l'amène ensuite à se rallier au parti de son cousin[3], le roi de Navarre, dit Charles le Mauvais, comte d'Evreux et prétendant au trône de France. Celui-ci reçoit alors le soutien de la noblesse normande au premier rang de laquelle se trouvent les Harcourt.

Lors de la convocation des États normands à Vaudreuil () il proteste au nom des libertés normandes contre les nouvelles contributions demandés par le roi de France, Jean II, pour financer la guerre contre les Anglais et il le défie en s'exclamant : « par le sang de Dieu ! Ce roi est un mauvais homme. Il n'est pas un bon roi. Et vraiment, je me garderai de lui ! ».

Arrestation par le roi lors du banquet de Rouen

Jean II le Bon est averti des projets de partage du pays, ourdis par Charles le Mauvais et les Anglais à Avignon, et se décide à le mettre hors d'état de nuire.

Le , le dauphin et duc de Normandie, futur Charles V, a convié en son château de Rouen toute la noblesse de la province, à commencer par le comte d'Évreux, Charles le Mauvais et le comte d'Harcourt qui prennent place à sa table d'honneur. La fête bat son plein lorsque surgit Jean II le Bon, coiffé d'un casque et l'épée à la main, qui vient se saisir de Charles le Mauvais en hurlant : « Que nul ne bouge s'il ne veut être mort de cette épée ! »[4]. À ses côtés, son frère Philippe d'Orléans, son fils cadet Louis d'Anjou et ses cousins d'Artois forment une escorte menaçante. À l'extérieur, une centaine de cavaliers en armes tiennent le château[4]. Jean le Bon se dirige vers la table d'honneur, agrippe le roi de Navarre par le cou et l'arrache violemment de son siège en hurlant : « Traître, tu n'es pas digne de t'asseoir à la table de mon fils ! ». Colin Doublet, écuyer de Charles le Mauvais, tire alors son couteau pour protéger son maître, et menace le souverain. Il est aussitôt appréhendé par l'escorte royale qui s'empare également du Navarrais[4]. Excédé par les complots de son cousin avec les Anglais, le roi laisse éclater sa colère qui couve depuis la mort, en , de son favori le connétable Charles de La Cerda, bien que le traité de Mantes ait soldé l'affaire le .

Malgré les supplications du dauphin qui, à genoux, implore de ne point le déshonorer ainsi, le roi se tourne vers Jean V d'Harcourt, infatigable défenseur des libertés normandes, mais qui a été mêlé aux complots du roi de Navarre et était présent lors de l'assassinat du connétable Charles de La Cerda. Il lui assène un violent coup de masse d'armes sur l'épaule avant d'ordonner son arrestation.

Exécution du comte d'Harcourt

Le roi Jean II renonce à faire exécuter le roi de Navarre, mais condamne à mort, sans aucune forme de procès et sans même lui accorder le droit de recevoir les sacrements de l'Église, Jean V d'Harcourt ainsi que trois de ses compagnons. Le roi ne veut pas perdre de temps car, comme les Rouennais « aimaient grandement » le comte d'Harcourt, il craint des émeutes. Le soir même donc, le comte d'Harcourt et trois de ses compagnons, dont l'écuyer Doublet, sont conduits au lieu-dit du Champ du Pardon, à côté de Rouen. Sur ordre du roi, qui ordonne « faites délivrer ces traîtres » et, malgré les nouvelles implorations du dauphin, le bourreau, un criminel libéré pour la circonstance qui gagne ainsi sa grâce, leur tranche la tête[4]. Leurs corps sont ensuite exposés au gibet de Rouen. Plus tard, le corps du comte d'Harcourt fut enlevé par ses proches et inhumé dans l'église du prieuré Notre-Dame du Parc, près du château d'Harcourt.

Dès le surlendemain, le roi envoie le bailli de Rouen avec 50 hommes d'armes, 25 arbalétriers et plusieurs officiers pour saisir le château d'Harcourt.

Cet épisode sombre, qui a marqué les esprits médiévaux, a fait l'objet de nombreux récits et est relaté de manière romancée par Maurice Druon dans un chapitre des Rois maudits[5].

Conséquences de l'exécution

À court terme, cette exécution sommaire provoque la colère de Geoffroy d'Harcourt qui, à l'instar de Philippe de Navarre, frère de Charles le Mauvais, entre à nouveau en rébellion ouverte contre le roi de France et se tourne vers Édouard III d'Angleterre. L'oncle de Jean V d'Harcourt reconnait alors les droits du roi d'Angleterre sur la France et le duché de Normandie, lui jure obéissance et lui lègue tous les biens qu'il possède en Normandie par lettres du .

Édouard III d'Angleterre profite de la situation pour débarquer dans le Cotentin le et reprendre les hostilités qui aboutissent à la capture de Jean le Bon à Poitiers, le .

Réhabilitation du comte d'Harcourt

Le dauphin, futur Charles V, devient alors régent du royaume. Le il scelle un accord de réconciliation avec Charles le Mauvais qui comporte la réhabilitation de Jean V d'Harcourt et des trois autres victimes du Champ du Pardon. Cette réhabilitation se manifeste de manière spectaculaire le et le par une procession à travers les rues de Rouen conduite par le roi de Navarre qui chevauche derrière le catafalque du comte d'Harcourt. « Grand nombre de noblesse, de peuple et de bourgeois de Rouen » assistent à ces funérailles solennelles.

Conscient du caractère injuste, maladroit et impopulaire de l'exécution de Jean V d'Harcourt par son père, le dauphin Charles restitue au même moment à Jean VI d'Harcourt, fils aîné de Jean V, le comté d'Harcourt ainsi que les terres saisies par le roi.

Peu après la paix de Pontoise (), soucieux de rallier à lui l'héritier de la plus puissante dynastie normande, le dauphin organise même le mariage du jeune comte Jean VI d'Harcourt avec sa propre belle-sœur, Catherine de Bourbon, et lui accorde des lettres de rémission () effaçant ainsi le souvenir du Champ du Pardon.

Descendance

Jean V d'Harcourt avait épousé Blanche de Ponthieu, comtesse d'Aumale, princesse de Castille, fille de Jean de Ponthieu, comte d'Aumale, et de Catherine d'Artois, princesse du sang de France, dont il eut :

Articles connexes

Notes et références

  1. lettres patentes du roi Jean II du
  2. Froissart le tient même pour mort dans son récit de la bataille de crécy : « Il est bien vrai que messire Godefroi d'Harcourt, qui était de lès le prince et en sa bataille, eu volontiers mit peine et entendu à ce que le comte d'Harcourt, son frère, eut été sauvé ; car il avait ouï à aucuns anglais qu'on avait vu sa bannière, et qu'il était avec ses gens venu combattre aux anglais. Mais le dit messire Geoffroy n'y pu venir à temps, et fut la mort sur la place le dit comte, et aussi le comte d'Aumale, son neveu. »
  3. par sa femme, Blanche de Ponthieu, Jean V d'harcourt est le cousin germain du père de Charles le Mauvais, Philippe III de Navarre, comte d'Evreux
  4. Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994, p. 177-179.
  5. Maurice Druon, Les Rois Maudits, tome VII, Quand un roi perd la France
  • La Chenaye Desbois, Dictionnaire de la noblesse de France
  • Françoise Autrand, Charles V, 1994
  • Gilles-André de La Roque, Histoire généalogique de la maison de Harcourt, 1662
  • Dom Le Noir, Preuves généalogiques et historiques de la Maison de Harcourt, 1907
  • Georges Martin, Histoire et Généalogie de la Maison d'Harcourt, 1994
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