Histoire de Gil Blas de Santillane

L’Histoire de Gil Blas de Santillane est un roman d'inspiration picaresque de l'écrivain français Alain-René Lesage. La publication commença en 1715 avec la sortie des livres I à VI. Puis elle se poursuivit en 1724 et se termina en 1735. Ce roman est composé de douze livres qui sont subdivisés en chapitres. L'inspiration antique marque l'oeuvre jusqu'à son découpage en douze livres qui rappelle les douze chants de l'Enéide. Lesage joue avec les références antiques et picaresques qu'il détourne. L'Histoire de Gil Blas de Santillane n'est pas un roman picaresque puisque le personnage éponyme monte au fur et à mesure l'échelle sociale contrairement au picaro. Le picaro souhaite atteindre la richesse et la noblesse vainement tandis que Gil Blas devient riche et il obtient ses lettres de noblesse. La dimension religieuse est présente dans l'oeuvre puisque Ambroise de Lamela et don Raphaël, deux brigands ayant joué des tours à Samuel Simon et ayant volé l'argent d'un couvent, seront punis par l'Inquisition sous les yeux de Gil Blas en XII, 1.

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Gil Blas de Santillane

Les deux écoliers de Salamanque.

Auteur Lesage
Pays Royaume de France
Genre Roman picaresque
Éditeur Pierre Ribou
Lieu de parution Paris
Date de parution 1715-1735

L'histoire

L’Histoire de Gil Blas de Santillane narre, à la première personne, la vie de Gil Blas de Santillane. Ce personnage né d’un écuyer et d’une femme de chambre quitte Oviedo à l’âge de dix-sept ans pour se rendre à l’Université de Salamanque, après avoir été éduqué par son oncle chanoine Gil Perez (en I,1). Gil Blas aspire à devenir précepteur. Son avenir étudiant est rapidement bouleversé lorsque, à peine en route, le hasard le donne pour compagnon et pour complice malgré lui à des "brigands" de grand chemin (en I, 4) et lui fait faire la connaissance désagréable de la justice. La nécessité et l'incitation de son ami Fabrice Nunez le fait devenir valet, puis les vicissitudes de la vie le promènent par tous les degrés de la domesticité et le mettent à même d’observer de près toutes les classes de la société, dans l’État et dans l’Église. Il est mêlé à des fripons de tout étage et, par contagion de l’exemple plus que par nature, il pratique lui-même la friponnerie (au livre VI). Gil Blas va découvrir les professions notamment celle de médecin auprès du docteur Sangrado (II, 3), la condition des petits-maîtres auprès de Don Mathias de Silva (III, 4), la vie des comédiens avec Arsénie (III, 11 à IV, 1), la mondanité au côté d'une femme organisant son salon, la marquise de Chaves (IV, 7). Puis Gil Blas va servir l'archevêque de Grenade en VII, 3 et il va se mettre au service du duc de Lerme en tant que secrétaire en VIII, 2. Gil Blas va monter socialement jusqu'à avoir un domestique plus ou moins dévoué. Le premier est Ambroise de Lamela décrit p.104 comme "un garçon de trente ans , qui avait l'air simple et dévot." Ce laquais vole les 1 000 ducats que Gil Blas a reçu de dona Mencia de la Mosquera (en I, 16) puis le second Scipion lui sera entièrement dévoué. Ce dernier ira jusqu'à s'emprisonner avec son maître dans la tour de Ségovie (en IX, 7). Gil Blas va découvrir l'amour. Tout d'abord auprès de la "soubrette" Laure qu'il rencontre en III, 5 et qui lui fait découvrir la jalousie lorsqu'elle discute "familièrement" avec des comédiens. Puis Gil Blas va rencontrer Antonia, une jeune paysanne dont il tombera amoureux en X, 8. Il l'épousera et elle lui donnera un fils Alphonse en X, 9. Cependant, son fils et son épouse trépassent. Enfin, Gil Blas est séduit par Dorothée une noble désargentée qu'il épousera sans dot et qui lui donnera deux enfants (au dernier chapitre du dernier livre de l'oeuvre en XII, 14)[1]. Ces découvertes successives de différents milieux sociaux permettent à l'auteur de dresser des portraits corrosifs.

