Hétérodoxie
Le terme « hétérodoxe » vient du grec ἕτερος héteros (autre) et δόξα dóxa (opinion). Au sens littéral, il signifie donc « qui pense d'une autre manière (que la manière habituelle, dominante) ».
C'est dans le domaine de la religion, en particulier par rapport au christianisme orthodoxe, que le mot « hétérodoxe » prend son sens. Mais lorsque le monde occidental se sécularise, il s'applique à différents domaines de la vie publique, en premier lieu l'économie.
Orthodoxie versus hétérodoxie
Il est difficile de définir les contours exacts d’une orthodoxie et d'une hétérodoxie. Ces termes sont en effet souvent utilisés de façon polémique. Les partisans d’une théorie dominante font de l'orthodoxie un argument d'autorité en soulignant qu’elle est soutenue par le plus grand nombre. Ses adversaires se revendiquent au contraire de l'hétérodoxie pour mettre en avant leur originalité et pour insinuer que les orthodoxes se positionnent par conformisme et non depuis une véritable réflexion critique.
Les médias tendent à confondre l'orthodoxie, qui suppose une doctrine, avec l'orthopraxie qui suppose une loi. On y accepte argent comptant la proclamation de certains groupes d'être orthodoxes dans des religions où la loi prévaut sur la doctrine et où la multiplicité des écoles interprétatives est la règle. À la différence des médias, les sociologues et historiens n'évaluent pas une religion à son orthodoxie mais à la dialectique que l'hétérodoxie met en œuvre quand elle s'oppose à elle.
Christianisme
On parle d'hétérodoxie à chaque crise dogmatique. Le cas se présente tout au long de l'histoire du christianisme. Ces moments critiques conduisent à la pratique de conciles métropolitains puis à la construction du Canon biblique.
Christianisme primitif
- IIe siècle Montanus → montanisme
- IIe siècle Marcion → marcionitisme
- IIIe siècle Valentin → valentinisme
- IIIe siècle Donat → donatisme
- IIIe siècle Mélèce → méletisme
- dès le début du IVe siècle, on constate la mutation du sens des conciles : une hétérodoxie devient une hérésie à partir du moment où se dresse une autorité (celle de l'empereur) capable de promouvoir et d'obtenir son éradication
- années 320 Arius → arianisme
- Ve siècle : nestorianisme
Christianisme médiéval
- entre le VIIe siècle et le XIIe siècle avec les Cathares, puis les Pauvres de Lyon (Vaudois),
- dans les courants théologiques minoritaires qui traversent la spiritualité propre à certains ordres monastiques comme les franciscains qui conduisent à des purges,
- au XIe siècle, lors du Grand Schisme entre les Églises d'Orient et d'Occident, celui-ci germant depuis le « brigandage d'Éphèse » et rebondissant avec le rejet du canon 28 du Concile de Chalcédoine qui confiait la primauté au patriarche de Constantinople sur le métropolite romain, pour conduire à la scission à l'occasion de la Querelle du Filioque en 1054.
Christianisme moderne
- le contexte de la Réforme du XVIe siècle et de l'opposition entre catholicisme et protestantisme où chaque branche définit de nouvelles orthodoxies,
- au tournant des XIXe siècle et XXe siècle avec la crise moderniste.
Économie
Le monde s'étant peu à peu sécularisé à partir de la Renaissance, l'économie joue un rôle majeur dans les sociétés modernes, principalement depuis les théories d'Adam Smith. L'idée qu'il existerait a priori une bonne façon de gouverner contribue alors à développer une orthodoxie dans le champ des sciences économiques, ce qui ne tarde pas à provoquer, par compensation, une hétérodoxie.
Bibliographie
Christianisme
- Pierre de Meuse, Histoire des hérésies, Trajectoire, 2010
- François-André-Adrien Pluquet, Dictionnaire des hérésies, des erreurs et des schismes, Hachette, 2014
Économie
- Collectif, À quoi servent les économistes s'ils disent tous la même chose ?, Les liens qui libèrent, 2015