Jean Philippe (commissaire)

Jean Philippe, né le à Lyon et mort le à Karlsruhe, est un commissaire de police français, membre de la Résistance.

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Premières années

Jean Philippe est le fils de Jean Marius Philippe, musicien, et Louise Marie Cornut, lingère[1].

Il est d'abord représentant de commerce[1]. De novembre 1925 à avril 1927, il part à Bizerte pour son service militaire dans le 8e régiment de tirailleurs[1]. En 1929, il s’engage dans les troupes coloniales et part pour l'Indochine au service du 2e Bureau[1]. En 1933, il est affecté dans un régiment de tirailleurs sénégalais à Toulon. En octobre 1934, il est ensuite affecté à Casablanca dans un rôle administratif[1]. Il s'y marie le avec Jeanne Bouillane et adopte une petite fille[1]. Il quitte l'armée française avec le grade de sous-lieutenant, et devient commissaire de police en 1937[1]. Il est posté au Creusot en 1939[1].

Sa mobilisation à la suite de l'entrée en guerre de la France contre le Troisième Reich se tient le . Prisonnier en juin 1941, il devient lieutenant après s’être échappé[1]. Il est à un poste de commissaire de police à Lourdes à l'automne 1940[1], puis il est nommé commissaire du 7e arrondissement de Toulouse, demeurant en janvier 1943 au 22 rue Leyde (devenue la rue du Commissaire-Philippe en 1947)[2].

Commissaire de police dans la Résistance

Entrée dans la Résistance

Dès 1940, Philippe adhère à la Résistance, intégrant notamment le réseau belge Sabot. À l'été 1942[3], il s'engage sous l'alias de « Basset » dans le réseau de renseignement Alliance ; il est d'abord le chef de la « patrouille » de Toulouse, puis de la région Sud-Ouest après novembre 1942[3], participant notamment au sauvetage de plusieurs juifs. En , après l'occupation par les allemands de la zone libre, il est sollicité par les autorités de Vichy afin d'établir la liste des juifs de l'arrondissement dont il a la charge ; ne voulant pas obéir à un tel ordre, il démissionne de son poste et rentre dans la clandestinité[4].

Lettre de démission

Philippe explique sa grave décision dans un courrier qu'il adresse le [4] à son supérieur hiérarchique, le commissaire central de Toulouse. Cette lettre, courageuse et lucide, peut être considérée comme un des grands textes de la Résistance. Elle est conservée aux Archives Départementales de la Haute-Garonne[2].

« J'ai le regret de vous rendre compte de ce que la politique actuellement suivie par notre gouvernement n'étant pas conforme à mon idéal, je ne saurais désormais servir avec fidélité. Je refuse - et sous mon entière responsabilité - de persécuter des israélites qui, à mon avis, ont droit au bonheur et à la vie, aussi bien que M. Laval lui-même. Je refuse d'arracher, par la force, des ouvriers français à leur famille : j'estime qu'il ne nous appartient pas de déporter nos compatriotes et que tout Français qui se rend complice de cette infamie, se nommerait-il Philippe Pétain, agit en traître. Je connais l'exacte signification des mots que j'emploie. En conséquence, Monsieur le Commissaire Central, j'ai l'honneur de vous informer de ce que, par le même courrier, ma démission est transmise à Monsieur l'Intendant Régional de Police. Permettez-moi de vous exprimer ma gratitude pour l'extrême bienveillance dont vous fîtes toujours preuve à mon égard et veuillez agréer l'expression de mon respectueux dévouement. Signé : Phillipe, ex-commissaire du 7e arrondissement »[5].

Arrestation et mort

Philippe informe de sa décision son chef de réseau, Marie-Madeleine Fourcade, alias « Hérisson » ; il a l'intention de poursuivre son action dans la Résistance en continuant à animer ses agents dans la clandestinité[6].

Dès le , l'Intendant de Police André Danglade fait diffuser un avis de recherche prescrivant l'arrestation de Philippe, mais c'est la Gestapo qui, le 28[4] ou le [7], à la suite de l'imprudence d'un agent de liaison, procède à sa capture à Beaumont-de-Lomagne. Philippe est conduit à Paris et torturé, puis transféré à Compiègne et à Fribourg où la Cour martiale du Reich le condamne à mort[7]. Il est fusillé le à Karlsruhe, avec quatorze autres membres du réseau Alliance[8]. Il s'est dirigé vers le peloton d'exécution arborant sur sa veste un tissu rouge à l'emplacement du cœur et en chantant la Marseillaise[9].

Sa femme, Jeanne Bouillane, qui l'assiste dans ses activités de résistant, est également arrêtée. Elle est déportée en Allemagne mais survit[10].

Postérité

Le compte-rendu de l'affaire, rédigé par le préfet régional, Léopold Chéneaux de Leyritz, confirme l'engagement de Philippe dans un réseau de la Résistance impliquant également d'autres policiers.

À titre posthume, le commissaire Philippe est promu capitaine, décoré de la Légion d’honneur et de la Médaille de la Résistance (décret du 15/06/1946 et JO du 11/07/1946)[1]. En 1981, Yad Vashem lui décerne le titre de "Juste"[11]. La 9e promotion de commissaires de police (1957/1958) porte son nom[1], ainsi qu'une rue à Toulouse[12].

Décoration

Médaille de la Résistance française

Chevalier de la Légion d'honneur

Notes et références

  1. Jean-Louis Ponnavoy, « PHILIPPE Jean, Marius, Louis. PHILLIPE à l’état civil - Maitron », sur maitron.fr, (consulté le )
  2. A. Roy, « La grande histoire : le commissaire Philippe », La gazette des Chalets, no 13, (lire en ligne)
  3. « Jean Philippe », sur reseaualliance.org (consulté le )
  4. « Jean-Philippe », sur www.ajpn.org (consulté le )
  5. [PDF] Documents sur les résistants des archives départementales du conseil général de la Haute-Garonne
  6. Fourcade, tome 2, p. 31.
  7. Mémorial de l'Alliance, p. 25.
  8. Fourcade, tome 2, p. 426.
  9. [PDF]présentation de résistants dont Jean Philippe sur le site de l'École nationale supérieure de la police
  10. « Les JUSTES de Yad Vachem », sur harissa.com (consulté le )
  11. « Le courage de désobéir », sur Yad Vashem
  12. « Toulouse. Un commissaire héroïque », sur ladepeche.fr (consulté le )

Bibliographie

  • Association Amicale Alliance, Mémorial de « l'Alliance », Paris, Durassié et Cie, , 80 p. (lire en ligne [PDF]). 
  • Marie-Madeleine Fourcade, L'Arche de Noé, t. 2, Paris, éditions Fayard, coll. « Le Livre de poche » (no 3140), (réimpr. 1998) (1re éd. 1968), 446 p.
  • Limore Yagil, Chrétiens et juifs sous Vichy 1940/1944 : sauvetage et désobéissance civile, Paris, éd. Cerf, coll. « Histoire », .

Liens externes

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