Histoire de l'obstétrique
L’histoire de l'obstétriques, qui a pour objet l'accouchement et ses suite dans leur dimension médicale, début avec le papyrus de Carlsberg, pour sa partie la plus ancienne du IIe millénaire av. J.‑C..
C’est à partir du XVIe siècle que l'obstétrique cessa d'être un domaine entièrement réservé aux femmes[réf. souhaitée] et dont les hommes ne s'occupaient que dans des ouvrages théoriques, comme le fit Hippocrate.
Égypte antique
Rome antique
Il existe des sages-femmes (obstetrix) et des médecins gynécologues-accoucheuses (medica ou iatromea). Ce sont deux fonctions très valorisées. Les premières sont chargées des cas simples, ne semblant pas devoir présenter de complications. Un médecin est appelé à l'aide en cas de problème. L'un d'eux eux, nommé Soranos, est réputé pour maîtriser deux pratiques : la version podalique, qui consiste à modifier la position d'un enfant qui se présente mal pour qu'il se présente par les pieds, et l'avortement tardif, si l'enfant n'arrive pas à sortir. Le fœtus est alors sacrifié pour sauver la vie de la mère : un cranioclaste peut être alors utilisé pour pratiquer une cranioclasie (écrasement du crâne), et un embryotome sert à découper le corps du fœtus in utero ; les morceaux sont enlevés au fur et à mesure avec un crochet. Cette technique essaime à travers l'Europe, et un cadavre de fœtus traité de la sorte aurait été retrouvé en Angleterre au IVe siècle. Le matériel d'accouchement se compose de deux lits, l'un réservé à la phase de travail, le second à la phase de repos après l'accouchement, tandis que l'expulsion se fait sur une sorte de chaise percée à dossier droit et munie de poignées. La sage-femme assiste à l'expulsion par le trou de la chaise. Les forceps sont alors inconnus, et l'accouchement redouté en raison du risque de mortalité élevé[1].
Époque médiévale
La fameuse encyclopédie allemande Meyers Konversationslexikon (1889) porte le jugement suivant sur l'aide qu'on pouvait apporter au Moyen Âge aux femmes qui accouchaient : « Dans l'Occident chrétien, l'obstétrique se trouvait exclusivement entre les mains de femmes qui ne savaient rien, ou au plus d'hommes qui ne s'intéressaient guère à leur travail. Dans les cas difficiles on se contentait le plus souvent d'appeler le prêtre et l'aide qu'il pouvait apporter relevait plutôt de la superstition. (...)
Dans les faits, les accoucheuses (ou matrones, ou basle) étaient simplement des femmes qui avaient survécu à de nombreux accouchements, et qui tiraient leur science de l’expérience transmise oralement. Souvent, elles n’avaient pas de connaissance d’anatomie" [2].
La lecture des sources médiévales oblige à nuancer ces propos très caricaturaux. Des techniques intuitives de contrôle de la douleur sont attestées dès l'Antiquité tardive et tout au cours du Moyen-Âge. Augustin d'Hippone (+430) évoque les femmes des campagnes africaines et des régions « barbares » qui savaient accoucher « sans aucune douleur »[3]. La prédication à succès du très populaire franciscain Antoine de Padoue (+1231) rapporte, par exemple, que « la femme, au moment de l'accouchement peut retenir son souffle. Quand elle l'a fait l'accouchement est léger et facile ; quand elle ne le fait pas, au contraire, il est douloureux, difficile et triste »[4]. Thomas d'Aquin (+1274) considère que l'assistance d'une sage-femme « est requise pour un accouchement sans douleur ("facile") », ce qui laisse bien entendre une certaine efficacité des techniques et pratiques associées. [5]
Temps modernes
C'est seulement au XVIe siècle que l'obstétrique commence à faire l’objet d’une science. En 1513 ou 1519, est publié par Eucharius Rösslin (latinisé en Rhodion), médecin allemand, un manuel destiné aux sages-femmes sous le titre Der swangern Frawen und Hebammen Rosengarten (Le Jardin de roses des femmes enceintes et des sages-femmes). On y indique comme la meilleure position la naissance par la tête - ce qui n'est pas une grande trouvaille - la seconde serait la présentation par le siège. La première traduction française est publiée à Paris, en 1536, et a un grand succès.
