Histoire du mot pharaon

Le terme pharaon désigne les souverains d'Égypte durant l'Antiquité. Le pharaon était à la fois l'administrateur principal, le chef des armées, le premier magistrat et le prêtre suprême de l'Égypte antique. Il est le fils de . Le mot, se fondant sur une expression égyptienne, est un emprunt biblique et n'a jamais servi de titre pour désigner les rois d'Égypte à leur époque et ne se rencontre d'ailleurs pas dans le protocole des souverains égyptiens[1].

Égyptien ancien, grec ancien, hébreu

Per-aâ

pr-ˁȝ

Le mot français « pharaon » dérive du grec hellénistique φαραώ pʰaraṓ, mot indéclinable[2] introduit dans cette langue par la traduction en grec de la Bible. Il dérive de l'égyptien ancien per-aâ (pr-ˁȝ en transcription scientifique).

Ce mot désignait à l'origine le palais royal (en tant qu'institution) et signifiait « la grande (ˁȝ) maison (pr) ».

Sur le papyrus Westcar (5,2), on trouve



« la grande maison » et, dans la Prophétie de Néferty[3],

ce qui signifie peut-être « celui de la plus grande des maisons », à moins que le dernier signe ne soit le déterminatif[4].

Dans la Bible, le mot « farao » (פרעה) désigne plutôt l'institution qu'un monarque précis. Il y a deux pharaons, ou rois d'Égypte, dans la Genèse : celui qu'Abraham rencontre[5], quand il descend en Égypte avec son épouse, et celui que rencontrent Joseph et ses frères. On en trouve également deux dans l'Exode : celui de la naissance et du mariage de Moïse — qui meurt au verset 2, 23[6] — puis celui de la sortie d’Égypte emmenée par le même Moïse. Un Pharaon apparaît également dans les livres des Rois, du temps de Salomon, qui épouse sa fille. Dans le Deuxième Livre des Rois (23, 29-35)[7] et dans le Livre de Jérémie (46, 2)[8], le « Pharaon Neco » est nommé. Il est identifié avec Nékao II.

Flavius Josèphe écrit à ce sujet :

« D'aucuns se seront demandé pourquoi tous les rois égyptiens, depuis Minaeos (Ménès), le fondateur de Memphis, qui précéda de beaucoup d'années notre ancêtre Abraham, jusqu'à Salomon, dans un intervalle de plus de treize cents ans, ont été appelés Pharaon (Pharaôthès) ; aussi ai-je jugé nécessaire, pour dissiper leur ignorance et éclaircir l'origine du nom, de dire ici que Pharaon chez les Égyptiens signifie roi. Je crois qu'à leur naissance ils recevaient d'autres noms, mais dès qu'ils devenaient rois, on leur donnait le titre qui désigne leur puissance dans la langue nationale. C'est ainsi que les rois d'Alexandrie, d'abord appelés d'autres noms, recevaient à leur avènement au trône le nom de Ptolémée, d'après celui du premier roi. De même, les empereurs romains, après avoir porté d'autres noms de naissance, sont appelés César, titre qu'ils tiennent de leur primauté et de leur rang, et abandonnent les noms que leur ont donnés leurs pères. Voilà pourquoi, je suppose, Hérodote d'Halicarnasse, quand il raconte qu'après Minœos, le fondateur de Memphis, il y eut trois cent trente rois d'Égypte, n'indique pas leurs noms, parce qu'ils s'appelaient du nom générique de Pharaon. »

 Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, livre VIII, chap. VI, § 155-159.

« Pharaon » et Champollion

Charles Rollin publia en 1730 Histoire ancienne, les souverains de l'Égypte y sont des rois. Pharaon est absent également dans l'œuvre monumentale des savants de Bonaparte, la Description de l'Égypte parue en 1821. Pour L.-P. de Ségur[9], Pharaon est un roi égyptien qui donna sa fille en mariage à Salomon, roi d'Israël.

Une recherche dans les livres publiés en France, avant le début du XVIIIe siècle, montre que le terme pharaon a uniquement été utilisé dans des contextes d'inspiration biblique[10]. En français, pharaon était donc confiné aux textes inspirés de thèmes religieux. Dans tout autre texte, le souverain de l'Égypte était un roi.

Jean-François Champollion fut le premier à se servir du mot en dehors du contexte biblique. Depuis la publication en 1814 de L'Égypte sous les Pharaons, « Pharaon » est utilisé par les auteurs comme titre des rois d'Égypte. En 1822, dans la Lettre à Monsieur Dacier, c'est « roi » qui est utilisé. Il ne trouvera toutefois jamais l’équivalence entre per-aâ et pharaon, mais il reprend l'utilisation de pharaon après 1822. Champollion ne donna jamais d'explication pour l'emploi de ce barbarisme.

Emploi de « pharaon » chez les Égyptiens de l'époque dynastique

En 1856, Emmanuel de Rougé proposa une réponse satisfaisante où pharaon vient du mot égyptien pour désigner le palais gouvernemental (pr-ˁȝ). À partir d'Akhenaton, Pharaon en écriture hiéroglyphique sert à désigner le roi. Ne manquant pas de titres et de désignations, pour quels motifs Akhenaton a-t-il utilisé Pharaon pour se désigner, cela demeure un mystère. Ce peut être par complaisance envers l'armée, la prêtrise et l'administration qui utilisaient déjà ce mot dans leurs propres titres ou bien a-t-il vu dans pr-ˁȝ le point de départ de son enseignement religieux, de son rayonnement.