Réception

La filiation de Gil Blas avec Turcaret, la pièce à succès de 1709, est évidente : Lesage donne, une fois de plus, en spectacle non seulement des valets fripons servant des maîtres voleurs, des femmes de mœurs légères, des maris trompés et contents, mais aussi les pédants gourmés, les poètes ridicules, les faux savants, les médecins ignorants qui commettent des homicides, Chaque classe, chaque profession se résume à des types et chacun de ces types se peint lui-même dans l’action. Le choix des traits est inspiré par un goût parfait et ils sont mis en œuvre avec autant de sobriété que de finesse. Un caractère du récit de Gil Blas est l’accent de vérité qui y règne d’un bout à l’autre. Quelque invraisemblables que soient ses aventures, le héros en parle, non comme d’une fiction, mais comme d’une réalité dont il a joui ou souffert. Il a vécu avec tous ces personnages et fait vivre le lecteur avec eux. Ils ont beau être de leur pays, de leur temps, ils ont, pour toutes les nations, une vie immortelle.

Cette œuvre, à la fois si universelle et si française dans son cadre espagnol, ne fut pas adoptée sans conteste comme une production originale. Lesage avait fait trop d’emprunts jusque-là à l’Espagne pour ne pas être soupçonné d’avoir pris Gil Blas à la même source. Voltaire fut l’un des premiers à l’accuser de plagiat et à signaler comme modèle de Gil Blas un roman de l'écrivain espagnol Vicente Gomez Martinez-Espinel (1550-1624) intitulé "Vie et aventures de l'écuyer Marcos de Obregon", auquel Lesage avait fait, comme à tant d’autres romanciers espagnols, des emprunts de détail qui n’ont jamais diminué le caractère d’originalité d’une grande composition littéraire. La thèse de l’origine espagnole du Gil Blas fut plusieurs fois reprises par eux. Le Père Jose de Isla, en traduisant l’ouvrage de Lesage en espagnol, affirma le restituer à sa patrie et à sa langue. Faute de faits, l'inquisiteur et historien espagnol Juan Antonio Llorente (1756-1823) invoqua des preuves de sentiment en affirmant que Gil Blas devait être de l’historien espagnol Antonio de Solis y Ribadeneyra (1610-1686), par cette raison qu’à l’époque où il a paru, aucun autre écrivain n’eût été capable d’écrire un pareil ouvrage.

Nous eûmes le temps de nous donner quelques coups de poing.

Lesage a procédé dans le roman comme au théâtre, en préludant par des imitations ou des traductions à des œuvres de plus en plus personnelles. Il traduit la continuation de Don Quichotte, il remanie et agrandit Le Diable boiteux, comme il avait d’abord traduit et imité des pièces de Rojas et de Calderón puis, dans l’affermissement de son génie, il crée Gil Blas qui, par toutes ses qualités caractéristiques et malgré le « lieu » de la scène et la couleur locale, lui appartient en propre aussi bien que Turcaret. Ainsi derrière le docteur Sangrado[2] dont les principes médicaux se résument à la saignée et à la consommation d’eau chaude, c’est de la pratique de la médecine tout entière dont se moque Lesage. Derrière l’archevêque de Grenade qui exige la vérité sur ses écrits mais s’avère incapable de l’entendre, on reconnaît l’homme de lettres à la susceptibilité légendaire. Derrière le duc de Lerme, Premier ministre d’Espagne transparaît le cardinal Dubois ou Mazarin.

« En écrivant Gil Blas, en dotant son œuvre des qualités qui lui assuraient un succès étendu et persistant, Lesage était donc d’une part l’héritier de Mateo Alemán, de Cervantès, d’Espinel, de Quevedo, et à travers eux d’Apulée ; mais, d’autre part, il préservait la souplesse, j’oserai dire la « polyvalence » indispensable à une forme d’art que devaient illustrer le Balzac de la Comédie humaine, le Stendhal de la Chartreuse de Parme, le Thackeray de Vanity Fair, et Zola, et Tolstoï, et maints autres après eux[3]. »

D’où êtes-vous ?