Les accoucheurs sont encore une rareté à l'époque et Louis XIV agit de façon inhabituelle en appelant pour l'accouchement de sa maîtresse, madame de Lavallière, Julien Clément, un chirurgien d'Arles qui par la suite sera nommé officiellement accoucheur de la cour. Jeune médecin à l'Hôtel-Dieu, François Mauriceau (1637-1709) publie un traité sur les Maladies des femmes grosses et accouchées (1668) dont l'influence majeure à travers toute l'Europe contribuera à faire de l'obstétrique une spécialité à part entière.
Le premier lieu de formation des sages-femmes est l’Hôtel-Dieu de Paris[6]. Dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, Angélique du Coudray (1712-1792) instaure un enseignement itinérant des techniques d'accouchement. En Allemagne, l'obstétrique reste au contraire le domaine des sages-femmes qui n'ont reçu aucun enseignement pratique. Les connaissances se transmettent oralement, si l'on excepte quelques ouvrages spécialisés. À en croire le Meyers Konversationslexikon, le premier ouvrage scientifique à ce sujet serait Neues Hebammenlicht (La nouvelle Lumière des sages-femmes) (1701) du Hollandais van Deventer ; on y lit : « [il] cherchait à réduire l'utilisation meurtrière des instruments qui servaient à mettre l'enfant en morceaux ».
Au XVIIIe siècle est inventé le forceps par Peter Chamberlen, dont il garde jalousement le secret au sein de sa famille, ce qui vaudra aux Chamberlen l'opprobre de François Mauriceau qui s'offusque de voir ainsi les médecins privés de cette technique. Par la suite, le forceps gagnera en popularité mais l'utilisation restera réservée aux seuls médecins, de même que les autres instruments obstétricaux. Au milieu du XVIIIe siècle, on réussit en Angleterre à provoquer artificiellement les naissances afin d'éviter les césariennes.
Certes, la césarienne était une méthode connue dès l'Antiquité, mais jusqu'à l'époque moderne on ne pouvait y avoir recours que si la mère était déjà morte afin d'essayer de sauver l'enfant[réf. nécessaire]. La première césarienne connue et réussie en occident l'a été sur une femme vivante en l'an 1500 : cette année-là, Jacques Nufer, châtreur de porcs à Siegerhausen, en Thurgovie (Suisse), sollicite de la magistrature locale l'autorisation d'accoucher sa femme, Marie Alepaschin, par voie artificielle, les médecins déclarant impossible l'accouchement par la voie naturelle, de même que les onze « ventrières » (sages femmes) qui ont vainement tenté de l'accoucher[7]. À l'époque, la technique de césarienne chez la truie était connue et il a utilisé la même méthode. Il réussit parfaitement son exploit[réf. nécessaire], puisque son épouse accouchera plus tard à cinq reprises dont une fois de jumeaux[Information douteuse]. On pense maintenant qu'il s'agissait d'un cas de grossesse abdominale, ce qui expliquerait la bonne récupération de l'opérée.
En cas de complication pendant la naissance, il ne reste à la sage-femme ou au médecin qu'à essayer de tourner l'enfant avec la main dans le ventre maternel afin qu'il se présente par la tête ou par les pieds.
C'est aussi au XVIIIe siècle qu'apparaissent les premiers centres d'accouchement ainsi que des écoles pour sages-femmes et accoucheurs. La première institution de ce genre est créée à Strasbourg en 1728, puis une autre à Londres en 1739. En Allemagne, c'est en 1751, qu'apparaissent les premières maternités à l'hôpital berlinois de la Charité. Cette année encore voit l'ouverture d'une maternité à Göttingen. En 1778, une école de sage-femmes est créée à Yverdon[2].
En 1779, en France, Élisabeth Bourgeois, l'épouse d'un chirurgien de Hôtel-Dieu, reçoit pour la première fois le titre de sage-femme, à l'Hôtel-Dieu de Montmorency (Val-d'Oise).
