Hourya Bentouhami
Hourya Bentouhami, ou Hourya Bentouhami-Molino, née en 1979, est philosophe, spécialiste de philosophie politique et enseignante-chercheuse à l'université Toulouse-Jean-Jaurès. Ses travaux portent sur la non-violence dans une perspective féministe et postcoloniale.
Biographie
Hourya Bentouhami est ancienne élève de l'École normale supérieure de Lyon. Agrégée de philosophie, elle soutient une thèse de doctorat en philosophie politique sous la direction d'Étienne Tassin. Depuis 2013, elle est maître de conférences en philosophie, à l'université Toulouse-Jean-Jaurès[1],[2]. Elle est nommée membre junior de l'Institut universitaire de France en 2018[3].
Travaux et prises de positions publiques
Elle participe en 2007 à l'ouvrage collectif L'Autre campagne, 80 propositions à débattre d'urgence, dirigé par Georges Debrégeas et Thomas Lacoste[4].
En 2009, dans son livre Races, cultures et identités[5], elle ajoute une démarche féministe à la démarche postcoloniale, qui donne un regard rétrospectif sur l'Histoire mais aussi décrit l'héritage historique et la recomposition des rapports sociaux à l'aune de cet héritage[6], et décrit dans une perspective politique et économique les fondements historiques de la production de la race et du racisme. Elle explique comment le genre participe à la production de la race par accentuation des stéréotypes racistes, en montrant comment certaines femmes servent de vecteurs idéologiques de domination alors qu'elles sont elles-mêmes dominées[7]. Ces thèmes ont aussi été explorés par Achille Mbembe et Elsa Dorlin. Dans Slate, Karim Piriou estime que l’approche théorique de l’ouvrage est caractéristique des études postcoloniales, et que l'ouvrage est « une synthèse stimulante de la pensée postcoloniale qui examine les productions épistémologiques des catégories qui servent la domination que sont la race, la culture, l’identité, mais aussi le genre ou l’orientation sexuelle. » D'après Michela Villani, cet ouvrage qui décrit les mécanismes de production des savoirs et montre l’imbrication des pouvoirs dans les rapports de genre est « synthétique et vivifiant »[8].
Elle participe en 2012 au film documentaire Notre monde, de Thomas Lacoste, dans lequel elle évoque le travail des femmes d'origine étrangère, qui est selon elle déconsidéré et invisibilisé par le pouvoir politique[9],[10].
En 2015, son livre Race, cultures, identités : une approche féministe et postcoloniale[11], elle explique la production du concept de race dans les sociétés contemporaines post-coloniales. Ryoa Chung décrit comment l'ouvrage contribue à sa façon originale à éclairer le phénomène du racisme par l'approche philosophique[12].
Elle prend position sur la question du voile islamique en 2016, s'élevant contre l'idée « prétendument féministe » selon elle, que le voile signifie la soumission des femmes, alors que, d'après elle, il « revêt de multiples significations : signe de piété, affirmation identitaire, respect de la tradition[13]. »
Explorant ce qu'elle appelle les troubles de l'identité postcoloniale et les mécanismes de racisation, elle estime que le concept biologique de race a été disqualifié alors que le racisme s'est recomposé dans le domaine culturel[6]. Elle considère notamment que l'adoption par l'Assemblée nationale le de la suppression du mot « race » de l'article premier de la constitution[14],[15] est en fait « dangereux pour la lutte contre les discriminations raciales » : « c’est la réalité du racisme qui rend nécessaire l’usage du terme "race" dans des politiques anti-racistes. » Elle exprime ainsi que :
« maintenant que le terme "race" a été éliminé de la Constitution, on ne pourra plus juger de la constitutionnalité d’une loi à l’aune de cette interdiction de la discrimination raciale. […] Ce dont on se prive désormais c’est de la possibilité de juger du caractère raciste d’une loi […] à l’heure de la montée au pouvoir des populismes de droite dans plusieurs pays européens. »
Partageant en cela l'opinion d'autres chercheurs en sciences sociales, notamment Françoise Vergès, elle estime qu'il aurait suffi d'ajouter l'adjectif « prétendue » « pour bien signifier que l’usage du terme ne vaut pas adhésion à son contenu »[16],[17].
Elle est qualifiée par la journaliste Inès Zeghloul de « militante anti-raciste, féministe et queer[16]. »
Hourya Bentouhami est souvent sollicitée par les médias pour défendre des thèses proches du Parti des indigènes de la République (PIR) : position extrêmement critique à l'égard de la laïcité et de l'universalisme[18], défense du particularisme culturel[19] dont discours en faveur du voile islamique dont la critique serait islamophobe, colonialiste — une position très controversée au sein des sciences-humaines et sociales[20]. S'insurgeant contre la focalisation des attaques contre le PIR[21], elle signe des tribunes aux côtés de Françoise Vergès[22], Sihame Assbague, Nacira Guénif-Souilamas, Omar Slaouti, Marwan Muhammad, Amal Bentousi, Maboula Soumahoro[23]... Elle soutient les concepts d'« universalisme blanc », de « blanchité » et de « colonialité » et prononce le discours d'ouverture lors de l'intervention d'Houria Bouteldja à l'université de Toulouse en 2016[24].