Années de publications

  • Histoire de Gil Blas de Santillane, Livres I-VI (1715)
  • Histoire de Gil Blas de Santillane, Livres VII-IX (1724)
  • Histoire de Gil Blas de Santillane, Livres X-XII (1735)

Bibliographie

  • Eugène Baret, Mémoire sur l’originalité du Gil Blas de Le Sage, Paris, Imprimerie impériale, 1864.
  • Cécile Cavillac, « La Dialectique du service dans l’Histoire de Gil Blas de Santillane », Revue d’Histoire Littéraire de la France, juil-, no 89 (4), p. 643-60.
  • Cécile Cavillac, L’Espagne dans la trilogie picaresque de Lesage. Emprunts littéraires, empreinte culturelle, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, 2004. (ISBN 978-2-86781-334-4).
  • Charles Dédéyan, Lesage et Gil Blas, Paris, Société d’édition d’enseignement supérieur, 1965.
  • Béatrice Didier, D’une Gaîté ingénieuse : l’Histoire de Gil Blas roman de Lesage, Louvain ; Dudley, MA : Peeters, 2004. (ISBN 978-2-87723-775-8).
  • Charles Frédéric Franceson, Essai sur la question de l’originalité de Gil Blas ; ou, Nouvelles observations critiques sur ce roman, Leipsic, F. Fleischer, 1857.
  • Philippe Garnier, Retours et répétitions dans l’Histoire de Gil Blas de Santillane d’Alain-René Lesage, Paris, L’Harmattan, 2002. (ISBN 2-7475-3256-9).
  • Juan Antonio Llorente, Observations critiques sur le roman de Gil Blas de Santillane , Paris, Moreau, 1822.
  • Frédéric Mancier, Le Modèle aristocratique français et espagnol dans l’œuvre romanesque de Lesage : l’histoire de Gil Blas de Santillane, un cas exemplaire, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2001. (ISBN 88-8229-218-5).
  • Heinz Klüppelholz, La Technique des emprunts dans Gil Blas de Lesage, Frankfurt am Main ; Bern : Lang, 1981. (ISBN 3-8204-6885-4).
  • Hubert de Phalèse, Les Bons Contes et les bons mots de Gil Blas, Saint-Genouph, Nizet, 2002. (ISBN 2-7078-1271-4).
  • Jules Romains, « Lesage et le Roman Moderne », The French Review, vol. 21, n°. 2. Dec., 1947, p. 97-99.
  • Christine Silanes, Gil Blas de Santillane en Espagne. Les signes de l’adhésion espagnole à une espagnolade, Thèse de doctorat de l’Université de Paris IV: Paris-Sorbonne, 1998.
  • Jacques Wagner, Lectures du Gil Blas de Lesage, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal, 2003. (ISBN 2-84516-214-6).
    • Jacques Berchtold, « Le Bestiaire de Lesage : L’Exemple du Gil Blas et du Guzman d’Alfarache », p. 67-88.
    • Marc-André Bernier, « La Séduction dans l’Histoire de Gil Blas de Santillane », p. 163-76.
    • François Bessire, « Les Références à l’Antiquité et à la Bible dans le premier Gil Blas », p. 99-109.
    • Pierre Brunel, « L’Histoire de Gil Blas de Santillane : Ibérie contre Hibernie », p. 25-33.
    • Françoise Gevrey, « L’Histoire de Gil Blas de Santillane est-elle un roman d’aventures ? », p. 37-66.
    • Gérard Luciani, « Un Écho de Gil Blas à Venise au XVIIIe siècle », p. 191-202.
    • Alain Niderst, « Le Christianisme de Gil Blas », p. 133-41.
    • Jean-Noël Pascal, « Gil Blas, un roman de dramaturge : Thèmes, procédés, scénarios », p. 111-30.
    • Catherine Volpilhac-Auger, « Voyage au pays des noms : fonctions et modalités de la nomination dans Gil Blas de Santillane », p. 89-98.
  • Jacques Wagner, Lesage, écrivain (1695-1735), Amsterdam ; Atlanta, Rodopi, 1997. (ISBN 90-420-0196-8).

Sources

  • Saint-Marc Girardin, « Notice sur Le Sage », Histoire de Gil Blas de Santillane, Paris Charpentier, 1861, p. V-XX
  • Jean-François de La Harpe, Cours de littérature ancienne et moderne, Paris, F. Didot, 1840, p. 489-90
  • Jules Romains, « Lesage et le Roman Moderne », The French Review, vol. 21, n°. 2. Dec., 1947, p. 97-99
  • Gustave Vapereau, Dictionnaire universel des littératures, Paris, Hachette, 1876, p. 1235-7

Notes et références

  1. Lesage, Gil Blas de Santillane, folio classique, 1053 p., p. 1039 à 1053
  2. « Saignée » en espagnol.
  3. Jules Romains, « Lesage et le Roman moderne », The French Review, vol. 21, n°. 2. Dec., 1947, p. 97-99.

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