XIXe siècle
Au début du XIXe siècle éclate une discussion pour savoir si la naissance par forceps présente des avantages par rapport à la naissance naturelle. À cette époque, on attache si peu d'importance à l'hygiène que la fièvre puerpérale tue plus de mères dans les maternités qu'à la maison. C'est à Ignace Semmelweis que revient le mérite d'avoir compris les causes des épidémies de fièvre puerpérale dans les maternités de Vienne. Après lui (et avant Pasteur), l'usage du phénol a permis une baisse considérable des décès maternels.
C'est aussi au XIXe siècle qu'est introduite l'anesthésie dans les salles d'accouchement. Dans les premiers temps, la parturiente est anesthésiée au chloroforme, mais cela complique et rend parfois impossible l'accouchement ; pour faciliter ce dernier, il faut à nouveau souvent recourir aux forceps.
C'est seulement la découverte de l'asepsie à la suite des travaux de Louis Pasteur qui permet de pratiquer avec sécurité les césariennes, autrefois toujours mortelles.
Notes et références
- (de) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en allemand intitulé « Geburtshilfe » (voir la liste des auteurs).
- Danielle Gourevitch et Marie-Thérèse Raepsaet, La femme dans la Rome Antique, Hachette Littératures, , 94–96 p. (ISBN 978-2-01-238804-8, lire en ligne)
- Miriam Nicoli, « Le XVIIIe siècle, un tournant dans l'histoire de l'accouchement », Le Courrier, consulté le 7 novembre 2008
- AUGUSTINUS HIPPONENSIS, Contra Iulianum opus imperfectum [CPL 0356], lib. 6, § 29 (responsio Augustini), CSEL 85,2, p. 412.42 : « Dic parturitionum laborem pro parientium corporibus viribus que variari atque ita describe barbaras et rusticas feminas in facilitate pariendi, ut nec parturire videantur ac per hoc non parvum dolorem in pariendo sentire, sed nullum ».
- « Labor autem est ex eis quae faciunt evaporare multum, ita quod mulier in tempore partus potest retinere suum anhelitum; quoniam, hoc quando fecerit, erit partus levis et facilis; et cum non erit, e contrario, quia dolorosus, difficilis et tristis » (Sermo in dominica III post pascha, pars 4, par. 12, in : ANTONIUS PATAVINUS, Sermones dominicales et mariani, Padova, 1979, t. 1, p. 298.3
- Summa theologiae, III q. 67, a. 7 ad 2 : « Ad facilem partum […] requiritur obstetrix".
- Marie-Odile Mergnac, Claire Lanaspre, Baptiste Bertrand et Max Déjean, Matrone, sage-femme, consulté le 7 novembre 2008
- Kurt Polycarp, Joachim Sprengel, Antoine-Jacques-Louis Jourdan, Eduardus Franciscus Maria Bosquillon, Histoire de la médecine depuis son origine jusqu'au XIXe siècle, Volume 7, (OCLC 14834719, lire en ligne)
Voir aussi
Bibliographie
- Désiré-Joseph Joulin Traité complet d'accouchements, Paris, 1867, ed. F. Savy, 1240 p. lire en ligne sur Gallica
- Coulon-Arpin (Madeleine), La maternité et les sages-femmes, de la Préhistoire au XXe siècle, Paris, R. Dacosta, 1981.
- Gélis (Jacques), L'Arbre et le fruit, Paris, Fayard, 1984.
- Gélis (Jacques), La sage-femme ou le médecin, Paris, Fayard, 1988.
- Beauvalet-Boutouyrie (Scarlett), Naître à l'hôpital au XIXe siècle, Paris, Belin, 1999.
- Seguy (Bernard), « L'Office des accouchées de l'Hôtel-Dieu de Paris », Les Dossiers de l'Obstétrique, no 395, , Paris
Articles connexes
- Histoire de la césarienne
- Histoire de l'hystérectomie
- Angélique du Coudray, première femme professeure sage-femme (XVIIIe siècle en France). Voir son brevet sur le site des Archives départementales d'Indre-et-Loire
- Adolphe Pinard (1844-1934), obstétricien et père de la puériculture
- Médicalisation
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