Pa-râ

pȝ rˁ

Les Égyptiens rapprochaient les mots ayant les mêmes consonnes ; ils y voyaient là l'écho sonore de l'énergie essentielle qui suscita l'univers. Pharaon (pr-ˁȝ) et Le Dieu Soleil (pȝ rˁ) ont les mêmes consonnes, le mot soleil Ra se trouve au milieu de pr-ˁȝ, c'est peut-être là que se trouve la réponse. Les lettres d'Amarna en témoignent, les vassaux d'Akhenaton l'appelaient « mon soleil ». Nous retrouvons là les propositions d'Ippolito Rosellini et d'Emmanuel de Rougé pour l'origine de pharaon.

Pendant tout le Nouvel Empire la désignation Pharaon n'est jamais suivie du nom du souverain, c'est une alternative moins employée de majesté.

Christiane Desroches Noblecourt fait remonter la première attestation de per-aâ au sens de « pharaon » à l'an XII du règne conjoint de la reine Hatchepsout-Maâtkaré et de son neveu, Thoutmôsis III-Menkhéperrê[11]. Elle serait ensuite employée pour désigner Thoutmôsis seul. Pour d'autres égyptologues, cette attestation remonterait à l'époque de Ramsès II ou de Ramsès III[réf. nécessaire].

Pendant la Troisième Période intermédiaire et la Basse époque, les rois sont étrangers ou vassaux et certains ne parlent pas l'égyptien. À cette époque, « pharaon » est associé occasionnellement au nom de naissance du roi. Le premier sera Siamon, suivi de Sheshonq Ier à titre posthume. L'égyptien démotique prend naissance, « pharaon » devient le mot pour dire « le roi » (beaucoup d'historiens préfèrent assimiler le titre de Pharaon à celui d'empereur ce qui, semble-t-il, correspond mieux à la réalité), le mot « pharaonne » (le titre de grande épouse royale) est inventé pour désigner la reine son épouse.

Pendant la période des Ptolémées, le souverain est surtout un basileus. Ptolémée II voulait que ses tribunaux connaissent les lois régissant les différents groupes ethniques de son royaume, pour les juger selon leurs coutumes. À sa demande, les juifs d'Égypte traduisent en grec leurs lois et auraient introduit à cette époque le mot Pharao dans cette langue à partir de l'hébreu. C'est ce mot Pharao qui deviendra Pharaon en français en passant par le latin.

Les souverains romains, à qui l'Égypte appartenait en propre, furent représentés par un préfet et de ce fait reçurent le nom de Pharaon dans leur titulature. Ce nom, déterminé par les prêtres égyptiens, était le plus approprié pour définir leur programme de règne qui était laissé à l'initiative de l'institution impériale locale, dont le responsable changeait souvent et résidait au palais gouvernemental.

Développé au IIIe siècle de notre ère, le copte est la dernière forme de l'écriture égyptienne. Le mot pour roi y est (p)rro, le mot pour pharaon est pharaw ; l'utilisation de ces deux mots dans un même texte démontre que les Égyptiens n'en connaissaient plus l'origine commune.

Emploi de « pharaon » chez les Égyptiens de l'époque moderne

La nécropole thébaine s'appelle « Biban-el-Molouk » que nous traduisons par « vallée des Rois ».

Au XVIIIe siècle, Pharaon était signalé par le consul de Louis XIV en Égypte comme étant un terme injurieux. H. Fischer rapporte que c'est encore un terme méprisant pour les Égyptiens de notre époque, un équivalent de « diable ». Le mot est utilisé depuis au moins le XVIe siècle dans le surnom de l'ichneumon, rat des pharaons.

Dans le livre de Frédéric Cailliaud de 1821 Voyage à l'oasis de Thèbes, un type de coquillage trouvé sur la mer Rouge est appelé « coquille de Pharaon ». Dans ce livre, l'auteur n'emploie jamais le mot pharaon, mais il est vrai que le récit ne s'y prête pas ; comme tout le monde il parle de vallée des Rois. Dans ses livres suivants, Voyage à Méroé publiés en 1826-1827, il emploie le titre Pharaon devant un nom de roi. Entre les deux publications, Champollion avait trouvé la clé de l’écriture égyptienne et sa méprise entrait dans la tradition moderne.

Notes et références

  1. Jacques Briend, « Les Pharaons dans la Bible. Pouvoir du roi, autorité de Dieu », dans Le Monde de la Bible, hors série automne 2006, p. 47.
  2. Un parallèle de cet emprunt à l’hébreux est Πάσχα páskʰa, « Pâques », également indéclinable.
  3. Hans Wolfgang Helck, bande 2
  4. K. Sethe, p. 33 : als Ganzes determiniert mit dem Zeichen des Hauses.
  5. Genèse 12, Gn 12
  6. Exode 2, Ex 2
  7. 2 Rois 23, 2R 23
  8. Jérémie 46, Jr 46
  9. L.-P. de Ségur, Histoire Universelle ancienne et moderne p. 47, 1822.
  10. F. de Chantelouve, Tragédie de Pharaon (1574) ; Pierre de Ronsard, Sonnet pour Hélène (1578) ; Théodore Agrippa d'Aubigné, Les Tragiques (1616) ; Jacques-Bénigne Bossuet, Histoire Universelle (1681) ; Ch. De Brosses, Du Culte des dieux fétiches (1760).
  11. D’après Ch. Desroches Noblecourt, La reine mystérieuse, p. 134.
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