Publications
Ouvrages
- Hourya Bentouhami, Le dépôt des armes : non-violence et désobéissance civile, Paris, PUF, , 235 p. (ISBN 978-2-13-062814-9 et 2130628141, OCLC 923032591, lire en ligne)
- Hourya Bentouhami, Race, cultures, identités : une approche féministe et postcoloniale, Paris, Presses universitaires de France, , 172 p. (ISBN 978-2-13-063365-5 et 213063365X, OCLC 911316308, lire en ligne)
Tribunes
- Hourya Bentouhami, « Machin-la-Francophonie ou les errances de la Françafrique », Le Point Afrique, (lire en ligne)
- Fatima Ali, Zahra Ali, Hourya Bentouhami, Souad Lamrani, Laurence Meyer, Mathias Möschel, Emilia Roig, Françoise Vergès et Lionel Zevounou, « La couleur de peau, les origines: ce n’est pas la race! », Club de Mediapart, (lire en ligne)
- Norman Ajari, Hourya Bentouhami et Jean-Christophe Goddard, « Causeur et nous. Sur l’Université et l’anti-racisme. », Club de Mediapart, (lire en ligne)
- En réponse à la tribune du Monde sur la prétendue liberté d’importuner: Hourya Bentouhami, Isabelle Cambourakis, Aurélie Fillod-Chabaud, Amandine Gay, Mélanie Gourarier, Sarah Mazouz et Émilie Notéris, « Les féministes peuvent-elles parler? », Club de Mediapart, (lire en ligne)
Références
- « Hourya Bentouhami - La Vie des idées », sur www.laviedesidees.fr (consulté le )
- Flora Bastiani, « Équipe de Recherche sur les Rationalités Philosophiques et les Savoirs (ERRAPHIS) - Hourya Bentouhami », sur erraphis.univ-tlse2.fr (consulté le )
- Institut universitaire de France, « Hourya Bentouhami », sur iufrance.fr (consulté le )
- « L'AUTRE CAMPAGNE : 80 PROPOSITIONS À DÉBATTRE D'URGENCE, ouvrage coordonné par Georges Debrégeas et Thomas Lacoste », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le ).
- Bentouhami 2009.
- « Demain, les savoirs (4/4) : Faut-il subir son identité ? Avec Hourya Bentouhami » [audio], sur Les Chemins de la Philosophie par Géraldine Mosna-Savoye, sur France Culture, .
- « Déconstruire la notion de race », Slate.fr, (lire en ligne, consulté le ).
- Michela Villani, « Race, cultures, identités. Une approche féministe et postcoloniale », Genre, sexualité & société, (ISSN 2104-3736, lire en ligne, consulté le ).
- « Thomas Lacoste filme "Notre monde" », Le Monde.fr, (lire en ligne).
- NotreMondeLeFilm, « Hourya Bentouhami - "Les femmes dans les quartiers populaires" » [vidéo], .
- Bentouhami 2015.
- Ryoa Chung, « Hourya Bentouhami-Molino, Race, cultures, identités. », Philosophiques, vol. 43, no 1, , p. 163 (ISSN 0316-2923 et 1492-1391, DOI 10.7202/1036478ar, lire en ligne, consulté le ).
- « Droit des femmes : la lutte en couleurs », Le Monde.fr, (lire en ligne).
- Richard Ferrand, Yaël Braun-Pivet et Marc Fesneau, Commission des Lois constitutionnelles, de la Législation et de l'Administration générale de la République, Rapport sur le projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, (lire en ligne).
- « L'Assemblée nationale supprime le mot "race" de la législation », lemonde.fr, (consulté le ).
- « Pourquoi les anti-racistes voulaient que le terme “race” reste dans la Constitution », Les Inrocks, (lire en ligne).
- « "Pour pouvoir agir sur le racisme, il faut le nommer" : la suppression du terme “race” dans la Constitution ne fait pas l'unanimité » [vidéo], sur Franceinfo, (consulté le ).
- Hourya Bentouhami, « Les féminismes, le voile et la laïcité à la française », Socio. La nouvelle revue des sciences sociales, no 11, , p. 117–140 (ISSN 2266-3134, DOI 10.4000/socio.3471, lire en ligne, consulté le ).
- Hourya Bentouhami, « Phénoménologie politique du voile », Philosophiques, vol. 44, no 2, , p. 271–284 (ISSN 0316-2923 et 1492-1391, DOI https://doi.org/10.7202/1042334ar, lire en ligne, consulté le ).
- Le Point magazine, « Le «décolonialisme», une stratégie hégémonique : l'appel de 80 intellectuels », sur Le Point, (consulté le ).
- Hourya Bentouhami, « Pour une défense de l’antiracisme politique et de la démocratie », sur Club de Mediapart (consulté le ).
- Les Invités De Mediapart, « La couleur de peau, les origines : ce n’est pas la race! », sur Club de Mediapart (consulté le ).
- Contre-attaque(s), « Chasse aux militants antiracistes : jusqu’à quand ? », sur Contre-attaque(s) (consulté le ).
- RusicaidaMusic1981 Anthologie 1960's/2000's, « Houria Bouteldja : Tordre le cou à l’universalisme blanc (1) », (consulté le ).
Voir aussi
Article connexe
Liens externes
- Ressources relatives à la recherche :
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