Israel Zolli

Eugenio Pio Zolli, né Israel Anton Zoller le à Brody, en Galicie, et mort le à Rome, est un ancien grand-rabbin de Rome, qui s'est converti au catholicisme en 1945.

Biographie

Les vestiges de la synagogue de Brody.
Trieste à la fin du XIXe siècle.

Israel Zoller est né en 1881 à Brody, dans l'oblast de Lviv, en Galicie, dans une famille de rabbins. En 1920, il fut nommé rabbin dans la ville de Trieste, qui venait de se libérer de l'occupation austro-hongroise. Ce fut là que la famille Zoller italianisa son patronyme en « Zolli ».

En 1940, Israel Zolli devint grand rabbin de la ville de Rome. Au courant des plans élaborés par les nazis en Allemagne en 1939, Zolli tentera avec l'aide de Pie XII de protéger son peuple face à leur arrivée en Italie.

« La veille de l’arrivée des Allemands, le rabbin Zolli fait le point sur la situation de ses coreligionnaires dans la ville de Rome : « Ils étaient italiens comme les autres ; ils étaient juifs, donc pas comme les autres. » Que pouvait-on attendre, pense-t-il, de la fusion des pires éléments parmi les Allemands, c’est-à-dire les S.S., avec ceux du parti national fasciste ? Depuis les années passées à Trieste, Zolli est riche d’expérience. Il y a rencontré parmi les flots de réfugiés, des témoins directs du nazisme et il a parcouru des documents écrits révélant la réalité terrifiante. En outre, un ami catholique introduit auprès de l’ambassade d’Allemagne à Rome le tenait au courant des plans élaborés au fur et à mesure par les chefs nazis concernant la population israélite. Le bon rabbin a bien du mal à persuader les responsables de la Communauté juive du bien fondé de ses informations : à Rome, prétendent-ils, Hitler n’oserait pas irriter le Vatican dont l’influence est prépondérante et provoquer le pape à protester publiquement contre une éventuelle persécution ; et puis, le nombre des Juifs à Rome est minime. De toute façon, la Wehrmacht était opposée à ce genre de mesures. Mais, Zolli le savait, les S.S. étaient fanatisés. Il téléphone donc à Dante Almansi, le Président de l’Union des Communautés juives. Lui qui avait encore ses entrées auprès de la police fasciste, le comprendrait certainement : – Ils sont sur le point d’arriver. Demain ils seront là. Il faut nous rencontrer avec le Président de la Communauté de Rome, le Docteur Foa. Je serai chez vous à sept heures demain matin. Je vous dirai ce que je pense qu’il faut faire afin de protéger la population juive […]. Au bout du fil, Almansi éclate de rire : – Comment un esprit aussi clair que le vôtre peut-il s’imaginer qu’il puisse y avoir une interruption dans la vie hébraïque ? Pas plus tard qu’hier, j’ai vu le ministre en personne et j’ai reçu des assurances à ce sujet. Ne vous inquiétez donc pas ! Il répète ces paroles lénifiantes et avertit Zolli qu’il lui faut donner confiance au peuple plutôt que de l’affoler avec des histoires ! Zolli raccroche et se tourne vers Gemma, une employée de bureau : – Il y aura un bain de sang, lui dit-il ; qui sait combien de Juifs le paieront de leur vie ? Le lendemain, les deux présidents, absents de leurs bureaux, à l’approche des forces armées du troisième Reich. « On veut bien s’abandonner entre les mains du Seigneur parce qu’il est miséricordieux, écrit Zolli ; mais, préservez-nous de tomber entre les mains des hommes ! » Des nouvelles arrivent par la radio de Londres : une heure après l’entrée à Prague, les Nazis ont liquidé le grand rabbin de la ville. Le commissaire de police, un ami anti-fasciste de Zolli lui conseille fortement de quitter son domicile, au moins pour quelques jours, en attendant de voir quel système ils adopteraient. Rentré malgré tout chez lui, sa fille Miriam le fait partir en catastrophe. « Tout le monde quitte le Ghetto, dit-elle. Nous devons survivre ; ici nous mourrons. » Et Zolli, accompagné de sa femme, Emma, et de sa fille, se fraient un chemin dans les ruelles entre des coups de feu. Depuis le soir du 10 septembre, l’armée allemande contrôle la ville de Rome, et puisque la moitié du territoire italien se trouve maintenant entre les mains de ses troupes, Himmler juge le moment venu pour exiger des Italiens de participer à la solution finale. D’après l’historien Paul Johnson, Himmler avait ordonné au chef des S.S. à Rome, le lieutenant-colonel Herbert Kappler de « rassembler tous les Juifs, hommes et femmes, enfants et vieillards, pour les envoyer en Allemagne ». C’était compter sans l’ambassadeur allemand à Rome et le commandant militaire, le maréchal Kesselring qui déclara avoir besoin des Juifs pour construire des fortifications. « En désespoir de cause, Kappler se servit de son ordre pour faire chanter la Communauté juive ». »[1]

« Kappler convoqua les deux Présidents de la Communauté, Almansi et Foa, en les sommant de « livrer dans les vingt-quatre heures cinquante kilos d’or, sous peine de déportation immédiate pour tous les hommes de la population juive de la ville ». Le rabbin Zolli nous précise qu’il s’agissait en fait d’une liste de trois cents noms d’otages qui commençait en tout premier par le sien. Le lendemain matin, Zolli reçoit la nouvelle que la Communauté avait réussi à rassembler seulement trente cinq kilos d’or ; on lui demande alors d’aller au Vatican pour emprunter les quinze kilos manquants. Un ami « aryen », le sont normalement gardées par la Gestapo. Zolli est introduit en tant qu’« ingénieur » pour examiner des murs en construction. Il joue le jeu et donne son approbation aux plans qu’on lui montre. Puis, il arrive dans le bureau du secrétaire d’État et du trésorier en disant : « Le Nouveau Testament ne peut pas abandonner l’Ancien ! S’il vous plaît, aidez-moi. Quant au remboursement de la somme, je me donne moi-même en garantie et puisque je suis pauvre, les Juifs du monde entier contribueront à rembourser la dette. » Il fut d’abord reçu par le commandeur Nogara, délégué à l’Administration du Saint-Siège ; les prélats sont émus. L’un d’eux, le cardinal Maglione, s’en va trouver le Saint-Père Pie XII et retourne peu de temps après en demandant à Zolli de revenir avant treize heures. « Les bureaux seront déserts, mais deux ou trois employés vous attendront pour vous remettre le colis […] Il n’y aura pas de difficulté. » Mais l’après-midi du 29 septembre, Zolli revient pour informer le pape que la quantité d’or voulue a déjà été amassée, notamment grâce à la contribution de nombreuses organisations catholiques et des prêtres de paroisse. Himmler en a voulu à Kappler, car il fallait trouver des Juifs à liquider au nom du Reich et non de l’or ! Des rafles devaient donc être organisées. Une Judenaktion aurait lieu sous peu. « L’ambassadeur allemand auprès du Saint Siège, écrit Paul Johnson, avertit le pape qui ordonna aussitôt au clergé romain d’ouvrir les sanctuaires. » Le sauvetage des Juifs avait commencé. Au cours des neuf mois suivants, Zolli garde la clandestinité, fait que les Présidents imprudents de la Communauté lui reprocheront amèrement plus tard, alors qu’il aurait pu émigrer facilement en Amérique ou ailleurs. En attendant, c’est pendant cette période que, tout en se cachant dans des familles « aryennes », Zolli cherche des moyens efficaces pour faire disperser la population : il ne faut pas laisser les Juifs s’assembler ni se déplacer ensemble ; et surtout, il faut détruire les dossiers et les listes d’adresses des membres de la synagogue. Enfin, pour sauver les rabbins des autres villes d’Italie, Zolli propose d’envoyer Mme Gemma pour les prévenir de vive voix du danger imminent. Ce programme initial connaît peu de succès »[2].

Selon sa biographe Judith Cabaud, en 1944, alors qu'il conduisait le service de Yom Kippour, il eut une vision mystique de Jésus-Christ[3].

Peu après la Libération, le rabbin Zolli se convertit, avec son épouse, au catholicisme. Pour prénom de baptême, ils choisissent de s'appeler « Eugenio » et « Eugenia », en hommage au pape Pie XII, né Eugenio Pacelli, en raison de son action pour les Juifs de Rome pendant la Seconde Guerre mondiale.

Myriam, la fille du rabbin Zolli, écrit : « Pacelli et mon père étaient des figures tragiques dans un monde où toute référence morale avait disparu. Le gouffre du mal s’était ouvert, mais personne ne le croyait, et les grands de ce monde — Roosevelt, Staline, de Gaulle — étaient silencieux. Pie XII avait compris que Hitler n’honorerait de pactes avec personne, que sa folie pouvait se diriger dans la direction des catholiques allemands ou du bombardement de Rome, et il agit en connaissance de cause. Le pape était comme quelqu’un contraint à agir seul parmi les fous d’un hôpital psychiatrique. Il a fait ce qu’il pouvait. Il faut comprendre son silence dans le cadre d’un tel contexte, non comme une lâcheté, mais comme un acte de prudence »[4].

Devenu professeur à l'Institut biblique pontifical, Eugenio Zolli mourut à Rome en 1956, à l'âge de 74 ans. Son autobiographie publiée en 1954, Prima dell'alba, décrit les circonstances de sa conversion et explique les raisons de son admiration envers Pie XII. On y lit notamment : « La rayonnante charité du Pape, penché sur toutes les misères engendrées par la guerre, sa bonté pour mes coreligionnaires traqués, furent pour moi l'ouragan qui balaya mes scrupules à me faire catholique »[5].

Notes et références

Sources

Bibliographie

Œuvres d'Israel Zolli (Eugenio Zolli dans les éditions italiennes)
  • (en) Le mémoire de Zolli, Before the Dawn (1954) a été réédité par Ignatius Press en 2008. (en) Before the dawn.
  • (it) Eugenio Zolli, Il Nazareno, 1938.
  • (it) Eugenio Zolli, Antisemitismo, AVE, 1945.
  • (it) Eugenio Zolli, Christus, AVE, 1946.
  • (it) Eugenio Zolli, Da Eva a Maria, 1953.
  • (it) Eugenio Zolli, Prima dell’alba (autobiographie), Edizioni San Paolo 2004.
Biographie
  • (fr) Judith Cabaud, Eugenio Zolli : Prophète d'un monde nouveau, éd. François-Xavier de Guibert, Paris, 2000 ; 2e édition augmentée : 2002 (ISBN 978-2868397959).
Ouvrages généraux
  • (it) Renzo De Felice, Storia degli ebrei italiani sotto il fascismo, Mondadori, Milano, 1977.
  • (fr) Marie-Anne Matard-Bonucci, L'Italie fasciste et la persécution des Juifs, Perrin, 2007.
  • (fr) Pierre Milza, avec Serge Berstein, L'Italie fasciste, Armand Colin, 1970.
  • (it) Liliana Picciotto Fargion, Il Libro della memoria : Gli Ebrei deportati dall'Italia (1943-1945), Mursia, Milano, 1991.

Voir aussi

Liens internes

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